Le Rapt, une poésie de la déchirure

Maram Al Masri naît en 1962 à Lattaquié, sur le littoral Syrien où elle grandit. Elle étudie à Damas et en Angleterre avant de revenir en Syrie où elle met au monde son fils qui sera enlevé plus tard par son père. Cet évènement est pour elle « l’essence même » de son recueil de poèmes Le Rapt. Elle commence à écrire à 20 ans et part s’installer à Paris où elle continue d’écrire ses poèmes et a deux enfants : Guillaume et Mathieu. Elle est une autrice engagée qui dénonce l’oppression et c’est pour cela qu’elle ne peut plus retourner dans son pays d’origine pour voir sa famille ; le régime Al-Assad le lui interdit, elle est fichée sur liste noire. Elle écrit des recueils célèbres au Moyen-Orient qui sont Le Rapt, La Robe Froissée et bien d’autres.

Originellement, le recueil de poèmes est écrit en Français. Il est ensuite traduit en arabe par Maram Al Masri elle-même, qui juge meilleure l’auto-traduction que la traduction car « parfois le traducteur ne saisit pas bien ce que veut dire l’auteur ». Le texte raconte le traumatisme qu’est la perte de son enfant et est divisé en quatre parties temporelles : la gestation, la naissance, l’enlèvement et la tristesse ressentie par Maram Al Masri.

Ce poème est tout d’abord émouvant car il raconte les différents sentiments successifs qu’éprouve Maram Al Masri durant la courte période où elle a appris à connaître son fils. La joie et l’impatience sont présentes quand elle sent la vie grandir en elle, comme cela est illustré au premier poème, à la page 15 : « Neuf mois et la vie pousse dans les entrailles comme un poème pousse dans l’imagination […] » et l’attente tricote l’espoir et le rêve […] neuf mois pour qu’une vie commence. » La joie est évoquée pendant le moment durant lequel l’autrice apprend à connaître son fils, « Danse, danse mon fils car tu es né pour apprendre aux oiseaux à voler […] » (poème 9 page 33). Jusqu’au moment où son père le kidnappe, comme on peut le constater au poème 11 page 37 : « […] ton père m’as dit qu’il allait t’emmener pour un court voyage dans une ville près de la mer […] la poussette de mon petit n’est pas revenue ». Après le rapt, Maram Al Masri décrit sa souffrance continuelle et quotidienne et l’attente du retour de son fils « Chaque matin, je me réveille en souhaitant préparer ton repas […] »

Ce recueil est enfin un moyen de faire passer des messages. En effet, il dénonce la violence du monde actuel au poème 38 de la page 95 et la difficulté pour un immigrant de s’implanter dans une société : « […] immigré tu seras toujours dans le viseur du doute […] » Il donne aussi une définition de l’amour au poème 39 page 97 : « Aimer, c’est donner à l’autre la possibilité de se passer de toi, aimer c’est se préparer à l’abandon. »

Pour conclure, Le Rapt est original car il est écrit en vers libres (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de ponctuation, les rimes sont irrégulières) et diffère donc des poèmes classiques. Nous avons rencontré Maram Al Masri et cette rencontre a été très constructive : elle nous a aidé à mieux comprendre ses poèmes. Elle a décrit son déchirement intérieur suite à la disparition de son fils et nous a expliqué qu’elle voulait écrire pour partager son histoire.

La poésie lui sert à se libérer, c’est pour elle un exutoire. Nous avons donc terminé en lisant ses poèmes avec elle.  Car si Maram Al Masri a retrouvé son fils, 32 ans plus tard, celui-ci n’est hélas pas parvenu à s’attacher à sa mère…

Maxence

NB : Afin de rédiger cet article, nous nous sommes servis d’une lecture analytique de l’œuvre et d’une rencontre avec l’autrice.