Baskelles au programme!

Pour clôturer ce mois de Mars,  il était important pour moi de vous parler du projet baskelles dans lequel je me suis embarquée seule, poussée par Colette pour oublier la peine de quitter Saint Yzan.

Baskelles est une association militante pour la lutte LGBTQ+ et de reconnaissance des droits des femmes. Depuis quelques années, elles ont lancé le projet de créer un botin de femmes basques remarquables ou inspirantes afin de convaincre les municipalités de rebaptiser certaines rue, places de ces noms de femmes. Cette action s’accompagne d’une exposition faisant les portraits de ces femmes.

Vernissage Exposition : Chemins pour l'Egalité, femmes de l'ombre à la lumière | Les Bask'ellesPour cette année scolaire, ils ont proposé aux établissements de se lancer eux aussi dans le projet et de réaliser le portrait d’une femme remarquable qui n’avait pas encore été fait.

Je vous avoue que je me suis lancée là dedans sans trop savoir où j’allais et j’ai même failli abandonner, tant que je n’avais pas lancé les élèves là dessus, puis juste avant les vacances, j’ai eu envie d’une séance d’AP festive, alors on a regardé avec mes élèves autour d’un petit goûter les femmes sur lesquelles on pouvait travailler. Après vote, ils ont choisi Catalina de Sourhainde dite Tita de Cambo, sur laquelle il n’y a vraiment pas grand chose;).

Tita de Cambo avec le gant, Federico Amadeo, 1937

Voilà au mois de Novembre ce qu’on savait sur Tita de Cambo, une femme qui joue de la pelote, alors voilà mes premières parties dans les méandres de la recherche historique et plus particulièrement de l’histoire des femmes.

première interrogation comment ça se fait qu’il n’y a rien sur elle, si c’est l’une des premières femmes qui prend l’initiative de jouer à la pelote?

A partir de là nous avons donc exploré dans un premier temps l’historiographie de l’histoire des femmes grâce aux extraordinaires émission de Michele Perrot sur France Culture et sa série histoire des femmes en 10 épisodes 

Puis nous avons travaillé sur la place des femmes au XIXème siècle grâce à des extraits de ce manuel

La place des femmes dans l'histoire - L'ouvrage propose une lecture mixte des programmes scolaires, en y intégrant l'histoire des femmes et du genre.<br /> Chaque chapitre chronologique est composé d'une première partie étudiant la place des femmes dans l'époque étudiée ; une seconde partie est constituée de dossiers documentaires faisant le tour d'une question liée à l'histoire des femmes. Des pistes d'exploitation par niveau (primaire, collège, lycée) permettent à l'enseignant de travailler à partir de chaque dossier.<br /> Sous l'égide de l'association Mnémosyne, association d'historiens dont le but est le développement de l'histoire des femmes et du genre en France, 33 historiens et historiennes participent comme auteurs à cet ouvrage.

De là est né une exposition qui a duré 15 jours sur l’histoire des femmes et sur la place des femmes au XIXème siècle.

Jeudi nous irons au musée basque et à la médiathèque de Bayonne pour en connaître plus sur la vie des femmes basques au XIX, pratiques quotidiennes, occasionnelles et extraordinaires en espérant en savoir plus sur Tita!

les élèves s’impatientent un peu mais j’avais vraiment  envie de les mettre à la place des historien.e.s qui travaillent sur les femmes, il était important qu’ils prennent conscience de la difficulté de travailler sur la moitié de l’humanité presque invisible dans les sources.

Alors voilà, je vous laisse avec le suspens de ces recherches et vous propose un bilan à la fin de l’année scolaire.

Les dictées anti-sexistes du mardi !

Comment amener mes adolescents préférés à ouvrir leur regard sur le monde qui les entoure ? Comment les initier à aiguiser leur esprit critique sans pour autant adopter un ton trop moralisateur ? Et bien en partageant avec eux une information qui servira de prétexte à travailler l’orthographe.

J’ai d’abord commencé à instaurer ce rituel avec des dictées d’actu et puis suite à la rencontre avec Maëva, Léa, Lyson, Célia, Sabrina, Loane, Shana, Lisa, Laurine, mes dictées d’actu sont devenues des dictés anti-sexistes.

L’actualité étant riche d’informations en lien avec les inégalités de genre, ce virage ne fut pas très compliqué à prendre. Je choisis donc une information en lien avec des faits de société, des évènement culturels ou politique et plus récemment – à la demande des élèves – des extraits de textes littéraires (oui, oui, je sais, j’aurais du y penser moi-même !) que je leur lis d’abord à haute voix. Puis je vérifie la compréhension en posant 3 questions : Où ça se passe ? Quand ça se passe ? Qu’est-ce qui se passe ? Enfin je leur dicte cette information de 2 ou 3 phrases.  Un ou une élève volontaire s’installe à l’ordinateur branché au vidéoprojecteur, il ou elle tape la dictée dans un traitement de texte (dont le correcteur orthographique a été désactivé au préalable) et les autres élèves notent la dictée dans leur classeur. On projette ensuite la dictée de l’élève assis à l’ordinateur et nous corrigeons tous ensemble son texte, en rappelant à l’oral pour chaque erreur la règle d’orthographe qui nous a permis de la corriger.

Je m’adapte sans cesse aux remarques des élèves ou à mon propre cheminement. Le mois de février fut dédié à des dictées en lien avec l’évolution de la législation dans le monde autour de l’I.V.G car j’avais été récemment bouleversée par le film L’évènement adapté du récit d’Annie Ernaux. Ce fut l’occasion d’échanges passionnants avec mes élèves de 3e. Suite à une remarque d’un élève de la classe, je me suis intéressé à la place des hommes dans les questions liées au genre et la dernière dictée a été consacrée à l’introduction du livre de Ben Névert, youtubeur de 29 ans, Je ne suis pas viril.

Je vous livre l’extrait dicté :

« Mon message est qu’il faut sortir du prisme de la masculinité telle qu’elle est définie aujourd’hui pour se défaire de sa toxicité. Je pense sincèrement qu’en montrant de nouvelles masculinités, plus diverses, on dévoile un chemin à tous ces hommes qui ne se retrouvent pas dans le schéma « classique » , qui refoulent leurs émotions et ne s’autorisent pas à être qui ils sont pleinement. »

Source : Je ne suis pas viril, Ben Névert, 2021

 

Histoires de femmes puissantes !

Dans le cadre de notre mois dédié aux outils de l’éducation anti-sexiste, nous vous proposons une sélection de livres que nous avons particulièrement aimés pour nourrir nos réflexions et celles de nos élèves sur la question des inégalités de genre.

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Pour les plus jeunes

Un album : Brindille, Rémi Courgeon, Milan, 2012.

Pavlina est la seule fille de sa famille : elle vit avec 3 grands frères plus âgés et un papa surmené. Pour la répartition des tâches ménagères, tout se joue au bras de fer, mais Pavlina perd souvent en dépit de sa ténacité car Pavlina est une « brindille », tout le monde le sait. Alors un jour, elle arrête le piano pour se consacrer à la boxe. Persévérante, courage, audacieuse, peu à peu elle renverse l’ordre des choses. Je n’en dirai pas plus car cet album est tout en subtilité, rien de manichéen dans l’histoire de cette enfant qui prend son destin en main. Les mains jouent d’ailleurs un rôle essentiel et poétique dans ce récit dont la conclusion, plus que jamais, est une véritable ode à la paix.

Un roman : Renversante, Florence Hinckel, Ecole des Loisirs, 2019 – dès 9-10 ans. 

Voilà un petit récit de science-fiction particulièrement réjouissant ! La narratrice, Léa, est interpellée par son père pour soutenir son frère jumeau, Tom,  afin qu’il puisse plaider pour avoir les mêmes droits que les filles. Léa passe alors en revue l’ensemble des habitudes de la société dans laquelle elle vit, de la classe au monde politique, de l’organisation de la vie privée à celle de la vie professionnelle, pour constater à quel point les garçons sont dédiés à certaines fonctions sans pouvoir ne serait-ce que rêver accéder aux plus brillantes instances. A travers le regard de la narratrice nous redécouvrons une image inversée de notre société et nous rions – jaune – de la constater si caricaturale.

Un documentaire : Destins d’aventurières de Lucile Birba, éditions du Trésor jeunesse, 2020 – dès 7 ans.

Destins d’aventurières dresse le portait de 16 femmes hors du commun. Un album pour découvrir de nouveaux horizons et explorer le monde avec curiosité et enthousiasme. Jeanne Barret, aventurière à bord du bâteau de Bougainville, Mary Fields, postière dans le Far West, Ynes Mexia, botaniste solitaire dans la jungle amazonienne, Jane Goodall qui a consacré sa vie à l’étude des chimpanzés, Sacagawea, Amérindienne de la tribu des Shoshones qui guidera les explorateurs Lewis et Clarke dans leur découverte du Grand Ouest américain, Edith Durham, première femme correspondante de guerre en Albanie et 10 autres figures féminines dont les exploits sont tellement inspirants.

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Pour les plus grands

Comme Colette, je parlerais de trois livres et je rajouterais un bonus pour une émission de la Grande librairie en replay.

Il s’agit des livres que j’avais déposé sur la table thématique au titre volontairement provocateurs:  » des meufs au CDI oui mais libérées! »Sur cette table, la sélection avait été réalisée par des élèves, la documentaliste et moi même. Il s’agissait d’une partie d’un projet plus global menée dans le cadre de mon cours sur l’histoire des femmes, histoire mixte!

Ma vie sur la route, Gloria Steinem, Harper Collin Poche

Gloria Steinem, nous amène dans cette autobiographie sur la route de sa vie riche et incroyable à en donner presque le tournis. De son enfance atypique avec son père commerçant ambulant à celle de sa vie de jeune femme dans les années 70 en Inde pour finir sur les routes des campagnes électorales américaines. C’est une sacré battante, une femme libre, brillante.  Très tôt elle prend conscience de la société patriarcale dans laquelle on évolue nous les femmes, mais aussi l’ensemble des minorités. Comment se faire entendre quand on n’est pas un homme blanc actif dans ce monde? Porter haut et fort la voix des ces minorités est son combat. Voilà le voyage qu’elle nous invite à faire avec elle: celui de son combat mais surtout de nos combats universels: chercher l’égalité et la fraternité partout tout le temps! Elle nous intronise à travers ce livre ainsi dans le monde du militantisme anglo-saxon et dans les coulisses des campagnes présidentielles des Etats-Unis. Comme pour chercher à expliquer cette domination masculine dans laquelle elle a toujours été obligée de ruser, de négocier, de s’infiltrer pour arriver à ses fins, elle pose une question: « est-ce qu’un organe aussi extérieur et non protégé que le pénis ne rend pas les hommes très vulnérables? Ma vie sur la route : Mémoires d'une icône féministe (HarperCollins) eBook  : Steinem, Gloria: Amazon.fr: Boutique Kindle

On ne peut que vous souhaiter un très beau voyage en compagnie de Gloria!

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La Tresse, de Laeticia Colombani, roman-grasset

La tresse

Ce sont 3 femmes: l’une en Amérique, l’autre en Sicile et la dernière en Inde. Toutes à leurs manières dans leurs sociétés luttent contre les discriminations, les stéréotypes dont les femmes sont victimes, celles qui sont ancrées au plus profond de nos sociétés: faire carrière ou prendre soin de santé,  se marier, avoir des enfants, tenir son rang, sa place, son honneur,…Toutes ces situations qui nous ramènent à notre conditions de minorités, elles ont décidées chacune dans leur coin de s’en débarrasser, d’avancer malgré les qu’en dira-t-on et les conséquences. En faisant ce chemin là, ces trois femmes au destin tellement différents vont se retrouver liées les unes aux autres. Elles se doivent mutuellement leur survie, la poursuite de leur destinée.

A travers ce court roman, L Colombani nous propose de prendre conscience de la sororité qui lie les femmes du monde entier.

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Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas, édition Point

Florence Aubenas en 2009 a mené une enquête sur la précarité des femmes en s’inscrivant au pôle emploi de Caen où elle trouve rapidement un emploi à temps partiel à l’hygiène des ferrys en partance pour l’Angleterre.  A travers un récit à la première personne, elle amène le lecteur à prendre conscience de ses travailleuses de l’ombre: celle du soir très tard, celle du matin très tôt, celles qui prennent les transports en commun à contre courant du flot d’actifs que nous sommes. Les invisibles, celles qu’on oublie de saluer le matin pas assez réveillé ou le soir trop fatigué. Et pourtant, on leur doit notre dignité à ces femmes: parce que c’est bien elles qui rendent nos toilettes propres, nos poubelles vidées, nos tables nettoyées, nos portes savons vides redevenus pleins comme par magie, elles qui changent nos rouleaux de papiers toilettes. elles à qui on reproche de laisser leurs enfants livrés à eux mêmes, elles… qu’on devrait remercier un peu plus souvent.

Florence Aubenas met dans la lumière ces travailleuses invisibles et nous invite nous aussi à les éclairer par un salut, une attention, une marque de gratitude. On leur doit au moins ça!

Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas - Poche - Livre - Decitre

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Le petit bonus c’est l’émission de la Grande Librairie de mercredi 9mars qui rassemblait autour de leurs livres deux amies, deux workwives qui se connaissent, s’admirent et se respectent depuis 1955. Michelle Perrot et Mona Ozouf dont je vous parlerais la semaine prochaine

 

Pour une éducation anti-sexiste…

Vous connaissez notre amour des mois thématiques ? Le mois de mars, aves sa fameuse journée internationale des droits des femmes, sera donc féministe ou ne sera pas !

Et pour commencer, je vous livre un texte que j’ai écrit pendant le premier confinement à l’occasion d’un atelier d’écriture virtuel mené avec mes amies rencontrées lors de la préparation du CAPES. Ce texte relate comment l’idée qu’une éducation anti-sexiste était encore nécessaire aujourd’hui,  m’est apparue dans toute son évidence. A l’écoute de mes élèves indignées…

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Maëva, Léa, Lyson, Célia, Sabrina, Loane, Shana, Lisa, Laurine.

Elles avaient 14 ans, presque 15.

Qu’est-ce qu’on a pu débattre ensemble.

Non pas autour d’une tasse de thé, ni autour d’une table ronde, ni même dans l’amphithéâtre d’une université.

Non.

C’était dans la salle A09 d’un collège de REP rural de Haute-Gironde. Le mardi matin souvent.

Maëva, Léa, Lyson, Célia, Sabrina, Loane, Shana, Lisa, Laurine.

Le regard brillant, la tête haute, sincères comme on peut l’être quand on a que l’enfance derrière soi, les cheveux longs, parfois très longs, lâchés en magnifique cascade sauvage sur leurs épaules parfaitement dessinées.

Le verbe sincère, cru, tranchant, puissant.

Comme une baïonnette.

Maëva, Léa, Lyson, Célia, Sabrina, Loane, Shana, Lisa, Laurine.

Elles m’ont ouvert les yeux sur l’abdication millénaire à porter un soutien-gorge dans nos sociétés. Petite prison du corps qu’on nous offre comme un cadeau précieux parfois dès le plus jeune âge.

Elles m’ont ouvert les yeux sur le piège de la bise en cour de récré non consentie la plupart du temps.

Elles m’ont ouvert les yeux sur l’incroyable ineptie de ne pas mettre à disposition des protections périodiques en libre service dans les collèges et les lycées, sur l’incroyable ineptie de ne pas considérer ce produit comme un produit de première nécessité pour la moitié de l’humanité, et qui devrait donc être remboursé.

Elles m’ont ouvert les yeux sur l’incroyable obscénité des réseaux sociaux, sur les photos de nus utilisées dans d’affreuses tactiques de revanche.

Elles m’ont ouvert les yeux sur les invitations obscènes auxquelles elles sont chaque jour confrontées sur Snapchat ou Instagram. Là, sur leur téléphone. Tout le temps. Partout. Presque inévitable.

Elles m’ont ouvert les yeux sur les horribles chantages par messages audio de leurs propres camarades de classe – garçons ou filles- qui les traitaient de « suceuses » là où quand j’étais ado on disait simplement « fayot ».

Elles m’ont ouvert les yeux sur l’innommable prédation de certains garçons qui diffusent sans s’interroger des vidéos de mineures obéissant à de sordides pervers.

Avec elles, j’ai appris ce qu’était le « cybersexisme », les « nudes », les « fisha », le « revenge porn ». Leur quotidien.

Avec elles, j’ai appris que le monde des femmes de 2020 n’était pas celui que Simone de Beauvoir, Hubertine Auclert ou Françoise Héritier avaient jadis revendiqué.

Avec elles, j’ai appris tellement.

J’ai appris que très tôt Maëva, Léa, Lyson, Célia, Sabrina, Loane, Shana, Lisa, Laurine avaient compris qu’en 2020 on est déjà une femme à 14 ans.

Qu’on est déjà une femme quand on vient au monde.

Et que ce mot « femme » est tellement lourd de sens qu’il faudra toute sa vie durant tout faire pour s’en délester.

Et j’ai appris que très tôt elles avaient compris qu’il n’y aurait que deux options possibles : se fondre dans le moule que la société depuis des millénaires a formé.

Ou briser le moule.

Tout en sachant à quel point ce moule est une belle saloperie dont on n’a pu, jusqu’à présent, que tordre un peu les bords.

Maëva, Léa, Lyson, Célia, Sabrina, Loane, Shana, Lisa, Laurine n’ont eu besoin d’aucun cours pour apprendre ça.

Mais moi j’ai eu besoin d’elles pour que mes yeux s’ouvrent.

Et plus jamais ne se ferment

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