Conversation autour de l’éducation à la citoyenneté et à la transmission des valeurs républicaines

Trouves-tu que c’est le rôle de l’école d’enseigner la citoyenneté, la démocratie ou encore les valeurs et principes républicains ?

Colette. – Oui, je suis intiment convaincue que cet enseignement est essentiel pour poser les bases d’une implication active et consciente à la vie républicaine. Sans cet enseignement, je crains que beaucoup de droits seraient considérés comme des acquis que nous oublierions de défendre. Je pense d’ailleurs que cet enseignement est encore plus nécessaire aujourd’hui où j’ai parfois l’impression que nos élèves vivent en dehors de valeurs communes clairement affirmées. Comme si il y avait un effet de mondialisation des valeurs qui avait en quelque sorte gommé celles qui unissent chaque peuple à son histoire. Tu vas sans doute me trouver passéiste en lisant ces lignes !

En tant que professeur d’histoire géograhie et emc, j’ai eu quelques formations sur la laïcité, nos institutions républicaines, etc…. Et toi qu’en est-il ? Que penses tu de la formation continue à ce sujet ?

Colette. – Alors là clairement, je n’ai eu aucune formation à ce sujet ! D’où d’ailleurs mon grand désarroi quand il a fallu parler liberté d’expression après l’attentat à Charlie hebdo puis après l’assassinat de Samuel Paty. Heureusement que vous étiez là, cher.e.s collègues d’Histoire-Géographie-EMC, pour nous proposer des contenus, des supports, des idées d’activités. Je garde en mémoire malgré tout les conseils de mon premier tuteur, quand je préparais le CAPES, qui m’avait prêté un livre intitulé L’idée républicaine aujourd’hui et qui avait à cœur de proposer à ses élèves des textes des Lumières notamment.

Peux tu nous décrire des situations pédagogiques dans lesquelles tu as ou as eu conscience que tu éduques à la citoyenneté et à la transmissions des valeurs et principes de la république ? Les envisages-tu différemment ou en dehors de ta progression de ton programme de français ?

Colette. – C’est en 3e surtout, notamment lors de la séquence dédiée à notre Enseignement Pratique Interdisciplinaire intitulé « Mémoire(s) de guerre(s) : quand la littérature témoigne » que j’ai le plus l’impression d’éduquer à la citoyenneté et à la transmission des valeurs et principes de la république. Les témoignages que nous lisons que ce soit celui de Joseph Joffo, d’Anne Frank, d’Art Spiegelman, de Simone Veil, permettent tous de se poser la question des valeurs que nous incarnons et défendons en tant que citoyen et citoyenne et des limites qui sont franchies quand on passe d’un régime politique à un autre. Le programme de 3e en Français proposent plusieurs objets d’étude qui permettent d’interroger les valeurs républicaines : « Agir dans la société, individu et pouvoir » ou encore « Dénoncer les travers de la société ». Même l’objet d’étude dédié à la science-fiction, « Rêves et progrès scientifiques » est une invitation à bousculer nos préjugés sur une république qui serait éternelle et à rester éveillé.e, gardien et gardiennes du modèle démocratique. Sur les autres niveaux, il est plus difficile d’intégrer cet enseignement à mes cours, alors ça passe par des pratiques pédagogiques qui mettent la coopération au cœur des apprentissages : le travail en îlots bonifiés, les conseils coopératifs en vie de classe, le parrainage-marrainage des 6e par les 3e ou encore les dictées anti-sexistes, engagées ou vertes que je propose de manière ritualisée toutes les semaines.

D’ailleurs penses tu que ces valeurs sont difficiles à transmettre ? En faudrait-il d’autres ?

Colette. – Oui je trouve que ces valeurs sont difficiles à transmettre et encore je n’ai jamais été confrontée, comme certaines de mes amies, au rejet hostile et explicite des élèves, notamment en ce qui concerne la laïcité. Je crains que cette difficulté soit liée à un manque de consensus des adultes qui entourent nos jeunes autour de ces valeurs comme si parfois notre école était coupée d’une partie de la société. Je ne saurais analyser précisément ce sentiment mais je pense qu’il est urgentissime d’écrire ensemble un autre récit, un récit qui s’étendrait d’ailleurs au delà de nos frontières car dorénavant nous devons penser ensemble, en tant qu’humanité, notre rapport au monde. C’est d’ailleurs une des valeurs qui devrait être transversale à l’idée républicaine : il n’y a pas de République sans sol, sans forêt, sans rivières… Le respect du vivant, voilà une valeur qu’il faudrait ajouter aux valeurs républicaines.

Comment d’après toi tu les transmets au quotidien ?

Colette. – Comme je l’ai dit précédemment, je pense que c’est à travers divers dispositifs pédagogiques que je transmets les valeurs dont je ne parle pas explicitement aux élèves. Le conseil coopératif notamment et toutes les situations de débat argumenté permettent d’apprendre la liberté, l’égalité et la fraternité. Et j’espère que le fait de laisser ma salle de classe ouverte à quiconque en aurait besoin en dehors des cours incarne également mon engagement citoyen.

Penses tu que d’autres acteurs que les enseignants peuvent s’en charger et pourquoi ?

Colette. – Je suis convaincue que nous devrions travailler beaucoup plus souvent avec les associations du territoire auquel appartient notre établissement. Pour faire société ensemble, il faut vraiment que la société sous toutes ses formes puisse participer à la vie de l’école. Plus que jamais, nous avons besoin de faire rencontrer à nos élèves des personnes engagées.

Enfin, je vais proposer aux élèves de faire des propositions au ministre pour une meilleure éducation à la citoyenneté et toi que lui proposerais-tu?

Colette. – Je vais te faire une réponse décevante, je pense. Je ne lui proposerai rien. Ou si… D’écrire avec nous ce nouveau récit dont nos jeunes ont tellement besoin pour se projeter vers un avenir désirable. Et de créer de véritables instances décisionnelles pour nos jeunes au cœur de chaque établissement. Des instances qui les concernent tous.tes. De petites républiques, comme autant de graines qui feraient battre le cœur de la grande république française.

Dans la bibliothèque d’Amélie – épisode 6

Pour chaque item de cette liste, indique-tes références et les raisons qui t’ont poussé à les citer.

  • un livre découvert dans ta scolarité qui t’a marqué et les raisons qui expliquent ce choix. La Cantatrice chauve de Ionesco parce que je n’avais jamais lu quelque chose d’aussi fou et que j’ai adoré découvrir des classiques aussi peu académiques. J’ai dû voir la pièce 6 ou 7 fois au théâtre, y compris à la Huchette, bien sûr.
  • un livre que tu conseillerais à tes élèves. Un seul, c’est difficile… Peut-être Tobie Lolness de Timothée de Fombelle, parce que c’est accessible à tous, que c’est dynamique et plein de suspense comme les enfants aiment, parce que j’aime le message qui y est véhiculé, parce que je crois que ça peut les aider à grandir.
  • Trois livres ou films que tu conseillerais à un prof qui débute sa carrière. Je ne sais pas car je n’aime pas les livres ni les films qui se passent dans le milieu scolaire…
  • Une ressource pédagogique qui a révolutionné ta pratique. Aucune en particulier : je pioche surtout dans les échanges que j’ai avec mes collègues et amies. C’est à travers nos discussions, leurs expériences et leurs conseils que j’enrichis mes pratiques.
  • Un livre qui te fait rire. Jefferson de Mourlevat (je pense à celui-ci car je suis en train de le relire)
  • Un autre qui te fait pleurer. Le dernier en date est La commode aux tiroirs de couleurs d’Olivia Ruiz. L’accouchement de Cali m’a fait verser une larme.
  • Un autre qui te détend après une semaine de conseils de classe et autres commissions éducatives. La BD des Vieux fourneaux peut-être ? Une BD en tout cas, ça, c’est sûr.

Éduquer aux gestes citoyens : l’élection des délégués de classe

Pas plus tard que cette semaine, je réécoutais le premier épisode de la série Comment s’éduque-t-on à la démocratie? que l’émission Etre et Savoir a réalisé avant la campagne présidentielle dans laquelle il est donné quelques statistiques comme le nombre d’élèves qui sont délégués de classe une fois pendant leur scolarité, l’accumulation des fonctions, le regard que porte les élèves sur ces pratiques électorales au sein de l’école.

Il en ressort que dans l’ensemble ils sont attachés à ces pratiques, qu’un quart des élèves assurent un an la fonction de délégués de classes et c’est bien mais dans l’autre sens, le turn over sur cette fonction montre que nos élèves sont parfaitement conscients du peu d’importance qu’on leur donne, qu’ils ne sont que trop peu écoutés et que souvent ça reste, comme dans notre société, l’apanage des bons élèves, c’est-à-dire de l’élite.

Alors concrètement comment initie-t-on nos élèves à l’engagement citoyen?

Il est clair que le moment le plus important est le temps de l’ élection des délégués de classe qui a lieu la dernière semaine de septembre et la première semaine d’octobre chaque année.

Je vous livre trois de mes marottes pédagogiques sur ce sujet :

  • faire campagne : cette semaine, je vais distribuer à mes élèves candidats une affiche pour faire campagne qu’ils devront présenter et diffuser à leur camarade. C’est d’autant plus important qu’au lycée, les élèves au sein des classes se connaissent très mal. La profession de foi est obligatoire pour les candidats et tous les ans je l’adapte et en change la forme afin qu’elle soit adaptée à mes élèves. Mais je tiens à cet exercice qui permet d’une part de faire prendre conscience que la mission n’est pas anecdotique et d’autre part de la responsabilité qu’ils ont envers leurs camarades.
profession de foi distribuée cette année
  • préparer le conseil de classe : comment prendre la parole, qu’a t-on le droit de dire et de ne pas dire ? Représenter les instances administratives et représentatives de l’établissement afin que les interventions de mes délégués soient écoutées et considérées, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

  • communiquer les résultats de leurs actions au sein de la classe en vie de classe ou encore sur les tableaux d’affichages de l’établissement et dans l’idéal sur internet.

Alors bien sûr, on pourrait aller encore plus loin et je suis d’ailleurs toujours insatisfaite des résultats. Je travaille désormais à essayer de leur faire prendre conscience de la nécessité d’un engagement politique et social aussi minime soit-il, y compris dans mes cours ou dans d’autres instances comme le journal de l’établissement qui est entièrement géré par des élèves mais qui souvent n’osent pas ou manquent de temps, l’engagement des éco-délégués, ou encore dans le CVL (Conseil des délégués pour la Vie Lycéenne).

Voilà et d’ailleurs je dois avouer que l’une de mes plus grandes satisfactions d’enseignante et de les voir adultes et engagés dans une cause, une association, voire un parti politique.

On vous souhaite des ferveurs politiques dans vos classes et dans vos vies ces prochains jours.

L’école du futur…

L’école est finie d’Yves Grevet est un tout petit livre que j’aime beaucoup faire lire à mes élèves de 3e, mais qui peut se savourer bien avant, tellement ce texte, d’abord destiné à des adultes, a une portée universelle.

En quelques pages, l’auteur nous met dans la peau d’un adolescent de 2025 qui vit dans une France où l’école est à 2 vitesses : d’un côté l’école de l’entreprise de l’autre l’école privée.

D’un côté des familles défavorisées qui sont obligées de signer un contrat avec des entreprises qui se chargeront d’éduquer leurs enfants dans l’optique de les faire travailler dans leur secteur d’activité, de l’autre des familles qui peuvent offrir une éducation traditionnelle à leurs enfants. Le narrateur de l’histoire suit les cours de Jardins et maisons, une école qui lui apprend à faire des inventaires, porter des sacs de terreau, mettre en rayons, etc. Sa petite amie, Lila, suit les cours de Speed Fooding et tous les jours le midi à la cantine c’est hamburgers frites.

Et puis dans l’ombre et la clandestinité, se sont construites des écoles du maquis prises en charge par des enseignants retraités bénévoles qui accueillent chez eux les enfants des familles qui ne supportent plus ce système. Lila va partir, Lila va lire, Lila va apprendre, va comprendre, le monde dans lequel elle vit, le monde tel qu’il s’est façonné et comment ils en sont arrivés là…

Quand elle retrouve le narrateur après plusieurs mois de surveillance et d’enquête policière, elle va insuffler en lui un vent de révolte.

Et c’est ce vent de révolte ou du moins de questionnements que j’aime partager avec mes élèves. Même si s’engager est encore un chemin difficile pour la plupart d’entre eux, penser, remettre en question, interroger l’école d’aujourd’hui et plus largement le monde qui l’entoure, voilà qui donne du sens à ce métier qui sans cesse nous oblige à nous remettre en question, à écouter, à chercher, à interroger. D’ailleurs, nous terminons notre séquence autour de ce livre sur le sujet de réflexion suivant : « A quoi sert l’école aujourd’hui ? » . Et je pourrai être plus précise en leur demandant ce qui différencie l’école publique de l’école privée, ou pour être encore plus actuelle, l’école du présent de l’école du futur prônée par notre président et si ce système à deux vitesses est à la hauteur de la devise qui orne nos institutions.

Des profs se racontent- épisode 7 Alexandre

Du rêve à la réalité du métier…

  • Quelle est la matière que tu enseignes ?  A quels niveaux ?
  • Histoire-géographie en collège. Cette année j’ai des 6e / 5e et 3e
  • Depuis quand enseignes tu ?
  • C’est ma 15e rentrée, avant d’être enseignant j’étais AED et j’ai eu quelques expériences en tant que vacataire.
  • Pourquoi as-tu choisi d’exercer ce métier ?
  • Par passion pour la discipline et parce que j’avais envie de transmettre cette passion.
  • Est-ce que la réalité de ton métier coïncide à ce pourquoi tu as choisi de l’exercer ? Pourquoi ?
  • Au début oui, j’avais « la tête dans le guidon » pour la préparation des cours et pour la prise en main des principaux outils pédagogiques mais dans l’ensemble cela correspondait à ce pourquoi j’ai choisi ce métier : la partage de ma passion pour une discipline et l’envie de transmettre. Les rapports avec les élèves et les familles étaient assez simples et souvent constructifs.

Avec le temps je me rends compte que la réalité s’éloigne de plus en plus parce que les tâches s’accumulent et s’éloignent de notre mission première qui est l’enseignement et l’organisation de cet enseignement. Je m’interroge souvent sur le sujet et j’en discute beaucoup avec certains collègues devenus des proches.

Je pense que l’accumulation de nouvelles missions imposées par la direction/DASEN  incombent à certains enseignants (souvent les plus engagés) et dépendant des établissements scolaires et bien sûr des directions.

Chez nous, les réunions inutiles (car pas organisées), les plans (pédagogiques, orientation…), les missions (TICE, laïcité, égalité, environnement…) sont chronophages et souvent très peu suivies. Elles sont trop souvent imposées aux mêmes enseignants et nous éloignent de plus en plus de notre mission d’enseignant. Enfin, la tâche de professeur principal est une charge très chronophage et peu reconnue. Les relations avec les familles et de plus en plus, avec les élèves, sont compliquées, surtout dans notre établissement scolaire.

  • Raconte-nous un de tes plus précieux souvenirs pédagogiques, une belle surprise que tu as pu vivre dans ce métier.
  • Pas un précieux souvenirs mais des souvenirs, souvent lors de sorties scolaires lorsque les élèves viennent nous voir les yeux brillants parce qu’ils sont heureux de partager les moments qu’on leur offre.
  • Voir aussi de belles progressions annuelles pour des élèves qui pourtant partaient avec d’importantes difficultés.
  • Quels sont tes projets, tes envies, tes ambitions pédagogiques pour la rentrée 2022 ?
  • Poursuivre la construction des compétences de mes élèves et les amener à développer leurs réflexions autour de thèmes d’actualité et porteurs comme le Développement Durable.
  • J’aspire aussi à leur faire découvrir leur environnement local en organisant des sorties terrain pour faire de l’histoire et de la géographie sur site pour rendre concrets les apprentissages.

Du lien aux liens…

  • Que dirais-tu des relations que tu tisses avec tes élèves ?
  • J’ai globalement de bonnes relations avec les élèves et leurs familles. J’essaie de développer un cadre bienveillant pour que chaque élève puisse apprendre dans de bonnes conditions. J’essaie aussi de faire en sorte que le travail des élèves soit efficient et respectueux de chacun.
  • Que dirais-tu des relations entre membres de l’équipe pédagogique ?
  • Globalement les relations sont bonnes avec tous les collègues. Il est difficile de travailler avec certains tant les points de vue sur les élèves et les pratiques pédagogiques diffèrent. Enfin, les affinités font que nous sommes amenés à travailler davantage avec certains.
  • Que dirais-tu des relations que tu as pu construire avec les familles ?
  • Les relations sont plutôt bonnes même si certaines familles ont des relations tendues avec l’école et ne facilitent pas les choses.
  • Depuis tes débuts, quelles évolutions as-tu constatées dans le métier pour toi ?  Pour tes élèves?
  • Le métier a changé, c’est indéniable, les tâches administratives se sont accumulées et prennent un temps important.

L’enseignement en tant que tel est différent, j’ai quand même l’impression que le niveau est plus faible qu’à mes débuts. Les élèves semblent moins impliqués dans leurs apprentissages en particulier à la maison et les temps de loisirs prennent le dessus sur les tâches scolaires.

De maintenant à demain…

  • Comment et où te vois-tu dans cinq ans ?
  • J’aimerais changer d’établissement scolaire et aller au lycée.
  • Si tu pouvais demander une chose au ministre de l’éducation nationale ce serait quoi ?
  • Si j’en avais la possibilité je lui demanderais plus de respect pour les personnels, c’est-à-dire que je l’inciterais à changer le management du ministère. Le ministre étant nouveau, je lui laisse le temps de s’installer peut être que ce sera une de ses priorités.
  • Quelle serait ton école du futur idéale ?
  • Une école dans laquelle les enfants viennent avec plaisir pour s’entraider et construire une société plus juste et plus égalitaire autour de thématiques d’actualité (EDD, eau, internet, réseaux sociaux…).

Ode à l’école républicaine

On commence cette nouvelle année scolaire en évoquant notre école républicaine avec ses qualités et ses défauts, celle qui a pour vocation de former les citoyens de demain.

Oui plus que jamais il est important pour Colette et moi de se demander comment former nos futurs citoyennes et citoyens de demain? A en écouter les différentes feuilles de routes, il faudrait qu’ils soient bienveillants, respectueux des valeurs et principes républicains nationaux mais aussi européens, préoccupés par le développement durable. Et encore je n’évoque pas le volet économique de la mission, alors c’est une tâche difficile devant laquelle on a parfois l’impression de courir plusieurs lièvres à la fois sans jamais réussir à en saisir vraiment un !

Pour commencer ce mois, je voulais vous présenter l’ouvrage autobiographique de Mona Ozouf, Composition française.

Ce livre m’ a été déposé dans le casier par la documentaliste du lycée parce que j’avais fait travaillé mes élèves sur des historiennes du XIXè siècle. Bien sur je connaissais les travaux de Mona Ozouf sur la révolution et l’école de la IIIème République mais rien de sa vie personnelle. Dans cette ouvrage, elle montre à quel point nos vies sont des destins fait d’héritages, de rencontres, et de liens qu’on a tissés enfant et par conséquent dans l’enceinte de l’école. J’ai désormais lu Composition française il y a presque un an au milieu d’ouvrages d’Isabelle Filliozat qui évoquait l’importance de soigner l’enfant, l’enfant intérieur qui deviendra un jour un adulte avec un rôle dans notre société. J’ai donc le souvenir de me dire que l’enfant intérieur dans cette chercheuse l’avait sans cesse guidé.

Composition française, et le titre est excessivement bien choisi, est composé de sept chapitres. Chacun de ces chapitres raconte un élément qui compose la personnalité de Mona Ozouf : ses racines bretonnes, son enfance dans les écoles laïques républicaines avec sa mère veuve, l’omniprésence de sa grand-mère catholique, les efforts consentis par sa mère pour l’amener jusqu’à l’école normale supérieure. Chaque village, ville, personne rencontrée, livres lus la composent et font d’elle l’historienne et philosophe d’aujourd’hui.

J’ai aimé dans ce récit autobiographique d’abord les incursions dans les bibliothèques familiales, celle de son père puis de sa mère mais aussi celles des enseignants du collège, du parti communiste à la fin des années 40, 50. J’apprécie aussi tout particulièrement cette idée qu’on est le produit de nos rencontres matérielles, humaines mais aussi immatérielles et c’est ce qui m’a permis de rentrer aussi finalement dans cette autobiographie passionnante, c’est un peu comme si ses travaux devenaient plus limpides.

Puis et c’est en cela qu’elle inaugure notre mois de Septembre sur l’école républicaine, j’ai trouvé fantastique la force de l’école républicaine dans sa vie. Elle est une enfant, un produit de l’école pensée par la IIIème république qu’on critique souvent aujourd’hui car trop normative, trop bloquante, trop lourde dans son fonctionnement niant les individualités mais c’est bel et bien elle qui a amené Mona Ozouf jusqu’à la recherche, qui lui a permis cette ascension sociale et intellectuelle. C’est bien cette école républicaine qui a guidé ses travaux de recherche puisque toute sa vie, elle a cherché à comprendre dans les racines révolutionnaires dans un premier temps, puis dans les racines de l’école républicaine dans un second temps, les origines de notre histoire nationale, celle dont on doit encore faire le récit, autrement et avec plus de nuances qu’au début du XXème siècle mais cette mission est encore bien présente. C’est bien là qu’elle interpelle l’enseignante que je suis : quelle est d’une part, la capacité de l’école encore à mener des enfants sur la voie de la réussite, de l’accomplissement personnel, et d’autre part sa capacité à transmettre des valeurs? Comment? Et comment s’interroger sur leurs évolutions et sur les doutes qui peuvent émerger chez certains de nos élèves sur la question de la cohésion sociale, sur celle de la Laïcité ou encore même sur les conditions de notre démocratie ? J’ai d’ailleurs été moins emportée par sa dernière partie dans laquelle elle interroge l’identité française si problématique rien que par ce terme d’identité aujourd’hui dans notre société. Elle évoque la « balkanisation de la nation française », l’archipellisation de notre société et se demande si la volonté d’uniformisation de la République, si sa capacité à nier ses particularités régionales hier et ce depuis la révolution et d’autres cultures aujourd’hui n’y contribue pas.

Alors je vous conseille de lire Composition française si vous avez des doutes sur le sens que vous donnez à votre travail et si vous avez envie de réflexions sur « la construction de la citoyenneté nationale » dont nous sommes, parmi d’autres, les artisans.

Bonne lecture et je vous souhaite une année riche en réflexions et en construction de sens sur notre chère école républicaine.

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