Tous au spectacle!

La semaine dernière Colette me proposait un crible de questions pour vous expliquer l’intérêt de la sortie au cinéma. Cette semaine, on inverse les rôles pour évoquer les avantages d’amener nos élèves au contact du spectacle vivant!

 Comment s’organise une sortie culturelle en soirée? je veux tout savoir, je n’en ai jamais fait.

Pour tout te dire, c’est très simple : en équipe nous épluchons les programmations des différentes salles de spectacle de Bordeaux, de la CUB et de la Haute-Gironde dès le mois de Juin. Nous sélectionnons les spectacles qui correspondent à des entrées du programme de Français des différents niveaux, nous choisissons bien entendu les salles où les scolaires, notamment le collégiens, sont les bienvenus, puis nous regardons les dates pour qu’elles coïncident avec le calendrier scolaire. Nous contactons ensuite les salles de spectacle retenues et nous réservons 48 places pour chaque niveau. Ensuite c’est la foire d’empoigne car comme nous ne pouvons amener que des volontaires puisque ces sorties sont hors temps scolaires, nous sommes obligées d’inventer des stratagèmes tous plus alambiqués les uns que les autres pour sélectionner les heureux élus, ceux qui pourront s’offrir le luxe de prendre le bus scolaire de nuit pour traverser la moitié du département pour aller voir du THEATRE !!!

Peux tu nous raconter comment tu sélectionnes les spectacles à aller voir avec les élèves?

Nous le faisons en équipe en fonction des entrées du programme. C’est vraiment très aléatoire puisque cela dépend beaucoup de l’offre culturelle. Mais mes collègues sont vraiment très volontaires et nous sommes souvent prêtes à faire des kilomètres pour voir une pièce qui collera parfaitement à une entrée du programme ou dont nous sommes sûres que la troupe va époustoufler nos apprentis spectateurs.

Existe-t-il des freins à la mise en place de genre de projet?

L’argent bien entendu ! En effet, comme notre collège se situe en zone rurale, nous sommes loin des lieux culturels qui proposent du spectacle vivant. La réservation d’un bus nous coûte toute de suite près de 400 €, ce qui explique  pourquoi nous amenons si peu d’élèves : nous ne louons qu’un seul bus pour ses sorties. Personnellement, je préfèrerai amener des classes entières mais les subventions qui nous sont allouées pour mettre en place le projet « Théâtre en soirée » ne couvrent pas le transport. En ville, il est bien plus facile d’amener les élèves au spectacle puisque les lieux culturels peuvent être rejoints à pieds ou en transport en commun ce qui réduit considérablement le coût des sorties scolaires. Un nouveau frein a vu le jour depuis deux ans : certaines salles de spectacle n’ouvrent plus aux scolaires l’ensemble de leur programmation… Seuls certains spectacles ciblés sont accessibles aux collégiens, ce qui a été vécu par l’équipe comme une forme de censure.

Quel est l’intérêt pédagogique d’amener les élèves voir du spectacle vivant?

Pour beaucoup de nos élèves de REP rural, aller voir du spectacle vivant n’est pas une habitude familiale pour de multiples raisons géographiques et économiques. C’est donc tout d’abord l’occasion de se confronter à de nouvelles pratiques culturelles. C’est surtout l’occasion de travailler un genre littéraire très particulier, le théâtre, que l’on ne peut aborder sans le VIVRE en tant que spectateur. La question des choix scénographiques, l’expérience de la voix, des corps, des lumières, de la musique, tout ce qui fait l’essence même du théâtre a surtout lieu sur scène, les lectures ne suffisent pas à le comprendre. C’est pourquoi le théâtre est avant tout une expérience plutôt qu’une somme de connaissances. Et puis, comme toujours avec les sorties scolaires, elles permettent de vivre un moment suspendu ensemble qui nourrit une certaine complicité entre enfants et adultes, complicité qui sera essentielle pour poursuivre les apprentissages pour certains d’entre eux.

Souvent ce sont des soirées et c’est payant, tous les élèves n’y vont pas, du coup comment l’exploites tu dans ta pratique pédagogique?

C’est le point faible de notre projet, point faible lié aux contraintes géographiques et économiques déjà évoquées. Il est très difficile de l’exploiter en classe puisque c’est un projet qui n’inclut pas tout le monde. Par conséquent, en général, j’invite les élèves qui sont sortis, à rendre compte du spectacle sous forme d’article pour le site du collège ou en leur confiant la responsabilité d’une partie de la séquence sur le théâtre, notamment concernant le questionnement lié à la mise en scène.

Peux tu nous raconter l’une de tes plus belles sorties en soirée avec tes élèves?

Je raconterai notre dernière sortie au théâtre : après deux ans de disette culturelle, nous avons pu renouer cette année avec le spectacle vivant ! Le 14 décembre, nous nous sommes rendus avec les 6e volontaires dans un théâtre de la CUB pour assister à un one woman show particulièrement touchant : « Cartable » de Gloria da Queija. Pendant 1h30, nous avons suivi les déboires et les enchantements d’une enseignante en primaire. Seule en scène, la comédienne, qui a enseigné pendant 10 ans, nous brosse le portrait de toutes celles et tous ceux qui font vivre l’école républicaine : de l’enseignante dévouée à l’inspecteur déconnecté des réalités du métier, de l’élève brillant à la petite fille endeuillée, complètement noyée par sa tristesse, des collègues péremptoires au père d’élève dépassé, la comédienne joue tous les rôles avec une énergie incroyable. C’était drôle et vrai. Sincère. Les élèves ont été impressionnés par la qualité et la générosité du jeu de la comédienne. C’était un spectacle qui permettait d’aborder l’essence même du théâtre : une humaine sur scène qui incarnait toute une palette de personnages. Sans décor, sans costumes. Juste une humaine. Qui jouait avec nos émotions. Sans oublier de nous faire réfléchir !

En quoi est-ce selon toi un moment privilégié?

Le spectacle vivant est une expérience totale, à la fois intellectuelle et physique. Tous nos sens sont requis pour profiter pleinement de ce qui se joue devant nos yeux. A tout moment, tu peux être « contaminée » par ce qui se passe sur scène. Il y a une sorte de mise en danger de ton univers, de ton intégrité, de ton identité. Certes il y a le fameux « quatrième mur » qui te protège de ce qui se passe sur scène, mais ce quatrième mur semble souvent prêt à s’effondrer ( nombreux sont les spectacles contemporains où les comédien.ne.s franchissent allégrement ce fameux mur). D’ailleurs c’était assez édifiant, lors de la sortie avec les 6e dont j’ai parlée précédemment, certains n’avaient pas les codes propres au théâtre et quand la comédienne interpellait les élèves imaginaires de sa classe, certains élèves répondaient à voix haute, ils n’avaient pas compris que c’était la particularité du jeu théâtral. Ces sorties sont essentielles aussi pour ça : elles apprennent à nos élèves à appréhender les règles du jeu. Du jeu de la vie en société, cette société qui s’est construite avant eux sur des traditions, des codes que nous nous devons de leur transmettre pour mieux qu’ils les transgressent, ou les transforment à l’avenir.

On espère qu’on vous donnera envie d’amener vos élèves au théâtre, à l’opéra, dans des salles de concert, dans des festivals, partout où le spectacle doit avoir lieu!

on vous laisse avec les salles préférées de Colette

Le Champ de Foire à Saint André de Cubzac

Le TNBA

L’espace culturel du Bois Fleuri

 

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