Mon coup de cœur absolu du mois d’avril ce fut la pièce Féminines, une pièce écrite et mise en scène par Pauline Bureau. Pour faire suite à notre mois-thématique sur le corps, là encore, il est question du corps, du corps de la femme, du corps en action, du corps qui joue et qui, à travers le jeu, prend le pouvoir sur la vie qui l’anime.
Cette comédie sur la première équipe française de foot féminin, championne du monde en 1978, redonne vie à une bande de filles qui prend son destin en main. On est à la fin des années soixante à Reims. Le journal local organise sa kermesse et cherche l’animation qui pourrait faire la première partie de cette journée festive. Deux des organisateurs ont alors l’idée de monter une équipe de foot féminine, idée alors complètement saugrenue ! Mais c’est sans compter sur l’audace de Joanna, Jeannine, Marinette, Marie-Maud, Françoise et Josepha. Le spectacle nous permet de les suivre tout au long de cette aventure où il est véritablement question de vivre en femmes puissantes en se lançant à corps perdu dans des aventures pour lesquelles on ne se pensait pas tailler !
Et cerise sur le gâteau symbolique, mon fils aîné avait accepté de m’accompagner pour voir cette fable sportive et fut atout aussi transportée que moi par l’enthousiasme de nos héroïnes.
Féminines, Pauline Bureau, Production La Part des Anges, TNBA, 2023.
Un documentaire
Mon deuxième coup de cœur est un documentaire qui donne la parole à une infirmière scolaire que l’on suit dans son quotidien, à Piney, dans un collège de campagne. Même si je n’ai pas forcément reconnu le travail de notre infirmière à nous, celle avec qui je travaille depuis presque 10 ans, parce qu’on ne fait sans doute pas le même métier dans cette campagne là que dans celle où j’enseigne, je suis vraiment reconnaissante à Delphine Dhilly d’avoir eu l’idée de mettre en avant ce métier et de rappeler à quel point c’est une fonction essentielle pour que les corps de nos élèves, mais aussi et surtout leurs âmes tourmentées, trouvent un abri, l’espace d’un instant.
En préparant ma séquence sur la satire pour le niveau 3e, j’ai découvert Iris Brey, autrice, critique de cinéma et universitaire française, spécialiste des questions de genre. Elle a participé à un entretien pour Konbini que l’on trouve ici et elle y explique vraiment très clairement les concepts de « male gaze » et de « female gaze » soit « regard masculin » et « regard féminin » théorisés par la critique et réalisatrice anglaise Laura Mulvey en 1975 (oui, il y a des concepts qui mettent du temps à arriver jusqu’au grand public, allez savoir pourquoi…) . On y découvre donc comment le cinéma et les séries ont impliqué un rapport au corps des femmes notamment à partir du moment où l’œuvre est filmée depuis un regard masculin ou un regard féminin (et ce regard ne dépend pas du tout du genre de la personne qui filme, bien entendu !). Elle y donne de nombreux exemples de films et de séries et après l’avoir écoutée on meurt d’envie de revoir Titanic ! Car oui, James Cameron, dans ce film si populaire aurait opté pour un regard féminin : celui de Rose ! Comme quoi, il est possible de faire des films grand public qui ne choisissent pas de montrer le corps de la femme comme s’il s’agissait d’un objet morcelé !
Au départ ce roman graphique est une chaîne youtube, il rassemble des témoignages de femmes sur l’endométriose, le corps qui change avec les grossesses, les cycles hormonaux, mais aussi le corps malade, blessé ou encore réparé. C’est tendre, c’est doux et le dessin accompagne parfois des histoires de corps meurtris avec beaucoup de bienveillance et de douceur!
Je voulais aussi évoqué ce très beau roman de Marie Pavlenko, un si petit oiseau. Abi a eu un accident et elle a perdu un bras, elle se retrouve amputée à 20 ans, au démarrage de sa vie adulte, il faut alors tout repenser, tout réapprendre, apprendre à aimer ce nouveau corps, comment le rhabiller, le renommer, refaire un à un pour la première fois tous les gestes anodins: saisir un tasse, enfiler un tee shirt, porter un sac à dos, éplucher un légumes. Je pourrais évoquer ce roman pour des dizaines de raisons: notre reconstruction après un choc au cœur du vivant, au contact de la nature, rebondir après un échec, mais là il s’agit d’évoquer la fonctionnalité de notre corps humain et notre incroyable capacité à vivre avec un handicap. C’est là aussi tendre, merveilleux et plein d’humour.
L’autre jour à la bibliothèque, je suis tombée sur le manuel féministe réédité de Notre corps, Nous Mêmes, à mettre dans tous les rayons de CDI et de bibliothèque de France. Ce livre est une mine et il est le fruit d’un travail de recueil de témoignage sur tout ce que le corps des femmes traverse: puberté, sexualité, contraception, avortement, accouchement, vieillesse, ménopause, agressions, épilation. Chaque sujet est traité par des récits d’expériences, des témoignages, des schémas, des dessins simples pour que nous soyons conscientes de notre corps et que nous ayons la connaissance nécessaire pour l’accepter, reconnaître là aussi son extraordinaire fonctionnalité et le bichonner. Nous n’avons qu’un et il doit mener, nous porter longtemps, n’est ce pas?
Il s’agit aussi d’un collectif, né en 2016, féministe qui a eu la volonté de refaire l’extraordinaire d’un collectif de femmes en 73 aux Etats-Unis et en 77 en France dont l’objectif était de partager la connaissance vernaculaire du corps féminin par les femmes et pour les femmes afin de leur redonner un pouvoir sur leur corps. C’est une problématique qui me porte beaucoup en ce moment et que je trouve très enthousiasmante avec aussi l’impression d’avoir perdu 40 ans de construction de ce mouvement qui me semble très bienveillant et très enrichissant, il m’a fait penser aussi au film Annie Colère qui évoque la lutte pour la légalisation de l’avortement par le MLAC: mouvement pour la libéralisation de l’avortement et de la contraception dans lequel le partage des savoirs était au cœur de la démarche.
Enfin, toujours sur le handicap et la réparation du corps, je pense bien évidemment au livre et film Patients de Grand Corps malade qui raconte son histoire et la longue reconquête du mouvement avec beaucoup d’humour.
Voilà pour mes recommandations: partons à la découverte de nos corps et de son extraordinaire fonctionnalité. prenons conscience de ce dont il est capable!
Nous avions mis en lignes nos deux premiers articles sur le corps mais la machine nous les a avalé, alors nous revoilà avec notre article introductif sous forme d’interviews croisés.
Colette: C’est toi qui a proposé cette thématique pour le mois de Mars, mois de la renaissance de la nature ( et du redéploiement des corps!) : pourquoi ? Y-a-t-il une anecdote en particulier qui a mis ce sujet au cœur de tes préoccupations éducatives ? J’ai eu envie de parler du corps après être aller voir le ballet autobiographique de Marie Claude Piétragalla dont j’avais parlé dans nos première pépites d’Octobre. Puis, en ce qui me concerne, j’ai un rapport au corps qui est très particulier, sans doute parce que j’ai été très rapidement consciente qu’il s’exprimait à la place de mes mots, en dansant beaucoup quand j’étais adolescente, puis quand on souffre, qu’on est triste,… Ensuite, en tant qu’enseignante dans le secondaire, je suis confrontée à des adolescents dont la définition même est le changement corporel et je suis toujours intriguée, fascinée, parfois inquiète de voir quelles relations ils entretiennent avec leur corps qui change… Je pense d’ailleurs que comme pour beaucoup de choses sur l’adolescence, nous manquons cruellement de connaissances et de formations, même si depuis quelques années, les formations sur les compétences psycho-émotionnelles nous amène à y être tous plus sensibles.
2. Colette: Corps de filles, corps de garçons, corps non binaires : qu’est-ce qu’on en dit à l’école ? On en dit qu’on les accepte de plus en plus, en tout cas du côté des adultes, enfin à mon sens, il y a depuis quelques années, une vraie liberté qui est accordée à l’apparence dans les établissements, malgré les « tenues républicaines » et personnellement, je n’y apporte aucun jugement. Ce sont des élèves. Point. binaires, non binaires, assumés ou pas encore. Je leur souhaite d’être bien dans l’établissement, j’essaie d’accompagner parfois personnellement si je vois qu’il y a un mal être. Un manteau en plein mois de mai, des habits sales, des élèves qui sentent mauvais des marques sur les bras… m’interpellent plus et appellent à bien plus d’attention que des élèves pour lesquels j’arrive à déterminer par leur look ou leur maquillage, une transition amorcée, un genre assumées, ect…Je suis plus vigilante, au remarque que je pourrais entendre dans un couloir sur la tenue d’une jeune fille ou d’un jeune garçon que sur la tenue elle même. Bref, l’objectif pour moi est que l’élève soit bien dans ses baskets. Après, nous sommes dans une société encore très normative et j’estime aussi que lorsqu’il passe un oral par exemple, il faut avoir une tenue en adéquation avec la circonstance parce que je leur souhaite qu’un jour ils puissent aller passer un entretien d’embauche en short de plage et débardeur échancré mais je crains que ce ne soit pas encore pour demain la veille;) donc c’est aussi mon travail de leur dire que le jean troué, le haut qui laisse tout dépassé, dans une situation d’examen cela peut encore être décisif. Après, je sais que c’est un point de vue personnel et quand la communauté éducative, nous sommes loin d’avoir tous le même avis.
Espaces et corps : comment l’espace scolaire prend-il en compte le bien-être des corps de nos élèves ? Je pense aux cours de récréation, aux toilettes, aux espaces de détente comme le foyer ou le CDI, aux gymnases, aux salles de cours, aux couloirs… et bien il ne le prend pas en compte ou encore si peu. Les toilettes ouvertes en haut et en bas, le manque de papier à partir de 13h, les vestiaires collectifs, si j’osais je vous mettrai le lien du compte Instagram créé par les élèves pour montrer dans quelles conditions ils s’endorment dans l’établissement. Alors attention, je pense que le fait qu’ils s’endorment est lié en partie à leur hygiène de vie déplorable (jeux vidéos nocturnes, téléphones jamais éteints, malbouffe, … mais ils se reposent assis, voir couchés sur le sol. Bref, je pense sincèrement que tous les établissements doivent repenser les espaces, les adapter à nos modes de vie actuels. Il faut des espaces où l’on se sente bien pour avoir envie de travailler. Même pour nous, l’aménagement des postes de travail. J’avais une station d’ordinateur debout et maintenant, je dois m’assoir, elle n’est jamais à la bonne hauteur, les tableaux trop hauts, le casier trop petit et trop loin des salles dans lesquelles on a cours.La liste pourrait être interminable alors je rêve d’autre chose mais ça je vous en parlerais à la fin du mois:)
Et nos corps à nous, accompagnatrices et accompagnateurs de cette jeunesse en formation : l’institution en tient-elle compte ? Comment prendre soin de nos corps à l’école ? Absolument pas! Nous avons une visite médicale au moment de notre titularisation et en ce qui me concerne, j’en garde un très mauvais souvenir. Le médecin tenait absolument à me faire une palpation des seins, alors que je venais de lui dire qui ça avait été fait quelques jours auparavant par ma gynécologue. Je n’ai pas cédé mais je pense avoir vécu cela comme une atteinte à mon intimité. Donc autant dire, que je n’ai nullement envie de revoir un médecin du travail! A ma connaissance, je ne pense pas qu’il y ait d’étude sur la fatigue physique engendrée par notre métier: le bruit, la mise à niveau: s’accroupir, soulever des livres, des enfants pour nos collègues de maternelle, rester devant un écran,…. J’ai par exemple cette année, cours de 12h à 16h, trois fois par semaine. Il n’y a pas de récréation, et bien cela signifie quand même que je ne peux pas aller aux toilettes pendant 4 heures puisque mes élèves se retrouvent sans surveillance à ce moment là, je mange à 11h donc très tôt dans la mâtinée et j’ai donc un rythme alimentaire particulier et qui me déstabilise. On pourrait se dire ce n’est pas très grave, il y a les vacances, le peu d’heure devant élèves, … mais mon corps doit s’adapter, doit changer de rythme…. et après il y a la fatigue émotionnelle, la fragilité psychologique. En ce qui me concerne, en fin d’année, je me sens toujours vidée et nous sommes parfois hantés par les parcours de certains de nos élèves, et cela s’inscrit qu’on le veuille ou non dans nos corps! Enfin, là aussi qu’on le veuille ou non, nous sommes un métier de représentation: je dis toujours, je suis une comédienne qui fait 4 à 5 heures de spectacle devant un public qui n’ a pas envie de me voir. C’est peut être très personnel, mais je fais attention à mon apparence, à ne pas mettre plusieurs fois la même tenue par semaine, je me maquille pour travailler, je vérifie que rien ne dépasse, je fais attention à mes odeurs corporelles, donc le corps et l’exhibition de celui-ci à une place importante dans mon travail et nécessite une pression constante. Pour la deuxième partie de la question, je pense qu’il faudrait une véritable réflexion sur nos corps au travail mais je pense que c’est loin d’être une préoccupation ministérielle. Nous avons la chance d’avoir du temps de travail à la maison et de pouvoir organiser notre temps de travail comme on le veut, alors je pense qu’il est nécessaire de prendre du temps pour prendre soin de soi. Je pense qu’il faudrait aussi repenser les espaces de travail. bref ce sujet est sans fin!
En ce premier jour du mois de Mars, nous vous présentons nos pépites de février !
Du côté de chez Colette…
Et comme ce mois-ci, nous avons parlé d’amour, je vous conseillerai un podcast d’Arte de la série Vivons heureux avant la fin du monde intitulé « Comment parler d’amour » conseillé par Aude ! On y observe à la loupe le langage de l’amour, et comment celui-ci nous enferme dans toute une série de clichés auxquels nous nous conformons depuis le plus jeune âge !
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Un documentaire en 3 parties qui pose une excellente question « Comment voulons-nous aimer ? » et qui fait un état des lieux de l’évolution des relations amoureuses au XXIe siècle.
Alors, en ce qui me concerne, je parlerais encore de ….musique. Durant les vacances de Février avec Colette et Florence, nous sommes allés à une sieste musicale organisée au rocher palmer dans la cabane du monde. Nous voici allongées dans des transats et nous embarquons pour le Mozambique et ses sons depuis les années 70. 8 morceaux expliqués par Patrick Labesse. Et si vous ne pouvez vous rendre au rocher palmer, vous pouvez emprunter une valise du monde et écouter le podcast ou retrouver tous les morceaux écoutés durant votre sieste juste ici: dans la cabane du monde. Cette sieste musicale nourrit mes envies de podcasts pédagogiques, de tote bag surprise pour mes élèves, je n’ai plus qu’à trouver le temps et donner vie à mon idée mais je sens qu’on n’est plus très loin de l’éclosion!
Et après, ici au mois de Février, à quelques centaines de mètres de la Nivelle, il y a eu un drame qui m’ a poussé à aller voir des petites choses toute mimi, m’enfermer dans une pièce cosy avec un casque sur les oreilles, un bon bouquin, des podcast, des vlogs de voyages, d’univers lointain, des broderies et des univers à soi mais qu’on partage un peu sur les réseaux sociaux, pour oublier, pour couper, pour aussi accompagner mes élèves face à cet évènement. J’ai eu besoin de suivre des femmes qui s’émerveillent, qui créent et qui partagent. Vous me direz mais quel est le lien avec la pédagogie et bien toutes ces petites choses, je les garde là précieusement au fond de ma tête, de mon cœur puis un jour, paf elles ressortent, elle réapparaissent dans ma classe comme un boomerang!
Pour aller voir des carte imaginaires que j’ai partagée avec mes élèves et qui sont en train d’en réaliser en AP c’est ici:
pour se reconnecter aux saisons et s’émerveiller devant le mimosa, se faire des PAL saisonnières et voir de belles aquarelles c’est par là: Chez Carofrom Woodland
Pour s’isoler au delà du cercle polaire, voir les oeuvres d’arts que l’on peut faire avec la nature et écouter le son de la glace c’est chez Jonna Jinton
Pour broder des fleurs de printemps engagé il faut aller chez Ginacie
Vous savez qu’ici nous aimons les mois à thème et pour la saint Valentin j’ai eu envie de lire l’amour à mes filles : je suis donc allée emprunter Songe à la douceur de Clémentine Beauvais à la bibliothèque. Je vous livre ici mon avis mais je me suis interrogée et j’ai eu envie qu’on vous propose enfin surtout Colette des livres qui parlent d’amour et surtout qui parlent d’amour sincères sous toutes ces formes et qui permettent à nos élèves de sortir des schémas traditionnels proposés par la littérature, les films et séries qu’ils regardent naturellement.
Chronique pour Songe à la douceur.
Une déclaration d’amour qui dure 10 ans… Voilà l’histoire en vers que Clémentine Beauvais nous propose. Tatiana et Eugène se sont aimés d’un amour platonique et adolescent, ils avaient 14 et 17 ans puis ils se sont perdus de vue et se retrouvent dans une rame de métro 10 ans après. Que fait-on de cet amour que l’on croyait disparu 10 ans après ? Comment reprend-on la communication, le dialogue amoureux : là où on l’ a laissé? Avec quels outils ? La lettre, le SMS, le mail, la messagerie instantanée ? Au delà de l’histoire adolescente et de la maturité des sentiments à cet âge : c’est un poème antique, il pourrait presque être chanté par un ou une aède et il m’a rappelé mon adolescence et les sentiments que je pouvais ressentir et ne pas exprimer.
Il pose plusieurs questions : As t-on besoin d’aimer comme ça, une fois dans sa vie? passionnément ? Platoniquement ? N’est-ce pas nécessaire de continuer à proposer des livres comme celui-ci pour faire découvrir l’amour et le sentiment amoureux à nos adolescents ? J’entends par là de belles histoires pas « des after et des cinquantes nuances de grey », des histoires de mots, de signes, d’hésitations, de dialogue amoureux.
Et ainsi la deuxième interrogation que cette lecture a soulevé c’est celle de la communication : pourquoi est-ce difficile de communiquer ses sentiments ? Pourquoi certains mots restent gravés à vie? Pourquoi peuvent-ils par la suite empêcher d’aimer? Pourquoi cacher certains évènements ? Certains moments de sa vie?
Alors voilà, après cette lecture j’ai eu envie de proposer des lectures sur les thématiques suivantes pour nos jeunes.
Des livres pour découvrir les émotions que provoquent l’amour
Des livres pour évoquer toutes les formes de l’amour
Des livres pour parler de rupture et chagrin d’amour
Des livres pour parler de sexualité.
Et si ce dernier thème en particulier vous intéresse, A l’ombre du grand arbre, vous trouverez des avis plus précis à l’occasion d’une sélection thématique « Gros câlins, tendresse et sexe. »
Aujourd’hui, on parle jeux parce que je pense qu’à l’adolescence c’est sans doute l’entrée la plus facile pour complimenter, proposer l’écoute active et découvrir la personnalité de chacun sans créer une gêne ou des difficultés. On va dire que les élèves se rendent moins compte qu’ils sont en train d’apprendre à aimer ;).
J’en proposerai deux :
Le premier est Totem : il s’agit d’un jeu québécois. Le principe est simple, il faut déterminer l’animal totem et la qualité de chacun des joueurs. Chaque joueur propose un totem et une qualité au joueur receveur et il doit expliquer sincèrement en s’appuyant sur des exemples, des situations pourquoi il a choisi ce totem et cette qualité. Le jeu est un peu long et je pense qu’il est idéal à 5-7 joueurs. Moins de joueurs, le receveur ne reçoit pas assez de caresses de l’âme, plus de joueurs, les derniers seront frustrés parce qu’ils n’auront que donné mais pas reçu.
Le deuxième est Brin de jasette découvert en formation « estime de soi ». Ils ‘agit d’un jeu où chaque joueur est invité à raconter une histoire, une anecdote, un moment de sa vie avec le plus de sincérité possible. A chaque tour de jeu, vous avez une question et tous les joueurs répondent à la même question. La règle dit qu’on attribue une récompense à l’histoire la plus sincère, la plus drôle, la plus émouvante, personnellement je ne propose pas cette option avec les élèves et je choisis des questions qui ne concernent que leurs loisirs, leurs moments heureux (meilleurs souvenirs de vacances d’été par exemple, votre passe temps favori,…). Le but est surtout d’apprendre à découvrir les autres. On peut s ‘en servir à plusieurs moments dans l’année : en activité brise glace dans les premières semaines de cours, pour créer de la solidarité, de l’empathie dans des classes qui dysfonctionnent ou pour remotiver les troupes avant un examen. Je conseille aussi d’y jouer à 5-6 maximum pour qu’ils s’écoutent et ne se lassent pas.
Comment jouer avec ?
D’abord scinder la classe en deux et proposer une séance jeux pour 12 à 16 élèves et les autres font autres choses : PIX, devoirs faits, tutorats entre élèves, bref une activité où ils sont en autonomie. Si vous pouvez être en co-intervention ou que vous avez la possibilité de libérer la moitié de classe qui n’est pas concernée par les jeux, c’est mieux. Puis vous proposez deux ou trois jeux où ils jouent à 5 ou 6 et ils tournent sur les jeux et avec leurs partenaires.
Colette. – En premier, j’aimerais te poser la question qui donne son titre à cet article : l’amour a-t-il une place à l’école ?
Pendant très longtemps je t’aurais répondu que non l’amour n’a pas sa place à l’école parce que je me considérais comme une instructrice et non une éducatrice, j’avais toujours du mal avec ces phrases toutes faites qu’on nous transmet dans nos formations initiales : « vous ne pouvez pas avoir de l’affection pour vos élèves, vous devez vous blinder,… » et puis il y a eu la REP, la pandémie, ces quelques 1 000 adolescents désormais qui se sont assis face à moi pour m’écouter, m’apprécier et même m’aimer un peu et cette citation d’Albert Einstein qui m’a fait dire et Merde, je vais les aimer mes élèves un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ;).
Voici la citation à méditer:
« Nous passons 15 ans à l’école, et pas une fois on nous apprend la confiance en soi, la passion, et l’amour qui sont les fondements de la vie. «
Colette. – C’est toi qui as eu l’idée d’un mois thématique consacré à l’amour : pourrais-tu expliquer ce qui t’a donné envie de proposer ce sujet ?
J’ai eu envie de parler d’amour parce que c’est un sujet qui me passionne depuis trois ans maintenant, depuis la pandémie en fait ! Je pense que plus que jamais on ne peut pas faire ce métier sans amour pour l’enseignement avant toute chose, la passion de transmettre, d’éduquer, sans amour pour nos élèves aussi et puis parce que je suis assez sensible aux courants de pensée actuelle qui prônent la nécessité d’une révolution romantique dans notre société, et une révolution commence par des êtres éduqués. J’avais en effet lu ce numéro d’Usbeck et Rica et je me suis interrogée : comment penser comme ça dans ma classe, mon établissement, mon enseignement
C’est complètement partisan mais il faut se dire qu’on s’aime les uns les autres, qu’on a besoin des uns des autres, qu’on doit prendre soin des autres, et la base de tout cela c’est l’amour. Et là, j’ai une autre citation qui me guide et qui est de Maria Montessori :
« Tout le monde parle de paix mais personne n’éduque à la paix. On éduque pour la compétition et la compétition marque le début de toutes les guerres. Quand on éduquera pour la coopération et pour nous offrir les uns les autres de la solidarité, ce jour-là alors on éduquera à la paix.«
Tout est dit n’est-ce-pas?
Puis c’est peut être parce que nous sommes le spectateurs des premiers amours mais je pense que c’est indispensable de parler d’amour, de respect, de consentement, de tolérance, mais aussi de sexe, de protection, de MST,…. avec nos élèves pour être un adulte de plus qui accompagne ces découvertes qui peuvent être sublimes mais aussi traumatisantes pour certains d’entre eux. L’amour fait partie de leur vie, il passe une grande partie de leur vie avec nous alors c’est indéniable l’amour doit être dans les écoles.
Colette. – Il est indéniable que l’école est le lieu d’interactions intenses. Mais penses-tu que les enseignant.e.s enseignent l’art d’interagir ? Si oui, comment ?
Je ne sais pas. La seule chose que je sais, c’est que je regrette que trop souvent nous sommes nous aussi des « handicapés de l’amour », de la communication non violente, de la bienveillance et je constate que pour certains adultes, les mots qu’ils utilisent sont dévastateurs pour les élèves. Mais après on ne peut pas en vouloir à un collègue qui a toujours été déprécié, qui a construit son parcours professionnel dans l’humiliation, dans le rabaissement, dans les concours parfois ratés plusieurs fois avec des phrases comme « tu n’es pas fait pour ça », « êtes vous surs d’être au bon endroit ? » « comment voulez vous enseigner la dissertation si vous n’avez pas compris ce qu’est une problématique », « enseigner c’est faire la guerre et je pense que vous n’avez pas les armes »… d’enseigner avec amour et d’enseigner l’art de l’interaction avec confiance et bienveillance.
Néanmoins, je pense que l’entrée des compétences socio-émotionnelles dans nos parcours de formation contribue à faire comprendre aux enseignants qu’ils doivent changer leur manière de communiquer. A chaque fois que j’ai eu des formations à ce sujet, des collègues ont vécu des prises de conscience considérables et j’ai aussi pu me rendre compte que beaucoup rejetaient ce type de formation par crainte de se dévoiler et d’interagir trop intimement ne serait-ce qu’avec leurs collègues. Cela viendra, comme tout, l’éducation nationale est un ensemble de personnes qui finissent toutes par adhérer à ce qu’on lui martèle.
Colette. – On ne va pas revenir sur les fragilités de notre formation mais penses-tu qu’il existe des outils à notre portée pour aider à faire émerger l’amour au coeur de nos cours ?
Je dirai des jeux, des formations, mais malheureusement parler d’émotions, de sentiments et enseigner en y faisant attention demande du temps et du temps nous en manquons cruellement. Je pense aussi que la direction est primordiale dans la place que l’on donne à l’amour. Ensuite, je pense que c’est encore délicat de faire un cours, en tout cas dans ma discipline, sur l’importance d’aimer. Je commence l’année en EMC avec ce clip d’une télévision hollandaise: all that we share
Certains élèves sont très agacés et très critiques parce qu’ils pensent que ce genre de clip n’a pas lieu d’être dans un cours.
Colette. – As-tu une anecdote à partager avec nous où tu as ressenti que là, oui, il y avait de l’amour entre les êtres ?
Je dirai dans des classes à projets, dans des voyages scolaires, il y a toujours de l’amour entre les êtres. Je pense à notre collègue de technologie Florence qui soigne ces élèves en voyage scolaire comme elle soignerait son fils : elle nettoie les verrues, tient les cheveux des jeunes filles qui vomissent, masse les chevilles tordues, ce ne sont que des gestes d’amour.
Je pense aussi à une 6ème B atypique que j’avais de 16h à 17h où il y avait un élève avec un handicap moteur très visible qui s’est mis à pleurer puis un premier élève, puis un second, puis tous ont commencé à lui énumérer ses qualités, c’était magique. Je pense aussi à une alerte anti intrusion où une élève m’a caressé la main pendant 20 minutes parce que ça la rassurait.
Je pense à la salle des profs, un chocolat dans le casier parce qu’on s’est énervé l’heure d’avant et que le collègue l’a entendu à travers la cloison, la solidarité qui existe dans les moments difficiles, aller à un rendez vous parents que l’on appréhende à deux, écouter les rendez vous manqués, les divorces annoncés, les enfants qui vont mal,…
Puis ensuite entre eux, ces élèves qui se donnent la main, s’embrassent, se prennent dans les bras, dorment sur les épaules des uns des autres.
Les infirmières qui écoutent, les AED qui consolent, qui tutorent, les CPE qui redonnent confiance, qui travaillent l’estime de soi, qui donnent le courage de repartir en cour, dans la cour de récréation, le chef d’établissement qui accueille les élèves à l’entrée, qui va chercher dans les voitures les phobiques scolaires et qui les aident à passer la porte du collège avec une main sur l’épaule ou le sac à dos au bout de la main.
Il y a aussi les élèves qui demandent un câlin, qui vous saoulent de paroles et de questions pour ne pas quitter votre salle, au lycée, les cafés partagés un peu gauches dans le couloir, ceux qui remercient timidement, maladroitement, qui reviennent, qui saluent discrètement au supermarché, qui vous embrassent, qui vous écrivent dix ans plus tard…
Il y en a plein de l’amour dans notre métier si on regarde bien !
En ce mois de Janvier, qu’est-ce qui nous a bien pu attiser notre curiosité ?
Du côté de Colette…
Il y a eu cet excellent podcast d' »Etre et savoir » – et oui, encore, un incontournable à mettre dans les oreilles de qui aime enseigner – autour de la question du bâti scolaire. On y découvre à quel point le bâti scolaire interroge notamment dans la manière dont il n’a pas été repensé depuis la réforme Haby qui avait conduit à la généralisation de la construction de nos grands collèges rectangulaires dans un temps très restreint. On y reparle du problème chronique et pathétique des toilettes – et du rapport au corps qu’il induit chez nombreux enfants et on y découvre une petite merveille, le groupe scolaire Frida Kalho de Bruges, premier bâtiment public qui produit pus d’énergie qu’il n’en consomme, avec son toboggan géant qui permet aux enfants d’aller d’une cours à l’autre et dont les 5 classes sont ouvertes sur la nature pour faire cours en extérieur aussi souvent que possible.
Compagnie Architecture
En écoutant ce podcast, j’ai eu envie de demander des rideaux pour la salle où j’enseigne, de planter des arbres dans la cour et d’installer des tables dans le potager en face des poules !
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Du côté cinéma, nous sommes allés voir en avant-première l’adaptation d’une série de Bandes-dessinées que nous avions adorée avec mon fils aîné : La Guerre des Lulus. Cette série en 10 tomes de Régis Hautière et Hardoc nous avait amener à suivre les aventures de cinq orphelins au moment où la première guerre mondiale éclate en France.
L’adaptation cinématographique est vraiment réussie, notamment dans la manière de filmer la nature. C’est avant tout une ode à l’enfance, aux pouvoirs de l’amitié, aux liens qui se tissent quand on a rien d’autre à défendre que sa propre vie.
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Du côté d’Aude ….
D’abord, je voudrais conseiller d’aller voir Divertimento de Marie Castille Mention Schaar
Ce film est une ode à l’espoir à l’intégration par l’école et la culture à la française. Accessibles, gratuites où tous les rêves sont permis. Puis par la suite ou avant le film je vous invite à aller découvrir l’orchestre symphonique divertimento et les sublimes explications de l’extraordinaire cheffe de cet orchestre Zahia Zahoui.
Ma deuxième découverte du mois concernent les magazines pour adolescents. Mes jujux sont parties au ski la semaine dernière et j’avais donc glissé dans leurs valises et on avait sélectionné quatre en plus de l’éternel Picsou magazine.
Notre préférence et celle de leur cousin va à System D qui est un bimestriel et qui propose des tutos de bricolages et de DIY qui vont de la déco à l’expérimentation, on est prêt à s’abonner, ce sera probablement le cadeau d’anniversaire pour l’un des 4 membres de la tribu!
Ensuite, pour suivre l’actualité d’un peu plus prêt et pour ne pas faire doublon avec le quotidien qu’il y a au CDI du collège, nous avons opté pour Le Monde des ados.
C’est un bimensuel avec un dossier, celui de cette semaine propose un retour sur cette première année de conflit en Ukraine avec des portraits d’adolescents ukrainiens, puis une rubrique culture, numérique, perso (les questions qu’on se pose quand on est ado), très riche, à feuilleter avec eux s’ils sont un peu jeunes, à laisser traîner dans le salon ou dans leur bibliothèque quand ils sont plus grand.
Pour le troisième, on se l’était déjà procurer il s’agit de Les Surdoués, un magazine culturel avec des rubriques histoires, géographies, environnement, culture,… très touche à tout.
Enfin, mais là c’est plus l’adulte que je suis qui a été sensible à ce magazine que mes filles qui ne l’ont pas trouvé pratique du tout, il s’agit d’un magazine littéraire qui se déplie pour ensuite faire un poster. Le Un des Libraires! Il est très documenté et donne tout de même très envie de découvrir tous les livres et courants littéraires évoqués. Le site internet est aussi très riche et à mon sens totalement exploitable dans le cadre de nos cours !
En ce mois de Février, on a décidé de vous parler d’amour. Et pour introduire nos petits bouts de réflexions à ce sujet, je me suis souvenue de ce moment de bascule où j’ai réalisé à quel point parler d’amour, faire vivre l’amour à l’école était fondamental. C’était à la rentrée 2020. Et voilà un texte que j’avais écrit à ce moment-là.
Cette année est vraiment particulière.
A l’école aussi.
Toute la journée, de 6 à 65 ans, avancez masqué.e.s !
A chaque début de cours, les mains désinfectez !
Toutes les sorties scolaires, annulez ! .
Les projets ? Renoncez !
Les classes ? Sédentarisez !
Les cours de récréation ? Morcelez !
Alors, nous, dans l’ombre des protocoles et de nos ordinateurs à 150 €, on coud comme on peut de toutes petites miettes de rêve, d’espoir.
On bricole des petits bouts de papier trempés de larmes silencieuses.
On glisse de la douceur, de l’écoute, un brin de folie anachronique dans les moments que l’on partage avec elles, avec eux, petit.e.s d’Homme au coeur grand mais tourneboulé par ce qui fait leur actualité.
On ose parler d’amour, oui, là en classe.
L’amour de l’autre.
Là, l’autre, celui que tu ne peux plus embrasser, caresser, effleurer.
Celui dont on ne voit que les yeux.
Dont on devine à peine le menton, les lèvres, le nez sous l’affreuse peau de papier.
Dont on fantasme les traits.
Que l’on voudrait étreindre de nos sourires cachés.
Alors on propose de jouer le jeu.
Le jeu des anges gardiens.
Oui… en attendant….
En attendant, soyons ça, les un.e.s pour les autres…
Combien temps passez-vous sur les écrans chaque jour ? Pouvez-vous détailler le temps par appareil que vous utilisez.
Sur mon téléphone environ 1 heure par jour (la semaine), l’ordinateur 1 heure et demie et la télé est allumée donc je la regarde, je n’ai pas vraiment de temps dessus.
Que faîtes-vous avec ces écrans (jeux, recherches, production de contenus vidéos…) ?
Essentiellement je joue, mais je produis aussi un peu de contenue vidéo, je prépare des playlist aussi
Pensez-vous qu’il existe une « guerre des générations » concernant l’usage du numérique ? Si oui, comment l’expliquez-vous ?
Je ne pense pas.
Pensez-vous que l’usage du numérique (via le téléphone portable notamment) nécessite une formation ? Qui doit la faire ?
Oui, il y en a besoin mais ça ne nécessite pas de personne en particulier.
Quelle est la place de l’école dans cette formation au numérique d’après vous ? Comment peut-elle former ?
L’école peut organiser des interventions pour aider.
Qu’envisageriez-vous pour être préparé.e
à l’utilisation des réseaux sociaux?
à la recherche documentaire?
à être plus vigilant.e face aux dangers d’internet (images choquantes non désirées, fake news…) ?
Moi et potentiellement d’autres personnes pourrions avoir une formation (intervention) et ainsi être prêt.
D’après vous, les gouvernements ont-ils un rôle à jouer pour légiférer l’utilisation d’internet et notamment protéger les mineur.e.s ?
Oui car il y a beaucoup de problèmes à cause d’internet donc ils pourraient penser à des lois qui protègent plus les utilisateurs et qui sanctionnent vraiment les arnaqueurs.
Pensez-vous qu’avoir un téléphone aujourd’hui est indispensable? Justifiez votre réponse
Oui car tout le monde entier est connecté donc pour être informer, pour se divertir il faut en avoir un.