Un auteur au lycée : Sylvain Prudhomme

Nous avons découvert deux œuvres de Sylvain Prudhomme, un auteur français connu pour avoir remporté le prix Fémina en 2019 pour son livre Par les routes, que la classe de 2ndes10 a étudié, tout comme un autre de ses romans intitulé Là, avait dit Bahi. Les élèves et M. Reinig, professeur de Français, ainsi que plus tard dans la matinée, les 2ndes12, avec Mme Selvacannou et Mme Delacroix, ont eu la chance de le rencontrer au CDI le vendredi 26 Mars 2021 afin d’en savoir plus sur lui-même et sur ses œuvres. L’auteur a répondu en toute franchise aux multiples questions posées par les élèves.

© June – 26/03/2021. Sylvain Prudhomme au lycée avec les 2nde10.

M. Reinig : Est-ce que, pour vous, écrire est un travail ?

Sylvain Prudhomme : « C’est sûr, c’est un travail, moi je relie beaucoup l’écriture au plaisir, je trouve que c’est bon signe quand j’avance dans l’écriture d’un livre, avec un sentiment d’être surpris par ce que je suis en train d’écrire. Pour moi c’est très important d’avoir le désir d’y retourner. Je m’inquiète un peu quand je commence, non pas de m’ennuyer mais de me rasseoir, de ne pas avoir envie, ça veut dire pour moi que je suis un peu en train de m’éloigner du cœur de ce qui me fait écrire le livre. En fait, je trouve que oui c’est un travail car c’est beaucoup d’heures dans la journée et c’est beaucoup de temps passé pour écrire un livre. Après il y a des livres que j’ai mis 2-3 ans à écrire, c’est du travail mais est-ce que c’est un métier ? Moi, je trouve que pendant très longtemps cela ne l’était pas car je n’en vivais pas au début, donc j’écrivais à côté du boulot que je faisais pour vivre. En principe, j’aurais du être professeur de lettres moi aussi. J’ai pris ce qu’on appelle une disponibilité d’un an, pour écrire et pouvoir avoir plus de temps. En parallèle j’ai fait plein de petits boulots, puis j’ai pris une deuxième puis une troisième année de disponibilité. Maintenant ça fait 10 ans. Petit à petit j’ai réussi de plus en plus à vivre de l’écriture et maintenant depuis que j’ai écrit Les grands qui a eu plus de lecteurs, j’arrive à en vivre et c’est vraiment mon métier. Quand je dis que cela me fait vivre, ce n’est pas seulement grâce aux ventes de livres, c’est aussi grâce à ce que l’on fait à côté, des lectures dans des festivals et dans des théâtres ou encore dans des résidences d’artiste. J’écris aussi parfois pour des journaux et l’addition de tout cela me permet depuis quelques années de vivre de mon écriture. »

Inès : Avez-vous déjà été un écrivain prête-plume ?

Sylvain Prudhomme : « Oui, j’ai failli l’être une fois. C’était l’histoire d’un capitaine de bateau qui avait fait parler de lui dans beaucoup de médias car il avait arrêté son travail pour prêter assistance à des bateaux de migrants qui étaient en détresse. Il avait passé tout un été à bord de son chalutier à recueillir des gens et à leur porter assistance. Puis après les avoir déposés en Europe qui a montré un geste de fraternité, tous les médias en avaient parlé et donc plusieurs auteurs et éditeurs lui avaient proposé d’écrire son histoire. Je devais aller en Bretagne et avais accepté de raconter son histoire car je la trouvais belle et j’en avais envie. C’était un moment où j’avais besoin de le faire aussi pour l’argent et je me sentais en accord éthique avec cet homme. Je me suis rendu sur les lieux mais en même temps un autre éditeur avait doublé le premier qui avait proposé d’écrire son histoire. Dans ce genre d’affaires, généralement la personne concernée reçoit beaucoup d’appels d’éditeur. Depuis, je n’ai pas eu d’autres propositions de ce genre. »

Lucie: Est-ce que vous avez déjà rencontré d’autres écrivains ?

S. P.: « Oui, beaucoup notamment dans des festivals de littérature, rien qu’aux mois de mai et de juin si tout se déroule bien avec la pandémie, il y a « la Comédie du Livre » à Montpellier, « Etonnants voyageurs » à St-Malo ou encore « O, les beaux jours !» à Marseille. Ce sont tous des festivals de littérature dans lesquels je devrais aller et où à chaque fois il y a de nombreux auteurs qui sont invités. A force, on se connaît les uns les autres. Je pense que c’est chouette de rencontrer des personnes qui ont les mêmes difficultés, les mêmes doutes parfois et puis les mêmes bonnes nouvelles, ce sont des vies qui se ressemblent un peu et il faut savoir les partager. »

Camille: Avez-vous des œuvres non publiée?

S.P. : « Comme tout écrivain, j’ai des œuvres qui ne sont pas publiées car soit ce sont des premiers textes qui datent de mes débuts, ou bien des plus récents. Par exemple je voulais sortir un livre qui s’intitule Messi et les miracles car j’adore Lionel Messi, la façon dont il joue, sa technicité etc. Mais mon éditeur m’a dit qu’il était préférable pour moi de ne pas le publier car cela ne me représentait pas, il voulait que je reste moi-même dans mes livres.

© June – 26/03/2021. Sylvain Prudhomme au lycée Jean Vilar.

Là, avait dit Bahi :

Quel est votre livre préféré parmi vos œuvres ?

S.P. : « Mon livre préféré parmi ceux que j’ai écrit est Là, avait dit Bahi. Le livre n’est pas forcement facile au premier abord, quand on l’attaque. Parmi ce j’ai fait, c’est celui auquel je suis le plus attaché car ce livre parle de mon grand-père et de sa vie en Algérie. C’est rare que des classes travaillent dessus car il est paru il y a plusieurs années, et je n’avais pas beaucoup de lecteurs à ce moment là. Il n’est donc pas très connu. Sur ce livre j’ai travaillé dix heures par jour sans m’arrêter et il est venu d’un seul trait. Il a été publié comme il a été écrit. »

Par les routes :

Hinaa : Pourquoi ne pas avoir mis de prénom au personnage de l’auto-stoppeur ?

S. P. : « Pour avoir un côté mystérieux, car si l’on attribue un prénom directement, on va l’associer à une classe sociale ou à une mode. Le prénom renvoie à une personne, à une étiquette et quand on va prononcer son prénom, on va mettre un visage dessus alors que « l’auto-stoppeur », c’est mystérieux. Cela laisse libre choix au lecteur de choisir son nom ou bien de ne pas le juger à son nom. Le choix de ne pas mettre de nom est fait exprès. »

Hinaa : Quel est le rapport entre Sacha et l’auto-stoppeur ?

S. P. : « Sacha et l’auto-stoppeur sont les deux personnages dans lesquels une partie de nous se retrouve : la première partie est Sacha, qui veut se poser, construire une famille alors que l’auto-stoppeur, lui, veut s’évader, profiter de la vie, partir à l’aventure, il vit la vie au jour le jour. Les deux personnages sont les deux faces qu’il y a en chacun de nous. »

Lucas : A quelle ville fait référence V. ?

S. P. : « V, comme Arles, ça ne marche pas du tout, je sais, mais j’habite Arles et je ne voulais pas nommer la ville car elle apparaît déjà dans un livre intitulé Légende. L’histoire s’y passe à Arles. Dans ce roman je raconte ce qu’on pouvait percevoir de la ville dans les années 80 et puis dans la ville d’aujourd’hui. A chaque fois il y a une sorte de responsabilité quand on décide de nommer un lieu. En fait, cela a plusieurs effets : ceux qui connaissent la ville vont faire attention à la façon dont on la représente, se demander ce qu’on a montré de la ville. J’ai une responsabilité artistique, esthétique et même politique. C’est mon regard sur ce lieu qui est en jeu, donc si c’est la ville où j’habite, j’ai envie d’être un peu plus personnel, un peu singulier, je n’ai pas envie de montrer la ville d’Arles des cartes postales. Et puis il y a ceux qui ne connaissent pas la ville, ça les exclut un peu. C’est comme le prénom pour l’auto-stoppeur en fait, cela situe et enferme un peu aussi. »

Inès : Avez-vous déjà pensé à adapter « Par les routes » au cinéma ?

Sylvain Prudhomme : « Oui, j’y ai déjà pensé. Une réalisatrice a négocié avec moi et l’éditeur les droits d’auteur, c’est Lisa Diaz. Elle a déjà sorti un film de 50 minutes intitulé Eva voudrait qui est passé à la télévision et qui m’a fait énormément penser à Par les routes. C’est l’histoire d’une jeune femme qui décide de partir par les routes comme le personnage de mon livre. J’aime beaucoup cette réalisatrice.

Inès

Les romans de Sylvain Prudhomme sont disponibles au CDI : cote R PRU

Là, avait dit Bahi, coll. L’Arbalète, Gallimard, 2012 

Les Grands, coll. L’Arbalète, Gallimard, 2014

Légende, coll. L’Arbalète, Gallimard, 2016

Par les routes, coll. L’Arbalète, Gallimard, 2019

Les orages, coll. L’Arbalète, Gallimard, 2021 (recueil de nouvelles) – N PRU.