Frankton! Vous avez dit Frankton!

En 2011, notre collègue  d’anglais Marie Claude  est venue nous voir pour nous demander de la rejoindre sur un projet interdisciplinaire dont personne ne voulait. Je me souviens de son enthousiasme avec les photographies de ces jeunes soldats morts dans l’estuaire de la Gironde entre les 7 et 11 décembre 1942 lors d’une mission commando opérée depuis l’Angleterre. 12 soldats anglais devaient remonter la Gironde puis la Garonne à bord de kayak la nuit afin de miner des navires allemands à quai à Bordeaux. Elle en parlait comme si elle les avait connu et son enthousiasme ne pouvait que m’embarquer dans ce projet mémoriel même si ce n’est pas ce qui m’attirait le plus comme projet surtout en début de carrière.

Source : http://www.c-royan.com

Elle voyait ce projet sur 2 ans : en 2012-2013 avec une cérémonie franco-britannique à Blanquefort là où deux d’entre eux ont été exécutés avec la présence de correspondants franco-américains , en 2013-2014 avec un voyage en Normandie pour assister à la cérémonie franco-américaine en  présence de François Hollande et Barack Obama.

Source : La Presse de La Manche

Alors, pendant deux ans, elle y a cru, elle a tout fait pour que tout ce qu’elle avait imaginé se réalise. On a écrit des chansons en Anglais et en Français, on a écrit des poèmes lus à deux voix, on est allé marcher, faire du canoé, arpenter les lieux de mémoire où nous avons participé aux cérémonies. On est allé en Angleterre au Dulwich College de Londres puis en Normandie enfin.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dulwich_College

Ce projet il était beau et Marie Claude a eu cette capacité à nous embarquer profs et élèves  avec elle sur les traces de ce commando. Elle s’est battu contre les associations de commémorations pour qu’on fasse vivre les cérémonies sans rester au garde à vous derrière des porte-drapeaux vieillissants, elle s’est battu pour obtenir des autorisations inimaginables, on a fait voter des budgets sans être sûres de nos hébergements. C’est probablement l’un de mes plus beaux projets, le premier, celui qui m’a donné confiance d’en mener ensuite seule ou de les coordonner.

Je terminerai cet article en la remerciant. En 2020, Marie-Claude est décédée, ironie du sort, noyée dans des eaux où elle était persuadée que les corps de ces hommes avaient été retrouvés. Elle m’a permis de comprendre que rien n’est impossible en matière de projets pédagogiques à partir du moment où ils vous guident et vous enthousiasment. Elle a arrêté de mener des projets en 2015 puis a pris sa retraite en 2017 et elle m’a glissé dans le creux de l’oreille que je lui ressemblais un peu, qu’on avait les mêmes valeurs et que je saurai rendre ma pédagogie plus belle. J’admirais chez elle, cette capacité à s’enthousiasmer même à la fin de sa carrière au moment où la plupart des enseignants n’en peuvent plus !

Parfois Marie Claude, je pense fort à toi et à ce projet qui a marqué le début de ma carrière. Je pense que j’essaierai de faire quelque chose autour des 80 ans du débarquement pour se souvenir, pour vivre de grands moments pédagogiques pour les élèves et puis un peu pour toi.

Et en hommage à notre mentor en matière de projet, ce poème liminaire du recueil Cette obscurité qui mine les étoiles, lors de la première année du projet Frankton :

« Mon ami, je t’écris parce que je suis parti,

Mon ami, je ne sais pas ce que tu fais de ta vie,

Mon ami, je ne vis à présent que pour le pays,

Mon ami, la guerre continue sans répit.

 

Continue d’aimer ta famille,

Continue de protéger ma famille,

Continue de profiter de ta famille,

Continue de consoler ma famille.

 

Ici, c’est le jour,

Le jour, je dors

Quand c’est la nuit,

La nuit, je rame

 

Les hommes doivent avancer,

Il faut ramer pour les kayaks,

Les hommes doivent ramer,

Pour qu’avancent les kayaks.

 

Nous étions partis six mais un s’est brisé,

Nous n’étions donc plus que cinq mais un a chaviré,

Nous n’étions donc plus que quatre mais un s’est échoué,

Nous n’étions donc plus que trois mais un s’est fait emporter.

 

Je ne sais pas si je reviendrai bientôt,

Mais bientôt, nous aurons déposé les explosifs,

Les explosifs qui vont détruire les bateaux allemands,

 Les allemands qui seront déséquilibrés,

Mon ami, j’espère que l’on se reverra,

Mon ami, j’espère que l’on se reparlera,

Mon ami, j’espère que l’on se redisputera,

Mon ami, j’espère que l’on se rebattra.

 

Mon ami.

Cette obscurité qui mine les étoiles, 3e Bahamas, 2013.

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