Petit entretien sur la lecture à haute voix

Colette m’a posé quelques questions au sujet de la lecture à haute voix auxquelles je vais répondre avec grand plaisir.

1) Peux-tu nous raconter à quels moments de ton enseignement tu pratiques la lecture à haute voix ?

Lorsque j’étais au collège, je l’utilisais beaucoup avec les sixièmes notamment sur les mythes grecs et romains ou les récits fondateurs. Je l’ai aussi utilisé pour quelques contes en géographie mais c’est un de mes regrets d’enseignante de collège, j’ai moins d’occasion au lycée d’utiliser la lecture à haute voix. Néanmoins je m’enregistre en train de lire des articles ou des extraits de manuels universitaires pour éviter la paralysie que peut provoquer chez certains élèves les lectures scientifiques. Comme ils ont parfois des trajets longs en bus ou en train, ils peuvent m’écouter sur ces temps là.

Je l’utilise actuellement dans le cadre d’un projet sur notre espacer quotidien.

https://www.pearltrees.com/saintmacary/de-la-nivelle-a-saye/id57191179/item470771798


2) Fais-tu lire tes lycéennes et tes lycéens à haute voix ? A quelles occasions ?

je les faire lire à haute voix pour s’entraîner à prendre la parole lors des oraux ou entretiens de sélection post bac lors de séance d’Ap. Je présenterai d’ailleurs ces outils la semaine prochaine. Par ailleurs, j’espère vraiment que cela pourra se faire mais cette année j’ai un projet avec une conteuse professionnel pour que mes élèves aillent conter dans une maison de retraite . Ce n’est plus vraiment de la lecture à haute voix mais je trouve que c’est un beau prolongement de cet exercice. C’est encore au stade d’ébauche. *


3) Y-a-t-il au lycée des activités pédagogiques transdisciplinaires autour de la lecture à haute voix comme le « quart d’heure lecture  » ? Est-ce que ça fonctionne auprès des élèves ? Absolument pas! à mon grand regret, mais ça viendra surement, pour cela il faudrait qu’on est du temps pour se concerter, ce qui est très compliqué au lycée, avec des journées quasiment continues.


4) Quels sont d’après toi les avantages de la pratique de la lecture à haute voix ? Je ne sais pas trop. J’aurais tendance à dire le plaisir de partager une lecture qui nous a plu. Je me souviens des cours de français de première où une fois par période on avait le droit d’amener une lecture de notre choix et de la lire à la classe. Elle appelait ça on oublie les classiques! C’est un de mes plus beaux souvenirs de cours de français.

Je dirais aussi que la lecture à haute voix favorise la prise de confiance en soi et petit à petit d’être de plus en plus à l’aise en public. C’est plus facile à mon sens de se lancer avec un texte pas trop loin de soi que par cœur! Les élèves développent aussi leur capacité d’écoute et d’attention autant en étant spectateur que lecteur. Ils peuvent prendre conscience qu’ils lisent trop vite, pas assez fort, de manière trop monotone, que leurs camardes décrochent…


5) Et comme nos vies de parents inspirent souvent nos vies d’enseignantes, je me permets cette question plus personnelle : dans le parcours scolaire de tes enfants, la lecture à haute voix a-t-elle une importance particulière ?

Mes filles ont participé aux champions de la lecture en CM2 et Maritxu a gagné dans sa classe. Malheureusement, le confinement nous a empêché d’aller au niveau départemental! Au collège, j’ai l’impression qu’elles n’en font plus du tout. C’est bien dommage d’ailleurs!


6) Pratiquez-vous ou avez-vous pratiqué la lecture à haute voix en famille ? A quelles occasions ? Nous pratiquons la lecture à haute voix tous les soirs depuis presque 10 ans maintenant. D’abord des albums et maintenant des livres. Un chapitre ou une moitié de chapitre tous les soirs. Depuis qu’elles dévorent des dystopies et des sagas fantastiques qui ne m’enchantent pas, elles m’octroient cette demi-heure où j’ai le privilège de choisir le livre et on lit à tour de rôle: d’ailleurs ce soir c’est à moi et nous lisons Anne de Green Gables de Lucy Maud Montgomery aux éditions Toussaint Louverture

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Éduquer en Anthropocène: quelques livres et documentaires

Eduquer en Anthropocène était le titre d’un MOOC suivi l’an dernier qui rappelaient la nécessité de pratiquer un enseignement soucieux des démarches écologiques et durables. Oui il est nécessaire de sensibiliser les élèves à leur environnement et de leur enseigner une autre représentation de la nature, celle dans laquelle on vit, dont on est interdépendant et non celle que l’on domine et qui nous donne.

Vous imaginez bien que les propositions ici vont être très sélectives et absolument pas exhaustives. Il s’agit pour les livres des derniers coups de cœur en matière de littérature sur la nature, l’écologie,…et pour les documentaires, ce sont ceux que je trouve probablement les plus faciles à utiliser avec des élèves.

je commence donc par mes les deux dernières lectures qui m’ont beaucoup plus.

https://www.editions-akinome.com/wp-content/uploads/2020/10/Mock-up-Mon-tour-du-monde-ecolo.png

J’ai découvert les éditions Akinomé ce Printemps lors de l’Escale du livre de Bordeaux. Elles sont spécialisées dans la littérature de voyage. ils ont une petite collection Akinomé Jeunesse très colorée qui invite au voyage responsable et au dépaysement. Il s’agit là d’un album documentaire qui est un atlas. Continent par continent, les 4 auteurs, Dominique Cronier, Maguelonne du Fou, Marine Tellier et Anatole Donarier nous proposent de faire le tour des cultures du monde et des bonnes initiatives. L’ouvrage permet d’embrasser la totalité de la planète et de faire du lecteur un « citoyen du monde » pouvant s’inspirer des coutumes locales et les adapter à leur environnement ou de prendre conscience que l’extraordinaire n’est pas uniquement à l’autre bout de la planète. Oui en Europe aussi, nous avons des fêtes traditionnelles, des paysages grandioses et des richesses culinaires, encourageant ainsi le slow voyage, l’alimentation en circuit court et la curiosité du bas de chez soi. Je vous conseille donc vivement cette lecture qui donne envie de réaliser quelques recherches supplémentaires sur les petits encadrés proposés page après page.

Etre un chêne, sous l’école de Quercus écrit par Laurent Tillon dans la collection Mondes Sauvages chez Actes Sud. Alors là j’ai adoré ce bouquin, le principe est simple Laurent Tillon nous livre une biographie d’un chêne, un chêne au pied duquel il aime se ressource de sa naissance en 1769 à aujourd’hui, l’arbre est dans sa force de lâge, il a aujourd’hui 250 ans et il nous livre sa naissance, sa jeunesse, ses rencontres avec les insectes parasites mais aussi ces alliances avec les champignons, son environnemment, Silva qui change au contact de l’Homo. C’est passionnant, il vous emporte et vous fait changer de regard sur la nature qui vous entoure. Oui l’ouvrage a véritablement le mérite de vous faire prendre conscience que vivre en Anthrocpocène, nécessite de sortir justement d’une vision de la nature anthropocentrée. Nous n’avons plus le choix, il est désormais indispensable de savoir et d’agir avec cette donnée, tous nos gestes comptes pour l’environnement dans lequel nous évoluons.

Quant aux films j’évoquerais demain et animal de Cyril Dion et Mélanie Laurent

Alors bien sûr les mauvaises ondes diront que c’est plein de bons sentiments, un peu simplistes,… mais ces deux documentaires ont le mérite d’être très accessibles pour les enfants comme pour les adultes, les personnages interrogés sont attachants et convaincants, les initiatives exposées sont encourageantes et donnent envie aussi de se lancer. Voilà donc trois raisons qui m’encourage à les proposer comme une ressource pour l’éducation en Anthropocène.

Aude et Colette veillent -chronique n°1

On inaugure ici une nouvelle chronique qui sera publiée tous les derniers mercredi de chaque mois. On avait envie de partager avec vous nos coups de cœur, nos découvertes culturelles, pédagogiques, des petites et grandes choses inspirantes pour nos pratiques pédagogiques.

En ce qui me concerne, je suis allée voir des ballets de dans au festival le temps d’aimer la danse à Biarritz entre le 7 et 17 septembre et j’ai été subjuguée par la pièce de Marie Claude Pietragalla, Petragalla, la femme qui danse.

A l’aube de ses 60 ans, Pietragalla à l’audace de faire son autobiographie dansée. Elle retrace sa vie et surtout son parcours de danseuse, celui qui l’anime et la met en mouvement depuis plus de 40 ans. Plus de pirouette et de fouettée pour MC pietragalla mais son souffle, sa voix, dans le micro. Ainsi elle amène le spectateur dans son corps en mouvement. C’est fabuleux, elle nous livre par ce biais l’expérience de son corps par la vue et l’ouie. En sortant de ce spectacle, je me suis dit que tout individu devrait prendre le temps de danser sa vie, de réfléchir à une autobiographie en mouvement. Quant à moi, je me suis dit qu’effectivement ce serait très intéressant de proposer l’expérience du corps à mes élèves par la randonnée.

Pietragalla - La femme qui danse - 04/03/2023 - Cannes - Frequence-sud.fr
https://www.youtube.com/watch?v=oodVvtj7X9w

Ensuite, j’ai écouté les podcasts d’Etre et Savoir: Comment s’éduque t-on à la démocratie? parce que j’ai des élèves cette année en attente de réponse, d’explication sur le monde dans lequel ils vivent, ils ont pour certains envie de s’engager mais comment dans ses institutions dans lesquels ils ne se reconnaissent pas et qui ne répondent pas à leurs attentes.

le premier épisode: comment éduque-t-on les enfants au vote m’a donné envie de revoir toute la façon dont je menais l’élection des délégués de classe et comment j’impliquai mes délégués dans les vies de classe, les préparations au conseil de classe, comment je les faisais porter des projets seuls de tutorat, d’entre-aide,….

je vous conseille donc vivement l’écoute des 5 épisodes qui datent un peu mais qui sont très enrichissants pour nos pratiques d’éducation à la citoyenneté.

je vous confie ma prise de note sur le premier épisode

En bonus, je vous confie cet entretien d’Olivier Bleys avec Anne Bancel sur une expérience géographique à faire avec ses élèves. « faire le tour de soi ».

https://www.pearltrees.com/saintmacary/de-la-nivelle-a-saye/id57191179/item470762104

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Du côté de Colette, chaque rentrée depuis 3 ans, se vit au rythme des projets de Grand corps malade ! Après La Vie scolaire en 2019 et la sortie de l’album Mesdames en 2020, le mois de Septembre 2022 s’est tissé aux sons de l’album Ephémère sur lequel non seulement on peut entendre Grand Corps malade mais aussi Ben Mazué et Gaël Faye. Les trois compères nous livrent 7 morceaux très éclectiques dont plusieurs viendront enrichir les supports proposés à mes élèves de 3e. Ils et elles auront l’honneur de réfléchir à ce qu’est l’engagement en poésie avec le morceau « La Cause » et ils et elles seront inviter à fermer les yeux pour plonger dans leur passé avec le très beau morceau « Sous mes paupières ».

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En cette rentrée, il a fallu réinventer la réunion d’accueil des parents de 6e et pour l’occasion, j’ai médité les conseils de Maxime Tesnière. En écoutant l’épisode 24 du podcast Les Energies scolaires, je me suis dit que je tenterai bien moi aussi une réunion sur le modèle de l’écoute active.

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Et puis cette année, comme je suis chargée du suivi du dispositif du quart d’heure lecture dans mon établissement, j’ai du chercher des textes courts pour celles et ceux qui parmi nos élèves oublient d’amener leur livre au collège. Et je suis tombée sur cette initiative inspirante proposée sur le site du magazine Phosphore : le concours de nouvelles ECOPOSS «  Donnez-nous des  bonnes  nouvelles du futur  ». On peut aller lire les textes des 6 finalistes en ligne, ou les imprimer pour enrichir les boîtes à livres de nos classes et aller voter pour notre nouvelle préférée jusqu’au 28 octobre.

Ode à l’école républicaine

On commence cette nouvelle année scolaire en évoquant notre école républicaine avec ses qualités et ses défauts, celle qui a pour vocation de former les citoyens de demain.

Oui plus que jamais il est important pour Colette et moi de se demander comment former nos futurs citoyennes et citoyens de demain? A en écouter les différentes feuilles de routes, il faudrait qu’ils soient bienveillants, respectueux des valeurs et principes républicains nationaux mais aussi européens, préoccupés par le développement durable. Et encore je n’évoque pas le volet économique de la mission, alors c’est une tâche difficile devant laquelle on a parfois l’impression de courir plusieurs lièvres à la fois sans jamais réussir à en saisir vraiment un !

Pour commencer ce mois, je voulais vous présenter l’ouvrage autobiographique de Mona Ozouf, Composition française.

Ce livre m’ a été déposé dans le casier par la documentaliste du lycée parce que j’avais fait travaillé mes élèves sur des historiennes du XIXè siècle. Bien sur je connaissais les travaux de Mona Ozouf sur la révolution et l’école de la IIIème République mais rien de sa vie personnelle. Dans cette ouvrage, elle montre à quel point nos vies sont des destins fait d’héritages, de rencontres, et de liens qu’on a tissés enfant et par conséquent dans l’enceinte de l’école. J’ai désormais lu Composition française il y a presque un an au milieu d’ouvrages d’Isabelle Filliozat qui évoquait l’importance de soigner l’enfant, l’enfant intérieur qui deviendra un jour un adulte avec un rôle dans notre société. J’ai donc le souvenir de me dire que l’enfant intérieur dans cette chercheuse l’avait sans cesse guidé.

Composition française, et le titre est excessivement bien choisi, est composé de sept chapitres. Chacun de ces chapitres raconte un élément qui compose la personnalité de Mona Ozouf : ses racines bretonnes, son enfance dans les écoles laïques républicaines avec sa mère veuve, l’omniprésence de sa grand-mère catholique, les efforts consentis par sa mère pour l’amener jusqu’à l’école normale supérieure. Chaque village, ville, personne rencontrée, livres lus la composent et font d’elle l’historienne et philosophe d’aujourd’hui.

J’ai aimé dans ce récit autobiographique d’abord les incursions dans les bibliothèques familiales, celle de son père puis de sa mère mais aussi celles des enseignants du collège, du parti communiste à la fin des années 40, 50. J’apprécie aussi tout particulièrement cette idée qu’on est le produit de nos rencontres matérielles, humaines mais aussi immatérielles et c’est ce qui m’a permis de rentrer aussi finalement dans cette autobiographie passionnante, c’est un peu comme si ses travaux devenaient plus limpides.

Puis et c’est en cela qu’elle inaugure notre mois de Septembre sur l’école républicaine, j’ai trouvé fantastique la force de l’école républicaine dans sa vie. Elle est une enfant, un produit de l’école pensée par la IIIème république qu’on critique souvent aujourd’hui car trop normative, trop bloquante, trop lourde dans son fonctionnement niant les individualités mais c’est bel et bien elle qui a amené Mona Ozouf jusqu’à la recherche, qui lui a permis cette ascension sociale et intellectuelle. C’est bien cette école républicaine qui a guidé ses travaux de recherche puisque toute sa vie, elle a cherché à comprendre dans les racines révolutionnaires dans un premier temps, puis dans les racines de l’école républicaine dans un second temps, les origines de notre histoire nationale, celle dont on doit encore faire le récit, autrement et avec plus de nuances qu’au début du XXème siècle mais cette mission est encore bien présente. C’est bien là qu’elle interpelle l’enseignante que je suis : quelle est d’une part, la capacité de l’école encore à mener des enfants sur la voie de la réussite, de l’accomplissement personnel, et d’autre part sa capacité à transmettre des valeurs? Comment? Et comment s’interroger sur leurs évolutions et sur les doutes qui peuvent émerger chez certains de nos élèves sur la question de la cohésion sociale, sur celle de la Laïcité ou encore même sur les conditions de notre démocratie ? J’ai d’ailleurs été moins emportée par sa dernière partie dans laquelle elle interroge l’identité française si problématique rien que par ce terme d’identité aujourd’hui dans notre société. Elle évoque la « balkanisation de la nation française », l’archipellisation de notre société et se demande si la volonté d’uniformisation de la République, si sa capacité à nier ses particularités régionales hier et ce depuis la révolution et d’autres cultures aujourd’hui n’y contribue pas.

Alors je vous conseille de lire Composition française si vous avez des doutes sur le sens que vous donnez à votre travail et si vous avez envie de réflexions sur « la construction de la citoyenneté nationale » dont nous sommes, parmi d’autres, les artisans.

Bonne lecture et je vous souhaite une année riche en réflexions et en construction de sens sur notre chère école républicaine.

Dans la bibliothèque de… Lucie ! épisode 2

« Pour chaque item de cette liste, indique-tes références et les raisons qui t’ont poussé à les citer. » Cette semaine, c’est Lucie qui a accepté de jouer le jeu !

  • Un livre découvert dans ta scolarité qui t’a marqué et les raisons qui expliquent ce choix.

La métamorphose de Kafka en 3ème, sans hésitation ! C’était la première fois qu’une prof de français nous laissait le choix parmi une sélection (il y avait aussi Le joueur de Dostoïevski et un autre dont je ne me souviens plus). La maline n’avait proposé que des textes courts mais percutants.

Premier choc et premières interrogations : ce postulat improbable est forcément signifiant, où l’auteur veut-il en venir ? Si je savais déjà qu’un auteur mort pouvait me passionner, j’ai découvert qu’un prof pouvait m’orienter vers un texte intéressant. C’est d’ailleurs grâce à cette prof (dont je ne me souviens pas du nom, quelle honte !) que je me suis orientée vers la section littéraire où bien d’autres œuvres m’ont marquée !

  • Un livre que tu conseillerais à tes élèves.

Mes élèves sont en CP et découvrent la lecture. Je trouve difficile de leur conseiller des livres. Soit ils sont adaptés à leur niveau de lecture mais un peu « niais », soit (et je préfère) je les oriente vers des albums et ils ont l’impression que je les prends pour des bébés. Mais il y a beaucoup d’albums de très grande qualité et le fait que l’illustration prenne plus de place que le texte permet de ne pas mettre le jeune lecteur en surcharge cognitive. Et lire soi-même un livre qu’on nous a lu petit permet de boucler une boucle d’une certaine façon, j’aime beaucoup l’idée.

  • Trois livres ou films que tu conseillerais à un prof qui débute sa carrière.

Je suis souvent déçue par les livres ou les films sur les profs. Je ne retrouve pas mon expérience. Je préfère les œuvres « à la marge », qui parlent d’un aspect du métier l’air de rien.

Une semaine de vacances de Bertrand Tavernier aborde déjà (en 1980) le burn-out dont sont victimes de plus en plus de collègues. Il questionne au passage sur la vision que les profs ont de leur métier et ce qu’ils souhaitent transmettre.

Dans un registre très différent, j’ai beaucoup aimé Le cercle des Petits philosophes de Cécile Denjean, avec Frédérique Lenoir. Ce film montre bien (s’il était encore besoin) que les enfants ne sont pas des récipients à remplir de connaissances mais bien des personnes capables de mener une réflexion et de nous apprendre quantité de choses !

Un livre pour finir. L’histoire d’Helen Keller m’a bousculée. Si Ann Sullivan a permis à une petite fille sourde aveugle et muette de communiquer, d’apprendre à lire et à écrire, il est anormal que nous ayons des élèves en situation d’échec scolaire. Malheureusement les contraintes matérielles, temporelles et financières de notre métier nous empêchent d’aller au bout de l’accompagnement dont certains enfants auraient besoin. Mais je suis sortie de cette lecture pleine d’envie et d’espoir !

  • Une ressource pédagogique qui a révolutionné ta pratique.

Le site maternailes.fr de Christine Lemoine. Il a ouvert des horizons dont je rêvais et m’a donné l’élan pour me lancer dans des ateliers en libre inscription, qui permettent de rendre les élèves véritablement acteurs de leurs apprentissages et de jouer sur quantité de variables didactiques.

  • Un livre qui te fait rire.

N’importe quel roman de Roald Dahl.

  • Un autre qui te fait pleurer.

Quelqu’un m’attend derrière la neige de Timothée de Fombelle.

  • Un autre qui te détend après une semaine de conseils de classe et autres commissions éducatives.

J’ai la chance de ne pas vivre ça, seulement la semaine de rendez-vous parents-enseignants ! Je n’ai donc pas de livre dédié à ces situations, je poursuis la lecture en cours.

 

Dans la bibliothèque de …..Aude – épisode 1

Bonjour,

Pour notre premier été bloguesque, nous vous proposons des interviews de profs. J’inaugure cette série estivale mais des invités viendront prendre part à cet exercice. nous alternerons deux types d’interviews: Dans la bibliothèque de…. et des profs se racontent.

Voici ma bibliothèque de prof, celle qui me dévoile et me raconte aussi un peu. Bonne lecture.

  • un livre découvert dans ta scolarité qui t’a marqué et les raisons qui expliquent ce choix.

Je dirais l’étranger d’Albert Camus, je me souviens exactement du moment où je l’ai lu. j’étais en voiture sur un trajet pour la Bretagne pendant les vacances de Pâques . J’étais en seconde. Ce livre m’a bouleversé et m’a longtemps questionné sur les jugements trop hâtifs que l’on peut avoir, les choix qu’on fait dans sa vie spontanément, de la répercussion qu’ils peuvent avoir dans nos vies. Surtout, de ne pas juger trop vite, on est ce qu’on est par une succession d’évènements qu’on a vécu et des choix faits pour les affronter.

L'univers romanesque de « L'Étranger » de Camus - Français | Lumni

  • un livre que tu conseillerais à tes élèves.

Pour la géographie, je conseille France, géographie d’une société d’Armand Frémont, qui est un ouvrage à mon sens pionnier pour entrer dans la géographie sociale qui n’est pas encore assez présente dans le secondaire et qui est un beau portrait du territoire français. Il est aussi très abordable pour des lycéens. Au collège, j’aime bien les atlas et aujourd’hui il y en a tellement, ils ont l’embarras du choix.

Livre: France geographie d'une societe, géographie d'une société, Armand Frémont, Flammarion, Fonds Champs, 9782080813886 - Leslibraires.fr

J’aime beaucoup aussi les ouvrages de Depardon et plus particulièrement la France de Depardon, il fait prendre la mesure de la France des interstices comme personne, celle qui se perd, qui ne se reconnaît pas dans cette intégration à toute vitesse aux dynamiques mondiales. C’est presque poétique.J’aime avoir ce regard là sur les lieux.

 

Je vous dépose ici quelques photographies de ce sublime livre

EN IMAGES. "La France de Raymond Depardon"https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/Christine%20Marcandier/Colmar.jpgEN IMAGES. "La France de Raymond Depardon"

Pour regarder la France avec beaucoup de tendresse, allez voir l’ensemble de ces photographies et ses sublimes documentaires sur la France paysanne aussi

  • Trois livres ou films que tu conseillerais à un prof qui débute sa carrière.

Je conseillerais, Ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier avec Philippe Torreton. On suit un instit en REP dans le nord de la France avec tout ce qu’il y a de plus dur dans notre métier, quand la misère sociale te saute à la gueule, quand tu te sens démuni. e et impuissant.e. J’aime beaucoup le fait que le film soit le temps de l’année scolaire parce qu’il fait effectivement prendre conscience que notre métier s’arrête au portail et c’est probablement le plus difficile à admettre et on franchit d’ailleurs quelquefois le pas de la porte. Et dans le même temps, il y a des réussites dans ce film, il y a des moments d’une extraordinaire humanité, il y a de la valorisation de l’estime de soi. Quand Valéria, sa femme lui dit on va faire ce que tu sais faire de mieux, on va cabosser la cour de couleur, je trouve ça sublime comme image. Oui cabossons nos cours et nos salles de couleurs et faisons sortir ces couleurs des écoles, qu’elles rejaillissent de la cour sur l’ensemble de la société.

Amazon.com: Ca Commence Aujourd'Hui (Original French Language) : Maria Pitarresi, Philippe Torreton, Nadia Kaci, Bertrand Tavernier: Movies & TV

Je conseillerais rappeler les enfants d’Alexis Potshke qu’on a déjà chroniqué ici. Je le conseille pour l’humanité de notre métier, et je le conseille d’ailleurs aussi à des collègues en milieu et fin de carrière quand ils en ont marre et qu’ils ont perdu le sens de leur boulot.

Enfin, j’en parlerais dans la question suivante mais je conseillerais heureux d’apprendre à l’école de Catherine Gueguen.

Heureux d'apprendre à l'école (AR.EDUCATION) eBook : Gueguen, Catherine: Amazon.fr: Boutique Kindle

  • Une ressource pédagogique qui a révolutionné ta pratique.

Je dirais donc heureux d’apprendre à l’école parce qu’il m’a libéré d’un poids que j’avais depuis des années. Pendant très longtemps, je me suis battue contre les sentiments que l’on peut éprouver pour nos élèves, sur l’implication qu’on peut avoir. Surtout ne pas trop s’impliquer, surtout ne pas trop montrer sa vulnérabilité, surtout ne pas montrer qu’on est des humains, surtout les traiter comme des élèves et non comme des enfants et bien toutes ces injonctions, je les ai mis de côté et je pense que je fais bien mieux mon métier depuis.

D’ailleurs c’est étrange parce que finalement, ce livre m’a permis de renouer avec une littérature pédagogique et notamment des ouvrages de discipline positive, de pédagogie coopérative, et même de didactique.

  • Un livre qui te fait rire.

Les romans de Nicole de Buron, je ris mais je ris, d’ailleurs ça me fait penser qu’il faut que je les remette dans ma PAL et que je regarde enfin la série les Saintes Chéries. C’est un des rare conseil lecture de ma grand-mère paternel et je les ai lus il y a maintenant plus de 20 ans mais c’est très drôle. : de vous en parler vraiment m’a donné envie de m’y replonger.

QUI C'EST, CE GARCON ? de Nicole de Buron - Poche - Livre - DecitreMon Coeur, Tu Penses À Quoi ? À Rien par Nicole De Buron - Nathalie Duthoit

D’ailleurs c’est un livre un peu de la honte en salle des profs. Oui parce que dans certaines salles des profs, c’est un peu honteux de dire qu’on lit autre chose que Proust et Zola mais ch…. et puis c’est de moins en moins le cas, donc ça c’est cool aussi

  • Un autre qui te fait pleurer.

Je ne sais pas. Je vais donner le titre du dernier livre avec lequel j’ai pleuré.

Marie et Bronia, le pacte des sœurs de Nathalie Henry chroniqué sur à l’ombre du grand arbre. Je dirais sans doute rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan que j’ai trouvé sublime et injuste.

Rien ne s'oppose à la nuit », de Delphine de Vigan (JC Lattès) - Livres : le top ten du ELLE - Elle

  • Un autre qui te détend après une semaine de conseils de classe et autres commissions éducatives.

Là non plus je ne sais pas mais je pense que je dirai un Philippe Delerm. Rien de telle qu’une nouvelle de Philippe Delerm pour retrouver la sérénité avec une mention spéciale pour la première gorgée de bière.

Amazon.fr - La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules - Delerm, Philippe - Livres

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Des lectures arc-en-ciel !

En ce mois de Mai, nous continuons à décliner les couleurs de l’arc-en-ciel en vous proposant nos titres préférés pour aborder les questions d’orientation sexuelle ou d’identité de genres avec des adolescent.e.s.

Du côté des BD

Peau d’homme de Hubert et Zanzim, Glénat 2020.

Dans l’Italie de la Renaissance, une jeune femme, Bianca, doit se marier à Giovanni, un riche marchand, que ses parents ont choisi pour elle. A quelques jours du mariage, sa marraine, figure tutélaire hautement subversive, lui confie un secret : depuis plusieurs générations, les filles de la famille possèdent une peau d’homme qui une fois revêtue, permet de rejoindre les cercles bien verrouillés des mâles de la cité. Métamorphosée en Lorenzo, Bianca va découvrir la liberté, celle de l’amour, de la sensualité, de la sexualité épanouie et choisie. Nous suivons Bianca et Giovanni tout au long de leur vie d’adulte et leurs aventures amoureuses nous bousculent, nous questionnent sur le poids de la culture dans nos choix amoureux….

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Mauvais genre, Chloé Chaumet, Delcourt, 2013.

Paul et Louise s’aiment, Paul et Louise se marient, mais la Première Guerre mondiale éclate et les sépare. Paul, qui veut à tout prix échapper à l’enfer des tranchées, devient déserteur et retrouve Louise à Paris. Il est sain et sauf, mais condamné à rester caché. Pour mettre fin à sa clandestinité, Paul imagine alors une solution : changer d’identité, se travestir. Désormais il sera… Suzanne.

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Le Prince et la couturière, de Jen Wang , éditions Akileos en 2018.

Dans cette BD tous les codes sont bouleversés : le prince est une princesse, la couture devient une source inépuisable de travestissement, le travestissement devient le moyen non pas de se cacher mais de se révéler. D’exister !

Et les liens qui se tissent entre le prince Sébastien et Francès , jeune couturière pleine de talent, ne sont pas les liens caricaturaux des contes de fée mais bien des liens complexes et puissants comme ceux que nous créons parfois et qui nous bousculent parce qu’on ne sait pas toujours très bien de quoi ils sont tissés. Une petite merveille graphique et narrative !

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Du côté des romans

Le faire ou mourir, Claire-Lise Marguier, Rouergue, 2011

S’il y a un roman que j’aime un peu, beaucoup, passionnément pour parler d’amour avec les grands ados que j’ai la chance de côtoyer, c’est celui là ! On y suit les premiers pas au lycée de Damien, un jeune homme qui se cherche, et qui se trouve en Samy. C’est une histoire d’amour qui me bouleverse à chaque lecture. On y retrouve tous les ingrédients de l’amour tragique : les familles qui s’opposent, la figure paternelle autoritaire qui s’immisce dans les choix amoureux de son enfant, un amour que le héros n’assume d’abord pas, un amour qui le change et le fait devenir autre. Intense !

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Histoires de femmes puissantes !

Dans le cadre de notre mois dédié aux outils de l’éducation anti-sexiste, nous vous proposons une sélection de livres que nous avons particulièrement aimés pour nourrir nos réflexions et celles de nos élèves sur la question des inégalités de genre.

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Pour les plus jeunes

Un album : Brindille, Rémi Courgeon, Milan, 2012.

Pavlina est la seule fille de sa famille : elle vit avec 3 grands frères plus âgés et un papa surmené. Pour la répartition des tâches ménagères, tout se joue au bras de fer, mais Pavlina perd souvent en dépit de sa ténacité car Pavlina est une « brindille », tout le monde le sait. Alors un jour, elle arrête le piano pour se consacrer à la boxe. Persévérante, courage, audacieuse, peu à peu elle renverse l’ordre des choses. Je n’en dirai pas plus car cet album est tout en subtilité, rien de manichéen dans l’histoire de cette enfant qui prend son destin en main. Les mains jouent d’ailleurs un rôle essentiel et poétique dans ce récit dont la conclusion, plus que jamais, est une véritable ode à la paix.

Un roman : Renversante, Florence Hinckel, Ecole des Loisirs, 2019 – dès 9-10 ans. 

Voilà un petit récit de science-fiction particulièrement réjouissant ! La narratrice, Léa, est interpellée par son père pour soutenir son frère jumeau, Tom,  afin qu’il puisse plaider pour avoir les mêmes droits que les filles. Léa passe alors en revue l’ensemble des habitudes de la société dans laquelle elle vit, de la classe au monde politique, de l’organisation de la vie privée à celle de la vie professionnelle, pour constater à quel point les garçons sont dédiés à certaines fonctions sans pouvoir ne serait-ce que rêver accéder aux plus brillantes instances. A travers le regard de la narratrice nous redécouvrons une image inversée de notre société et nous rions – jaune – de la constater si caricaturale.

Un documentaire : Destins d’aventurières de Lucile Birba, éditions du Trésor jeunesse, 2020 – dès 7 ans.

Destins d’aventurières dresse le portait de 16 femmes hors du commun. Un album pour découvrir de nouveaux horizons et explorer le monde avec curiosité et enthousiasme. Jeanne Barret, aventurière à bord du bâteau de Bougainville, Mary Fields, postière dans le Far West, Ynes Mexia, botaniste solitaire dans la jungle amazonienne, Jane Goodall qui a consacré sa vie à l’étude des chimpanzés, Sacagawea, Amérindienne de la tribu des Shoshones qui guidera les explorateurs Lewis et Clarke dans leur découverte du Grand Ouest américain, Edith Durham, première femme correspondante de guerre en Albanie et 10 autres figures féminines dont les exploits sont tellement inspirants.

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Pour les plus grands

Comme Colette, je parlerais de trois livres et je rajouterais un bonus pour une émission de la Grande librairie en replay.

Il s’agit des livres que j’avais déposé sur la table thématique au titre volontairement provocateurs:  » des meufs au CDI oui mais libérées! »Sur cette table, la sélection avait été réalisée par des élèves, la documentaliste et moi même. Il s’agissait d’une partie d’un projet plus global menée dans le cadre de mon cours sur l’histoire des femmes, histoire mixte!

Ma vie sur la route, Gloria Steinem, Harper Collin Poche

Gloria Steinem, nous amène dans cette autobiographie sur la route de sa vie riche et incroyable à en donner presque le tournis. De son enfance atypique avec son père commerçant ambulant à celle de sa vie de jeune femme dans les années 70 en Inde pour finir sur les routes des campagnes électorales américaines. C’est une sacré battante, une femme libre, brillante.  Très tôt elle prend conscience de la société patriarcale dans laquelle on évolue nous les femmes, mais aussi l’ensemble des minorités. Comment se faire entendre quand on n’est pas un homme blanc actif dans ce monde? Porter haut et fort la voix des ces minorités est son combat. Voilà le voyage qu’elle nous invite à faire avec elle: celui de son combat mais surtout de nos combats universels: chercher l’égalité et la fraternité partout tout le temps! Elle nous intronise à travers ce livre ainsi dans le monde du militantisme anglo-saxon et dans les coulisses des campagnes présidentielles des Etats-Unis. Comme pour chercher à expliquer cette domination masculine dans laquelle elle a toujours été obligée de ruser, de négocier, de s’infiltrer pour arriver à ses fins, elle pose une question: « est-ce qu’un organe aussi extérieur et non protégé que le pénis ne rend pas les hommes très vulnérables? Ma vie sur la route : Mémoires d'une icône féministe (HarperCollins) eBook  : Steinem, Gloria: Amazon.fr: Boutique Kindle

On ne peut que vous souhaiter un très beau voyage en compagnie de Gloria!

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La Tresse, de Laeticia Colombani, roman-grasset

La tresse

Ce sont 3 femmes: l’une en Amérique, l’autre en Sicile et la dernière en Inde. Toutes à leurs manières dans leurs sociétés luttent contre les discriminations, les stéréotypes dont les femmes sont victimes, celles qui sont ancrées au plus profond de nos sociétés: faire carrière ou prendre soin de santé,  se marier, avoir des enfants, tenir son rang, sa place, son honneur,…Toutes ces situations qui nous ramènent à notre conditions de minorités, elles ont décidées chacune dans leur coin de s’en débarrasser, d’avancer malgré les qu’en dira-t-on et les conséquences. En faisant ce chemin là, ces trois femmes au destin tellement différents vont se retrouver liées les unes aux autres. Elles se doivent mutuellement leur survie, la poursuite de leur destinée.

A travers ce court roman, L Colombani nous propose de prendre conscience de la sororité qui lie les femmes du monde entier.

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Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas, édition Point

Florence Aubenas en 2009 a mené une enquête sur la précarité des femmes en s’inscrivant au pôle emploi de Caen où elle trouve rapidement un emploi à temps partiel à l’hygiène des ferrys en partance pour l’Angleterre.  A travers un récit à la première personne, elle amène le lecteur à prendre conscience de ses travailleuses de l’ombre: celle du soir très tard, celle du matin très tôt, celles qui prennent les transports en commun à contre courant du flot d’actifs que nous sommes. Les invisibles, celles qu’on oublie de saluer le matin pas assez réveillé ou le soir trop fatigué. Et pourtant, on leur doit notre dignité à ces femmes: parce que c’est bien elles qui rendent nos toilettes propres, nos poubelles vidées, nos tables nettoyées, nos portes savons vides redevenus pleins comme par magie, elles qui changent nos rouleaux de papiers toilettes. elles à qui on reproche de laisser leurs enfants livrés à eux mêmes, elles… qu’on devrait remercier un peu plus souvent.

Florence Aubenas met dans la lumière ces travailleuses invisibles et nous invite nous aussi à les éclairer par un salut, une attention, une marque de gratitude. On leur doit au moins ça!

Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas - Poche - Livre - Decitre

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Le petit bonus c’est l’émission de la Grande Librairie de mercredi 9mars qui rassemblait autour de leurs livres deux amies, deux workwives qui se connaissent, s’admirent et se respectent depuis 1955. Michelle Perrot et Mona Ozouf dont je vous parlerais la semaine prochaine

 

Lettres à ce prof qui a changé ma vie – Enseigner la liberté

Aujourd’hui place à un livre qui a été écrit quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty. Plusieurs personnalités du monde du spectacle et de la littérature ont écrit une lettre à cet.te enseignant.e qui a probablement changé leur vie. Nous étions curieuses du rendu et puis, nous aimons toujours lire quelques lignes de Christiane Taubira ou Philippe Torreton. Nous vous livrons donc une lecture commune de ce recueil.

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Aude. – Quelle est la lettre qui t’as le plus émue ?

Colette.- C’est une question particulièrement difficile ! Plusieurs lettres m’ont touché en plein cœur. Je crois avoir été particulièrement touchée par la lettre de Caroline Laurent à Miss Frezal, sa professeure d’anglais de 6e. Parce que leur histoire est extraordinaire, qu’elle ne se limite pas à une année de collège, qu’elle se prolonge sur 4 ans, puis qu’elle s’inscrit dans le temps de toute une vie.  Et qu’elle témoigne de tout ce qui peut se jouer entre un.e élève et un.e enseignant.e au delà des savoirs, de l’apprentissage, de la discipline. Caroline Laurent ose le dire : parfois ce qui se tisse c’est de l’amour.

Aude. – En ce qui me concerne, c’est probablement celle Marie de Darrieussecq, « Enseigner génération après génération » parce que j’ai pleuré, parce que c’est une très belle histoire de transmission au sens large du terme. J’aime tellement cette idée que nous sommes le produit de multiples rencontres que nous faisons et que nos parents ont faites. Je ne m’y attendais pas du tout parce que, en commençant ce livre, je me disais : « un livre qui va flatter mon égo parce qu’il rend hommage au corps enseignant, ça ne va pas me faire de mal en cette période de crise sanitaire qui ne cesse de durer  » mais ce livre m’a interrogée sur ce qui fait un bon professeur. La plupart des lettres évoquent à la fois la bienveillance, la capacité à pousser au dépassement de soi et enfin la richesse culturelle et intellectuelle de l’enseignant. D’ailleurs quelles sont selon toi les qualités d’un bon enseignant ?

Colette. – Je crois qu’avant tout un.e bon.ne enseignant.e doit être lui-même/elle-même face à ses élèves. J’aime particulièrement cette citation de Jaurès qui m’accompagne depuis des années : « On n’enseigne pas ce que l’on sait ou que l’on croit savoir : on n’enseigne et on ne peut enseigner que ce l’on est. » Si on ne triche pas, ne se cache pas derrière des attitudes dites professorales, alors une relation de confiance s’installe entre enseignant.e.s et élèves, confiance absolument nécessaire pour que notre travail ensemble soit efficace. Je dirai que les qualités principales doivent être l’écoute active, l’empathie, la rigueur et l’ambition. Et un soupçon d’audace et de créativité ne gâtent rien ! Et toi qu’en penses-tu ?

Aude. – Je suis entièrement d’accord avec toi, inutile de faire croire que l’on est sévère, cultivé… Ce qui fait notre richesse c’est ce que l’on est et après les élèves accrochent ou pas. Un bon enseignant et là je citerai ma tutrice, c’est celui qui arrive à faire progresser le ventre mou de la classe, pas les 5 plus mauvais, ils sont malheureusement tellement en difficulté que toi seul ne suffit pas, ni les 5 meilleurs qui n’ont pas besoin de toi, il s’agit des 20 autres. Avec l’expérience, je nuance un peu son propos parce que je pense qu »‘on peut faire progresser tout le monde », y compris les 5 loulous en difficulté et les 5 meilleurs. Mais , personnellement je m’appuierai sur ce curseur, est-ce que je les ai fait progresser?

Aude. – Personnellement je me suis demandée si je pourrais être cette enseignante qui change une vie. T’es tu posée cette question en lisant ce livre ?
Colette. – Pour beaucoup, il faut quand même relativiser : ces profs à qui 40 personnalités écrivent, n’ont pas littéralement changé leur vie (ça c’est le titre accrocheur et sensationnaliste choisi par l’éditeur pour répondre à un évènement lui-même hors-du commun). Non, dans ce recueil, on trouve le témoignage d’ancien.ne.s élèves qui ont élu dans la multitude des enseignant.e.s à qui ils et elles ont eu affaire, celui ou celle qui émettait encore de la lumière dans leur mémoire. Je suis particulièrement reconnaissante à des auteur.e.s comme Nicolas Mathieu ou Marie Darrieussecq qui ont choisi de ne pas rendre un hommage à un.e professeur.e en particulier mais à toutes celles et tous ceux qui ont donné « sa pente à [leur] chemin » . Je suis persuadée que l’enseignant.e qui a marqué tel.le élève ne sera pas le/la même pour son/sa camarade d’à côté. Je suis persuadée que chaque enseignant.e laisse son empreinte obscure ou lumineuse dans la vie de tous ses élèves. Je me base sur ma propre expérience : je me souviens de tou.te.s mes enseigant.e.s depuis la maternelle. Ils et elles ont tous participé à faire l’adulte que je suis. A leur manière plus ou moins flamboyante. Ce qui m’amène à répondre -enfin- à ta question : oui, je suis certaine, sans prétention, que pour certain.e.s de mes élèves j’ai changé un petit quelque chose. Eux ont bien changé quelque chose en moi…

Aude. – Les anciens élèves que sont les auteur.es de ces lettres sont finalement très exigeants avec leur professeur et témoignent tous de l’importance de l’exigence qu’on leur a imposé. Penses tu que les élèves ont effectivement cette exigence envers nous?

Colette. – J’en suis certaine et d’autant plus convaincue après plusieurs années d’enseignement en R.E.P. J’ai commencé à enseigner sans penser à l’ambition et l’exigence. Je pensais juste à la bienveillance. Et je crois qu’il faut absolument que cette fameuse bienveillance soit soutenue par une exigence non négociable. Qu’il y a même encore plus d’urgence aujourd’hui qu’à l’époque où les auteur.e.s du livre ont été à l’école, à formuler cette exigence. Elle seule permet à l’enfant de se donner les moyens de se dépasser, de voir au delà de ce qu’il/elle aurait appris sans nous. Il faut leur apprendre à viser les sommets de la connaissance, ne serait-ce que pour qu’ils/elles sachent que ces sommets existent, qu’ils/elles peuvent y prétendre comme tout élève de ce pays dont le livre défend les valeurs à travers la référence à Samuel Paty.

Aude. – La très grande majorité des lettres évoque des professeurs de lettres comme prof qui ont changé leur vie. Toi qui est prof de lettres pour quelles raisons selon toi ?

Colette. – Je pense qu’il y a un biais qui nous amène à cette conclusion : la plupart des auteur.e.s du livre, si je ne me trompe pas, sont des écrivain.e.s, des artistes, des journalistes… Des femmes et des hommes de lettres. Aurait-on lu les mêmes lettres en interrogeant Cédric Villani, Esther Duflo ou Claudie Aigneré ? C’est toute la limite de ce genre d’exercice qui ne se veut sans doute pas exhaustif et pluriel. Cependant la littérature nous plonge dans notre vie intérieure, au cœur des émotions et c’est sans doute ce qui explique, qu’à l’adolescence, le prof de lettres incarne le lieu de tous les possibles. Imaginaire, créativité, évasion sont au rendez-vous quand la littérature est enseignée avec conviction ! Et puis, secrètement, tous les profs de lettres se rêvent sans doute en Mr Keating récitant des poèmes debout sur une table !

Aude. – Autre question liée aux disciplines : pourquoi n’y a-t-il pas ou très peu de profs de sciences qui nous emportent selon toi ? Si moi aussi je mène cette réflexion, je retiens une professeur d’histoire-géographie, une professeur de lettres, un prof de musique et enfin un prof de SES.

Colette. – Je réponds en partie à cette question dans ma réponse précédente. Je pense que si un autre panel de contributeurs avaient été appelés à témoigner, on aurait eu une floppée de profs de sciences, d’économie, de gestion, de droit… Quand je pose ta question à mon mari qui a un parcours différent du mien, il me répond que c’est sa prof de gestion de première et terminale qui a marqué positivement son parcours (et je peux en témoigner, cette femme a réussi à lui redonner confiance en ses capacités comme aucun autre professeur n’avait réussi à le faire avant elle…) Bien entendu pour moi qui suis professeure de lettres, ce sont 3 enseignantes de lettres qui ont marqué mon parcours. Mais je pense que c’est lié d’abord à mon goût pour la littérature, avant d’être lié à leurs personnalités. Elles auraient enseigné les mathématiques, je ne suis pas certaine qu’elles seraient restées dans ma mémoire !

Aude. – Philippe Torreton conclut sa lettre avec « Merci mes pères de France », penses-tu que nous sommes des « pères de France » pour nos élèves ?

Colette. – Je vais te répondre par une boutade : je suis absolument certaine d’être une deuxième « maman » pour beaucoup de mes élèves, mais je crois que cela n’a rien à voir avec le sentiment patriotique ! Qu’en penses-tu ? Tes lycéens t’appellent-ils « maman » parfois ?

Aude. –Absolument pas ! Justement, c’est la différence que je constate avec le lycée et qui a peut être biaisé mes questions précédentes, j’ai l’impression que les lycéens savent que nous ne sommes pas des parents de substitution, sentiment que je pouvais avoir en collège. Ils ont des attentes scolaires, de formation pour l’avenir, d’accompagnement à la citoyenneté, à l’ouverture culturelle et imposent de fait parce qu’ils savent formuler ses demandes une forme d’exigence qu’ils estiment indispensable à leur réussite. Justement la difficulté est de saisir aussi la demande de celui qui dessine au fond de la classe et qui a du mal à noter ton cours qui lui ne te demande rien trop bousillé par le système scolaire pour certains d’entre eux.

Pour revenir à la dimension patriotique de notre métier. L’école et le prof d’histoire géo plus particulièrement ne peuvent pas tout faire. Je dis toujours, on ne peut pas colmater les brèches de la société avec une colle UHU

Aude. – Enfin dernière question as-tu envie de faire cet exercice, d’écrire une lettre à ce prof qui a changé ta vie ? En as-tu eu un d’ailleurs? Et si oui qui ? Je suis curieuse !

Colette. – En fait, je l’ai déjà fait ! Deux fois et au moment même où nos chemins se séparaient. En 3e, j’ai eu une enseignante de Français que j’aimais beaucoup. Elle était aussi ma professeure d’allemand. Et cette année là c’était notre professeure principale. Elle a du partir assez tôt dans l’année en arrêt longue maladie. Ce fut un drame pour nous. Je ne me souviens plus très bien ni comment ni pourquoi, mais elle nous a invités chez elle au cours de son arrêt. Elle lisait mes rédactions à la classe, m’a poussé à m’inscrire à un concours de poésie et a pris le temps de m’écrire, une magnifique carte pop-up, avec un bateau qui prenait le large pour m’encourager à écrire. Ce que j’ai fait pendant des années. Alors je ne lui ai pas écrit pour lui dire qu’elle avait changé ma vie mais pour la remercier de tout ce qu’elle avait fait pour moi cette année là. Et des années plus tard, pendant mes études supérieures, j’ai rencontré LA professeure. C’est elle qui m’a tout appris de la littérature, comment m’y plonger, et surtout comment l’analyser. Elle ne brillait pas que par son immense intelligence interprétative, elle la partageait. C’est la première enseignante qui m’a transmis des méthodes, des méthodes imparables qui m’ont permis de comprendre que je pouvais TOUT analyser à force de rigueur et de travail. Ce sont ses méthodes que j’ai appliquées tout au long de mes études et ce sont ses méthodes que je m’efforce de transmettre encore aujourd’hui. Cette femme-là a été un véritable mentor, ma précieuse Athéna. Je lui ai confié ma maîtrise à relire, et quelques années plus tard mon premier roman. Et à chaque fois, elle m’a accompagnée de sa confiance et de son expertise. Exigeante et bienveillante. Tu me donnes envie de prendre de ses nouvelles ! Et toi, à qui écrirais-tu ?

Aude. – Probablement à ma professeure d’histoire géographie que j’ai eu de la 4ème à la Première qui m’a véritablement donné la vocation, si je ne devais en choisir qu’un. J’aimais le récit qu’elle faisait des évènements historiques, elle a été ma professeure principale en 3ème et en 1ère. Elle était à la fois très exigeante et très bienveillante justement. Je lui avais écrit un mot de remerciement en terminale après le baccalauréat puis j’avais eu l’occasion de discuter longuement avec elle quelques jours après avoir appris que j’étais reçue au collège. Elle était aussi très pudique et mettait beaucoup de distance avec ses élèves. Je me souviens qu’en terminale justement elle m’avait expliqué qu’elle n’avait pas pris ma classe pour que je vois une autre façon de travailler. Mais après je garde un souvenir incroyable de mon enseignant de CM1-CM2 : école ouverte, Freinet et voyage scolaire étaient au programme dans une école sans grillage et sans mur et ensuite je garde dans mon cœur une enseignante de la fac avec qui je travaille aujourd’hui qui m’a ramassé à la cuillère après l’oral de l’agrégation externe parce qu’elle mettait de l’humanité dans ses couloirs si impersonnels parfois de l’université. En y réfléchissant, j’aime croire que je suis un peu des trois !  Dans tous les cas des passionné.es de l’enseignement !

 

 

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