Lettre à Maram Al-Masri

Chère Maram Al-Masri,

Je voulais vous remercier d’être venue et d’avoir pu échanger avec nous. Cette rencontre était déjà prévue l’année passée mais à cause de la crise sanitaire liée au Covid, elle n’a malheureusement pas pu se tenir.

Pour être franc, avant de lire votre poésie, je pensais que ce genre littéraire était réservé aux hommes et qu’il n’existait pas de poétesse. J’ai même découvert le terme « poétesse » car je m’étais habitué à parler uniquement de « poète ». La poésie était un genre démodé et selon moi, qui était « mort ». Quand on parlait des poètes en général, je pensais uniquement à des hommes tels que Baudelaire ou encore Ronsard. Aujourd’hui, je pense aussi à vous. Le premier recueil de poèmes que j’ai aimé était Le Rapt. Je l’avais étudié en classe de seconde avec ma professeure de français. Ce livre m’a particulièrement touché et est très puissant. J’ai pleuré en le lisant et au fil des lignes, j’ai ressenti la douleur d’une mère aimant son enfant. Votre écriture est magnifique. Elle est indescriptible. Quand j’ai remarqué que nous allions travailler un de vos livres cette année, j’ai été très heureux. Cette joie s’est confirmée à la lecture de La Robe froissée. J’ai aimé ce recueil de poèmes et tout particulièrement le poème numéro onze. Celui-ci évoque la guerre et m’a touché. Mon grand-père était un soldat magrébin qui a combattu dans le Nord de la France. Lorsque j’ai lu ce poème, j’ai été très ému car c’est un hommage à tous les soldats qui ont vécu ou qui ont même perdu la vie au cours de ces batailles.

Votre écriture n’est pas banale. Vos mots, vos phrases ont beaucoup d’importance. Chacun d’entre eux transmet un sentiment, une émotion précise. Le Rapt en est l’exemple même. Vous écrivez pour nous faire prendre conscience de l’effondrement d’une mère sans son fils, véritable pilier de la femme. Lors de la rencontre, je vous avais posé une question qui portait sur le rôle de la femme et de la poétesse dans la société. Vous aviez dit une phrase qui m’a touché : « La femme, c’est l’avenir ! ». Je l’avais relevée car c’est une magnifique vision des choses. Votre engagement contre les violences faites aux femmes est remarquable et cela vous tient à cœur. La place de la femme dans votre pays d’origine, la Syrie, est très faible et vous incarnez, grâce à la poésie, la modernité. Cette modernité n’est pas appréciée par tous et je voulais saluer le courage dont vous faites preuve. Vos livres sont les preuves de votre combat : un combat pour l’amour, un combat pour la femme. Cet engagement est le plus juste et surtout le plus beau. La poésie transmet cette beauté par les poèmes. Vous avez traversé de nombreuses étapes difficiles mais grâce à votre courage, vous avez su les surmonter. Je suis admiratif de la femme que vous êtes.

Vous êtes la première auteure que j’ai rencontrée. Je n’oublierai jamais cet échange qui était très beau. Vous transmettez une grande émotion. Votre récit tragique est pour autant magnifique. C’est un honneur d’avoir pu vous rencontrer et d’avoir échangé quelques mots avec vous. Je ne vois plus la poésie de la même façon. Votre écriture fait naître une réflexion personnelle et donne un autre sens à la vie. Elle permet de rappeler le bonheur qui est, pour certains, présent mais qu’on oublie parfois.

Votre modernité fait de vous l’avenir, madame. Merci d’être cette femme qui fait avancer les choses.

E.

Les recueils de poésie de Maram Al-Masri sont disponibles au CDI (cote : P ALM) : Le Rapt ; La robe froissée ; Cerise rouge sur carrelage blanc ; Métropoèmes ; Elle va nue, la liberté ; Par la fontaine de ma bouche ; Les âmes aux pieds nus.