Rien de tel qu’un projet pluridisiciplinaire !

On poursuit nos réflexions sur les projets et leurs intérêts pédagogiques avec une petite conversation à deux.

Avec Colette, comme on vous l’a dit à plusieurs reprises, on a adoré monter des projets ensemble et on remercie au passage notre collègue d’anglais de l’époque qui nous a fait travailler ensemble pour la première fois sur un  projet lettres-langues-histoire, il s’agit du « projet Frankton » dont on vous parlera la semaine prochaine.

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Aude. – Colette, comme tu le sais, et comme je l’ai dit il y a 15 jours, ce que j’aime le plus dans les projets, c’est dans un premier temps de découvrir les élèves autrement que dans la salle de classe.  Et toi qu’est ce qui t’enthousiasme le plus dans un projet?

Colette. – Ce qui m’enthousiasme le plus dans un projet, c’est la phase de création, c’est le bouillonnement des idées, ce moment précieux et en équilibre instable où tout est possible ! C’est un véritable moment d’euphorie où je me sens particulièrement libre et forte. C’est un des rares moment où je touche à l’audace dont je manque cruellement dans la vie de tous les jours !

Aude. – Pourquoi selon toi ,  est-ce essentiel de mener des projets pluridisciplinaires avec nos classes ?

Colette. – Pour de multiples raisons :

– Tout d’abord pour prouver par l’expérience à nos élèves que les savoirs communiquent, qu’ils ne sont pas cloisonnés comme l’organisation du collège en disciplines distinctes pourrait le laisser penser.

– Ensuite, parce que cela permet toujours de sortir du cadre de la classe, de cette petite boîte où nos élèves sont assignés à une chaise et à une table. Le projet pluridisciplinaire nous met toujours en mouvement : en mouvement dans l’emploi du temps, en mouvement dans le collège, dans le village, dans le département, dans la région, dans le pays ou dans le monde. Se projeter c’est avant tout pousser des portes, c’est cultiver la curiosité et l’émerveillement.

– Enfin parce que le projet interdisciplinaire est ce qui se rapproche le plus d’un projet de vie à petite échelle : on y apprend certes les grandes dates ou des concepts clés d’urbanisme mais on expérimente surtout l’autonomie, la coopération, la communication, l’écoute. La solidarité, valeur essentielle pour s’engager pleinement dans le monde de demain.

Aude. – Comment te vient l’idée d’un projet pluridisciplinaire ?

Souvent au contact des autres, d’une émission culturelle ou d’une lecture, d’une visite ou d’un spectacle. Mais pour tout te dire, je n’ai pas pensé projet pluridisciplinaire toute seule, c’est une idée qui m’a été soufflée d’abord par un collègue d’Histoire-Géographie avec qui j’ai travaillé lors de ma première affectation – un super projet de journaux de guerre à partir d’archives de soldats nés dans département où j’exerçais – puis à ton contact et à celui de notre chère Marie-Claude dont nous parlerons la semaine prochaine.

Aude. – Quelles sont les difficultés que tu peux rencontrer à mener ce type de projet ?

La plus grande difficulté est de trouver des partenaires, des collègues capables de s’investir autant que toi dans le projet. L’idéal c’est quand le projet semble naître en même temps dans l’esprit des principaux protagonistes 🙂 J’avoue ça ne m’est arrivé qu’avec toi ! Par conséquent la plus grande difficulté est de se retrouver à mener toute seule le projet qui était censé être mené à plusieurs. Combien de fois, je me suis retrouvée à faire la partie « Histoire » d’un projet lettres-histoires avec toutes les imperfections que cela implique.

Aude. – Quels sont tes plus beaux projets? Je te pose la question parce que je n’arrive même pas à en choisir trois. En ce qui me concerne, je dirai quand même la Normandie et les commémorations franco-américaines en 2014, les colibris en 2018-2019 et puis après j’hésite entre Frankton en 2012 et la Classe défense tellement surréaliste l’an dernier. Dans tous les cas, ils ont tous fait évolué mes pratiques pédagogiques.

Colette. – En plus des projets dont tu parles que nous avons menés partiellement ou totalement ensemble, il y a eu deux projets particulièrement marquants lors de ma première année d’enseignement – et sûrement que c’est ce qui m’a donné l’élan nécessaire pour ne pas envisager une année sans projet depuis. Avec mes élèves de Seconde 10, nous avons mené deux projets incroyables lors de mon année de stage : le premier  a été de lire, d’écrire, de publier et de vendre des recueils de poèmes à la manière de Francis Ponge dont les bénéfices ont été reversés à une association que les élèves eux-mêmes avaient choisie. Tout s’est fait à l’initiative des élèves, rien n’était prémédité  ! Je crois que c’est ce que j’aime le plus dans les projets : me laisser entraînée par mes élèves. La même année, alors que le mois de juin avait entraîné la fermeture des portes du lycée, mes secondes 10 ont proposé de mettre en scène des sketches qu’ils avaient écrits lors de notre séquence sur le comique et l’humour. Encore une fois sur leur initiative, j’ai parcouru la Charente, trouver une mairie qui a accepté de nous prêter une salle pour la représentation à laquelle ils prétendaient, j’ai du convaincre la proviseure de nous prêter un lieu pour répéter aussi souvent que nécessaire. Je crois me souvenir qu’on a répété au milieu des plantes, dans une sorte de cours ou de serre de ce beau lycée de centre-ville ! Nous avions organisé une représentation payante de nos skectches, « The desperate village » (inspiré de Desperate housewives série à la mode cette année là) et les bénéfices ont été reversés  à l’association que les élèves avaient trouvée pour le recueil de poèmes. Ces deux projets qui sont nés de l’enthousiasme et de l’énergie de mes premiers élèves m’ont tout de suite fait comprendre qu’en éducation tout est possible. Il n’y a pas de limite. A partir du moment où les élèves te font confiance et que tu leur montres que c’est réciproque, on peut aller très loin ensemble.

Il y a aussi eu le projet incroyable d’Amours sincères l’année dernière et du Spirit Day en octobre mais on en reparlera le mois prochain à l’occasion du mois des fiertés !

Aude. – Existe-t-il pour toi des petits et des grands projets ?

Colette. – Oui complètement. Les petits projets ce sont les sorties sur une journée à L’Escale du livre, à Livres en citadelle, au théâtre, à collège au cinéma, aux musée… Ce sont les projets qui sont menés dans le cadre d’une séquence et qui ne nécessitent pas un investissement de longue durée.

Aude. – Dernière question : dans ton école idéale, quelle serait la place du projet pédagogique pluridisciplinaire ? En ce qui me concerne, je rêve d’une pédagogie où on monterait deux ou trois projets par an avec lesquels on enseignerait l’ensemble des notions, des concepts, des compétences. Je trouvais d’ailleurs que les E.P.I étaient un excellente idée pour cela. C’est tellement plus motivant pour nos élèves que d’apprendre pour apprendre ou juste pour savoir exécuter plus ou moins l’exercice attendu à l’examen.

Colette. – Comme toi, je pense, je rêve, je respire projets interdisciplinaires. Je suis plus que convaincue que dans le cadre d’un projet et notamment quand celui-ci va amener l’élève à rencontrer l’autre – un jury, un.e correspondant.e, sa famille, une autre classe, des filleul.e.s, un.e professionnel.le etc.- pour lui montrer de quoi il est capable, alors l’apprentissage a vraiment lieu. Le projet implique une sincérité, une vérité que l’enseignement vertical ne permet pas. Le projet est un indispensable tremplin vers soi-même et vers la société, si je savais le faire, je n’enseignerai que comme ça. J’y réfléchis d’ailleurs beaucoup en ce moment, à prendre ce virage vers une pédagogie du projet permanente… Ce sera peut-être l’objet d’une future chronique ?

 

 

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