Cet été des profs se racontent – épisode 3 – Colette

Pour ce 3e épisode de l’été, cette fois c’est Colette qui se raconte.

Du rêve à la réalité du métier…

  1. Quelle est la matière que tu enseignes ? A quels niveaux ?

J’enseigne le Français essentiellement en 6e et en 3e.

  1. Depuis quand enseignes tu ?

J’enseigne depuis 2006.

  1. Pourquoi as-tu choisi d’exercer ce métier ?

Mon projet professionnel quand j’étais étudiante c’était de travailler dans les métiers du livre. Un seul métier avait grâce à mes yeux : l’écriture. Pourtant après des études de lettres modernes, un DESS création éditoriale, et plusieurs stages dans de petites maisons d’édition, j’ai déchanté. Ce monde là était le monde de la précarité, des contrats à durée déterminée et d’une audace que je ne me trouvais pas. Avec mon Bac+5 littéraire, je ne voyais pas beaucoup d’issue et il me fallait trouver un moyen d’être indépendante financièrement, alors, comme la plupart de mes amies étudiantes, j’ai tenté le CAPES. Sans conviction au départ et puis lors de mon stage d’observation en lycée, j’ai eu l’occasion de faire cours à une classe de première. C’est ce jour là que tout a commencé.

  1. Est-ce que la réalité de ton métier coïncide à ce pourquoi tu as choisi de l’exercer ? Pourquoi ?

Comme je n’ai pas vraiment choisi d’exercer ce métier, je n’avais pas d’attente particulière, je suis allée de surprise en surprise. Et c’est ce que j’adore dans ce métier : chaque jour est une surprise. Une aventure !

  1. Raconte-nous un de tes plus précieux souvenirs pédagogiques, une belle surprise que tu as pu vivre dans ce métier.

C’est extrêmement difficile de choisir. J’ai déjà raconté ici de nombreux beaux moment pédagogiques. Je parlerai d’un projet de théâtre mené cette année un peu par hasard. Quand nous avons commencé notre séquence dédiée aux fables de La Fontaine avec une de mes classes de 6e, j’ai proposé aux élèves un travail de théâtralisation de la biographie de La Fontaine. Mon objectif était à la fois de revoir l’écriture du dialogue théâtral et de mémoriser quelques informations importantes sur notre fabuliste préféré. Les élèves se sont emparés de cette proposition avec une créativité qui m’a beaucoup émue et qui a nourri mon admiration pour l’intelligence humaine quand elle puise dans la fantaisie et la liberté. Les élèves ont pu choisir les partenaires avec qui travailler, ielles ont donné la forme de leur choix à leur dialogue théâtral et nous avons pu assister à un festival d’Avignon miniature : un groupe a joué l’interview pots-mortem de La Fontaine, un autre une scène de salon littéraire où Marie Héricart revenait sur ses souvenirs de son mari, un autre un documentaire d’Arte sur les coulisses de l’écriture des Fables… C’était grisant de créativité ! Si bien que lorsqu’il a fallu mémoriser une fable dans la suite de notre séquence, les élèves elleux-mêmes ont proposé de faire à nouveau du théâtre ! Leur autonomie, leur capacité à anticiper, à s’organiser dans le temps, à travailler en équipe a été une des belles surprises de l’année. Une réussite dont nous nous sommes félicité.e.s mutuellement et qui nous a rendu très heureux.ses.

  1. Quels sont tes projets, tes envies, tes ambitions pédagogiques pour la rentrée 2022 ?

Nous allons bien sûr avec Aude renouveler notre projet « De la Saye à la Nivelle : connais-toi toi-même » , un projet de correspondance entre mes élèves de 3e et ses élèves de première qui devrait se conclure cette année par une rencontre et une découverte de leurs territoires mutuels. Ce projet symbolise tout ce que je souhaite pour les adolescent.e.s avec lesquel.le.s je travaille : des liens qui se tissent à travers leurs histoires personnelles mais aussi à travers leurs découvertes du monde qu’ielles habitent. Des liens qui ne soient pas virtuels, ni ponctuels, mais qui s’inscrivent dans la durée et le réel.

Du lien aux liens…

  1. Que dirais-tu des relations que tu tisses avec tes élèves ?

Je dirai que ces relations doivent être notre premier objectif : c’est sur ses relations que nous allons construire la confiance nécessaire pour élaborer leurs apprentissages. Ces relations se doivent d’être sincères avant toute chose.

  1. Que dirais-tu des relations entre membres de l’équipe pédagogique ?

Paradoxalement, je dirai que ce sont les plus difficiles à construire. Nous ne sommes pas formé.e.s à travailler en équipe, à penser les apprentissages de manière transdisciplinaire, et cela s’en ressent à la fois dans les relations entre enseignant.e.s mais aussi entre élèves et équipe enseignante. J’ai la chance de bénéficier de l’aura d’une cheffe d’établissement qui encourage fortement le travail en équipe, par le biais de commissions dédiées à différentes problématiques d’enseignement mais aussi par la mise en place d’un Laboratoire d’Analyse des Activités en Classe qui a permis aux différent.e.s enseignant.e.s bénévoles de parler du cœur de leur métier. Ces différents lieux de rencontre permettent de développer des liens que rien ne nous encourage à tisser du fait du rythme particulier d’une semaine de cours où les heures s’enchaînent sans nécessairement de moment de retours d’expériences et d’analyse de pratiques, si ce n’est individuel.

  1. Que dirais-tu des relations que tu as pu construire avec les familles ?

Je dirai que ces relations sont en train de changer. Je pense que nous sommes  à l’aube d’une véritable volonté de « co-éducation » en tout cas le concept fait son chemin. Nous sommes de plus en plus conscient.e.s collectivement que nous devons apprendre à mieux connaître les familles dans lesquelles nos élèves grandissent pour pouvoir les accompagner au mieux. L’outil informatique a permis de développer ces liens par le biais de la messagerie qui permet notamment d’aborder très rapidement les réajustements à faire dans le travail ou le comportement sans forcément officialiser les sorties de route par un rendez-vous au sommet. Bien entendu les rencontres sont toujours utiles mais elles peuvent être mieux préparées en amont. Communiquer régulièrement sur les projets, les réussites devient aussi un nouveau modèle de liens entre les familles et l’école. Il faut que nous puisions nos forces dans la parole valorisante les uns des autres.

  1. Depuis tes débuts, quelles évolutions as-tu constatées dans le métier pour toi ? Pour tes élèves?

Comme Romuald, je constate une rapide évolution de la part du numérique dans nos pratiques et dans le quotidien des élèves : quid de l’agenda aujourd’hui ? Nos élèves connecté.e.s à leurs smartphones ne prennent plus la peine de noter leurs devoirs par exemple. Est-ce un problème ? Je n’ai pas le recul nécessaire mais je constate une part grandissante de cet outil dans le quotidien du collège et du lycée.

  1. D’après toi, faut-il former uniquement pour travailler ?

Je pense qu’il est urgent de former pour travailler ENSEMBLE à un monde vivable. La coopération et la solidarité sont d’après moi les seules réponses possibles aux défis politiques, économiques, sociétaux et écologiques qui nous attendent en tant que communauté.

De maintenant à demain…

  1. Comment et où te vois-tu dans cinq ans?

Je ne sais pas répondre à cette question… Cette question m’angoisse au plus haut point tellement le monde est devenu incertain. J’aimerais pouvoir répondre que je me vois dans une salle de classe ouverte sur la forêt à enseigner comment écrire des poèmes qui évoquent l’amour, l’amitié, la beauté et la spiritualité et que nous partagerions lors de marchés des savoirs avec les familles de nos élèves.

  1. Si tu pouvais demander une chose au ministre de l’éducation nationale ce serait quoi ?

Je lui demanderai de travailler AVEC nous. Je lui demanderai de venir applaudir nos élèves dans nos classes, je lui demanderai de faire rêver les futur.e.s enseigant.e.s et les élèves. Je lui demanderai un nouveau récit. Un récit qui mettrait la fraternité à l’honneur.

  1. Quelle serait ton école du futur idéale ?

Une école ouverte sur la nature, une école où il y aurait de l’herbe et des arbres dans les cours de récré, une école au bord de l’eau, une école où il y aurait des bibliothèques dans toutes les classes, une école ouverte sur son environnement, où les gens se rencontreraient tout le temps. Pas seulement les équipes pédagogiques mais les aussi les familles, les artisans, les sportifs/ves, les artistes… Une école réellement et totalement fraternelle. Voilà mon école du futur idéale.

 

 

 

 

 

 

 

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