A corps et à cris

Nous avions mis en lignes nos deux premiers articles sur le corps mais la machine nous les a avalé, alors nous revoilà avec notre article introductif sous forme d’interviews croisés.

  1. Colette: C’est toi qui a proposé cette thématique pour le mois de Mars, mois de la renaissance de la nature ( et du redéploiement des corps!) : pourquoi ? Y-a-t-il une anecdote en particulier qui a mis ce sujet au cœur de tes préoccupations éducatives ? J’ai eu envie de parler du corps après être aller voir le ballet autobiographique de Marie Claude Piétragalla dont j’avais parlé dans nos première pépites d’Octobre. Puis, en ce qui me concerne, j’ai un rapport au corps qui est très particulier, sans doute parce que j’ai été très rapidement consciente qu’il s’exprimait à la place de mes mots, en dansant beaucoup quand j’étais adolescente, puis quand on souffre, qu’on est triste,… Ensuite, en tant qu’enseignante dans le secondaire, je suis confrontée à des adolescents dont la définition même est le changement corporel et je suis toujours intriguée, fascinée, parfois inquiète de voir quelles relations ils entretiennent avec leur corps qui change… Je pense d’ailleurs que comme pour beaucoup de choses sur l’adolescence, nous manquons cruellement de connaissances et de formations, même si depuis quelques années, les formations sur les compétences psycho-émotionnelles nous amène à y être tous plus sensibles.

    2. Colette: Corps de filles, corps de garçons, corps non binaires : qu’est-ce qu’on en dit à l’école ? On en dit qu’on les accepte de plus en plus, en tout cas du côté des adultes, enfin à mon sens, il y a depuis quelques années, une vraie liberté qui est accordée à l’apparence dans les établissements, malgré les « tenues républicaines » et personnellement, je n’y apporte aucun jugement. Ce sont des élèves. Point. binaires, non binaires, assumés ou pas encore. Je leur souhaite d’être bien dans l’établissement, j’essaie d’accompagner parfois personnellement si je vois qu’il y a un mal être. Un manteau en plein mois de mai, des habits sales, des élèves qui sentent mauvais des marques sur les bras… m’interpellent plus et appellent à bien plus d’attention que des élèves pour lesquels j’arrive à déterminer par leur look ou leur maquillage, une transition amorcée, un genre assumées, ect…Je suis plus vigilante, au remarque que je pourrais entendre dans un couloir sur la tenue d’une jeune fille ou d’un jeune garçon que sur la tenue elle même. Bref, l’objectif pour moi est que l’élève soit bien dans ses baskets. Après, nous sommes dans une société encore très normative et j’estime aussi que lorsqu’il passe un oral par exemple, il faut avoir une tenue en adéquation avec la circonstance parce que je leur souhaite qu’un jour ils puissent aller passer un entretien d’embauche en short de plage et débardeur échancré mais je crains que ce ne soit pas encore pour demain la veille;) donc c’est aussi mon travail de leur dire que le jean troué, le haut qui laisse tout dépassé, dans une situation d’examen cela peut encore être décisif. Après, je sais que c’est un point de vue personnel et quand la communauté éducative, nous sommes loin d’avoir tous le même avis.

  1. Espaces et corps : comment l’espace scolaire prend-il en compte le bien-être des corps de nos élèves ? Je pense aux cours de récréation, aux toilettes, aux espaces de détente comme le foyer ou le CDI, aux gymnases, aux salles de cours, aux couloirs… et bien il ne le prend pas en compte ou encore si peu. Les toilettes ouvertes en haut et en bas, le manque de papier à partir de 13h, les vestiaires collectifs, si j’osais je vous mettrai le lien du compte Instagram créé par les élèves pour montrer dans quelles conditions ils s’endorment dans l’établissement. Alors attention, je pense que le fait qu’ils s’endorment est lié en partie à leur hygiène de vie déplorable (jeux vidéos nocturnes, téléphones jamais éteints, malbouffe, … mais ils se reposent assis, voir couchés sur le sol. Bref, je pense sincèrement que tous les établissements doivent repenser les espaces, les adapter à nos modes de vie actuels. Il faut des espaces où l’on se sente bien pour avoir envie de travailler. Même pour nous, l’aménagement des postes de travail. J’avais une station d’ordinateur debout et maintenant, je dois m’assoir, elle n’est jamais à la bonne hauteur, les tableaux trop hauts, le casier trop petit et trop loin des salles dans lesquelles on a cours.La liste pourrait être interminable alors je rêve d’autre chose mais ça je vous en parlerais à la fin du mois:)

    Et nos corps à nous, accompagnatrices et accompagnateurs de cette jeunesse en formation : l’institution en tient-elle compte ? Comment prendre soin de nos corps à l’école ? Absolument pas! Nous avons une visite médicale au moment de notre titularisation et en ce qui me concerne, j’en garde un très mauvais souvenir. Le médecin tenait absolument à me faire une palpation des seins, alors que je venais de lui dire qui ça avait été fait quelques jours auparavant par ma gynécologue. Je n’ai pas cédé mais je pense avoir vécu cela comme une atteinte à mon intimité. Donc autant dire, que je n’ai nullement envie de revoir un médecin du travail! A ma connaissance, je ne pense pas qu’il y ait d’étude sur la fatigue physique engendrée par notre métier: le bruit, la mise à niveau: s’accroupir, soulever des livres, des enfants pour nos collègues de maternelle, rester devant un écran,…. J’ai par exemple cette année, cours de 12h à 16h, trois fois par semaine. Il n’y a pas de récréation, et bien cela signifie quand même que je ne peux pas aller aux toilettes pendant 4 heures puisque mes élèves se retrouvent sans surveillance à ce moment là, je mange à 11h donc très tôt dans la mâtinée et j’ai donc un rythme alimentaire particulier et qui me déstabilise. On pourrait se dire ce n’est pas très grave, il y a les vacances, le peu d’heure devant élèves, … mais mon corps doit s’adapter, doit changer de rythme…. et après il y a la fatigue émotionnelle, la fragilité psychologique. En ce qui me concerne, en fin d’année, je me sens toujours vidée et nous sommes parfois hantés par les parcours de certains de nos élèves, et cela s’inscrit qu’on le veuille ou non dans nos corps! Enfin, là aussi qu’on le veuille ou non, nous sommes un métier de représentation: je dis toujours, je suis une comédienne qui fait 4 à 5 heures de spectacle devant un public qui n’ a pas envie de me voir. C’est peut être très personnel, mais je fais attention à mon apparence, à ne pas mettre plusieurs fois la même tenue par semaine, je me maquille pour travailler, je vérifie que rien ne dépasse, je fais attention à mes odeurs corporelles, donc le corps et l’exhibition de celui-ci à une place importante dans mon travail et nécessite une pression constante. Pour la deuxième partie de la question, je pense qu’il faudrait une véritable réflexion sur nos corps au travail mais je pense que c’est loin d’être une préoccupation ministérielle. Nous avons la chance d’avoir du temps de travail à la maison et de pouvoir organiser notre temps de travail comme on le veut, alors je pense qu’il est nécessaire de prendre du temps pour prendre soin de soi. Je pense qu’il faudrait aussi repenser les espaces de travail. bref ce sujet est sans fin!
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