Le projet « Les Petits Colibris du Val de Saye ».

Aujourd’hui on avait envie, Colette et moi, de revenir sur le projet Colibri démarré en 2018 avec la rédaction d’une charte de pique nique zéro déchet par des élèves de sixième.

Aude. – C’est toi qui étais à l’initiative de ce projet Colette, peux-tu en rappeler la genèse ?

Tout a commencé avec l’actualité de la forêt amazonienne qui brûlait cet été là, non pas sous l’effet du réchauffement climatique mais sous les feux de la déforestation. J’ai découvert au même moment la légende du colibri que racontait Pierre Rabhi à qui voulait l’écouter parler du rapport entre l’homme et la nature. Cette légende,en quelques phrases, m’a donné du grain à moudre pour des années ! Comme tout ce qui me touche, je l’ai partagé immédiatement avec mes élèves de 6e.

La Sagesse du colibri, où comment chacun fait sa part,
Pippa Dyrlaga, Gründ.

Cette année là, la rentrée s’est faîte sous le signe du colibri. A l’occasion d’une dictée fautive de début d’année, j’ai proposé à mes élèves le texte de la légende que nous avions au préalable analysé. Puis nous nous sommes décernés le titre d’ambassadeurs et ambassadrices de l’éco-citoyenneté et nous avons œuvré toute l’année autour du thème des déchets avec toi, leur professeure d’Histoire-Géographie-EMC mais aussi avec notre collègue de SVT, notre collègue de Mathématiques et notre collègue de Technologie. Il me semble que c’est toi qui a balisé l’année de projets qui nous permettraient de découvrir le trajet d’un déchet et de comprendre pourquoi le meilleur déchet c’est celui qu’on ne crée pas. On a travaillé notamment avec le SMICVAL, le syndicat intercommunal qui traite les déchets de l’établissement, et on a pu suivre le trajet de nos déchets de la déchèterie au centre d’enfouissement, puis on a élaboré une charte du pique-nique zéro déchet qu’on a testée lors de nos sorties scolaires et que nous avons soumise à notre principal de l’époque pour une généralisation de cette démarche à toutes les sorties scolaires.

Aude. – Je me souviens de beaucoup d’enthousiasme de notre part et des partenaires avec lesquels on avait travaillé et en même temps d’un décalage entre nos préoccupations, nos inquiétudes et l’attitude de certains élèves. Trouves-tu que cette génération d’élèves a réussi à être plus sensible à la cause écologique?

Colette. –Je pense que c’est une génération qui SAIT beaucoup de choses sur les enjeux de développement durable et de protection de la biodiversité. Ils ont le vocabulaire, ils comprennent dans les grandes lignes les phénomènes scientifiques qui sont au cœur des transformations de notre environnement, et cela dès le plus jeune âge du collège, dès la 6e. Après, nos élèves sont à l’image de la société à laquelle ils appartiennent, et il y a un immense fossé entre avoir les connaissances nécessaires à la compréhension des phénomènes liés à l’écologie et agir pour protéger le vivant…

Aude. – Quels ont été les autres projets après ? Ont-ils eu autant de portée?

Colette. – Nous avons créé l’année suivante un « éco-club » en parallèle du club Nature, animé par d’autres collègues avec qui nous avions travaillé l’année précédente. Nous avons proposé aux élèves volontaires de faire de l’up-cycling, c’est-à-dire de réutiliser des textiles pour fabriquer des objets du quotidiens, essentiellement des tote-bags et des tawashis. Nos élèves étaient essentiellement des filles qui voulaient lancer des sweats féministes 🙂 Alors on a essayé de trouver des slogans à illustrer avec des tricotins sur des T-shirts recyclés ! On a surtout fabriqué des tawashis à la pêle ! Notre objectif cette année là était de réfléchir aux fournitures scolaires. Hélàs un satané virus est venu perturbé notre programme… et nous n’avons plus revu nos élèves de l’éco-club de l’année…

Aude. – Quelles sont selon toi les difficultés à mener l’éducation au développement durable dans nos classes? Je peux d’ores et déjà répondre qu’au lycée, je me confronte à la difficulté du calendrier d’une part. Une année très courte, jalonnée par des examens blancs, puis des examens, des devoirs sur table immanquables,… et le manque d’intérêt de la part des élèves s’il n’y a pas de récompenses au bout. Et le dernier frein est clairement pour ma part le manque d’audace : il faudrait que je saute le pas, que j’aille faire cours face à la mer, face à la Rhune, qu’on marche à pied, que je consacre des heures à la contemplation de la nature plutôt que de m’accrocher à mon programme.

Colette. – Je suis d’accord avec toi sur le manque d’audace personnelle auquel je rajouterai le manque d’ambition collective – qui pour moi caractérise toute la société face à l’enjeu climatique ! Par exemple, quand nous avons souhaité rencontrer notre chef d’établissement avec les élèves de 6e en 2018, il avait oublié le RDV. La gestionnaire qui l’a remplacé à la réunion a bien pris note de nos recommandations et des solutions proposées par les élèves pour les futurs pique-niques zéro déchet du collège mais depuis 4 ans, rien n’a changé : les pique-niques sont toujours donnés aux élèves dans des poches en plastique, et chaque aliment y est emballé dans des emballages individuels. Le gaspillage alimentaire à la cantine a empiré, les déchets ne sont même plus triés. Notre vermi-compost est toujours dans un placard sans parler du tri du papier qui n’est même plus fait par les élèves. Quant aux éco-délégué.e.s, même s’ils et elles sont très motivé.e.s au départ, ils et elles ne sont pas encadré.e.s : que peuvent-ils et elles bien impulser du haut de leurs 10, 12, 13 et 14 si les adultes ne leur laissent pas le lieu et le temps de se réunir ? (et encore ça c’est quand les éco-délégué.e.s sont élu.e.s…)

Aude. – Maintenant que je ne suis plus au collège, où en êtes-vous? Je suis curieuse, je veux tout savoir….

Colette. – L’année dernière, notre collègue de mathématiques a poursuivi le club nature avec notre collègue de sciences physiques. Nous avons 3 poules au collège que les élèves adorent ! Nous proposons à chaque sortie un pique-nique zéro-déchet (mais qui reste à charge des élèves) et lors de la journée d’intégration des 6e, nos collègues d’E.P.S organisent une « clean walk » dans les rues du village, avec pesée des déchets collectés (et c’est toujours très impressionnant…) . Cette année, les choses vont changer grâce au retour d’un collège de SVT très engagé qui a constaté l’immobilisme de notre établissement sur ce sujet. D’ailleurs aujourd’hui même, à peine élu.e.s, les éco-délégué.e.s vont participer à leur première réunion sous la houlette du SMICVAL. Je me suis invitée, je pourrai venir raconter ici ce qui s’y est dit !

Aude. – Pour finir, vers quels types de projets te diriges-tu cette année dans ce cadre? et peut être dans une projection à deux ou trois ans?

Colette. – Cette année, j’ai accueilli les élèves de 6e dont je suis professeure principale avec une matinée escape game basé sur la légende du colibri et le trésor à la clé de cette matinée était une sauge que nous avons plantée dans le jardin du collège. Je compte soutenir la formation des éco-délégué.e.s avec notre collègue de SVT notamment en travaillant sur la sensibilisation du parcours des déchets à l’échelle de l’établissement à la fois dans la cour, dans la classe, dans la cantine. Cette fois on s’attaque au fonctionnement de l’établissement dans son ensemble et plus seulement aux petits gestes des élèves : si on veut qu’ils soient outillés pour construire un avenir plus respectueux du vivant, il faudra d’abord montrer l’exemple, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Je compte aussi travailler dehors beaucoup plus régulièrement. J’explore en ce moment les sentiers et les chemins qui bordent le collège pour y expérimenter les balades contées, car je suis de plus en plus convaincue qu’on ne respecte que ce que l’on aime. A plus long terme, c’est sur les partenariats que j’aimerais travailler : partenariat avec les familles et avec les acteurs locaux du développement durable.

Aude. – Si tu fermes les yeux quel serait le visage de cette fameuse école durable de point de vue aménagements intérieur et extérieurs mais aussi moyens humains?

En ce qui me concerne, si je réponds à cette question, j’aimerais des vrais temps de discussions avec tous les acteurs de l’établissement scolaire et en premier lieu une véritable éducation et implication des agents avec une valorisation salariale de leur engagement dans ces démarches. J’ai encore en travers le fait que le tri n’est pas effectué dans mon établissement par manque de moyens humains (ils ne sont pas assez nombreux et ne peuvent pas réaliser cette tâche dans leur temps de travail). J’aimerais des semaines dédiées à l’éducation au développement durable avec une implication de tous les enseignants et non uniquement des profs d’histoire-géographie et S.V.T : c’est d’ailleurs ce qu’on avait réussi à faire au collège la première année des colibris. Enfin j’aimerais une école pensée durablement avec un enseignement à l’émerveillement. Jardiner, cuisiner, se promener, visiter des monuments, aménager des salles, tenir des ressourceries, éduquer les élèves aux gestes éco-responsables et solidaires doit désormais à mon sens faire partie de notre enseignement.

Colette.- Je répondrai avec ce petit reportage trouvé sur le site du magasine Phosphore qui met en avant les initiatives du lycée franco-allemand de Fribourg-en-Brisgau.

Comme toi, je crois qu’il nous faut avant tout éduquer à l’émerveillement, au contact avec l’arbre, l’oiseau, l’air, le cheminement pour rappeler cette évidence que clame les jeunes de Youth for Climate depuis 2018 : Nous sommes le vivant. Alors laissons le vivant rentrer dans nos établissements…

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