Dans la bibliothèque de …..Aude – épisode 1

Bonjour,

Pour notre premier été bloguesque, nous vous proposons des interviews de profs. J’inaugure cette série estivale mais des invités viendront prendre part à cet exercice. nous alternerons deux types d’interviews: Dans la bibliothèque de…. et des profs se racontent.

Voici ma bibliothèque de prof, celle qui me dévoile et me raconte aussi un peu. Bonne lecture.

  • un livre découvert dans ta scolarité qui t’a marqué et les raisons qui expliquent ce choix.

Je dirais l’étranger d’Albert Camus, je me souviens exactement du moment où je l’ai lu. j’étais en voiture sur un trajet pour la Bretagne pendant les vacances de Pâques . J’étais en seconde. Ce livre m’a bouleversé et m’a longtemps questionné sur les jugements trop hâtifs que l’on peut avoir, les choix qu’on fait dans sa vie spontanément, de la répercussion qu’ils peuvent avoir dans nos vies. Surtout, de ne pas juger trop vite, on est ce qu’on est par une succession d’évènements qu’on a vécu et des choix faits pour les affronter.

L'univers romanesque de « L'Étranger » de Camus - Français | Lumni

  • un livre que tu conseillerais à tes élèves.

Pour la géographie, je conseille France, géographie d’une société d’Armand Frémont, qui est un ouvrage à mon sens pionnier pour entrer dans la géographie sociale qui n’est pas encore assez présente dans le secondaire et qui est un beau portrait du territoire français. Il est aussi très abordable pour des lycéens. Au collège, j’aime bien les atlas et aujourd’hui il y en a tellement, ils ont l’embarras du choix.

Livre: France geographie d'une societe, géographie d'une société, Armand Frémont, Flammarion, Fonds Champs, 9782080813886 - Leslibraires.fr

J’aime beaucoup aussi les ouvrages de Depardon et plus particulièrement la France de Depardon, il fait prendre la mesure de la France des interstices comme personne, celle qui se perd, qui ne se reconnaît pas dans cette intégration à toute vitesse aux dynamiques mondiales. C’est presque poétique.J’aime avoir ce regard là sur les lieux.

 

Je vous dépose ici quelques photographies de ce sublime livre

EN IMAGES. "La France de Raymond Depardon"https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/Christine%20Marcandier/Colmar.jpgEN IMAGES. "La France de Raymond Depardon"

Pour regarder la France avec beaucoup de tendresse, allez voir l’ensemble de ces photographies et ses sublimes documentaires sur la France paysanne aussi

  • Trois livres ou films que tu conseillerais à un prof qui débute sa carrière.

Je conseillerais, Ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier avec Philippe Torreton. On suit un instit en REP dans le nord de la France avec tout ce qu’il y a de plus dur dans notre métier, quand la misère sociale te saute à la gueule, quand tu te sens démuni. e et impuissant.e. J’aime beaucoup le fait que le film soit le temps de l’année scolaire parce qu’il fait effectivement prendre conscience que notre métier s’arrête au portail et c’est probablement le plus difficile à admettre et on franchit d’ailleurs quelquefois le pas de la porte. Et dans le même temps, il y a des réussites dans ce film, il y a des moments d’une extraordinaire humanité, il y a de la valorisation de l’estime de soi. Quand Valéria, sa femme lui dit on va faire ce que tu sais faire de mieux, on va cabosser la cour de couleur, je trouve ça sublime comme image. Oui cabossons nos cours et nos salles de couleurs et faisons sortir ces couleurs des écoles, qu’elles rejaillissent de la cour sur l’ensemble de la société.

Amazon.com: Ca Commence Aujourd'Hui (Original French Language) : Maria Pitarresi, Philippe Torreton, Nadia Kaci, Bertrand Tavernier: Movies & TV

Je conseillerais rappeler les enfants d’Alexis Potshke qu’on a déjà chroniqué ici. Je le conseille pour l’humanité de notre métier, et je le conseille d’ailleurs aussi à des collègues en milieu et fin de carrière quand ils en ont marre et qu’ils ont perdu le sens de leur boulot.

Enfin, j’en parlerais dans la question suivante mais je conseillerais heureux d’apprendre à l’école de Catherine Gueguen.

Heureux d'apprendre à l'école (AR.EDUCATION) eBook : Gueguen, Catherine: Amazon.fr: Boutique Kindle

  • Une ressource pédagogique qui a révolutionné ta pratique.

Je dirais donc heureux d’apprendre à l’école parce qu’il m’a libéré d’un poids que j’avais depuis des années. Pendant très longtemps, je me suis battue contre les sentiments que l’on peut éprouver pour nos élèves, sur l’implication qu’on peut avoir. Surtout ne pas trop s’impliquer, surtout ne pas trop montrer sa vulnérabilité, surtout ne pas montrer qu’on est des humains, surtout les traiter comme des élèves et non comme des enfants et bien toutes ces injonctions, je les ai mis de côté et je pense que je fais bien mieux mon métier depuis.

D’ailleurs c’est étrange parce que finalement, ce livre m’a permis de renouer avec une littérature pédagogique et notamment des ouvrages de discipline positive, de pédagogie coopérative, et même de didactique.

  • Un livre qui te fait rire.

Les romans de Nicole de Buron, je ris mais je ris, d’ailleurs ça me fait penser qu’il faut que je les remette dans ma PAL et que je regarde enfin la série les Saintes Chéries. C’est un des rare conseil lecture de ma grand-mère paternel et je les ai lus il y a maintenant plus de 20 ans mais c’est très drôle. : de vous en parler vraiment m’a donné envie de m’y replonger.

QUI C'EST, CE GARCON ? de Nicole de Buron - Poche - Livre - DecitreMon Coeur, Tu Penses À Quoi ? À Rien par Nicole De Buron - Nathalie Duthoit

D’ailleurs c’est un livre un peu de la honte en salle des profs. Oui parce que dans certaines salles des profs, c’est un peu honteux de dire qu’on lit autre chose que Proust et Zola mais ch…. et puis c’est de moins en moins le cas, donc ça c’est cool aussi

  • Un autre qui te fait pleurer.

Je ne sais pas. Je vais donner le titre du dernier livre avec lequel j’ai pleuré.

Marie et Bronia, le pacte des sœurs de Nathalie Henry chroniqué sur à l’ombre du grand arbre. Je dirais sans doute rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan que j’ai trouvé sublime et injuste.

Rien ne s'oppose à la nuit », de Delphine de Vigan (JC Lattès) - Livres : le top ten du ELLE - Elle

  • Un autre qui te détend après une semaine de conseils de classe et autres commissions éducatives.

Là non plus je ne sais pas mais je pense que je dirai un Philippe Delerm. Rien de telle qu’une nouvelle de Philippe Delerm pour retrouver la sérénité avec une mention spéciale pour la première gorgée de bière.

Amazon.fr - La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules - Delerm, Philippe - Livres

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De l’importance de se dire au revoir

Aujourd’hui, nous allons répondre à des questions qu’on s’est posé mutuellement pour mieux cerner ce besoin impérieux que nous avons au mois de juin de dire au revoir explicitement à nos élèves.

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Colette. -Quand as-tu réalisé qu’il t’était nécessaire de dire au revoir à tes élèves ?

Aude. – Dès mes premières années à St Yzan, j’ai éprouvé l’envie de dire au revoir correctement aux élèves même si, comme je l’ai dit dans ma chronique il y a 15 jours, j’ai mis du temps à trouver la meilleure façon de le faire et avec qui le faire. On a quand même entre 120 et 180 élèves chaque année et c’est difficile de prévoir quelque chose d’aussi bien pour toutes les classes.

Colette. – Je me rends compte, personnellement, que c’est vraiment avec le choc vécu en 2020, avec la pandémie de Covid qui nous a éloigné si longtemps de nos élèves de manière imprévue, que j’ai réalisé à quel point il était primordial d’expliciter la relation affective qui nous relie à nos élèves. En 2020,  nous n’avons pas pu dire au revoir à nos élèves, le retour au collège ayant été tellement différé et chaotique. J’ai beaucoup souffert de ne pas pouvoir leur dire au revoir cette année là. Enfin j’ai surtout beaucoup souffert de ne pas avoir pu toustes les revoir, tout simplement. Je me suis promis que ça n’arriverait plus jamais et l’année dernière pour le confinement de mars, je me suis empressée de fabriquer mes fameux origamis pour les distribuer à toustes mes élèves avant qu’ielles partent au cas où … L’idée c’était de leur dire au revoir quoi qu’il arrive !

Colette. – Est-ce à une occasion précise ou l’as-tu toujours fait depuis que tu enseignes ?

Aude. – C’est la deuxième année que je le fais ainsi avec la classe dont je suis professeure principale. Je réalise un diaporama des activités réalisées et je leur donne une carte rédigée à la main à chacun. J’aimerais l’an prochain ajouter des rituels pour qu’ils se disent au revoir entre eux aussi ou qu’ils puissent prendre conscience du chemin parcouru dans l’année parce qu’ils font tous des progrès, l’évolution compte pour chacun d’entre eux. Avec les classes à projets, je marque aussi le coup, un peu différemment avec un petit cadeau, des photos… L’an dernier c’est la première fois que je le faisais.

Colette. – Saurais-tu expliquer pourquoi tu en as ressenti le besoin ?

Aude. – Sans doute parce que j’avais eu ma mutation et que je savais que je n’aurais pas de nouvelles par les petits frères et sœurs ou les parents que je croiserais. Et bizarrement c’est une des promotions avec laquelle j’ai le plus de lien. Sur le compte instagram de Soline, j’ai vu passer ces lettres et ça m’a paru comme une évidence de mettre en place moi aussi ce rituel. Et toi ?

Colette. – Comme je le disais plus haut, j’ai eu besoin d’expliciter le lien que nous créons avec nos élèves. Ce lien a un début et ce lien a une fin. Mais ce lien existe. Souvent nous ne le nommons pas : est-ce de l’affection ? Est-ce de l’empathie ? Est-ce de l’intérêt ? C’est en écoutant Maxime Rovere parler d’amour pour qualifier les liens qui se tissent dans une classe à l’occasion de la sortie de son livre L’école de la vie que je me suis autorisée à assumer ce sentiment que je ressens depuis mon premier cours devant des élèves. Et comme toute relation s’entretient, je me suis mise à me demander comment entretenir cette relation. Dire merci, dire au revoir nourrit nos relations. C’est exactement pareil avec des élèves.

Colette. – As-tu déjà échangé avec des collègues autour de cette pratique ? Qu’as-tu appris ? Je passe pour un ovni quand je dis que je fais ça. L’ensemble de la salle des professeur.e.s trouve ça très étonnant et trouve que je m’implique bien trop dans mes relations avec mes élèves. Je pense d’ailleurs que ce n’est pas très bien perçu. Je ne l’évoque que très peu, si ce n’est avec toi. ça m’intéresse de savoir si tu a s échangé là dessus avec quelqu’un et ce que tu en penses ?

Colette. – Et bien il n’y a qu’avec toi que j’ai échangé à ce sujet mais cela me donne très envie de demander à mes amies enseignantes. Je suis certaine que nous ne sommes pas les seules à mesurer combien il est primordial de savoir se dire au revoir.

Colette. – Tu pourrais nous raconter ton plus beau souvenir d’au revoir ?

Aude. – J’en raconterais deux. Il ya eu celui de 2013 avec les 3ème avec lesquels on était partis en Angleterre, ceux du projet Frankton où là finalement je n’avais rien préparé, ils avaient tout fait tout seul, les cadeaux leurs petits mots égrénés un à un et déposés sur mon bureau, c’était incroyable, j’ai pleuré pendant la journée entière, j’aurais aimé les embrasser, les prendre dans mes bras, c’est probablement la seule classe où je me souviens de chacun d’eux, de leur nom, prénom, voix, de leur personnalité avec beaucoup de précisions!

Puis l’an dernier avec la classe défense, c’est deux heures ensemble avec nos tee-shirts, notre collation, nos lettres, les larmes de Y, la gourmandise de S, cette photo que j’ai toujours dans mon téléphone masqués mais aux yeux brillants témoignant du bonheur et de l’émotion  de partager un dernier moment ensemble. Cette classe a été révélatrice dans ma carrière parce qu’elle m’a permis de prendre conscience de l’importance du projet même d’un projet qui au départ ne nous appartient pas, ne nous plaît pas forcément, la force de la sortie « hors du collège en temps de covid » qui permet de créer des liens si importants pour eux et pour nous. La classe était difficile et je n’ai retenu d’eux que leurs qualités.  D’ailleurs avec le recul,  je me demande si j’aurais mis autant de cœur et d’investissement dans ce projet s’il avait été réalisé dans une année normale.

Colette. – Attends tu quelque chose de ce moment particulier ?

Aude. – Je ne sais pas, sans aucun doute oui, je n’attends pas un retour, ce n’est pour moi pas le moment du don et contre don comme à Noël par exemple, mais j’attends une prise de conscience de leur part de mon implication dans mon travail. Je pense d’ailleurs que c’est très déstabilisant pour eux, ils sont parfois gênés, surpris sans aucun doute. Et toi attends tu quelque chose de leur part ?

Colette. – J’attends sans doute qu’ielles mesurent le chemin parcouru et surtout qu’ielles prennent conscience que nous avons vécu ensemble une histoire. Et que cette histoire, qui a été la nôtre pendant un an, est désormais la leur pour l’avenir. Je crois que se joue dans les « au revoir » un certain rapport au temps. Au temps qui passe et dont nous pouvons nous réjouir ensemble.

Colette. – Penses-tu transmettre quelque chose à travers ce rituel ? Quoi ?

Aude. – Comme je l’ai suggéré juste au dessus, je souhaite leur rappeler l’importance des liens que l’on crée à l’école, que nous sommes importants les uns pour les autres. Sans doute que je souhaite transmettre le pouvoir de la gratitude, de l’estime de soi, on a le droit de se remercier, on a le droit de leur dire qu’ils sont des gens bien! Là aussi encore plus en lycée général qu’en REP, la bienveillance, la gratitude, l’estime de soi, la confiance en soi sont loin d’être des valeurs essentielles pour de nombreux collègues et pourtant je reste convaincue que c’est bien plus important. J’aime bien cette citation d’Albert Einstein sur l’école: « Nous passons 15 ans à l’école, et pas une fois, on ne nous apprend la confiance en soi, la passion et l’amour qui sont les fondements de la vie ». j’ose espérer que je contribue à cet enseignement là par ce biais.

Colette. – Comme toi, j’espère à travers ces rituels et bien d’autres, comme le conseil coopératif, l’accueil personnalisé à la porte de la salle, le parrainage-marrainage ou la porte ouverte aux récréations, nourrir chez mes élèves la capacité à écouter, à rester attentive et attentif aux autres et à soi. Se dire au revoir c’est se reconnaître, approuver le chemin tracé ensemble et montrer qu’on a confiance en l’avenir. Ce n’est pas facile mais c’est essentiel. C’est un deuil et c’est une renaissance.

Des petits bouts de papier comme autant de cailloux sur leur chemin égrenés…

Alors comment se dire au revoir ? Avec Aude, nous partageons aujourd’hui les petites trouvailles qui nous ont permis de boucler l’année en beauté.

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Pour Colette, tout passe par l’origami !

Comme je suis une collectionneuse de papillons depuis longtemps, l’année dernière j’ai fabriqué des papillons en papier pour mes élèves de 3e B. C’était ma manière à moi de les autoriser à s’envoler.

Alors pour 25 papillons de papier, il vous faut :

  • 25 jolies feuilles de papier origami que d’élèves
  • une paire de ciseaux
  • un tutoriel vidéo
  • une petite heure devant vous

Une fois les 25 papillons fabriqués, glissez un petit message sous l’aile d’un papillon, un petit message personnalisé, pour dire « merci », « au revoir », « bonne route », « envole-toi ! »  et tout ce qui vous tient à cœur.

Arrivez avant le début du cours, déposez chaque papillon sur la table de nos élèves.

Profitez de l’étincelle dans leurs yeux quand ielles rentreront dans la salle.

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Pour Aude Tout est dans la lettre personnalisée

Collectionnez chaque moment précieux, de l’année, glanez quelques informations personnelles sur vos élèves, ce qu’ils aiment, leurs personnages préférées, leurs joueurs de foot, le kawai ou non, des paillettes…

Munissez vous d’un bloc de papier à lettres, de cartes à gratter, de coloriages trouvées dans les beaux magazines et prenez quelques heures pour leur écrire des mots doux et personnalisés.

Je réserve ces cartes à la classe dont je suis professeure principale.

Vous avez désormais deux possibilités pour leur dire au revoir mais le mieux est de trouver la vôtre.

Bel Au revoir

Se dire au revoir…

Voilà, sans crier gare le mois de Juin est arrivé et le temps de se dire au revoir à nos élèves avec.

Avec Colette, on avait envie de vous partager les raisons qui nous poussent à faire de ce mois un moment très particulier.

Aujourd’hui la parole est à Aude !

Être et avoir en DVD : Nicolas Philibert - L'intégrale (Jusqu'ici...) - AlloCiné

D’abord, j’ai longtemps vécu la dernière séance avec mes élèves comme la dernière scène d’Être et Avoir de Nicolas Philibert : la main tremblante sur la porte, un au revoir à chacun, un dernier conseil à certains avec la voix vacillante et la larme à l’œil. Je me souviens avoir écrit une petite chronique sur papier il y a de ça une dizaine d’années sur mon classeur rose de professeure principale, celui qui transporte leur vie pendant 9 mois.

Puis je me souviens d’un « Au revoir » avec la première classe de troisième dont j’ai été professeure principale et des larmes qui m’ont envahi pendant toute la journée, incapable de gérer mes émotions devant mes élèves, de ces cadeaux, de ces mots, de l’organisation de cette séance par mes élèves. c’était incroyable et c’était en 2013.

Après il y a eu des au revoir plus froids, moins attachants, plus collectifs, les traditionnels goûters et films partagés ensemble, les petits déjeuners-jeux de société qui me laissaient un peu sur ma fin.

Puis j’ai lu un extrait de Rapeller les enfants d’Alexis Potschke où il dit:

« Il n’y a pas que les programmes qui ne sont pas finis ; il y a aussi les années de nos élèves. Il y en a qui s’évaporent ; on croit les revoir mais on ne les revoit plus ; la fin d’année est en points de suspension, elle n’est que suspendue, elle ne reprendra pas: une année scolaire ne se reprend pas : elle se remplace ».

Et tous ces « au revoir » un peu frustrants, mal vécus m’ont permis de me dire que non il fallait se dire au revoir correctement. Partager une année scolaire avec un.e élève ce n’est pas rien, ce n’est pas une connaissance de vue, quelqu’un dont on dit « je vois qui c’est », non on le/la connait, on le/la devine, on l’apprivoise, on l’amène sur des chemins où ielle apprend, ielle se dévoile, ielle se révèle, où on l’accompagne. Sur ce chemin, il y a celleux qui sont devant, à qui on ne donne que quelques indications pour ne pas se perdre, il y a celleux sur lesquel.le.s on crie, pour qu’ielles ne tombent pas, ne s’écorchent pas, se remettent en selle et il y a celleux à qui on tient la main très fort tout le temps  ou parfois, puis il y a celleux pour lesquel.le.s on s’arrête, on s’accroupit et on réconforte. On a vécu des petites et grandes fiertés, on a vécu des grandes émotions alors il est important de créer des « au revoir » à la hauteur de tout ces moments.

Désormais, je tiens à ce que  la dernière séance soit une belle séance d’au revoir. J’aime préparer et soigner cette séance. On ressort les activités réalisées dans l’année, je leur prépare un petit diaporama avec des photos d’elleux en train de travailler, en sortie, en projets, une petite collation, on a ressorti les vœux et les fiertés de l’année, on les relit ensemble et enfin je leur donne une petite carte personnalisée où je leur dis au revoir, je leur laisse une dernière phrase pour l’an prochain, pour les années à venir, pour qu’ielles se souviennent de leur valeur, pour les remercier, parce que oui c’est important de remercier, de leur dire qu’ielles nous ont rendu heureux, qu’on se souviendra nous aussi d’elleux, qu’on s’est inquiété pour elleux, qu’on a envie de savoir ce qu’ielles deviennent et qu’ielles pourront toujours un peu compter sur nous, bref qu’ielles auront désormais leur place à côté des milles et un.e autre élèves que j’ai eu dans ma carrière au fond de mon cœur, de leur dire qu’on est conscient qu’ielles ne sont pas uniquement des élèves à qui on dit « en progrès, peut mieux faire et Félicitations! » .

Alors cette année, on a encore failli me voler ce moment et il n’était pas comme je l’aurais souhaité mais on l’a eu, ielles ont eu leur petite carte, leurs derniers mots, un à un, juste pour se dire au revoir correctement. On se crée tout simplement un souvenir indélébile de leur jeunesse.

Toustes les enseignants ont leur façon de dire au revoir :  je me permettrai de glisser ici les « au revoir » d’un être qui m’est très cher, à ses élèves.  Lui il laisse son compte facebook et il communique ainsi parfois dix ans après avec certain.e.s d’entre elleux, ses élèves,… ielles lui demandent encore des conseils d’orientations, ielles lui déposent  quelques pages  de mémoires à corriger, une vieille photo d’un voyage scolaire retrouvée lors d’un déménagement, une photo d’un bébé … et il prend toujours beaucoup de plaisir et met un point d’honneur à leur répondre parce qu’il aime les voir grandir comme nous toustes.

Et je suis finalement toujours attendrie par ces moments là, il y a celleux qui reçoivent du pâté, du vin et des stylos, il y a celleux  qui ont des dessins et des mots doux, il y a celleux qui ont des confidences…  Parce que finalement dire au revoir à ses élèves, c’est un peu comme une séparation douloureuse, un lien qu’on a tissé et qu’il faut rompre rapidement  et toustes les enseignant.e.s trouvent ça, j’en suis convaincue, un peu déchirant.

Nous espérons que vous vivrez des « au revoir » à la hauteur des liens tissés avec vos élèves.

Bon mois de Juin.

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