Éduquer en Anthropocène: quelques livres et documentaires

Eduquer en Anthropocène était le titre d’un MOOC suivi l’an dernier qui rappelaient la nécessité de pratiquer un enseignement soucieux des démarches écologiques et durables. Oui il est nécessaire de sensibiliser les élèves à leur environnement et de leur enseigner une autre représentation de la nature, celle dans laquelle on vit, dont on est interdépendant et non celle que l’on domine et qui nous donne.

Vous imaginez bien que les propositions ici vont être très sélectives et absolument pas exhaustives. Il s’agit pour les livres des derniers coups de cœur en matière de littérature sur la nature, l’écologie,…et pour les documentaires, ce sont ceux que je trouve probablement les plus faciles à utiliser avec des élèves.

je commence donc par mes les deux dernières lectures qui m’ont beaucoup plus.

https://www.editions-akinome.com/wp-content/uploads/2020/10/Mock-up-Mon-tour-du-monde-ecolo.png

J’ai découvert les éditions Akinomé ce Printemps lors de l’Escale du livre de Bordeaux. Elles sont spécialisées dans la littérature de voyage. ils ont une petite collection Akinomé Jeunesse très colorée qui invite au voyage responsable et au dépaysement. Il s’agit là d’un album documentaire qui est un atlas. Continent par continent, les 4 auteurs, Dominique Cronier, Maguelonne du Fou, Marine Tellier et Anatole Donarier nous proposent de faire le tour des cultures du monde et des bonnes initiatives. L’ouvrage permet d’embrasser la totalité de la planète et de faire du lecteur un « citoyen du monde » pouvant s’inspirer des coutumes locales et les adapter à leur environnement ou de prendre conscience que l’extraordinaire n’est pas uniquement à l’autre bout de la planète. Oui en Europe aussi, nous avons des fêtes traditionnelles, des paysages grandioses et des richesses culinaires, encourageant ainsi le slow voyage, l’alimentation en circuit court et la curiosité du bas de chez soi. Je vous conseille donc vivement cette lecture qui donne envie de réaliser quelques recherches supplémentaires sur les petits encadrés proposés page après page.

Etre un chêne, sous l’école de Quercus écrit par Laurent Tillon dans la collection Mondes Sauvages chez Actes Sud. Alors là j’ai adoré ce bouquin, le principe est simple Laurent Tillon nous livre une biographie d’un chêne, un chêne au pied duquel il aime se ressource de sa naissance en 1769 à aujourd’hui, l’arbre est dans sa force de lâge, il a aujourd’hui 250 ans et il nous livre sa naissance, sa jeunesse, ses rencontres avec les insectes parasites mais aussi ces alliances avec les champignons, son environnemment, Silva qui change au contact de l’Homo. C’est passionnant, il vous emporte et vous fait changer de regard sur la nature qui vous entoure. Oui l’ouvrage a véritablement le mérite de vous faire prendre conscience que vivre en Anthrocpocène, nécessite de sortir justement d’une vision de la nature anthropocentrée. Nous n’avons plus le choix, il est désormais indispensable de savoir et d’agir avec cette donnée, tous nos gestes comptes pour l’environnement dans lequel nous évoluons.

Quant aux films j’évoquerais demain et animal de Cyril Dion et Mélanie Laurent

Alors bien sûr les mauvaises ondes diront que c’est plein de bons sentiments, un peu simplistes,… mais ces deux documentaires ont le mérite d’être très accessibles pour les enfants comme pour les adultes, les personnages interrogés sont attachants et convaincants, les initiatives exposées sont encourageantes et donnent envie aussi de se lancer. Voilà donc trois raisons qui m’encourage à les proposer comme une ressource pour l’éducation en Anthropocène.

Aude et Colette veillent -chronique n°1

On inaugure ici une nouvelle chronique qui sera publiée tous les derniers mercredi de chaque mois. On avait envie de partager avec vous nos coups de cœur, nos découvertes culturelles, pédagogiques, des petites et grandes choses inspirantes pour nos pratiques pédagogiques.

En ce qui me concerne, je suis allée voir des ballets de dans au festival le temps d’aimer la danse à Biarritz entre le 7 et 17 septembre et j’ai été subjuguée par la pièce de Marie Claude Pietragalla, Petragalla, la femme qui danse.

A l’aube de ses 60 ans, Pietragalla à l’audace de faire son autobiographie dansée. Elle retrace sa vie et surtout son parcours de danseuse, celui qui l’anime et la met en mouvement depuis plus de 40 ans. Plus de pirouette et de fouettée pour MC pietragalla mais son souffle, sa voix, dans le micro. Ainsi elle amène le spectateur dans son corps en mouvement. C’est fabuleux, elle nous livre par ce biais l’expérience de son corps par la vue et l’ouie. En sortant de ce spectacle, je me suis dit que tout individu devrait prendre le temps de danser sa vie, de réfléchir à une autobiographie en mouvement. Quant à moi, je me suis dit qu’effectivement ce serait très intéressant de proposer l’expérience du corps à mes élèves par la randonnée.

Pietragalla - La femme qui danse - 04/03/2023 - Cannes - Frequence-sud.fr
https://www.youtube.com/watch?v=oodVvtj7X9w

Ensuite, j’ai écouté les podcasts d’Etre et Savoir: Comment s’éduque t-on à la démocratie? parce que j’ai des élèves cette année en attente de réponse, d’explication sur le monde dans lequel ils vivent, ils ont pour certains envie de s’engager mais comment dans ses institutions dans lesquels ils ne se reconnaissent pas et qui ne répondent pas à leurs attentes.

le premier épisode: comment éduque-t-on les enfants au vote m’a donné envie de revoir toute la façon dont je menais l’élection des délégués de classe et comment j’impliquai mes délégués dans les vies de classe, les préparations au conseil de classe, comment je les faisais porter des projets seuls de tutorat, d’entre-aide,….

je vous conseille donc vivement l’écoute des 5 épisodes qui datent un peu mais qui sont très enrichissants pour nos pratiques d’éducation à la citoyenneté.

je vous confie ma prise de note sur le premier épisode

En bonus, je vous confie cet entretien d’Olivier Bleys avec Anne Bancel sur une expérience géographique à faire avec ses élèves. « faire le tour de soi ».

https://www.pearltrees.com/saintmacary/de-la-nivelle-a-saye/id57191179/item470762104

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Du côté de Colette, chaque rentrée depuis 3 ans, se vit au rythme des projets de Grand corps malade ! Après La Vie scolaire en 2019 et la sortie de l’album Mesdames en 2020, le mois de Septembre 2022 s’est tissé aux sons de l’album Ephémère sur lequel non seulement on peut entendre Grand Corps malade mais aussi Ben Mazué et Gaël Faye. Les trois compères nous livrent 7 morceaux très éclectiques dont plusieurs viendront enrichir les supports proposés à mes élèves de 3e. Ils et elles auront l’honneur de réfléchir à ce qu’est l’engagement en poésie avec le morceau « La Cause » et ils et elles seront inviter à fermer les yeux pour plonger dans leur passé avec le très beau morceau « Sous mes paupières ».

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En cette rentrée, il a fallu réinventer la réunion d’accueil des parents de 6e et pour l’occasion, j’ai médité les conseils de Maxime Tesnière. En écoutant l’épisode 24 du podcast Les Energies scolaires, je me suis dit que je tenterai bien moi aussi une réunion sur le modèle de l’écoute active.

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Et puis cette année, comme je suis chargée du suivi du dispositif du quart d’heure lecture dans mon établissement, j’ai du chercher des textes courts pour celles et ceux qui parmi nos élèves oublient d’amener leur livre au collège. Et je suis tombée sur cette initiative inspirante proposée sur le site du magazine Phosphore : le concours de nouvelles ECOPOSS «  Donnez-nous des  bonnes  nouvelles du futur  ». On peut aller lire les textes des 6 finalistes en ligne, ou les imprimer pour enrichir les boîtes à livres de nos classes et aller voter pour notre nouvelle préférée jusqu’au 28 octobre.

Des films et des séries arc-en-ciel !

Pour terminer notre mois des fiertés en beauté, nous vous proposons une sélection de films ou de séries autour des questions LGBT.

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Des combats…

Harvey Milk, Gus Van Sant, 2009.

L’histoire vraie de Harvey Milk, élu de la mairie de San Francisco, premier homme politique américain ouvertement homosexuel, qui fut assassiné, avec le maire de la ville, en 1978. Un film qui nous apprend à regarder d’un autre point de vue le combat que représente la lutte contre l’homophobie en politique et dans la société en général.

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Boy erased, Joel Edgerton, 2019.

L’histoire vraie du coming out de Jared Eamons, le fils d’un pasteur baptiste dans une petite commune rurale des États-Unis où son orientation sexuelle est brutalement dévoilée à ses parents à l’âge de 19 ans. Craignant le rejet de sa famille, de ses amis et de sa communauté religieuse, Jared est poussé à entreprendre une thérapie de conversion. Il y entre en conflit avec le thérapeute principal, découvrant et revendiquant progressivement sa réelle identité.

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Philadelphia, Jonathan Demme, 1993.

Premier film hollywoodien qui aborde les sujets du sida, de l’homosexualité et de l’homophobie. Il raconte le combat d’Andrew Beckett, jeune avocat promis à une brillante carrière, qui se fait licencier alors qu’il apprend qu’il est atteint du sida. Convaincu qu’il y a un lien entre son licenciement et sa maladie, il porte plainte mais personne ne veut le défendre. Jusqu’au jour où il rencontre Joe Miller, jeune avocat ambitieux et légèrement homophobe, qui accepte de le défendre. Mon premier film sur le sujet, je l’ai vu adolescente grâce à quelqu’un que j’aime beaucoup. La musique de Bruce Springsteen qui accompagne cette histoire est devenue un de mes morceaux préférés 🙂

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Mais surtout de l’amour

Matthias et Maxime, Xavier Dolan, 2019.

Deux amis d’enfance s’embrassent pour les besoins d’un court métrage amateur. Suite à ce baiser d’apparence anodine, un doute récurrent s’installe, confrontant les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l’équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences.

NB : De nombreux films de ce jeune réalisateur prodige abordent les amours homosexuelles, bisexuelles ou encore la transidentité. Ses films sont intenses, dérangeants et leur esthétique est vraiment originale !

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Le portrait de la jeune filles en feu, Céline Sciamma, 2019.

C’est sublime comme un clair-obscur peint du XVIIIème siècle. Céline Sciamma sublime à travers sa caméra ses deux femmes, le désir puis l’amour qui naît entre elles.  Ce huit-clos dans un château presque désert où seule la servante reste durant 5 jours vous envoute complètement par son esthétisme mais aussi la sororité et la complicité qui apparaissent dans ces relations amoureuses et amicales. Pour 5 jours, elles ont droit d’aimer, elles ont le droit d’être libre, elles ont droit d’avorter, elles ont droit de peindre des nues.

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La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kéchiche en 2013,

Alors là c’est la fougue de la jeunesse du désir entre Adèle et Emma. La première découvre l’amour avec l’autre, elle est chamboulée, destabilisée, elle a Emma dans la peau comme on a tendance à dire. Seulement, elles vivent dans des mondes différents, Emma est peintre, elle est ambitieuse et libre, Adèle est institutrice, aime cuisiner et jouer, elle doute, se cherche. L’écart se creuse, elles se perdent et se blessent. C’est une sublime histoire d’amour romantique avec j’aurais tendance à dire tous les archétypes de l’histoire d’amour tel que le cinéma  et la littérature aiment nous le présenter: le désir violent, la jalousie , l’absence de pardon et la souffrance.

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2 en DVD : La Vie d'Adèle - Chapitres 1 & 2  - AlloCiné

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Enfin je terminerais avec deux séries: La première est Sex education, série sortie en 2019 où l’on suit des lycéens qui vivent leurs histoires d’amour et la découverte de leur sexualité sans tabou, sans jugement. ils apprennent à aimer à se respecter dans leurs premières relations et c’est juste très émouvant. Avec Colette, on est très heureuse que nos élèves aient accès à une série comme celle-ci qui abordent ces questions sans aucun tabou et sans aucun jugement de la part des adultes autour.

Sex Education Saison 2 - AlloCiné

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Enfin j’évoquerai Ratched conseillée par une élève qui présente l’homosexualité à travers un hôpital psychiatrique dans les années 50-60 et qui permet de prendre conscience que comme tous les sujets qui s’apparente à la sexualité dans notre société, on revient de tellement loin. On est encore enfermé dans des croyances limitantes marquées par des siècles d’interprétation culturelle et religieuse de la sexualité et le combat doit donc continuer. Soyons fiers de ces milliers de façons d’aimer.

Ratched - Série TV 2020 - AlloCiné

 

 

C’est l’histoire des « Meilleures »

Les Meilleures - film 2020 - AlloCiné

C’est l’histoire d’une séance de cinéma presque improvisée. Je travaille désormais en ville où l’on peut amener des élèves sur un créneau de deux heures au lycée, c’était en octobre dernier et j’ai amené une classe de première que je n’ai qu’en EMC pour traiter la question de la tolérance, du respect, de l’interconnaissance, de la confiance en soi et dans quelle mesure notre société française permet l’existence de cela.

Il s’agit d’un film que je découvre en même temps qu’eux. Il est réalisé par Marion Desseigne Ravel, c’est son premier long métrage et elle est dans la salle.

C’est l’histoire d’un amour entre deux jeunes filles dans le quartier de la goutte d’or à Paris, dans un quartier où il faut se donner un rôle pour survivre en terme de relation sociale. C’est une histoire de femmes, de filles, de la dureté du jugement qu’on se porte les unes sur les autres, sur la survie de l’apparence, de l’image, de la réputation que l’on se donne. C’est l’histoire de la découverte de soi, de sa sexualité, de l’amour, de ce qui nous fait chavirer. Marcher en équilibre sur ce fil qu’est la vie en société, ne pas tomber, ne pas se montrer fragile, touchée, ne pas briser la carapace, ne pas être vulnérable. Seulement l’amour avec un grand A celui qui nous transporte, qui nous porte qui nous donne des ailes, il nous rend vulnérable. C’est ainsi et c’est aussi ce qu’on découvre à l’adolescence.

C’est l’histoire de cette classe d’adolescents de 16-17 ans qui discutent de tout ça avec la réalisatrice et l’organisateur du festival avec une aisance surprenante, c’est l’histoire de l’acceptation de la diversité de notre société.  l’organisateur du festival pleure, il constate le chemin parcouru en dix ans sur la mise en lumière de tous ces amours, de cette tolérance grandissante et il a confiance en ces jeunes.

C’est mon histoire d’apprendre, de grandir avec eux, de les découvrir, de leur donner confiance en eux, de leur permettre de s’affirmer dans leur exceptionnalité !

C’est mon histoire de parler d’amour quand on parle de cohésion sociale et nationale parce que cette cohésion elle ne peut être acceptée que si elle est vécue, elle ne peut être comprise que si on se respecte et qu’on se comprend les uns les autres ! C’est l’histoire de la tolérance.

Je vous conseille vivement cette histoire avec vos élèves!

De l’intérêt d’amener ses élèves au cinéma – Le témoignage d’Aude.

Dans le cadre de notre mois thématique consacré à l’intérêt d’organiser des sorties culturelles pour nos élèves, nous vous livrons aujourd’hui les réponses d’Aude concernant les séances dédiées au cinéma.

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Colette. – Dans quel(s) cadre(s) amènes tu tes élèves au cinéma ?

Aude.-  J’amène mes élèves au cinéma parfois dans le cadre de « collège au cinéma », de festivals comme le festival du film d’histoire de Pessac ou le festival des jeunes réalisateurs de Saint jean de Luz et je n’inscris mes classes que si j’y vois une application pédagogique après la séance qui concerne le contenu, l’histoire du film, le contexte évoqué plus que pour l’analyse filmique ou le travail de critique cinématographique. Je laisse cette dimension, avec laquelle je ne suis pas à l’aise, à mes collègues d’arts plastiques, de lettres ou de philosophie. Je manque souvent de vocabulaire et de techniques pour l’analyse à proprement parlé même si je trouve cela passionnant. Je me sens même parfois handicapée dans ce domaine.

Colette. – Quels sont tes objectifs quand tu organises une sortie au cinéma ? Vises-tu seulement des compétences disciplinaires ou mises-tu aussi sur d’autres compétences (psycho-sociales ou émotionnelles par exemple) ?

Aude. – Jusqu’à présent, et comme je l’ai dit dans la question 1, j’ai besoin, parce que je n’étais pas à l’aise avec ça, d’avoir une porte d’entrée historique, géographique, sociale ou civique. J’ai un rapport au cinéma très particulier :  j’aime l’ambiance des salles feutrées où j’allais quasiment une fois par semaine avec mes parents étant enfant, adolescente et même étudiante, j’aime y pleurer, y rire à gorge déployée, découvrir la délicatesse des émotions de mes compagnons de séance. J’aime beaucoup l’idée de pleurer ensemble et l’image m’a toujours permis d’éprouver certaines émotions plus facilement qu’avec un livre. Cette mise à nu qu’offre la salle de cinéma me rend toujours un peu gauche quand les larmes ou la stupeur, ou la peur (les doigts plantés dans le bras de mon mari durant tout le visionnage de Dunkerque...) ou la tristesse m’envahissent. J’espère encore, mais de moins en moins, que les élèves n’ont pas perçu tous les sentiments qui ont pu me traverser d’ailleurs, même si je me laisse de plus en plus aller même en leur présence. Il est donc pour moi très compliqué de travailler les compétences socio-émotionnelles à partir de séance avec mes élèves même si je ne doute pas que les films choisis évoquent chez eux des sentiments, des avis, mais je les leur demande très rarement lors du retour de la séance.

Bref je m’égare ! Donc pour répondre à tes questions, l’objectif reste avant tout disciplinaire même si je reconnais que parfois c’est un peu tiré par les cheveux. je me souviens du visionnage de Phantom boy où j’avais préparé un questionnaire sur les droits des enfants, le traitement de la ville dans le dessin animé, sur l’espace vécu d’un enfant malade (lien avec la ville de l’inclusion des handicapés) alors que les élèves ne voulaient me parler que de cet enfant malade, de la capacité de résilience… Aujourd’hui, je le traiterais proprement bien différemment.

 

 

Colette. – Qu’est-ce que ce genre de support- le film –  apporte à l’enseignement de ta matière ?

Aude. – Du concret. Je pense notamment à des films mémorielles sur le génocide juif ou sur la première guerre mondiale ou encore sur des espaces lointains. Par exemple, j’aime beaucoup travailler Himalaya, l’enfance d’un chef pour les espaces à fortes contraintes. D’abord parce que le film est esthétiquement magnifique puis on voit bien que même aujourd’hui, dans certains lieux l’homme ne peut pas s’affranchir de la contrainte climatique ou de relief.

Ensuite une ouverture sur l’ailleurs, une meilleure compréhension du monde et enfin un regard critique. Là aussi je pense à des films comme Good Morning Vietnam réalisé en 1987 où on évoque les pacifistes américains, la contre culture, la place de cette guerre dans la mémoire américaine, la difficulté d’en parler 15 ans après aux Etats-Unis…

Colette. – Ferais-tu une différence entre ce qu’apporte la fiction et le documentaire ?

 Aude. – Dans ma discipline, plus que jamais. On utilise les deux, et j’aime beaucoup d’ailleurs évoquer le traitement de l’évènement ou du lieu à travers le documentaire et leur montrer que même là le réalisateur fait des choix et qu’il faut avoir un esprit critique sur l’image. J’ai tendance à travailler l’esprit critique bien plus sur un documentaire que sur une fiction. Je pense notamment aux documentaires Home de Yann Arthus Bertrand, sublime, qu’on a beaucoup utilisé en géographie mais qui a une empreinte carbone importante. J’aime bien aussi utilisé les documentaires Apocalypses et les comparer aux images de l’I.N.A non recolorisées afin de voir que les mêmes images n’ont pas forcément le même traitement documentaire.

La fiction permet souvent de rentrer dans un sujet de manière moins dramatique parce que justement l’élève espère que ce ne soit pas vrai ou exagéré et ensuite on compare à des témoignages ayant une portée historique.

Colette. – Peux-tu nous raconter ta dernière sortie cinéma ?

Aude. – Je suis allée voir Les meilleures au cinéma. Ce film raconte l’histoire d’une jeune fille qui découvre son homosexualité et sa première histoire d’amour homosexuelle dans une banlieue parisienne. La réalisatrice était présente et j’ai trouvé le débat bien plus intéressant que le film en lui même. Les élèves étaient très touchés parce que le traitement du film était à leur portée, c’était un sujet par lequel ils se sentaient concernés : le coming out, l’influence des réseaux sociaux,… Ils ont aussi étaient très attentifs au traitement artistique du film et je ne m’y attendais pas du tout. J’ai été très émue parce que c’était ma première sortie au cinéma au lycée et j’ai trouvé justement qu’il y avait de la part des élèves une plus grande expression de ce qu’ils avaient ressenti lors de la projection du film.

Colette. – Quelles notions as-tu pu travailler avec tes élèves grâce à cette sortie ?

Le film m’a permis de travailler le repli sur soi et la nécessité de l’interconnaissance dans la consolidation des liens sociaux au sein de la société française, dans le cadre du programme d’E.M.C de première. Lors des deux séances de retour sur le film on a évoqué à la fois la question des LGBT+ mais aussi de la vie dans les quartiers défavorisés des grandes villes qui leur est complètement inconnu depuis la côte basque.

Colette. – As-tu adopté une démarche pédagogique particulière à cette occasion ? Si oui laquelle ?

J’avais demandé aux élève de faire la critique du film avec l’analyse filmique, ce qu’ils avait aimé pas aimé et pourquoi conseilleraient-ils le film à un camarade. Ensuite en classe, ils ont du répondre à des questions sur le fond qui portaient sur le quartier (une description de paysage), les personnages ou les lieux du films qui évoquent l’état, la cohésion sociale à la française (la MJC, l’école, le travail…) des questions sur la place des réseaux sociaux dans leur vie d’adolescents et le rôle que peut avoir leur utilisation dans une démarche de repli sur soi. On a ensuite débattu sur les décisions que le personnage principal avait pu prendre pour ensuite arriver à l’idée de la nécessité de respecter les différences, de développer l’interconnaissance et nous finissons ce cycle par la réalisation de brochures de sensibilisations sur des causes ou des groupes de personnes qui peuvent connaître un repli sur soi ! Des thèmes ont émergés comme les LGBT, mais aussi les personnes âgées, les SDF, les enfants battus…Je récupère d’ailleurs les brochures vendredi !

Les sorties cinéma : se former le regard … et le coeur !

Comme vous l’aurez compris depuis le début de ce blog, on aime bien les mois thématiques alors en ce mois de Janvier, on va explorer le thème de la sortie culturelle au cinéma.

Avec Colette, on adore aller au cinéma avec nos élèves depuis déjà très longtemps. Comme vous vous en doutez, au cinéma, comme dans nos classes, on a vécu de grands moments d’émotions avec nos élèves. Il était donc important pour nous de vous présenter nos top 3 à chacune.

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En ce qui me concerne, la première claque cinématographique en milieu scolaire a eu lieu avec La Vague de Denis Gansel sorti en 2008.

Le film s’appuie sur l’essai de Todd Strasser. L’enseignant Mr Winckel propose de faire comprendre la notion d’autocratie par l’expérience à ses élèves. Il fait le pari qu’au bout d’une semaine tous les élèves auront basculé dans l’autocratie en appliquant les moyens de soumission et de propagande caractéristiques des régimes autoritaires.

Pourquoi  ce film a- t-il été important dans ma carrière ? Parce qu’il a suscité une véritable réaction chez mes élèves : de la curiosité, mais aussi de la colère  et un vrai débat, certes autour de l’autocratie et des chapitres comme le totalitarisme mais aussi sur l’école, la place de l’enseignant, la responsabilité qu’il a dans ses choix pédagogiques. A quel moment est-on démagogique ? A quel point, l’enseignant que nous sommes, fait-il ce métier là parce qu’il est gratifiant, parce qu’on a une certaine reconnaissance, qu’il peut parfois flatter notre égo ?  Je ne peux m’empêcher quand je mène un projet dans lequel je m’éclate clairement d’un point de vue pédagogique d’avoir parfois des moments auto-réflexifs justement pour me demander si tous les élèves s’y retrouvent, en apprennent quelque chose, en tirent une satisfaction, du plaisir… C’était donc extrêmement chouette d’aboutir à ces questionnements qui n’étaient au départ pas l’objet du visionnage. Je me rappelle d’ailleurs qu’il était dans une sélection pour sensibiliser les élèves à la notion de harcèlement. Donc vous l’aurez compris, La Vague a de multiples facettes et il peut être étudié sur le plan historique, mémoriel, civique mais aussi social.

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Pour le deuxième film, il s’agit des Enfants loups de Mamoru Hosoda sorti en 2012, il était il y a maintenant six ou sept ans dans la sélection de « Collège au cinéma » des sixièmes-cinquièmes.

D’abord c’est un film très poétique, dans son utilisation géographique, je l’avais utilisé pour la notion d’habiter un espace de faibles et fortes densités dans l’ancien programme mais moi je garde de ce film un souvenir maternel. La force de cette maman qui a des enfants loups qu’elle ne comprend pas toujours mais qui fait le choix de vivre en forêt pour qu’ils s’épanouissent et choisissent leur vie, leur chemin. J’ai des jumelles et j’essaie toujours d’être cette maman qui guide, qui propose un cadre de vie, des activités, conseille, donne un modèle de façon de vivre mais elles choisiront la voie qui leur convient tant qu’elles seront épanouies, je ferais en sorte d’accepter leurs choix de vie. En tant qu’enseignante, je trouve toujours important d’aiguiller aussi les parents vers cette écoute, cette idée que l’enfant prend à un moment donné une voie dont on ne maîtrise pas tous les obstacles et embûches, parfois on ira le relever et parfois non, il faut savoir accepter de lâcher la main, que l’enfant ose prendre un risque même si il nous fait très peur et nous angoisse, il faut apprendre à écouter son intuition pour qu’il soit heureux. C’est donc un film sur la parentalité et l’un de mes conseils aux parents parfois perdus c’est de leur dire on fait comme on peut et non comme on veut parce que votre enfant, il a son caractère, ses droits, c’est une personne et un adulte en devenir à qui il faudra lâcher la main !

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Mon dernier coup de cœur c’est Tomboy de Céline Sciamma sorti en 2011. C’est l’histoire d’un enfant de 10 ans qui a été élevé sans stéréotype de genre qui joue au foot et a des poupées, aime conduire des camions et danser avec sa sœur.

Les 12 premières minutes sont extraordinaires a utilisé en cycle 3 et même quand ils sont plus grand. Leur étonnement à ce moment là du film, leur réaction, leur colère, leur dégoût, leur empathie, leur pitié,… Toutes leurs émotions, il faut toutes le relever, il faut les déconstruire, quel formidable moment de débat, de discussion et de tolérance. Oui quand vous visionnez Tomboy avec vos élèves, vous œuvrez pour la tolérance, vous enseignez l’amour et le respect, l’ouverture d’esprit et vous invitez les élèves à réfléchir sur l’éducation qu’ils ont reçu parfois même pour la première fois, ils ‘interroge sur les activités qu’ils font, les cadeaux qu’on leur a offert, les réflexions de leur parents et c’est toujours un incroyable moment pédagogique.

Je laisse maintenant Colette vous parler de ces trois films préférés. Quant à moi, je pars à la recherche d’autres films qui pourraient animer mes cours et des moments privilégiés avec mes élèves.

Aude

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A mon tour !

Les sorties culturelles ont très vite fait partie intégrante de ma pédagogie, dès mon année de stage, d’autant plus que j’enseignais dans la ville du Festival de la BD et que ma participation à cet évènement littéraire quelques années plus tôt avait auréolé cette ville d’une lumière particulière en terme de culture. Enseignante en lycée lors de mon année de stage, j’ai inscrit ma classe de seconde à « Lycéens au cinéma ». Un des films les plus marquants parmi ceux visionnés cette année là fut Shining de Stanley Kubrick.  Nous étions allés à pieds (!) au cinéma du C.N.B.D.I, ce qui déjà en soi me paraît être un évènement quand je vois combien il est compliqué de rejoindre un lieu culturel maintenant que j’enseigne en milieu rural. Je ne connaissais pas le film. Comment dire à quel point j’ai été surprise que l’on propose un film d’horreur psychologique à des élèves de 15 ans ! Mais ce fut ma première expérience d’analyse de l’image mobile et je me souviens que j’ai adoré partir de ce film là, si perturbant, aussi bien en terme de narration que d’esthétique, pour débattre avec mes élèves autour du traitement de l’angoisse sur grand écran. Nous avions organisé un débat interprétatif, format que j’ai ensuite gardé à chaque retour du cinéma, que ce soit avec des lycéens ou des collégiens.

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Le film que j’ai le plus étudié en classe depuis sa sortie est le film La Vie scolaire de Grand Corps malade et Mehdi Idir dont j’ai déjà parlé ici. En effet ce fut la première sortie au cinéma que j’organisais de A à Z en dehors du dispositif « Collège au cinéma ». En 2019, nous étions allés le voir au cinéma avec 4 classes de 3e dès septembre car se joue dans ce film une sorte de mise en abyme de la situation de nos élèves : la rentrée en 3e et son angoissante question de l’orientation. C’était aussi l’occasion de travailler la perception de différents territoires et de ce qui s’y joue, entre le collège rural de Haute-Gironde où étudient nos élèves et le collège de la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis où évoluent les personnages principaux du film. Pour la première fois, je consacrais toute une séquence à l’analyse d’un film : analyse d’affiches, horizon d’attente, bande-annonce, scène d’ouverture, plan séquence, lecture de paysage et lecture analytique des chansons qui tissent la bande originale du film, le cinéma c’est aussi l’occasion de multiplier les supports d’analyse et d’aiguiser son esprit critique.

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Mais mon chouchou de tous les temps, c’est le film Billy Elliot de Stephen Daldry sortie en 2000 que nous avons vu avec des élèves de 6e dans le cadre de « Collège au cinéma ».

Non seulement pour les débats incroyables que ce film génère sur l’éducation, les préjugés liés au genre, l’amitié, la famille, la fraternité, le travail, le pouvoir de la grève, l’art, le parcours de vie, les relations adultes-enfants, mais surtout parce que ce film est une pure merveille pour faire toucher du doigt cette notion si importante en analyse littéraire et cinématographique : l’implicite ! Car tout est à déchiffrer dans ce film qui met à l’honneur des personnages masculins particulièrement taciturnes ! Sans cesse l’image, le mouvement nous invitent à nous interroger sur les motivations des personnages et les liens qui les unissent sans que jamais ils ne le revendiquent. Car oui, j’ai une tendresse particulière pour ces amours qui nous traversent mais ne se disent jamais. Vous savez cet amour dont il ne faut absolument pas dire le nom mais qui unit, par exemple, chaque enseignant.e à ses élèves.

Colette.

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Les Héritières

Aujourd’hui, petit retour sur notre séance ciné-pédagogique dédiée au film Les Héritières de Nolwen Lemesle, un film qui suit Sanou, élève brillante, qui a grandi dans le 93 et intègre le prestigieux lycée Henri-IV. En échange d’une bourse, elle devient la tutrice de Khady, une élève de son ancien collège. Au fil de l’année, les deux jeunes femmes affirment leurs choix. Ce film nous a bousculées, alors on vous en parle par ici !

Les Héritières, Nolwen Lemesle, 2021.

L’école de l’ambition

Tout d’abord, une question cruciale : pourquoi as-tu aimé ce film ? Pourquoi me l’avoir conseillé ?

J’ai aimé ce film parce qu’il parle de l’ambition si difficile à  faire naître chez les adolescents. Ils sont faits de telle manière qu’ils ont quand même beaucoup de mal à se projeter d’abord parce qu’ils ne connaissent finalement que peu de choses du fait de leur jeune âge puis que selon leur milieu social, les horizons sont tellement bouchés qu’ils ne peuvent pas se projeter dans quoi que ce soit. Je te l’ai conseillé parce que c’est aussi une histoire de femmes : je reste persuadé parce qu’on les éduque comme ça qu’elles ont plus d’ambition scolaire que les garçons et quand même temps cette ambition est étouffée par les familles. Il y a plus de femmes en médecines que d’hommes qui réussissent mais elles ne sont que très peu dans des spécialités longues de chirurgie, il y a plus de femmes que d’hommes dans l’éducation mais elles sont majoritaires dans l’enseignement élémentaire et au collège et beaucoup moins au lycée et encore moins à l’université. En outre, et  c’est d’ailleurs un véritable fléau dans les R.E.P : l’éducation genrée inconsciente qui fait qu’en gros les filles doivent être sages et scolaires, ne pas faire de vague, voire être transparentes, alors que ces messieurs peuvent et doivent exister par le paraître, la confrontation, le règne dans la cour de récréation

Des personnages habités !

 Contrairement à d’autres films sur l’école que nous avons aimés voir, ici ce sont des élèves qui sont mises en avant. Le binôme Kadhi et Sanou est un binôme subtil. Qu’en as-tu pensé ?

Il pose la question du tutorat, de la coopération, de l’entraide. Comment on l’enseigne, comment on le transmet ? Qui le fait, le professeur principal, le prof d’histoire-géographie-EMC ? Toute la communauté éducative? Ne doit-on pas envisager là aussi de réfléchir à une progression commune comme un programme de lettres, de maths ou d’histoire-géographie.  Au départ il est imposé par la CPE, il est d’ailleurs soumis à des conditions que ni l’une ni l’autre n’a intérêt à ce qu’il capote. Pour Sanou, il est synonyme d’argent indispensable à ses yeux pour être acceptée par son nouveau groupe classe. Le problème du sweat « cohésion de classe » à 30 euros qu’elle ne peut pas payer est déterminant pour comprendre l’intérêt du tutorat.  Il finit par fonctionner et encore là aussi la scène du petit frère oublié par Kadhi montre la difficulté des adolescents à s’entourer « des bonnes personnes » aux yeux des adultes et la difficulté de la mise en place du tutorat parce qu’il est encore dans nos écoles, dans notre société encore trop ponctuel, c’est un mode de transmission qui être très peut utilisé même si il est très noble à mes yeux. d’ailleurs quand tu commences ta carrière d’enseignants tu as un tuteur, à mon sens on devrait en avoir un pendant plusieurs années et surtout quand on a en besoin, quand on change d’établissement par exemple, d’entreprise, de travail, et à tous les âges de la vie, même pour le départ à la retraite.

Des valeurs, une famille sans long discours, où chacun.e a une place prédéfinie : les incursions dans l’appartement de la famille de Sanou renforce le discours donné sur l’école et montre à quel point les valeurs promues par un pays ne sont pas forcément en adéquation avec les valeurs de tous ses citoyens, toutes ses citoyennes. Qu’en as-tu pensé ?

C’est tout le problème de notre projet de société en France, une nation française qui se rassemble autour de valeurs parfois si peu vécues dans les familles, je pense surtout à l’égalité filles-garçons, et l’école a un grand rôle à jouer là dedans en faisant entrer aussi les parents dans l’école, en éduquant constamment l’ensemble de la société. L’actualité nous le montre encore récemment sur la question de la vaccination et la liberté. Les valeurs sont mal comprises mais parce que là aussi on ne se donne sans doute pas les moyens de bien faire le lien entre notre projet de société et ses valeurs et les choix qu’un gouvernement fait. Les familles sont représentatives des familles en difficulté : elles sont rattrapées par leur culture par exemple. La maman de Sanou a un rôle important, elles veut que ses filles s’en sortent, elles est très pointilleuses sur l’usage de la langue française dans les conversations familiales et dans le même temps pour le papa, aux yeux des autres familles ce qui est important c’est d’aller chercher son petit frère au foot le vendredi soir. Néanmoins dans la famille de Sanou il y a malgré tout une famille très unie, très solidaire. Les nouveaux camarades de Sanou ne sont jamais vus dans leur famille, excepté la scène de la fête où d’ailleurs les parents sont absents.Souvent aussi de nombreuses familles n’ont pas connaissance de toutes les aides dont elles pourraient bénéficier, à un moment c’est en pointillé mais on comprend que la famille de Kadhi bénéficie d’un HLM depuis peu de temps, Kadhi dit ne pas aimer ce logement parce qu’il lui rappelle l’absence de son père. Là aussi tout est question de moyens, de communication, d’accompagnement, il faut accompagner les Françaises et les Français dans ses démarches, et dans le même temps quand ils n’en ont plus besoin, les accompagner pour passer à une situation moins dépendantes des aides sociales mais encore faut-il se donner les moyens de cet accompagnement. Ma sœur et ma belle-sœur travaillent dans le social et se plaignent que chaque année, le nombre de familles qu’elles suivent augmentent sans moyens supplémentaires.

La seule adulte représentative du système scolaire c’est la CPE, Mme Lebel. Elle semble jouer un rôle déterminant dans l’orientation des élèves, un rôle dont je n’ai jamais été témoin. Qu’en as-tu pensé ? Est-ce crédible ?

Les CPE ont souvent un point de vue différent, ils, elles ciblent bien souvent les personnalités des élèves les plus pénibles bien plus rapidement et avec beaucoup plus de nuances que nous. Disons qu’en entretien individuel avec l’enfant puis la famille, elles saisissent la partie immergée de l’iceberg. Ils, elles ont aussi la place que le chef d’établissement leur donne, certaines ont presque un rôle d’adjoint et elles accompagnent beaucoup l’orientation, dans certains établissements, elles ne font que de la discipline mais je pense que leur métier change. Ils, elles sont les acteurs et les actrices pour moi justement de tout ce qui est nécessaire dans un projet éducatif du XXIème en tant que création d’un lien entre les familles et les profs, la mise en place de la coopération, l’éducation au compétences socio-émotionnelles. Lors du conseil de classe, en arrière plan il y a des billets de gratitude sur la fenêtre de son bureau, les élèves semblent avoir remercié des profs, d’autres élèves … Je trouve que c’est une bonne initiative.

Sanou, Kadhi, Mme Lebel, les sœurs et la mère de Sanou  : les femmes sont à l’honneur dans ce film. Est-ce que pour toi cela a un rapport avec le titre ? Comment as-tu compris ce titre ? De quoi les protagonistes sont-elles les héritières d’après toi ?

Les femmes sont avant tout les héritières d’un système sociétal patriarcal. Elles ont inconsciemment acquis chacune de leur place et même si elles ont toutes consciences qu’elles doivent se plier à la volonté du chef de famille, elles ont aussi parfaitement compris et essaient de saisir les droits qu’elles ont. Mme Lebel incarne l’idéal vers lequel on devrait aller. Le fil témoigne aussi d’une solidarité féminine, une sororité et pour illustrer cette notion, j’aime beaucoup l’amitié naissante de Sanou avec sa camarade de classe d’Henri IV. Avec beaucoup de subtilité, elle lui apprend les codes

Une vision ambivalente du système scolaire français

 Une école à deux vitesses : n’est-ce pas le sujet de film ?

Malheureusement oui, nous ne le savons que trop bien. Je conseille d’ailleurs de regarder un reportage un peu ancien réalisé par arte qui suit des jeunes scolarisés au lycée Janson de Sailly de la seconde jusqu’à leur 26 ans. La pression, l’exigence n’est pas la même que dans aucun autre établissement. Je ne savais même pas que c’était possible mais à un moment donné tu comprends que les élèves font le programme de 1ère en seconde, et de terminale en première et des chapitres de prépa en terminale. Meilleure élève en Seine St Denis, elle n’arrive pas à raccrocher les wagons et aucune aide n’est apporté.

La scène de demande d’audience pour en rentrer en SI m’a semblé complètement surréaliste, improbable dans un lycée lamba : en avais-tu déjà entendu parler ?

Oui pour moi aussi cette scène n’est pas réaliste surtout même dans la continuité du film, le rôle des délégués de classe est quand même incarné par une histoire de sweat à slogan, ce qui laisse penser qu’il y a peu de place pour la parole des élèves et là on lui accorde un entretien. Après dans les pratiques actuelles, je trouverais ça normal qu’on écoute un.e élève qui veut expliquer ses résultats. On en a déjà parlé toutes les deux mais nous sommes pour des conseils de classes de 6 heures où chaque élève viendrait assister à son compte rendu;). Après avec la réforme du lycée, il n’y a plus de filière SI contingenté en principe, tous les lycées sont sensés proposer cette option comme toutes les autres, dans les faits c’est moins sur.

Une France à deux vitesses : n’est-ce pas aussi -et surtout- le sujet de ce film ?

Oui aussi et je dirai même à 3, 4, 5. Parce que les différents groupes sociaux s’ignorent, se méconnaissent. C’est l’une de mes plus grandes préoccupations actuellement, nous manquons incroyablement de cohésion, et d’ailleurs petit note d’humour, si on m’avait dit, quand j’ai commencé ma carrière, que je trouverais ça génial de travailler en partenariat avec l’armée (via le biais d’une classe défense et sécurité globale) pour travailler ce principe républicain plus que jamais indispensable à faire acquérir à mes élèves, je ne l’aurai pas cru 😉 alors que je suis profondément antimilitariste. Mais plus je lis et regarde cette institution, plus je me dis que c’est la seule encore un peu capable de proposer une chance pour tous et toutes de faire carrière et d’y progresser rapidement.

En temps que géographe, as-tu apprécié la manière de la réalisatrice de filmer Paris et sa banlieue, notamment le plan panoramique final depuis les bâtiments de la BNF  ?

Ce n’est pas à ça que j’ai accordé le plus d’importance, néanmoins dans ce film je trouve qu’on rentre dans les différents territoires par la grande échelle, la macro, la chambre universitaire, le CDI du collège et la bibliothèque d’Henri IV, les appartements du XVI et l’appartement de la famille de Sanou, les cages d’escaliers, le périph qu’on ne traverse pas. D’ailleurs quand je suis à Paris sur des lignes comme la 4 ou la 5, je suis toujours surprise de voir qu’il y a des lieux qu’on ne franchit pas : les Halles, St Michel… Ce sont des stations où le métro se vide d’une certaine catégorie de population et se remplit d’une autre, les gens se croisent sur 10 secondes sur un quai.

Pour finir, comme nous aimons faire des liens entre la manière dont nous enseignons et les films que nous voyons, pourquoi nos collèges et nos lycées publics (de REP notamment) ne pourraient-ils pas s’inspirer de ces parcours d’excellence qui mettent le travail au cœur de la scolarité ?

Ce film m’interroge notamment sur notre niveau d’exigence… Parce qu’aujourd’hui et là aussi, on l’a déjà évoqué dans « Ecrire pour exister », il y a aussi deux visions de l’enseignement. Celle encore basée sur un système méritocratique avec le plus on est bon et plus on accède aux filières d’excellence qui se caractérisent par les classes prépa et les grandes écoles dont certaines familles ignorent l’existence d’ailleurs, y compris d’excellents élèves (j’en ai deux dans mes proches;) et une vision de l’enseignement qui prône le bien être à l’école, la bienveillance. Mais trop souvent, y compris chez une majorité d’enseignant, la bienveillance ne rime pas avec exigence et c’est d’ailleurs faux. Les ouvrages de discipline positive expliquent bien qu’être bienveillant ce n’est pas baisser le niveau ou ajuster les notes ou les niveaux de compétences pour faire monter un taux de réussite, c’est évaluer le progrès plutôt que le niveau, c’est mettre en valeur les efforts plutôt qu’un trait de caractère, c’est donner des conseils plutôt que condamner. Dans le film, j’avais retenu la violence de l’appréciation d’un de ses professeurs de Prépa sur Sanou : « erreur de casting ». Le niveau d’exigence, on doit l’instaurer individuellement chacun dans sa pratique. Il faut inlassablement nous auto-former parce que l’institution ne nous propose rien surtout dans les bons établissements parce que l’ensemble de la société s’imagine qu’un bon lycée = des bons profs mais quand on sait comment ça marche, un bon lycée= un vieux prof;) motivé – ou pas d’ailleurs !

Des films à l’école, sur l’école, dans l’école !

Depuis plusieurs années, avec plusieurs collègues-amies, on s’est organisé régulièrement des séances de cinéma pédagogique. Parce que les films qui mettent l’école à l’honneur nous tiennent à cœur, nous voulions vous en présenter quelques uns en ce mois de septembre 2021. Voilà donc quelques idées de films qui ont retenu notre attention au fil des ans !

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Dans la vidéothèque de Colette

En 2018, sortait au cinéma, La Vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Pour la fan absolue de Grand corps malade que je suis, cette sortie était déjà un évènement. Mais quand une collègue m’a appris que toute l’équipe venait pour une avant-première dans un cinéma proche du collège où je travaille, alors là ce fut l’hystérie générale 🙂 Alors avec un certain nombre de mes collègues – nos C.P.E, des enseignant.e.s, notre chef, des A.E.D – on a été à l’avant-première ! J’avais même embarqué mes deux enfants, alors que je me doutais bien que certaines scènes ne seraient pas très adaptées à leur âge 🙂 Mais il n’y avait personne pour les garder alors ils en ont profité ! Tout ça pour vous dire que ce film a été un petit évènement dans ma vie de prof à tous les niveaux. Et aussitôt vu, aussitôt programmé dans mes projets de l’année suivante. Et le 10 Septembre 2019, nous avons amené 4 classes de 3e le voir au cinéma. S’en sont suivis de longs débats interprétatifs, mêlant analyse cinématographique et lecture de paysages. Un travail interdisciplinaire géographie-français qui depuis 2 ans rythme mon début d’année.
La Vie scolaire, Grand Corps Malade et Mehdi Idir, 2018.
Ah, oui, le speech ! Alors dans ce film on suit Samia Zibrat, une C.P.E qui vient de changer de région et qui arrive dans le collège des Francs-Moisins, à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, à la rentrée. On découvre au fil des plans, toute l’équipe pédagogique du collège, les assistants d’éducation, la principale, l’équipe enseignante. Personne n’est oublié, caractéristiques intéressante à souligner car les films sur l’école se borne souvent à l’équipe enseignante. Là, c’est ce qui se passe à la vie scolaire qui est mis en avant. Mais c’est aussi surtout ce qui se passe dans une classe de 3e, une classe de 3e comme on en connaît tant, sans option, sans projet, sans… horizon, que les réalisateurs filment. On va s’intéresser alors à un élève en particulier, Yanis. Un jeune qui n’a sa place nulle part et qui en a cruellement conscience. Le film dessine alors une série de scènes du quotidien en entrecroisant de manière poétique le parcours de Samia, CPE, et celui de Yanis, élève de 3e. Les deux personnages sont en quête d’eux mêmes. Et leurs quêtes se répondent. Et c’est ce que j’ai tant aimé dans ce film là : les adultes apprennent aux enfants, les enfants apprennent aux adultes. Bien plus qu’on ne le croit.

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En 2015 sortait au cinéma Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar. Toujours inspirée par ma work wife, j’ai regardé ce film pour préparer une sortie scolaire où nous avions eu l’immense surprise de rencontrer l’un des acteurs principaux du film, Ahmed Dramé. Rencontre improbable, généreuse, magique dans un cinéma d’une petite ville de Gironde.

Là encore, il est question de projet. Cette fois c’est la professeure d’histoire d’une classe de seconde peu travailleuse où de nombreuses tensions sont perceptibles, qui décide d’inscrire ses élèves au concours national de la résistance et de la déportation. Le sujet cette année là : « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». Un sujet qui déjà ne peut laisser le spectateur/la spectatrice indifférent.e. Anne Gueguen, la professeure d’histoire, grâce à sa confiance solide et exigeante en ses élèves, va les accompagner dans leurs recherches, les guidant lors d’une visite du Mémorial de la Shoah ou encore les préparant à la rencontre avec Léon Zyguel, rescapé des camps d’Auschwitz et de Buchenwald. Au fil du film, le groupe se crée, se soude, apprend à coopérer, apprend à chercher, apprend à trouver, à se faire confiance, à faire confiance à l’enseignante, à faire confiance à leur capacité de réussir. Sans parler des connaissances qu’ils accumulent sur cette année là, devenant des spécialistes d’un sujet particulièrement pointu.

Ce film là, en fait on l’a en commun ! Aude l’a découvert grâce à un élève qu’elle avait amené à la commémoration du 6 Juin 44 en présence des présidents américains et français. Au retour, une clé usb déposée sur le bureau, quelques mots : « je ne sais pas si vous connaissez mais il m’a fait penser à vous. » Merci Q….. à vie !

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Dans la vidéothèque d’Aude

D’abord il y a Le Cercle des poètes disparus avec Robin Williams et son innovation pédagogique. Il s’agit du professeur Keating qui est chargé d’enseigner la pédagogie dans un collège prestigieux du nord des Etats-Unis, il va abandonner le bon vieux manuel pour leur faire vivre la poésie, pour leur faire incarner les Lettres, pour vivre l’instant présent. Alors bien sur, ça finit mal mais il y a aussi des élèves qui s’affirment, qui développent leurs points de vue, leurs personnalité, qui vivent ! C’est un des premiers films que j’ai vu et qui m’a fait dire que je serais sans doute à ma place dans une classe. J’étais encore au collège !

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Il y a aussi ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier avec Philippe Torreton. Cet acteur de la comédie française joue le rôle d’un professeur de Maternelle aussi directeur d’école dans une ZEP dans le Nord de la France. Le film dépeint cette misère sociale que l’on perçoit dans les classes, à peine, et qui peut être si facilement dissimulé par les enfants eux mêmes, puis un jour un regard sur le cuir chevelu, une odeur désagréable, des sanglots, des cris et les valises de problèmes que nos élèves doivent porter, nous explosent à la figure, nous rappellent qu’on ne peut pas ne pas s’impliquer personnellement, qu’on ne peut pas juste enseigner. Ce film qui a maintenant 22 ans met aussi en évidence, l’absence de soutien de la part de la hiérarchie dans les écoles, la solidarité entre les enseignants et enfin l’importance de la pédagogie de projet, j’aime l’idée qu’ils ont de « cabosser la cour de récré de couleurs » pour la kermesse de fin d’année, c’est sans doute grâce à ce film que je n’ai jamais eu peur d’enseigner en R.E.P. J’avais 17 ans et je me souviens être sortie de la salle de ciné en me disant :  » c’est sûr, t’as fait le bon choix ». Quelques années plus tard, je me souviens d’A. en 6ème qui avait une écharpe autour du cou, je lui demandais régulièrement de l’enlever parce que je trouvais qu’il faisait très chaud et à chaque fois, il me répondait avec un grand sourire : « Mais non ça va Madame, je n’ai pas chaud, tout va bien ». Puis un matin A. il n’était plus en classe, il avait été récupéré par son père le soir tard parce que son beau père le maltraitait. Parfois, même 8 ans après je pense à lui et au fait que je n’ai rien vu …

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Et vous, des films à l’école, sur l’école, dans l’école à nous conseiller ?

Ecrire pour exister- Côté pédagogie.

Pour compléter la chronique publiée hier, aujourd’hui Aude et moi vous livrons le fruit de nos réflexions pédagogiques liées au visionnage du film Ecrire pour exister.
Freedom Writers, Richard LaGravenese, 2007
Toi qui as vu un certain nombre de films sur la pédagogie ou qui ont pour cadre l’école, que dirais-tu que ce film a de particulier ? Pourquoi a-t-il retenu ton attention ? Aude. – Justement, je trouve qu’il fait très quelconque au début comme de nombreux films sur l’éducation aux États Unis : tu regardes Sister act 2 ça commence presque pareil mais je trouve ça intéressant parce qu’elle aime ses élèves, parce qu’elle ose s’écouter, je trouve ça aussi intéressant parce que ce film met en avant l’idée qui a longtemps prévalu et qui heureusement a  tendance à disparaître avec les recherches récentes sur les sciences cognitives, que la pédagogie c’est inné, qu’on devient un bon prof sur le tas. Quand j’ai commencé ma carrière, il y a 13 ans, c’était un peu ça. On te jetait en première ligne dans un collège violence et prévention ou ambition réussite et c’est là que tu faisais tes armes, or comme tous les métiers l’enseignement, ça s’apprend, il faut nous former, je regrette encore de me dire que je suis actuellement en train de m’auto-former à la discipline positive parce que tu en as entendu parler et que par chance notre cheffe d’établissement adhère complètement à cette pratique. Même chose pour les pédagogies coopératives ou la pédagogie de projet dont on va parler dans la prochaine question. Si je peux faire un peu de politique, et je ne parle même pas de la réforme des concours qui va mettre sur le terrain des jeunes étudiants qui seront dégoûtés par le métier avant même de commencer parce que non seulement ils n’auront pas le bagage dans le domaine pédagogique et ils ne l’auront pas dans le domaine scientifique, alors si tu as ni l’un ni l’autre comment tu fais de la didactique ? Colette. – Alors justement mon petit bémol concernerait le fait que le film donne un peu l’impression que cette enseignante trouve toute seule en moins d’un an des solutions incroyables à des problèmes de discipline, de démotivation, d’irrespect, de manque de confiance, de méthode de travail quand même particulièrement corsés ! Elle n’est pas du tout accompagnée dans sa première expérience, l’administration de son établissement ne la soutient pas, ses collègues ne sont pas particulièrement encourageants. Et pourtant, elle bouleverse l’ordre des choses à la force de sa seule volonté. Elle s’en donne les moyens certes. Si je compare avec mon propre parcours, je me dis qu’elle a réalisé l’importance du développement des compétences psycho-sociales, l’importance de la coopération bien plus vite que moi ! Je ne sais pas si c’est réaliste de ce point de vue, il m’a fallu lire tellement de bouquins, rencontrer tellement de collègues, essayer tellement de choses pour arriver à observer des progrès dans la relation à l’école de mes élèves que je trouve « suspect » d’y arriver en moins d’un an ! D’un point de vue général, c’est un film très optimiste sur les changements qu’une pédagogie de projet peut entraîner dans la vie sociale, affective et intellectuelle des élèves : est-ce que tu t’y retrouves ? Aude. – Oui complètement ! Ce que j’aime dans la pédagogie de projet, c’est d’abord le lien que tu crées avec tes élèves, tu ne peux pas tricher, à un moment tu t’es tellement investie en temps, intellectuellement, culturellement, émotionnellement que tu ne peux plus te planquer derrières des programmes, des compétences, des fiches et que sais-je… et ça les élèves finissent toujours par percevoir ta sincérité et ton investissement. Ensuite, j’aime observer l’évolution des élèves parce que c’est forcément sur du temps long, ils sont eux aussi obligés de se mouiller, ils ne peuvent plus se cacher, si ça leur plaît, ils foncent aussi ! Colette. – En fait c’est vraiment le message que m’a rappelé le film : si toi, l’enseignante tu fonces, tu es prête à rêver en grand, les élèves suivront, rien ne peut t’arrêter (sauf peut-être un satané virus et encore !) J’ai vraiment eu cette sensation la première année où j’ai enseigné, seule année où j’ai pu vraiment me consacrer corps et âme à mes élèves (parce que je n’avais qu’une classe en responsabilité, parce que je n’avais pas de famille dont j’étais responsable et que je vivais à 10 minutes de mon lieu de travail…) En une année, on a écrit des textes, qu’on a décidés de publier, qu’on a auto-édités avec les moyens du bord, qu’on a vendus lors d’une journée portes-ouvertes au profit d’une association recueillant des fonds pour soigner les cancers pédiatriques, on a participé sur nos Week-ends à des évènements pour l’association en question, on a écrit des sketches à la manière de Desperate Housewives et les élèves ont réussi à me convaincre de jouer ces sketchs en public. On a trouvé une salle, on a répété tout le mois de juin alors que les cours étaient terminés et on a joué devant une salle remplie de gens bien intentionnés ! C’était génial. Je ne sais pas si ces élèves s’en souviennent mais pour moi ce sera une expérience inoubliable ! Quelles activités pédagogiques as-tu retenues parmi celles évoquées dans le film ? Y-en-a-t-il que tu aimerais mettre en place ?  Aude. – je ne sais pas si je retiens une activité mais plutôt des idées véhiculées par ces pratiques. Il y a quatre choses que je retiens : 1) confronter les élèves à la difficulté : on leur donne Le Journal d’Anne Frank pas la version édulcorée, on leur donne un vrai livre pas le librio à deux euros, c’est une question de respect et j’ai presque honte d’en avoir pris presque conscience avec ce film mais là dessus elle a raison, il faut arrêter de rogner pour des histoires de budget parce qu’ils sont trop jeunes ou trop immatures ou trop mauvais. 2) Ils ont droit a du beau, du grand, du rêve. D’ailleurs quand on regarde le matériel Montessori c’est exactement cette idée. Jean Pierre Aurières, qui amène chaque année ses lycéens dans un pays très lointain, est également dans la même démarche, il considère que le voyage est formateur mais le grand, l’inoubliable, celui d’une vie,… doit être accessible y compris en lycée pro ou en filière techno en Seine St Denis. Je me souviens d’élèves amenés à Londres en avion et au retour je me souviens de G. qui m’a dit avec les larmes aux yeux : « Madame merci parce que peut-être que je ne pourrais plus jamais me payer un billet d’avion… » Et je  sais par les décisions qu’il a prises pour son orientation par la suite, qu’il s’est donné les moyens d’avoir de quoi se repayer un billet d’avion! 3)Troisièmement,  ne pas avoir peur du grand projet et ça dans ma pratique j’ai encore un peu de mal à me défaire des croyances limitantes, des contraintes administratives, comme démarcher des personnalités, lever des fonds, mobiliser les collègues,… aller au bout des démarches comme quand elle fait venir la personne qui a caché Anne Franck depuis les Pays Bas ou qu’elle fait imprimer le livre. Les élèves retiendront ça, l’exceptionnel !
Miep Gies (1987)
En 2014 avec notre collègue d’anglais nous avons eu la chance d’assister à la cérémonie de commémoration du débarquement en présence de Barack Obama et François Hollande ! Quand je croise cette génération, ils ne me parlent que de ça, tout le reste c’est à la poubelle comme le cahier vert de l’année de troisième. Alors, si j’ose dire c’est l’indice récupérateur bien plus que ton cours avec tes fiches en comic 12 😉 4) Dernière chose, aimer ses élèves, s’investir personnellement et aller plus loin dans l’accompagnement des compétences socio-émotionnelles. Alors c’est ma ligne de progression actuellement et c’est peut être pour ça que ça me parle, mais là aussi pendant des années, je me suis accrochée à une phrase d’un formateur IUFM qui m’avait dit : « notre boulot s’arrête à la porte du collège sinon après tu te crames émotionnellement » et bien je pense que c’est un métier où on n’ a pas le choix, on doit se cramer émotionnellement c’est à ce prix là que nous prenons du plaisir dans notre métier qui peut parfois être ingrat et à ce prix là que l’on gagne la confiance des élèves et qu’on accompagne leur réussite. Colette. – Tu as dit l’essentiel me semble-t-il ! En tant que professeure de français, je retiens quand même cette superbe idée de faire écrire les élèves sur l’année, dans ses très beaux carnets à l’américaine (ils doivent avoir un nom) qu’ils peuvent laisser, à l’abri, dans l’armoire de la classe s’ils souhaitent que l’enseignante les lisent. Je trouve que cette démarche touche à quelque chose d’essentiel. On n’est plus dans l’évaluation, on n’est plus dans le travail pour acquérir des connaissances, des compétences, etc. On est juste là pour mieux vivre. Mieux être. Ensemble. Et ça passe par une meilleure connaissance de soi, qu’à mon sens, seule l’écriture nous permet. Et quelle confiance. J’ai adoré le moment où elle ouvre l’armoire pour la première fois et où elle trouve TOUS les carnets… A partir de là, leurs relations ne pourra plus jamais être une relation d’enseignant/enseigné. Leur relation est toute autre, c’est une relation de cœur à cœur.

Rendez-vous lundi prochain pour quelques conseils de films qui ont nourri nos réflexions pédagogiques !

     

Ecrire pour exister- Côté cinéma.

Aude et moi, non seulement on travaille ensemble depuis 11 ans, mais on s’inspire tout le temps mutuellement ! Il y a deux semaines, un soir, je reçois un de ses précieux messages qui sèment de la joie, des idées, des questions dans mon quotidien. Dans ce message, il est question d’un film, un film qu’elle est en train de regarder. Un film qui la touche. En plein dans son cœur d’enseignante. Et comme nos cœurs de profs sont un peu des cœurs jumeaux, je sais que je dois voir ce film. Et c’est ce que je fais dès le lendemain. Elle m’a proposé d’en faire une chronique. Aujourd’hui, nous vous parlons donc du film Ecrire pour exister de Richard LaGravenese.
Ecrire pour exister, Freedom writers, Richard LaGravenese, 2007.
  Comme nous avions beaucoup de choses à partager, on vous livre aujourd’hui nos échanges autour de la narration du film et demain on vous livrera les réflexions pédagogiques provoquées par cette projection.

Comment as-tu eu connaissance du film Ecrire pour exister, en ce moment à l’affiche sur Netflix ?

Aude. – C’était dans mes suggestions Netflix, la plate forme est bien faite 😉 Après j’ai toujours aimé les films sur le métier d’enseignant puis les anglo-saxons ont un rapport aux élèves très différent du notre, c’est donc toujours intéressant de voyager aussi. Je trouvais qu’il y avait un petit côté Cercle des poètes disparus.

Colette. – Pour moi, c’est donc grâce à nos inspirants échanges Whatsapp que j’ai eu connaissance de ce film, et tu en parlais avec tellement d’enthousiasme que dès le lendemain je me suis programmée un petite session télé en solitaire ! Et cela faisait hyper longtemps que cela ne m’était pas arrivé ! Une vraie gourmandise à savourer, lovée dans le canapé, dans la chaleur du plaid qu’une amie chère à mon cœur nous a jadis offert ! En quelques mots, pourrais-tu présenter l’intrigue de ce film ? Aude. – Il s’agit d’une jeune femme qui a toujours rêvé d’être enseignante et qui se fait embaucher par une école dans les quartiers en difficulté de Los Angeles et après des débuts difficiles, parce qu’elle se bride dans sa pratique pédagogique, et à partir du moment où elle décide d’écouter son intuition pédagogique (oui plus ça va, plus je considère que nous avons une intuition pédagogique) et d’être naturelle dans sa classe, ça marche, les élèves adhèrent à ses propositions. Colette. – Je reviens juste sur ce que tu dis sur la vocation de notre personnage principal, car elle souligne lors de son entretien d’embauche (quelque chose que nous ne connaissons pas du tout en France) qu’elle voulait d’abord être avocate, inspirée par son père qui a longtemps lutté pour les droits civiques et qu’au final elle s’était dit qu’il fallait se saisir du problème des inégalités à la racine, en choisissant l’éducation. Il y a vraiment une vision de l’éducation presque militante revendiquée dès le début du film. Et cette dimension là de notre métier, c’est vraiment quelque chose qui m’est venue avec l’expérience, en fréquentant notre cher public de R.E.P rural. Quand j’ai commencé à enseigner je n’en avais pas du tout conscience. Je ne sais pas quand c’est arrivé, mais ce sentiment a donné du sens à ma pratique, l’a nourrie, l’a dynamisé. Dans quelle mesure, d’après toi, le contexte historique, politique et social participe-t-il de la portée de ce film ? Aude. – Le film se situe dans les années 90, une période où Los Angeles connaît des émeutes raciales très fortes (de mémoire en 1992 et déjà une histoire de procès où le policier blanc est acquitté par un jury composé en majorité de blancs, alors qu’il avait passé à tabac un automobiliste noir américain) , c’est une des villes les plus inégalitaires des États-Unis à la fin du XXe siècle. Ce film m’a particulièrement parlé, plus parce que j’essaie en ce moment de faire évoluer ma pratique pédagogique que pour le contexte historique, géographique et sociologique dans lequel il s’inscrit, même si on perçoit cette City of quartz décrite par Mikes Davis, l’un des meilleurs auteurs de sociologie urbaine à mon sens. Colette. – Alors moi qui n’y connais rien en sociologie et en histoire des E.U.A, j’avoue qu’au départ j’ai trouvé le contexte presque cliché, j’ai toujours du mal à démêler le vrai de l’exagéré dans ce genre de contexte, ce qui relève du film de banlieue de ce qui relève d’un réel problème social. La violence liée à la libre circulation des armes dans ce pays me dépasse… Je ne comprends pas que l’on puisse tolérer une telle barbarie… As-tu eu un personnage préféré ? Lequel ? Pourquoi ? Aude. – Bien évidemment, on ne peut qu’avoir envie de s’identifier à Erin Gruwel quand on est enseignante. Dans les élèves, je trouve que le personnage d’Eva, l’élève latino, et André, l’élève noir américain dont la maman est malade, sont les plus attachants. On sent une résilience incroyable chez ses élèves et c’est une qualité que j’admire toujours chez des adolescents. Colette. – J’ai adoré, adoré la professeure Erin Gruwel ! Même si elle en fait vraiment trop, qu’elle y sacrifie son couple, qu’elle y sacrifie sans doute sa santé – comment fait-elle pour accumuler autant de petits boulots afin de pouvoir financer ses projets ???- son éternel sourire qui accompagne toujours une détermination sans faille ne peuvent que nous inspirer. Elle a cette force qui me manque souvent et dont tu parleras plus tard dans nos échanges : voir en grand et ne pas hésiter !
Erin Gruwell, 2012, ©Dorstener Zeitung.
Le fait que ce film soit tiré d’une histoire vraie a-t-il participé à ton intérêt pour ce film ? Le savais-tu avant de le voir, ou, comme moi, l’as-tu découvert à la fin du film ? Aude. – Je ne le savais pas avant mais du coup on a envie d’en savoir plus sur elle, de lire Le journal des écrivains de la liberté… Je trouve que c’est une personnalité très inspirante. Colette. – Je suis allée voir une de ses conférences TedX après le film tellement j’avais du mal à croire qu’une telle personne existe pour de vrai ! Et j’ai vraiment eu l’impression que le film était très réaliste et fidèle à son expérience. Maintenant, il me tarde de trouver le livre écrit par ses élèves pour peut-être m’en inspirer !      

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