Ils sont très grands!

Pour cette première brève pédagogique, j’avais besoin de poser des mots sur ma première rentrée au lycée. Cette mutation était liée à une volonté de changer de lieu de vie et non à un besoin d’évoluer professionnellement. J’aimais le collège, je ne dis pas qu’un jour, je n’y reviendrai pas et je pense que j’avais encore une marge de progression. Quand j’ai appris la nouvelle d’ailleurs, mes sentiments étaient partagés parce que justement j’avais le sentiment que je n’avais pas exploré toutes les possibilités que pouvaient m’offrir le collège.

Alors me voilà au lycée, professeure principale d’une classe de première avec des groupes de Première et de Terminale en tronc commun et un groupe en spécialité. Oui parce qu’avec la réforme du lycée, nous n’avons plus des classes mais des groupes avec des élèves qui ne se connaissent que très peu au final et du coup il n’y a pas forcément la dynamique d’une Classe justement. Tiens un premier changement !

Petit à petit, je pose mes marques, ils ne se rangent jamais et certains s’assoient dans la salle avant même que je n’arrive. Personnellement j’aime bien accueillir mes élèves, je ne suis pas attachée au rang quasi militaire mais j’aime ce moment où ils passent la porte un à un pour que je leur dise bonjour, or au lycée, vous pouvez ne jamais avoir ce moment, alors depuis 15 jours inlassablement je leur demande d’éteindre leur téléphone dans le couloir, je leur demande de se ranger parce que j’ai à cœur de dire bonjour à chacun de mes élèves personnellement.

Autre nouveauté, la moitié de mes élèves sont espagnols, je n’ai donc pas d’élève à l’aise à l’oral, le cours d’histoire géographie et encore plus d’EMC est difficile pour eux parce qu’ils n’ont pas tout le prérequis des cours du collège qui en font des élèves presque formatés, c’est un peu bête mais ils posent un regard presque exotique sur la révolution française ou les principes et valeurs républicains.

J’ai des élèves qui sont autonomes et qui travaillent à la maison pour une grande majorité d’entre eux. Ils prennent des notes, assument leur personnalité, leurs looks vestimentaires, leurs réflexions et leur façon de penser naissante,…. Je pourrai décliner mes découvertes sur mon public lycéen encore sur quelques lignes,…

Pourquoi passer un peu de temps sur ces anecdotes ? parce que cette rentrée avec des très grands n’est faite que de petits moments comme ça où il faut s’apprivoiser, apprendre à se connaître, s’adapter, accommoder avec les élèves mais aussi les collègues, les contraintes, le lieu… pour que dans quelques années, tout soit fluide, pour que je puisse d’ici quelques temps déployer tout mon art au sens artisan du terme, pédagogique.

Oui parce que dans le même temps, les problématiques comme les moments de miracles pédagogiques sont les mêmes qu’ailleurs. Comment leur donner confiance en eux ? Comment susciter de l’ambition ? Comment leur montrer qu’un ailleurs est possible pour apprécier d’autant plus le retour ici dans quelques années, voire décennies au bord de la mer. Comment gérer l’hétérogénéité ? Comment les faire progresser ? Comment différencier ? Comment harmoniser les pratiques pédagogiques ? Comment travailler en équipe ? Quels projets monter ? ….

Cette rentrée avec des très grands me permet effectivement de constater que nos élèves d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient, sont les adultes de demain, mais aussi les enfants d’aujourd’hui avec deux ans de vie masqués, un rapport aux autres chamboulé,…. et nous nous devons ou plutôt je me dois d’être à la hauteur de cette idée, je me dois de les accompagner pour qu’ils deviennent la meilleure version d’eux-mêmes. Ces pierres précieuses que l’on façonne nous les enseignants exigent un travail d’orfèvre, j’en suis plus que jamais convaincue.

Aude

Les Héritières

Aujourd’hui, petit retour sur notre séance ciné-pédagogique dédiée au film Les Héritières de Nolwen Lemesle, un film qui suit Sanou, élève brillante, qui a grandi dans le 93 et intègre le prestigieux lycée Henri-IV. En échange d’une bourse, elle devient la tutrice de Khady, une élève de son ancien collège. Au fil de l’année, les deux jeunes femmes affirment leurs choix. Ce film nous a bousculées, alors on vous en parle par ici !

Les Héritières, Nolwen Lemesle, 2021.

L’école de l’ambition

Tout d’abord, une question cruciale : pourquoi as-tu aimé ce film ? Pourquoi me l’avoir conseillé ?

J’ai aimé ce film parce qu’il parle de l’ambition si difficile à  faire naître chez les adolescents. Ils sont faits de telle manière qu’ils ont quand même beaucoup de mal à se projeter d’abord parce qu’ils ne connaissent finalement que peu de choses du fait de leur jeune âge puis que selon leur milieu social, les horizons sont tellement bouchés qu’ils ne peuvent pas se projeter dans quoi que ce soit. Je te l’ai conseillé parce que c’est aussi une histoire de femmes : je reste persuadé parce qu’on les éduque comme ça qu’elles ont plus d’ambition scolaire que les garçons et quand même temps cette ambition est étouffée par les familles. Il y a plus de femmes en médecines que d’hommes qui réussissent mais elles ne sont que très peu dans des spécialités longues de chirurgie, il y a plus de femmes que d’hommes dans l’éducation mais elles sont majoritaires dans l’enseignement élémentaire et au collège et beaucoup moins au lycée et encore moins à l’université. En outre, et  c’est d’ailleurs un véritable fléau dans les R.E.P : l’éducation genrée inconsciente qui fait qu’en gros les filles doivent être sages et scolaires, ne pas faire de vague, voire être transparentes, alors que ces messieurs peuvent et doivent exister par le paraître, la confrontation, le règne dans la cour de récréation

Des personnages habités !

 Contrairement à d’autres films sur l’école que nous avons aimés voir, ici ce sont des élèves qui sont mises en avant. Le binôme Kadhi et Sanou est un binôme subtil. Qu’en as-tu pensé ?

Il pose la question du tutorat, de la coopération, de l’entraide. Comment on l’enseigne, comment on le transmet ? Qui le fait, le professeur principal, le prof d’histoire-géographie-EMC ? Toute la communauté éducative? Ne doit-on pas envisager là aussi de réfléchir à une progression commune comme un programme de lettres, de maths ou d’histoire-géographie.  Au départ il est imposé par la CPE, il est d’ailleurs soumis à des conditions que ni l’une ni l’autre n’a intérêt à ce qu’il capote. Pour Sanou, il est synonyme d’argent indispensable à ses yeux pour être acceptée par son nouveau groupe classe. Le problème du sweat « cohésion de classe » à 30 euros qu’elle ne peut pas payer est déterminant pour comprendre l’intérêt du tutorat.  Il finit par fonctionner et encore là aussi la scène du petit frère oublié par Kadhi montre la difficulté des adolescents à s’entourer « des bonnes personnes » aux yeux des adultes et la difficulté de la mise en place du tutorat parce qu’il est encore dans nos écoles, dans notre société encore trop ponctuel, c’est un mode de transmission qui être très peut utilisé même si il est très noble à mes yeux. d’ailleurs quand tu commences ta carrière d’enseignants tu as un tuteur, à mon sens on devrait en avoir un pendant plusieurs années et surtout quand on a en besoin, quand on change d’établissement par exemple, d’entreprise, de travail, et à tous les âges de la vie, même pour le départ à la retraite.

Des valeurs, une famille sans long discours, où chacun.e a une place prédéfinie : les incursions dans l’appartement de la famille de Sanou renforce le discours donné sur l’école et montre à quel point les valeurs promues par un pays ne sont pas forcément en adéquation avec les valeurs de tous ses citoyens, toutes ses citoyennes. Qu’en as-tu pensé ?

C’est tout le problème de notre projet de société en France, une nation française qui se rassemble autour de valeurs parfois si peu vécues dans les familles, je pense surtout à l’égalité filles-garçons, et l’école a un grand rôle à jouer là dedans en faisant entrer aussi les parents dans l’école, en éduquant constamment l’ensemble de la société. L’actualité nous le montre encore récemment sur la question de la vaccination et la liberté. Les valeurs sont mal comprises mais parce que là aussi on ne se donne sans doute pas les moyens de bien faire le lien entre notre projet de société et ses valeurs et les choix qu’un gouvernement fait. Les familles sont représentatives des familles en difficulté : elles sont rattrapées par leur culture par exemple. La maman de Sanou a un rôle important, elles veut que ses filles s’en sortent, elles est très pointilleuses sur l’usage de la langue française dans les conversations familiales et dans le même temps pour le papa, aux yeux des autres familles ce qui est important c’est d’aller chercher son petit frère au foot le vendredi soir. Néanmoins dans la famille de Sanou il y a malgré tout une famille très unie, très solidaire. Les nouveaux camarades de Sanou ne sont jamais vus dans leur famille, excepté la scène de la fête où d’ailleurs les parents sont absents.Souvent aussi de nombreuses familles n’ont pas connaissance de toutes les aides dont elles pourraient bénéficier, à un moment c’est en pointillé mais on comprend que la famille de Kadhi bénéficie d’un HLM depuis peu de temps, Kadhi dit ne pas aimer ce logement parce qu’il lui rappelle l’absence de son père. Là aussi tout est question de moyens, de communication, d’accompagnement, il faut accompagner les Françaises et les Français dans ses démarches, et dans le même temps quand ils n’en ont plus besoin, les accompagner pour passer à une situation moins dépendantes des aides sociales mais encore faut-il se donner les moyens de cet accompagnement. Ma sœur et ma belle-sœur travaillent dans le social et se plaignent que chaque année, le nombre de familles qu’elles suivent augmentent sans moyens supplémentaires.

La seule adulte représentative du système scolaire c’est la CPE, Mme Lebel. Elle semble jouer un rôle déterminant dans l’orientation des élèves, un rôle dont je n’ai jamais été témoin. Qu’en as-tu pensé ? Est-ce crédible ?

Les CPE ont souvent un point de vue différent, ils, elles ciblent bien souvent les personnalités des élèves les plus pénibles bien plus rapidement et avec beaucoup plus de nuances que nous. Disons qu’en entretien individuel avec l’enfant puis la famille, elles saisissent la partie immergée de l’iceberg. Ils, elles ont aussi la place que le chef d’établissement leur donne, certaines ont presque un rôle d’adjoint et elles accompagnent beaucoup l’orientation, dans certains établissements, elles ne font que de la discipline mais je pense que leur métier change. Ils, elles sont les acteurs et les actrices pour moi justement de tout ce qui est nécessaire dans un projet éducatif du XXIème en tant que création d’un lien entre les familles et les profs, la mise en place de la coopération, l’éducation au compétences socio-émotionnelles. Lors du conseil de classe, en arrière plan il y a des billets de gratitude sur la fenêtre de son bureau, les élèves semblent avoir remercié des profs, d’autres élèves … Je trouve que c’est une bonne initiative.

Sanou, Kadhi, Mme Lebel, les sœurs et la mère de Sanou  : les femmes sont à l’honneur dans ce film. Est-ce que pour toi cela a un rapport avec le titre ? Comment as-tu compris ce titre ? De quoi les protagonistes sont-elles les héritières d’après toi ?

Les femmes sont avant tout les héritières d’un système sociétal patriarcal. Elles ont inconsciemment acquis chacune de leur place et même si elles ont toutes consciences qu’elles doivent se plier à la volonté du chef de famille, elles ont aussi parfaitement compris et essaient de saisir les droits qu’elles ont. Mme Lebel incarne l’idéal vers lequel on devrait aller. Le fil témoigne aussi d’une solidarité féminine, une sororité et pour illustrer cette notion, j’aime beaucoup l’amitié naissante de Sanou avec sa camarade de classe d’Henri IV. Avec beaucoup de subtilité, elle lui apprend les codes

Une vision ambivalente du système scolaire français

 Une école à deux vitesses : n’est-ce pas le sujet de film ?

Malheureusement oui, nous ne le savons que trop bien. Je conseille d’ailleurs de regarder un reportage un peu ancien réalisé par arte qui suit des jeunes scolarisés au lycée Janson de Sailly de la seconde jusqu’à leur 26 ans. La pression, l’exigence n’est pas la même que dans aucun autre établissement. Je ne savais même pas que c’était possible mais à un moment donné tu comprends que les élèves font le programme de 1ère en seconde, et de terminale en première et des chapitres de prépa en terminale. Meilleure élève en Seine St Denis, elle n’arrive pas à raccrocher les wagons et aucune aide n’est apporté.

La scène de demande d’audience pour en rentrer en SI m’a semblé complètement surréaliste, improbable dans un lycée lamba : en avais-tu déjà entendu parler ?

Oui pour moi aussi cette scène n’est pas réaliste surtout même dans la continuité du film, le rôle des délégués de classe est quand même incarné par une histoire de sweat à slogan, ce qui laisse penser qu’il y a peu de place pour la parole des élèves et là on lui accorde un entretien. Après dans les pratiques actuelles, je trouverais ça normal qu’on écoute un.e élève qui veut expliquer ses résultats. On en a déjà parlé toutes les deux mais nous sommes pour des conseils de classes de 6 heures où chaque élève viendrait assister à son compte rendu;). Après avec la réforme du lycée, il n’y a plus de filière SI contingenté en principe, tous les lycées sont sensés proposer cette option comme toutes les autres, dans les faits c’est moins sur.

Une France à deux vitesses : n’est-ce pas aussi -et surtout- le sujet de ce film ?

Oui aussi et je dirai même à 3, 4, 5. Parce que les différents groupes sociaux s’ignorent, se méconnaissent. C’est l’une de mes plus grandes préoccupations actuellement, nous manquons incroyablement de cohésion, et d’ailleurs petit note d’humour, si on m’avait dit, quand j’ai commencé ma carrière, que je trouverais ça génial de travailler en partenariat avec l’armée (via le biais d’une classe défense et sécurité globale) pour travailler ce principe républicain plus que jamais indispensable à faire acquérir à mes élèves, je ne l’aurai pas cru 😉 alors que je suis profondément antimilitariste. Mais plus je lis et regarde cette institution, plus je me dis que c’est la seule encore un peu capable de proposer une chance pour tous et toutes de faire carrière et d’y progresser rapidement.

En temps que géographe, as-tu apprécié la manière de la réalisatrice de filmer Paris et sa banlieue, notamment le plan panoramique final depuis les bâtiments de la BNF  ?

Ce n’est pas à ça que j’ai accordé le plus d’importance, néanmoins dans ce film je trouve qu’on rentre dans les différents territoires par la grande échelle, la macro, la chambre universitaire, le CDI du collège et la bibliothèque d’Henri IV, les appartements du XVI et l’appartement de la famille de Sanou, les cages d’escaliers, le périph qu’on ne traverse pas. D’ailleurs quand je suis à Paris sur des lignes comme la 4 ou la 5, je suis toujours surprise de voir qu’il y a des lieux qu’on ne franchit pas : les Halles, St Michel… Ce sont des stations où le métro se vide d’une certaine catégorie de population et se remplit d’une autre, les gens se croisent sur 10 secondes sur un quai.

Pour finir, comme nous aimons faire des liens entre la manière dont nous enseignons et les films que nous voyons, pourquoi nos collèges et nos lycées publics (de REP notamment) ne pourraient-ils pas s’inspirer de ces parcours d’excellence qui mettent le travail au cœur de la scolarité ?

Ce film m’interroge notamment sur notre niveau d’exigence… Parce qu’aujourd’hui et là aussi, on l’a déjà évoqué dans « Ecrire pour exister », il y a aussi deux visions de l’enseignement. Celle encore basée sur un système méritocratique avec le plus on est bon et plus on accède aux filières d’excellence qui se caractérisent par les classes prépa et les grandes écoles dont certaines familles ignorent l’existence d’ailleurs, y compris d’excellents élèves (j’en ai deux dans mes proches;) et une vision de l’enseignement qui prône le bien être à l’école, la bienveillance. Mais trop souvent, y compris chez une majorité d’enseignant, la bienveillance ne rime pas avec exigence et c’est d’ailleurs faux. Les ouvrages de discipline positive expliquent bien qu’être bienveillant ce n’est pas baisser le niveau ou ajuster les notes ou les niveaux de compétences pour faire monter un taux de réussite, c’est évaluer le progrès plutôt que le niveau, c’est mettre en valeur les efforts plutôt qu’un trait de caractère, c’est donner des conseils plutôt que condamner. Dans le film, j’avais retenu la violence de l’appréciation d’un de ses professeurs de Prépa sur Sanou : « erreur de casting ». Le niveau d’exigence, on doit l’instaurer individuellement chacun dans sa pratique. Il faut inlassablement nous auto-former parce que l’institution ne nous propose rien surtout dans les bons établissements parce que l’ensemble de la société s’imagine qu’un bon lycée = des bons profs mais quand on sait comment ça marche, un bon lycée= un vieux prof;) motivé – ou pas d’ailleurs !

Des films à l’école, sur l’école, dans l’école !

Depuis plusieurs années, avec plusieurs collègues-amies, on s’est organisé régulièrement des séances de cinéma pédagogique. Parce que les films qui mettent l’école à l’honneur nous tiennent à cœur, nous voulions vous en présenter quelques uns en ce mois de septembre 2021. Voilà donc quelques idées de films qui ont retenu notre attention au fil des ans !

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Dans la vidéothèque de Colette

En 2018, sortait au cinéma, La Vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Pour la fan absolue de Grand corps malade que je suis, cette sortie était déjà un évènement. Mais quand une collègue m’a appris que toute l’équipe venait pour une avant-première dans un cinéma proche du collège où je travaille, alors là ce fut l’hystérie générale 🙂 Alors avec un certain nombre de mes collègues – nos C.P.E, des enseignant.e.s, notre chef, des A.E.D – on a été à l’avant-première ! J’avais même embarqué mes deux enfants, alors que je me doutais bien que certaines scènes ne seraient pas très adaptées à leur âge 🙂 Mais il n’y avait personne pour les garder alors ils en ont profité ! Tout ça pour vous dire que ce film a été un petit évènement dans ma vie de prof à tous les niveaux. Et aussitôt vu, aussitôt programmé dans mes projets de l’année suivante. Et le 10 Septembre 2019, nous avons amené 4 classes de 3e le voir au cinéma. S’en sont suivis de longs débats interprétatifs, mêlant analyse cinématographique et lecture de paysages. Un travail interdisciplinaire géographie-français qui depuis 2 ans rythme mon début d’année.
La Vie scolaire, Grand Corps Malade et Mehdi Idir, 2018.
Ah, oui, le speech ! Alors dans ce film on suit Samia Zibrat, une C.P.E qui vient de changer de région et qui arrive dans le collège des Francs-Moisins, à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, à la rentrée. On découvre au fil des plans, toute l’équipe pédagogique du collège, les assistants d’éducation, la principale, l’équipe enseignante. Personne n’est oublié, caractéristiques intéressante à souligner car les films sur l’école se borne souvent à l’équipe enseignante. Là, c’est ce qui se passe à la vie scolaire qui est mis en avant. Mais c’est aussi surtout ce qui se passe dans une classe de 3e, une classe de 3e comme on en connaît tant, sans option, sans projet, sans… horizon, que les réalisateurs filment. On va s’intéresser alors à un élève en particulier, Yanis. Un jeune qui n’a sa place nulle part et qui en a cruellement conscience. Le film dessine alors une série de scènes du quotidien en entrecroisant de manière poétique le parcours de Samia, CPE, et celui de Yanis, élève de 3e. Les deux personnages sont en quête d’eux mêmes. Et leurs quêtes se répondent. Et c’est ce que j’ai tant aimé dans ce film là : les adultes apprennent aux enfants, les enfants apprennent aux adultes. Bien plus qu’on ne le croit.

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En 2015 sortait au cinéma Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar. Toujours inspirée par ma work wife, j’ai regardé ce film pour préparer une sortie scolaire où nous avions eu l’immense surprise de rencontrer l’un des acteurs principaux du film, Ahmed Dramé. Rencontre improbable, généreuse, magique dans un cinéma d’une petite ville de Gironde.

Là encore, il est question de projet. Cette fois c’est la professeure d’histoire d’une classe de seconde peu travailleuse où de nombreuses tensions sont perceptibles, qui décide d’inscrire ses élèves au concours national de la résistance et de la déportation. Le sujet cette année là : « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». Un sujet qui déjà ne peut laisser le spectateur/la spectatrice indifférent.e. Anne Gueguen, la professeure d’histoire, grâce à sa confiance solide et exigeante en ses élèves, va les accompagner dans leurs recherches, les guidant lors d’une visite du Mémorial de la Shoah ou encore les préparant à la rencontre avec Léon Zyguel, rescapé des camps d’Auschwitz et de Buchenwald. Au fil du film, le groupe se crée, se soude, apprend à coopérer, apprend à chercher, apprend à trouver, à se faire confiance, à faire confiance à l’enseignante, à faire confiance à leur capacité de réussir. Sans parler des connaissances qu’ils accumulent sur cette année là, devenant des spécialistes d’un sujet particulièrement pointu.

Ce film là, en fait on l’a en commun ! Aude l’a découvert grâce à un élève qu’elle avait amené à la commémoration du 6 Juin 44 en présence des présidents américains et français. Au retour, une clé usb déposée sur le bureau, quelques mots : « je ne sais pas si vous connaissez mais il m’a fait penser à vous. » Merci Q….. à vie !

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Dans la vidéothèque d’Aude

D’abord il y a Le Cercle des poètes disparus avec Robin Williams et son innovation pédagogique. Il s’agit du professeur Keating qui est chargé d’enseigner la pédagogie dans un collège prestigieux du nord des Etats-Unis, il va abandonner le bon vieux manuel pour leur faire vivre la poésie, pour leur faire incarner les Lettres, pour vivre l’instant présent. Alors bien sur, ça finit mal mais il y a aussi des élèves qui s’affirment, qui développent leurs points de vue, leurs personnalité, qui vivent ! C’est un des premiers films que j’ai vu et qui m’a fait dire que je serais sans doute à ma place dans une classe. J’étais encore au collège !

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Il y a aussi ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier avec Philippe Torreton. Cet acteur de la comédie française joue le rôle d’un professeur de Maternelle aussi directeur d’école dans une ZEP dans le Nord de la France. Le film dépeint cette misère sociale que l’on perçoit dans les classes, à peine, et qui peut être si facilement dissimulé par les enfants eux mêmes, puis un jour un regard sur le cuir chevelu, une odeur désagréable, des sanglots, des cris et les valises de problèmes que nos élèves doivent porter, nous explosent à la figure, nous rappellent qu’on ne peut pas ne pas s’impliquer personnellement, qu’on ne peut pas juste enseigner. Ce film qui a maintenant 22 ans met aussi en évidence, l’absence de soutien de la part de la hiérarchie dans les écoles, la solidarité entre les enseignants et enfin l’importance de la pédagogie de projet, j’aime l’idée qu’ils ont de « cabosser la cour de récré de couleurs » pour la kermesse de fin d’année, c’est sans doute grâce à ce film que je n’ai jamais eu peur d’enseigner en R.E.P. J’avais 17 ans et je me souviens être sortie de la salle de ciné en me disant :  » c’est sûr, t’as fait le bon choix ». Quelques années plus tard, je me souviens d’A. en 6ème qui avait une écharpe autour du cou, je lui demandais régulièrement de l’enlever parce que je trouvais qu’il faisait très chaud et à chaque fois, il me répondait avec un grand sourire : « Mais non ça va Madame, je n’ai pas chaud, tout va bien ». Puis un matin A. il n’était plus en classe, il avait été récupéré par son père le soir tard parce que son beau père le maltraitait. Parfois, même 8 ans après je pense à lui et au fait que je n’ai rien vu …

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Et vous, des films à l’école, sur l’école, dans l’école à nous conseiller ?

Ecrire pour exister- Côté pédagogie.

Pour compléter la chronique publiée hier, aujourd’hui Aude et moi vous livrons le fruit de nos réflexions pédagogiques liées au visionnage du film Ecrire pour exister.
Freedom Writers, Richard LaGravenese, 2007
Toi qui as vu un certain nombre de films sur la pédagogie ou qui ont pour cadre l’école, que dirais-tu que ce film a de particulier ? Pourquoi a-t-il retenu ton attention ? Aude. – Justement, je trouve qu’il fait très quelconque au début comme de nombreux films sur l’éducation aux États Unis : tu regardes Sister act 2 ça commence presque pareil mais je trouve ça intéressant parce qu’elle aime ses élèves, parce qu’elle ose s’écouter, je trouve ça aussi intéressant parce que ce film met en avant l’idée qui a longtemps prévalu et qui heureusement a  tendance à disparaître avec les recherches récentes sur les sciences cognitives, que la pédagogie c’est inné, qu’on devient un bon prof sur le tas. Quand j’ai commencé ma carrière, il y a 13 ans, c’était un peu ça. On te jetait en première ligne dans un collège violence et prévention ou ambition réussite et c’est là que tu faisais tes armes, or comme tous les métiers l’enseignement, ça s’apprend, il faut nous former, je regrette encore de me dire que je suis actuellement en train de m’auto-former à la discipline positive parce que tu en as entendu parler et que par chance notre cheffe d’établissement adhère complètement à cette pratique. Même chose pour les pédagogies coopératives ou la pédagogie de projet dont on va parler dans la prochaine question. Si je peux faire un peu de politique, et je ne parle même pas de la réforme des concours qui va mettre sur le terrain des jeunes étudiants qui seront dégoûtés par le métier avant même de commencer parce que non seulement ils n’auront pas le bagage dans le domaine pédagogique et ils ne l’auront pas dans le domaine scientifique, alors si tu as ni l’un ni l’autre comment tu fais de la didactique ? Colette. – Alors justement mon petit bémol concernerait le fait que le film donne un peu l’impression que cette enseignante trouve toute seule en moins d’un an des solutions incroyables à des problèmes de discipline, de démotivation, d’irrespect, de manque de confiance, de méthode de travail quand même particulièrement corsés ! Elle n’est pas du tout accompagnée dans sa première expérience, l’administration de son établissement ne la soutient pas, ses collègues ne sont pas particulièrement encourageants. Et pourtant, elle bouleverse l’ordre des choses à la force de sa seule volonté. Elle s’en donne les moyens certes. Si je compare avec mon propre parcours, je me dis qu’elle a réalisé l’importance du développement des compétences psycho-sociales, l’importance de la coopération bien plus vite que moi ! Je ne sais pas si c’est réaliste de ce point de vue, il m’a fallu lire tellement de bouquins, rencontrer tellement de collègues, essayer tellement de choses pour arriver à observer des progrès dans la relation à l’école de mes élèves que je trouve « suspect » d’y arriver en moins d’un an ! D’un point de vue général, c’est un film très optimiste sur les changements qu’une pédagogie de projet peut entraîner dans la vie sociale, affective et intellectuelle des élèves : est-ce que tu t’y retrouves ? Aude. – Oui complètement ! Ce que j’aime dans la pédagogie de projet, c’est d’abord le lien que tu crées avec tes élèves, tu ne peux pas tricher, à un moment tu t’es tellement investie en temps, intellectuellement, culturellement, émotionnellement que tu ne peux plus te planquer derrières des programmes, des compétences, des fiches et que sais-je… et ça les élèves finissent toujours par percevoir ta sincérité et ton investissement. Ensuite, j’aime observer l’évolution des élèves parce que c’est forcément sur du temps long, ils sont eux aussi obligés de se mouiller, ils ne peuvent plus se cacher, si ça leur plaît, ils foncent aussi ! Colette. – En fait c’est vraiment le message que m’a rappelé le film : si toi, l’enseignante tu fonces, tu es prête à rêver en grand, les élèves suivront, rien ne peut t’arrêter (sauf peut-être un satané virus et encore !) J’ai vraiment eu cette sensation la première année où j’ai enseigné, seule année où j’ai pu vraiment me consacrer corps et âme à mes élèves (parce que je n’avais qu’une classe en responsabilité, parce que je n’avais pas de famille dont j’étais responsable et que je vivais à 10 minutes de mon lieu de travail…) En une année, on a écrit des textes, qu’on a décidés de publier, qu’on a auto-édités avec les moyens du bord, qu’on a vendus lors d’une journée portes-ouvertes au profit d’une association recueillant des fonds pour soigner les cancers pédiatriques, on a participé sur nos Week-ends à des évènements pour l’association en question, on a écrit des sketches à la manière de Desperate Housewives et les élèves ont réussi à me convaincre de jouer ces sketchs en public. On a trouvé une salle, on a répété tout le mois de juin alors que les cours étaient terminés et on a joué devant une salle remplie de gens bien intentionnés ! C’était génial. Je ne sais pas si ces élèves s’en souviennent mais pour moi ce sera une expérience inoubliable ! Quelles activités pédagogiques as-tu retenues parmi celles évoquées dans le film ? Y-en-a-t-il que tu aimerais mettre en place ?  Aude. – je ne sais pas si je retiens une activité mais plutôt des idées véhiculées par ces pratiques. Il y a quatre choses que je retiens : 1) confronter les élèves à la difficulté : on leur donne Le Journal d’Anne Frank pas la version édulcorée, on leur donne un vrai livre pas le librio à deux euros, c’est une question de respect et j’ai presque honte d’en avoir pris presque conscience avec ce film mais là dessus elle a raison, il faut arrêter de rogner pour des histoires de budget parce qu’ils sont trop jeunes ou trop immatures ou trop mauvais. 2) Ils ont droit a du beau, du grand, du rêve. D’ailleurs quand on regarde le matériel Montessori c’est exactement cette idée. Jean Pierre Aurières, qui amène chaque année ses lycéens dans un pays très lointain, est également dans la même démarche, il considère que le voyage est formateur mais le grand, l’inoubliable, celui d’une vie,… doit être accessible y compris en lycée pro ou en filière techno en Seine St Denis. Je me souviens d’élèves amenés à Londres en avion et au retour je me souviens de G. qui m’a dit avec les larmes aux yeux : « Madame merci parce que peut-être que je ne pourrais plus jamais me payer un billet d’avion… » Et je  sais par les décisions qu’il a prises pour son orientation par la suite, qu’il s’est donné les moyens d’avoir de quoi se repayer un billet d’avion! 3)Troisièmement,  ne pas avoir peur du grand projet et ça dans ma pratique j’ai encore un peu de mal à me défaire des croyances limitantes, des contraintes administratives, comme démarcher des personnalités, lever des fonds, mobiliser les collègues,… aller au bout des démarches comme quand elle fait venir la personne qui a caché Anne Franck depuis les Pays Bas ou qu’elle fait imprimer le livre. Les élèves retiendront ça, l’exceptionnel !
Miep Gies (1987)
En 2014 avec notre collègue d’anglais nous avons eu la chance d’assister à la cérémonie de commémoration du débarquement en présence de Barack Obama et François Hollande ! Quand je croise cette génération, ils ne me parlent que de ça, tout le reste c’est à la poubelle comme le cahier vert de l’année de troisième. Alors, si j’ose dire c’est l’indice récupérateur bien plus que ton cours avec tes fiches en comic 12 😉 4) Dernière chose, aimer ses élèves, s’investir personnellement et aller plus loin dans l’accompagnement des compétences socio-émotionnelles. Alors c’est ma ligne de progression actuellement et c’est peut être pour ça que ça me parle, mais là aussi pendant des années, je me suis accrochée à une phrase d’un formateur IUFM qui m’avait dit : « notre boulot s’arrête à la porte du collège sinon après tu te crames émotionnellement » et bien je pense que c’est un métier où on n’ a pas le choix, on doit se cramer émotionnellement c’est à ce prix là que nous prenons du plaisir dans notre métier qui peut parfois être ingrat et à ce prix là que l’on gagne la confiance des élèves et qu’on accompagne leur réussite. Colette. – Tu as dit l’essentiel me semble-t-il ! En tant que professeure de français, je retiens quand même cette superbe idée de faire écrire les élèves sur l’année, dans ses très beaux carnets à l’américaine (ils doivent avoir un nom) qu’ils peuvent laisser, à l’abri, dans l’armoire de la classe s’ils souhaitent que l’enseignante les lisent. Je trouve que cette démarche touche à quelque chose d’essentiel. On n’est plus dans l’évaluation, on n’est plus dans le travail pour acquérir des connaissances, des compétences, etc. On est juste là pour mieux vivre. Mieux être. Ensemble. Et ça passe par une meilleure connaissance de soi, qu’à mon sens, seule l’écriture nous permet. Et quelle confiance. J’ai adoré le moment où elle ouvre l’armoire pour la première fois et où elle trouve TOUS les carnets… A partir de là, leurs relations ne pourra plus jamais être une relation d’enseignant/enseigné. Leur relation est toute autre, c’est une relation de cœur à cœur.

Rendez-vous lundi prochain pour quelques conseils de films qui ont nourri nos réflexions pédagogiques !

     

Ecrire pour exister- Côté cinéma.

Aude et moi, non seulement on travaille ensemble depuis 11 ans, mais on s’inspire tout le temps mutuellement ! Il y a deux semaines, un soir, je reçois un de ses précieux messages qui sèment de la joie, des idées, des questions dans mon quotidien. Dans ce message, il est question d’un film, un film qu’elle est en train de regarder. Un film qui la touche. En plein dans son cœur d’enseignante. Et comme nos cœurs de profs sont un peu des cœurs jumeaux, je sais que je dois voir ce film. Et c’est ce que je fais dès le lendemain. Elle m’a proposé d’en faire une chronique. Aujourd’hui, nous vous parlons donc du film Ecrire pour exister de Richard LaGravenese.
Ecrire pour exister, Freedom writers, Richard LaGravenese, 2007.
  Comme nous avions beaucoup de choses à partager, on vous livre aujourd’hui nos échanges autour de la narration du film et demain on vous livrera les réflexions pédagogiques provoquées par cette projection.

Comment as-tu eu connaissance du film Ecrire pour exister, en ce moment à l’affiche sur Netflix ?

Aude. – C’était dans mes suggestions Netflix, la plate forme est bien faite 😉 Après j’ai toujours aimé les films sur le métier d’enseignant puis les anglo-saxons ont un rapport aux élèves très différent du notre, c’est donc toujours intéressant de voyager aussi. Je trouvais qu’il y avait un petit côté Cercle des poètes disparus.

Colette. – Pour moi, c’est donc grâce à nos inspirants échanges Whatsapp que j’ai eu connaissance de ce film, et tu en parlais avec tellement d’enthousiasme que dès le lendemain je me suis programmée un petite session télé en solitaire ! Et cela faisait hyper longtemps que cela ne m’était pas arrivé ! Une vraie gourmandise à savourer, lovée dans le canapé, dans la chaleur du plaid qu’une amie chère à mon cœur nous a jadis offert ! En quelques mots, pourrais-tu présenter l’intrigue de ce film ? Aude. – Il s’agit d’une jeune femme qui a toujours rêvé d’être enseignante et qui se fait embaucher par une école dans les quartiers en difficulté de Los Angeles et après des débuts difficiles, parce qu’elle se bride dans sa pratique pédagogique, et à partir du moment où elle décide d’écouter son intuition pédagogique (oui plus ça va, plus je considère que nous avons une intuition pédagogique) et d’être naturelle dans sa classe, ça marche, les élèves adhèrent à ses propositions. Colette. – Je reviens juste sur ce que tu dis sur la vocation de notre personnage principal, car elle souligne lors de son entretien d’embauche (quelque chose que nous ne connaissons pas du tout en France) qu’elle voulait d’abord être avocate, inspirée par son père qui a longtemps lutté pour les droits civiques et qu’au final elle s’était dit qu’il fallait se saisir du problème des inégalités à la racine, en choisissant l’éducation. Il y a vraiment une vision de l’éducation presque militante revendiquée dès le début du film. Et cette dimension là de notre métier, c’est vraiment quelque chose qui m’est venue avec l’expérience, en fréquentant notre cher public de R.E.P rural. Quand j’ai commencé à enseigner je n’en avais pas du tout conscience. Je ne sais pas quand c’est arrivé, mais ce sentiment a donné du sens à ma pratique, l’a nourrie, l’a dynamisé. Dans quelle mesure, d’après toi, le contexte historique, politique et social participe-t-il de la portée de ce film ? Aude. – Le film se situe dans les années 90, une période où Los Angeles connaît des émeutes raciales très fortes (de mémoire en 1992 et déjà une histoire de procès où le policier blanc est acquitté par un jury composé en majorité de blancs, alors qu’il avait passé à tabac un automobiliste noir américain) , c’est une des villes les plus inégalitaires des États-Unis à la fin du XXe siècle. Ce film m’a particulièrement parlé, plus parce que j’essaie en ce moment de faire évoluer ma pratique pédagogique que pour le contexte historique, géographique et sociologique dans lequel il s’inscrit, même si on perçoit cette City of quartz décrite par Mikes Davis, l’un des meilleurs auteurs de sociologie urbaine à mon sens. Colette. – Alors moi qui n’y connais rien en sociologie et en histoire des E.U.A, j’avoue qu’au départ j’ai trouvé le contexte presque cliché, j’ai toujours du mal à démêler le vrai de l’exagéré dans ce genre de contexte, ce qui relève du film de banlieue de ce qui relève d’un réel problème social. La violence liée à la libre circulation des armes dans ce pays me dépasse… Je ne comprends pas que l’on puisse tolérer une telle barbarie… As-tu eu un personnage préféré ? Lequel ? Pourquoi ? Aude. – Bien évidemment, on ne peut qu’avoir envie de s’identifier à Erin Gruwel quand on est enseignante. Dans les élèves, je trouve que le personnage d’Eva, l’élève latino, et André, l’élève noir américain dont la maman est malade, sont les plus attachants. On sent une résilience incroyable chez ses élèves et c’est une qualité que j’admire toujours chez des adolescents. Colette. – J’ai adoré, adoré la professeure Erin Gruwel ! Même si elle en fait vraiment trop, qu’elle y sacrifie son couple, qu’elle y sacrifie sans doute sa santé – comment fait-elle pour accumuler autant de petits boulots afin de pouvoir financer ses projets ???- son éternel sourire qui accompagne toujours une détermination sans faille ne peuvent que nous inspirer. Elle a cette force qui me manque souvent et dont tu parleras plus tard dans nos échanges : voir en grand et ne pas hésiter !
Erin Gruwell, 2012, ©Dorstener Zeitung.
Le fait que ce film soit tiré d’une histoire vraie a-t-il participé à ton intérêt pour ce film ? Le savais-tu avant de le voir, ou, comme moi, l’as-tu découvert à la fin du film ? Aude. – Je ne le savais pas avant mais du coup on a envie d’en savoir plus sur elle, de lire Le journal des écrivains de la liberté… Je trouve que c’est une personnalité très inspirante. Colette. – Je suis allée voir une de ses conférences TedX après le film tellement j’avais du mal à croire qu’une telle personne existe pour de vrai ! Et j’ai vraiment eu l’impression que le film était très réaliste et fidèle à son expérience. Maintenant, il me tarde de trouver le livre écrit par ses élèves pour peut-être m’en inspirer !      

Work wives for ever !

Colette et moi avons travaillé ensemble pendant 12 ans ! Cette année, c’était notre première rentrée chacune de notre côté, sans se raconter en chuchotant nos vacances, sans échanger nos appréhensions et nos craintes pour la rentrée de nos petits bouts qui aurait lieu le lendemain, sans se réjouir de la perspective de beaux projets avec nos élèves. « Vite les emplois du temps, qu’on sache combien on a de classes en commun, combien de fiertés pédagogiques allons-nous partager cette année ! » J’aimais ce moment où on se retrouvait là, toutes les deux, dans nos conversations personnelles et professionnelles au milieu des autres, le reste des profs, le chef d’établissement et son éternel discours des résultats obtenus et à atteindre,  finalement très seules, dans notre bulle parce que nous savions elle et moi que le plus important, 10 mois plus tard, ce ne serait pas le résultat au brevet mais les moments partagés avec nos élèves et ce qu’il en resterait dans leur mémoire dans 6 mois, un an, dix , vingt … à travers les souvenirs qu’ils raconteraient à leurs enfants.

En 12 ans, on a en tissé des liens dans nos vies professionnelles et personnelles, au point que nous avions adopté cette expression anglophone de « work wives » ! Oui, Colette, c’est, comme elle le dit, mon âme sœur pédagogique. Alors ce lien très fort, cette connivence qui existe et qui au bout de plus de 10 ans est presque intuitive, on a eu envie de la partager avec vous et de continuer à l’entretenir chacune à un bout de l’académie.

Elle au Nord et moi au Sud.

Elle dans un collège de REP en milieu rural et moi dans un lycée de centre-ville dans une commune littorale.

Elle au bord de la Saye et moi au bord de la Nivelle.

Nous n’avons plus les mêmes élèves mais la même vision de notre métier.

Vous trouverez donc ici des brèves pédagogiques, des discussions sur des films, des articles, des ouvrages autour desquels nous aurons échangé, des projets pédagogiques et ce qu’ils nous auront apporté, comment ils auront fait grandir nos élèves et nous aussi par la même occasion ….

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Je vous présente Colette, elle est douce et souriante (oui même sous son masque), elle a une classe recouverte d’affiches tout aussi poétiques qu’elle, un sac toujours rempli d’albums aux belles illustrations et un colibri sur son épaule. Elle ne fait que des dictées vertes et anti-sexistes à ses élèves, ce qui lui permet de recueillir leurs plus grandes confidences et de nous interroger sur notre capacité à prendre le train des évolutions sociétales qu’ils connaissent ! J’ai toujours été admirative de sa capacité à faire aimer le français à ses élèves, au plaisir que les élèves ont à aller en salle A09 pour quelques heures par semaine. Pour terminer, elle a cette capacité à voir même dans les pires élèves, ceux qu’on appelle les cancres, le meilleur !

Et puis je voulais ajouter que, personnellement, Colette, c’est une amie qui m’a d’abord appris à être une maman bienveillante, elle m’a glissé dans des « casiers surprises » des jolis livres sur la discipline positive et les pédagogies alternatives et m’a encouragé à écrire dernièrement, alors merci ma Colette d’avoir eu cette idée de poursuivre nos aventures pédagogiques sur ce blog pour les autres, elles seront réelles parce que c’est quand même mieux comme ça !

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A mon tour, je vous présente Aude ! Aude, c’est l’intelligence créative à l’état pur. Un élixir de jouvence. La pierre philosophale de la créativité !

Ce qui la caractérise, ce sont ses idées. Des idées tout le temps, des idées pour créer, éduquer, enseigner, partager, encourager, collaborer, parrainer, marrainer, méditer, se relaxer … et pousser les murs de l’école. Sortir, explorer, découvrir : rester curieux semble être son leitmotiv ! Presque 10 ans que ça dure, notre histoire. 10 ans qu’elle met des défis dans mon quotidien, l’envie de faire toujours mieux, l’envie de questionner le monde et de faire sa part.

Et puis ce que j’ai appris grâce à Aude, c’est l’audace, aussi bien dans ma vie personnelle que dans ma vie professionnelle : aller frapper aux portes de partenaires extérieurs pour mener des projets qui débordent du cadre du programme de Français comme me hisser aux arbres d’un accrobranche et dépasser certaines peurs ancrées depuis l’enfance ! Pour tout ce que j’ai appris sur moi-même, merci ma chère Aude !

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Ce blog, c’est un nouveau défi. Elle semble dire que c’est moi qui en ai eu l’idée, mais en fait je crois que c’est elle qui me l’a soufflé. Oui parce qu’à force de travailler ensemble, on a fini par ne plus savoir qui était à l’origine de quoi, parce que finalement ce qui nous nourrit c’est de nous lancer !

Alors tentons l’aventure du blog pédagogique pour combler – un petit peu – le vide laissé sur le fauteuil à côté de moi en salle des profs !

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