« Mais qu’allaient-ils faire dans cette galère ? »

galère

Au début de ma carrière, il m’a fallu faire un choix : travailler en rangs d’ognons (oignons pour les plus anciens) ou en petits îlots tout ronds (carrés plutôt). J’ai opté pour l’îlot, pour l’entraide, la solidarité, l’interaction. C’est une valeur importante à transmettre, en ces temps troublés. Décourager l’individualisme, favoriser la cohésion d’un groupe est un enjeu quotidien, une compétence à développer au jour le jour avec nos élèves. Nos collégiens surtout, qui entrent dans un âge où ils sont tiraillés entre l’appartenance au groupe et la recherche d’une identité qui leur est propre.

Au début de ma carrière (l’année de ma titularisation), il a fallu faire un autre choix, très important aussi : postuler pour un établissement. J’en avais déjà testé deux (T.Z.R. oblige).

Le premier offrait de nombreux avantages. Il était proche de mon domicile, j’avais déjà bien accroché avec les élèves, je pouvais profiter d’un parking privatif, d’une machine à café multifonctions et d’une grande salle polyvalente équipée d’une scène… Cependant, j’errais souvent, tel un fantôme, entre midi et quatorze heures ainsi qu’aux récrés. En salle des professeurs, jamais personne ! On ne faisait que croiser des têtes plus ou moins connues, même au mois de janvier.

Le second n’avait pas que des qualités. Il me faisait m’éloigner nettement de mon domicile. C’était un bâtiment un peu vieux, aux salles mal insonorisées qui sentaient la craie et la poussière. La salle polyvalente était à peine plus grande qu’une salle de classe, et pas mieux équipée. Mais, dans cette froideur des murs, une chaleur émanait. En salle des profs, ça riait, ça blaguait, ça communiquait, ça taclait.

Devinez lequel j’ai choisi, en définitive… Et si vous n’y arrivez pas, relisez le premier paragraphe ;).

Depuis trois ans, j’enseigne donc dans un établissement qui respire la chaleur humaine, l’entraide et l’amitié. Comme mes élèves, je viens surtout faire la classe pour retrouver mes collègues, bienveillants, attentifs, et qui deviennent petit à petit mes amis. Je ne suis pas un cas isolé ! Les anciens, les itinérants, les titulaires : tous aiment revenir au collège pour déjeuner, papoter, raconter leurs meilleures blagues. La solidarité fait de cet établissement un endroit où il fait bon vivre, et j’aime y vivre. Nous sommes tous sur le même bateau.

Quel bel exemple pour les élèves aussi. Quelle cohérence entre le dire et le faire. Nos élèves ont tendance à penser que nous sommes des « machines », profs le jour, rangés dans nos boîtes la nuit. Ils sont persuadés, souvent, que nous ne nous parlons pas. Alors, quand ils s’aperçoivent que nous sommes en lien, au collège comme en dehors, cela change leur vision des choses et peut-être, favorise leur sentiment d’appartenance.

Mais aujourd’hui, j’observe, je constate que certains points nous divisent, même au sein de mon petit îlot paradisiaque. Alors, j’imagine que dans les établissements de France, ça gronde, ça se révolte, ça se tire dans les pattes. Cela m’attriste. Nous sommes tous dans la même galère (et nous ramons, oui, mais tous ensemble). Les réformes passent, nous restons. Et je souhaite que la chaleur humaine qui fait nos établissements perdure, au-delà des E.P.I., bien après les A.P. et les changements gouvernementaux. I have a dream… (euh, non, là je m’emporte…)

Et comment enseigner la solidarité si nous, adultes, ne savons pas la faire vivre entre nous ?

Je tenais, dans cette dernière chronique à adresser un message de sympathie à mes collègues qui m’apportent tant (presque autant que mes élèves). Mais aussi à tous les collègues qui voguent sur la vague de la solidarité, au-delà des appartenances syndicalistes, des choix ministériels, des matières et des calculs EPIesques. C’est dit.

Une chronique de Marine Vendrisse

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