Chronique pédagogique – Les Anges gardiens

Aujourd’hui, je partage avec vous un article écrit l’année dernière à la même époque. Peu de choses ont changé. Mais on rejouera le jeu des anges gardiens.

Colette

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Cette année est vraiment particulière.

A l’école aussi.

Toute la journée, de 6 à 65 ans, avancez masqué.e.s !

A chaque début de cours, les mains désinfectez !

Toutes les sorties scolaires, annulez ! .

Les projets ? Renoncez !

Les classes ? Sédentarisez !

Les cours de récréation ? Morcelez !

Alors, nous, dans l’ombre des protocoles et de nos ordinateurs à 150 €, on coud comme on peut de toutes petites miettes de rêve, d’espoir.

On bricole des petits bouts de papier trempés de larmes silencieuses.

On glisse de la douceur, de l’écoute, un brin de folie anachronique dans les moments que l’on partage avec elles, avec eux, petit.e.s d’Homme au coeur grand mais tourneboulé par ce qui fait leur actualité.

On ose parler d’amour, oui, là en classe.

L’amour de l’autre.

Là, l’autre, celui que tu ne peux plus embrasser, caresser, effleurer.

Celui dont on ne voit que les yeux.

Dont on devine à peine le menton, les lèvres, le nez sous l’affreuse peau de papier.

Dont on fantasme les traits.

Que l’on voudrait étreindre de nos sourires cachés.

Alors on propose de jouer le jeu.

Le jeu des anges gardiens.

Oui… en attendant….

En attendant, soyons ça, les un.e.s pour les autres…

Des anges gardiens.

Parler des émotions avec nos enfants et nos élèves

Aujourd’hui, pour finir notre mois sur les émotions, nous avons décidé, comme le mois dernier sur la philosophie, de partager avec vous nos ressources. On les a souvent expérimentées avec nos enfants avant de le faire avec nos élèves.

Le point de vue d’Aude

La première fois que j’ai abordé la question de l’expression des émotions avec mes filles, j’ai utilisé ce livre extrêmement connu aujourd’hui décliné en jeu, en d ‘autres albums, en multitudes de ressources pédagogiques puisque de nombreux enseignants, surtout du premier degré, s’en sont emparés. Il s’agit  de La Couleur des émotions d’Anna Llenas. Ce monstre change de couleurs en fonction de ce qu’il ressent et c’était un très chouette outil pour mettre des mots sur ce que ma fille ressentait quand elle était plus jeune. On  avait adoré d’abord le graphisme et le coloriage version gribouillage. Juste au départ 6 émotions – la joie, la tristesse, la peur, la sérénité, l’amour et la colère – représentées chacune par une couleur. On l’a lu et relu pour débriefer du retour de l’école quand elle avait besoin de raconter et de poser tous ces états comme je lui disais

La couleur des émotions - HOPTOYS

Colette, je sais que tu l’as beaucoup utilisé avec tes enfants, qu’en penses tu ? As tu exploité d’autres albums du même auteur ou des ressources réalisées par des enseignants à partir de cet album ?

Je me rappelle très bien avoir découvert cet album lors d’un de nos premiers casiers surprises (il faut qu’on écrive un article sur cette très belle initiative un jour prochain). J’ai particulièrement adhéré au graphisme et aux choix narratifs : le dialogue entre l’enfant et le monstre mime le dialogue intérieur que cet album nous invite à entreprendre à chaque fois qu’une émotion puissante nous submerge. Ce qui fait de cet album une véritable réussite c’est que non seulement il aborde avec simplicité un thème de psychologie mais il le fait avec poésie. Les nombreuses métaphores utilisées pour décrire les symptômes provoqués par les différentes émotions sont particulièrement évocatrices. C’est une dimension du travail d’Anna Llenas que j’ai eu plaisir à retrouver dans deux autres de ses albums :

et le merveilleux :

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Dernièrement avec l’entrée au collège, j’ai du gérer le stress et la confiance en soi et on a utilisé deux carnets avec des petits exercices ou activités à l’intérieur. Il faut dire que je suis personnellement assez friandes de ce genre d’ouvrages. Je vous en présente deux.

La confiance en soi d’Isabelle Filiozat

Il s’agit d’un cahier d’activités très simple avec des illustrations, à mon sens très poétiques à tel point qu’on a mis du temps à oser découper à l’intérieur. Je le précise parce que cela était un frein dans la mesure où ma deuxième fille était très demandeuse d’activités à l’intérieur et je m’attachais toujours à en faire des photocopies avant, que je ne faisais pas et au final on l’ assez peu utilisé et maintenant nous regrettons toutes les 3. Mes Jujux se trouvent désormais trop grandes pour ce carnet.

Au delà de la confiance, ces activités menées en famille permettent de libérer la parole, d’argumenter, de s’écouter et de ne pas juger l’autre et de développer du coup un vocabulaire autour des émotions de la peur, de l’anxiété, de l’amour, de ce qui rend joyeux, de ce qui apaise,…. Il en existe plusieurs mais que nous n’avons jamais utilisés sur les émotions, la colère et les peurs aussi.

Colette as tu déjà utilisé ou offert ces ouvrages ?  Qu’en penses tu?

Comme vous, on a acheté La confiance en soi mais comme vous, nous n’avons pas osé l’utiliser. Par contre, quand mon fils aîné a traversé une mauvaise période de doute et de remise en question de ses capacités vers 9 ans, je lui ai proposé de correspondre à travers un joli cahier de ma précieuse collection. Je déposais le cahier sous son oreiller le matin, il pouvait y lire toutes les petites fiertés qu’il avait fait naître dans mon cœur dans la journée et il faisait de même à son tour et cachait le cahier sous mon oreiller le soir. Cette correspondance secrète nous a permis de regagner en sérénité. Les petits cahiers sont des outils d’apaisement incroyable quand l’enfant est entré dans l’écriture positivement.

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Enfin, en cherchant sur internet, j’ai trouvé celui-ci qui est construit comme un journal intime dans lequel on peut se décharger de ces émotions négatives et libérer notre créativité.

Il ne s’agissait pas de  celui-ci mais de Saccage ton carnet que les filles n’ont absolument pas utilisé parce qu’il nécessite une utilisation régulière auquel mes jujux ne s’astreignent pas. Bon parfois en tant que parents, on fait des choix et ce n’est pas toujours les bons c’est comme ça, il faut savoir aussi écouter les enfants.

Je laisse maintenant la plume à Colette qui a expérimenté plus d’outils que moi notamment en classe. Bonne lecture !

Le point de vue de Colette

Bien évidemment, c’est souvent par les livres que j’aime à aborder les rives d’un sujet inconnu. Avec mon fils cadet particulièrement réceptif à ses propres émotions et à celles des autres, on a souvent lu les livres d’Anthony Browne qui permettent des mots sur ce que l’on ressent.  Tout petit c’est Parfois je me sens… qui a eu un franc succès. Au fil des pages, le petit singe, héros de l’histoire, décline les différentes émotions qu’il peut ressentir. Les illustrations d’Anthony Browne, avec une grande économie de moyens, permettent aux plus jeunes de retrouver toutes ces situations quotidiennes qui le plongent en lui même au coeur d’émotions agréables ou désagréables.

Plus grand, ce sont les aventures de Marcel qui nous ont subjugués. Notamment, à travers l’album Marcel et le nuage qui permet d’évoquer avec beaucoup de poésie et de subtilité l’état de tristesse qui peut s’abattre sur nous sans raison.

Enfin, un de nos classiques préférés, Billy se bile, permet d’évoquer les situations de peur, d’angoisse qui peuvent parfois nous paralyser et surtout d’y trouver des solutions à travers la très belle tradition des poupées tracas du Guatemala.

Les jeux aussi permettent d’aborder cet terra incognita qui fait notre monde intérieur. L’un de nos préférés est La météo des émotions inventé et créé par Clerpéé éditions, une micro-structure située à Nantes qui a misé sur le beau ! Plusieurs règles du jeu accompagne les magnifiques cartes de l’artiste fabriquées avec grand soin en France sur un carton particulièrement agréable à toucher. Notre jeu préféré est de tirer une carte au sort et d’imiter l’expression du visage dessiné sur la carte pour le faire deviner aux autres.

Pour terminer cet article j’évoquerai le livre Aidez votre enfant à développer son empathie, exercices et outils pour apprendre à se mettre à la place des autres de Stéphanie Couturier avec les délicates illustrations d’Adéjie.

Parmi les outils proposés, j’utilise régulièrement le bol des émotions en classe lors du cours dont je parlais la semaine dernière sur le vocabulaire des émotions. Je note toute une série d’émotions sur de petits cartons que je mets ensuite dans un bol. Chaque îlot tire au hasard un petit carton et un élève bénévole raconte un souvenir, une anecdote en rapport avec l’émotion tirée au sort qu’il racontera au groupe sans la nommer pour la faire deviner. Et ainsi inviter les autres à entrer en empathie. Je suis à chaque fois impressionnée par la capacité de mes plus jeunes élèves à jouer le jeu de ces confidences émotionnelles. Quelque chose est en train de changer, j’en suis certaine !

Mettre des mots sur ses émotions.

Quand j’ai commencé à utiliser le message clair en cours, une chose m’a tout de suite frappée : les élèves étaient particulièrement motivé.e.s pour essayer d’exprimer leur besoin mais elles/ils ne parvenaient pas toujours à trouver les bons mots pour cerner l’émotion désagréable qui les assaillait. Alors j’ai décidé d’intégrer l’enseignement du vocabulaire des émotions à mes cours de langue.

La jubilation

l’euphorie

l’enthousiasme

l’allégresse

l’affliction

le tourment

le chagrin

l’agacement

l’irritation

l’énervement

la crainte

l’angoisse

la terreur

sont autant de mots pour dire ce qu’on ressent

pour montrer à l’autre le chemin jusqu’à ce qui nous anime

nous agite

nous brouille les pistes

ou illumine notre horizon.

Ces mots sont essentiels pour apprendre à mieux se connaître, s’observer, s’envisager et s’aimer tout entier.

Et une fois que l’on s’aime soi, aimer les autres parce qu’ils sont ce qu’ils sont.

Mais cet apprentissage est difficile car il implique une règle fondamentale qui hélas n’est pas encore une priorité dans la plupart des familles : considérer l’émotion de l’autre comme légitime (souvent parce que les adultes eux-mêmes ne considèrent pas comme légitimes leurs propres émotions – cercle vicieux imparable !)

Pour cet apprentissage, je fais un détour par l’art. Je montre à mes élèves les tableaux sélectionnés dans ce très beau livre :

Ce livre est une invitation incroyable à l’empathie par le jeu. En effet, je sélectionne quelques tableaux parmi ceux que je préfère auxquels j’associe une consigne d’écriture. A travers chaque œuvre, nous explorons une émotion particulière, ses symptômes, ses effets, ses possibles causes. Par le biais de la fiction, nous apprivoisons nos émotions. N’est-ce pas là toute la magie de l’art ? Plus facile d’accès que la littérature, l’image nous permet cette essentielle « alphabétisation émotionnelle » dont parle si souvent Isabelle Filliozat dont nous parlait Aude la semaine dernière.

Allez, je vous laisse avec une de mes œuvres préférées, une œuvre surréaliste de Man Ray. Et je vous le demande : qu’est-ce qui a pu toucher cette femme au point de geler les larmes au bord de ses cils ?

Larmes de verre, Man Ray, 1936.

 

 

 

L’intelligence du cœur ou le manuel des émotions à glisser dans tous les casiers d’enseignants

J’ai découvert Isabelle Filiozat grâce à un carnet offert par Colette à mes jujux

En ce qui concerne ce petit cahier d’activités, on a mis du temps à se l’approprier parce que faire entrer Isabelle Filliozat dans sa vie, c’est accepter de lire, d’entendre des choses qui vont nous déranger et nous percuter mais c’est aussi en sortir un peu changé et bouleversé dans ses habitudes et dans ses relations aux autres.

Dans les rayons de ma nouvelle bibliothèque, il y  avait donc l‘Intelligence du cœur, avec un petit macaron « reconnu d’utilité personnelle », j’ajouterai à personnelle « collective ».

 

Isabelle Filliozat est psychologue, elle a écrit de nombreux articles, a beaucoup critiqué l’éducation nationale, ce qui a toujours un peu le don de m’agacer mais peut être qu’un jour j’écrirai un petit coup de griffe contre ces auteurs qui vivent en très grande majorité grâce aux deniers d’enseignants et qui contribuent, l’air de rien, à creuser les inégalités face à l’éducation.

Dans le titre, j’ai évoqué le côté utile de cet ouvrage parce qu’il est vraiment conçu comme ça. Elle commence son ouvrage par définir ce qu’est une émotion puis après les traite toutes une par une dans un chapitre. Les tristesses, les  peurs, les colères, les joies, les amours et donne enfin quelques conseils pour les reconnaître, les exprimer, les vivre au grand jour et donc aussi les accepter chez les autres.

Les compétences socio-émotionnelles m’étaient inconnues jusqu’à il y a 5-6 ans  quand j’ai commencé à m’intéresser aux sciences cognitives. Je m’y intéresse et j’essaie de m’auto-former sur ces-dernières depuis l’an dernier après la lecture d’Heureux d’apprendre à l’école de Catherine Gueguen.

Les deux auteures nous expliquent que sans gestion des émotions, inutile d’essayer de développer quoi que ce soit avec les élèves. C’est la base. Si l’élève ne sent pas en sécurité, en confiance, vous pourrez dérouler le meilleur scénario pédagogique, il sera complètement inefficace.

Comme je l’ai dit la semaine dernière dans ma chronique pédagogique, nous sommes complètement incompétents et nos élèves très inégaux face à la gestion des émotions. Alors on peut retenir de ce livre quelques outils pour s’auto-former et quelques passages qui m’ont interpellés.  Je vous les confie ainsi.

D’abord j’ai beaucoup aimé et je réutiliserai, je pense, lors de séances de vie de classe le questionnaire qui permet d’évaluer son quotient émotionnel. Ce petit exercice a le mérite d’être ludique et l’élève peut le faire lui même sans montrer ses résultats à l’enseignant s’il ne le souhaite pas. Il s’agit de calculer après une trentaine de questions son quotient émotionnel.

Ensuite, je vous livre quelques réflexions qui m’ont interpellée et qui m’ont fait réfléchir sur le discours ou l’attitude que je peux avoir face à mes élèves.

« la seule façon de ne pas transmettre aux autres frustrations, rages, terreurs ou désespoirs, c’est de les partager ». Oui, on peut partager sans attendre une plainte ou un réconfort d’ailleurs mais pour expliquer un état d’esprit, une décision et pour que les élèves ne fassent pas d’amalgame. On peut être en colère par exemple parce que les élèves n’adhèrent pas à une séance sur laquelle on n’ a passé du temps, on peut être déçu par son travail personnel mais on n’est pas en colère contre ces élèves, on ne les déteste pas.  Et puis communiquer sur le coup permet d’éviter d’emmagasiner des frustrations  et d’être aigri.

Elle évoque le désir plutôt que le défi. Le défi se fait sous la contrainte, la peur, le regard de l’autre. Alors que le désir est lié à l’anticipation d’un plaisir. Cette phrase est importante pour moi parce qu’elle doit être reliée à la motivation intrinsèque, à ce qui motive l’élève intérieurement, à la volonté de progresser, et non à la motivation extrinsèque, à la note. Trop souvent, le système challenge les élèves, leur donne des objectifs à atteindre et finit par les paralyser. Le fameux « et si j’y arrive pas », et là je sais de quoi je parle, j’étais de ceux là en tant qu’élève.

A plusieurs reprises, elle nous explique comment passer par la communication non violente pour exprimer son émotion et surtout celle de la colère qui se rattache toujours selon elle à une cause plus profonde telle qu’une blessure intérieure, de la frustration ou encore un manque. On en reparlera plus tard mais la communication non violente est un outil dont on ne nous parle jamais lors de nos formations et c’est bien regrettable. On devrait maîtriser cet art de la communication à la perfection afin de pouvoir le transmettre. Heureusement, de plus en plus de collègues du primaire l’enseigne et j’ai bon espoir que d’ici quelques années, on ait de plus en plus d’élèves capables de communiquer sans violence mais il faut aussi former les enseignants et quand on voit le prix de ces formations, c’est juste scandaleux qu’elles ne soient pas inscrites dans notre programme de formation.

Toujours dans le cadre de cette nécessité de communiquer, elle insiste sur l’importance de la réconciliation, du pardon, du refus et de l’exposition d’un besoin. Là ces quelques pages m’ont renvoyé à mes énervements ou mes lassitudes personnelles, j’essaie de plus en plus d’exprimer ce besoin le plus clairement et calmement possible même si je dois admettre que parfois je sens ma voix vaciller, ce qui me fait penser d’abord que comme je le disais plus haut, la communication non violente ça s’apprend et qu’ensuite ça doit renvoyer en moi à des « blessures d’enfant intérieur » comme elle le dit souvent que je n’arrive pas encore à identifier clairement ! Oui ce livre peut avoir une petite vertu thérapeutique. Pour la communication non violente, le livre de référence est bien évidemment celui de Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)

J’ai aussi beaucoup aimé le chapitre sur la tristesse puisqu’il m’a permis effectivement de prendre conscience que souvent elle est à rattacher à un sentiment de perte et de déception, nous avons fait le choix de vivre toujours beaucoup entouré, cela peut avoir des avantages mais aussi des inconvénients et c’est vrai que je suis toujours très triste quand on se coupe la parole ou qu’on dit à un enfant de se taire parce que sa parole d’enfant est jugée moins légitime que celle d’un adulte, moi-même je peux avoir ce défaut là d’ailleurs. Or si on renvoie ces situations familiales ou amicales à la classe, la déception peut être quotidienne, elle peut même se présenter pour les enfants réservés ou atypiques plusieurs fois par jour. Je me suis donc aussi posée la question de ma place d’enseignante dans le groupe classe, à quel moment on sollicite, on encourage, on laisse un élève tranquille, si on peut dire, face au groupe classe.

Autre réflexion intéressante sur le choix, elle insiste sur le fait que la société d’abondance dans laquelle nous vivons nous paralyse d’une part et d’autre part que trop souvent nous faisons des choix par contrainte, par rapport à une éducation, à des conseils d’adultes qui nous entourent et du coup si le choix ne nous convient pas on emmagasine une forme de frustration qui va engendrer de la tristesse et de la colère. Alors là aussi, j’ai eu envie de retenir ce passage d’autant plus que parallèlement à ce livre, j’ai lu un article dans le dernier Flow qui proposait une méthode où quand on est face à un choix, on pose 5 valeurs qui sont non négociables pour nous pour pouvoir faire ce choix. Ces valeurs peuvent être matérielles (le prix, le temps, …), esthétiques mais aussi elles peuvent être liées à des besoins, ce choix doit me permettre de vivre l’aventure, le risque, passer du temps en famille, me passionner pour un sujet, me permettre d’exprimer ma créativité, me rendre heureux,…. et là du coup on entre à mon sens dans quelque chose qui va nous rendre véritablement heureux et l’abondance, l’enthousiasme et la joie sont communicatifs, enfin je pense… Dans le cadre de mon métier, maintenant, je fais ce qui me plaît dans le respect des programmes bien sûr mais si j’ai envie de passer plus de temps sur un thème plutôt que sur un autre je le fais parce que souvent l’élève y trouve aussi plus d’intérêt.

Enfin, elle m’ a fait découvrir Le conte des chaudoudoux qui rejoint un peu l’idée que j’ai développé dans le paragraphe précédent : plus on porte de l’attention les uns aux autres, plus le monde est doux et bienveillant, alors comme je suis intimement persuadée que notre société du XXIème a besoin de douceur et de bienveillance, je vous pose ici le lien pour aller lire le conte des chaudoudoux et je vous invite à l’offrir à votre tour pour que  petit à petit notre société  se remplisse de chaudoudoux, oui, pour que le monde soit imprégné de cette douceur.

Chaudoudoux

Je vous souhaite une bonne semaine de lecture riche en émotions et en découvertes sur ce sujet.

 

Nos élèves et leurs valises : constat d’urgence!

Pour ce mois de Novembre, nous parlerons des émotions dans tous leurs états.

Pourquoi parlez de ça ?  Parce que de plus en plus, nous faisons le constat, Colette et moi, et d’autres collègues d’ailleurs, que nous ne pouvons pas prendre nos élèves  en tant qu’élèves mais dans leur ensemble c’est-à-dire en tant qu’enfants et adolescents avec tout ce qu’ils vivent dans leur vie, les chamboulements qu’ils connaissent personnellement, leurs premières fois, et leur vie familiale souvent très compliquée .  Néanmoins ce constat, je ne l’ai pas fait l’an dernier mais dès le début de ma carrière :  je me souviens de mon année de néo-titulaire en région parisienne. Quelques jours après la rentrée, une élève n’ avait toujours pas de cahier. Je prends ma voie la plus sèche et lui demande son carnet, mets un mot,  une retenue pour rattraper les premières heures du cours non notées sur ce cahier.  La jeune fille a des larmes qui roulent silencieusement sur ses joues, je n’y prête au départ pas attention.  Comme elle est en 5ème, je mets ça sur le compte du peu de punition qu’elle a eu jusqu’à présent, elle est vexée et c’était sans doute ce que j’espérais. Je lui rétorque qu’elle n’avait qu’à y penser et là d’une voix froide, elle m’explique que depuis la fin du mois d’Août, elle est dans un mobil home avec sa maman, elles ont du quitter précipitamment le foyer conjugal … Depuis ce jour, je fais toujours attention au moins au ton que j’emprunte pour punir ce qui relève d’un travail ou d’une attitude qui concerne mon cours mais qui se fait dans la sphère familiale.

Toutefois, depuis le début de la crise sanitaire, nous faisons tout de même le constat que la gestion des émotions de nos élèves est de plus en plus compliquée et qu’elle est devenue indispensable pour créer une ambiance de travail favorable.

Alors pour prendre la mesure de cette nécessité, je vous livre quelques situations qui m’ont le plus touchée ces dernières années.

 

J a 11 ans, il est en sixième, au moment de l’appel, il n’est pas là, une élève de la classe me signale  qu’il s’est caché sous l’escalier et refuse de venir en histoire-géographie parce que j’ai prévu un travail de groupe. Par chance, cette classe a une AESH qui me propose de partir à sa recherche. J est derrière la porte et se met à piétiner et taper dans le mur en opinant de la tête pour me signifier qu’il ne rentrera pas dans la classe, c’était il y a 4 ans et je l’ai envoyé décharger sa colère, sa tristesse chez les CPE, j’étais complètement démunie et surtout je ne savais pas gérer l’élève, seule face aux 24 autres élèves qui attendaient pour se mettre au travail.

C a 15 ans, elle est en troisième, nous sommes en Janvier dernier et le soir même notre premier ministre a prévu une allocution. On pourrait se demander pourquoi  un discours de Jean Castex a une incidence dans la vie de cette jeune fille, elle travaille en groupe avec un élève un peu compliqué et assez agressif avec ses camarades, il lui demande si elle avait vu sa mère pendant les vacances de Noël et là C pleure, toutes les larmes de son corps, ne s’arrête pas. Entre deux sanglots, elle me dit qu’elle a peur de ce que va annoncer le ministre, elle ne veut pas être confinée avec sa « fausse grand-mère ». Je comprends alors que cette jeune fille vit avec son père et sa belle-mère actuellement hospitalisée pour une fin de grossesse difficile et qu’elle est du coup gardée par la maman de sa belle-mère avec qui elle ne s’entend pas. Le démêlage de sa vie dure longtemps, il faut faire parler, rassurer, calmer et remettre au travail. J’ai retrouvé C au bout de 20 bonnes minutes et quelques kleenex, mais j’ai perdu une bonne partie du reste de la classe.

P veut sortir de classe, il réclame à aller prendre du sucre, pas de PAI à ma connaissance, il est grand en Terminale et malgré mon interdiction de sortir de classe, il quitte la classe en colère. Il est allé prendre du sucre, on avait oublié de me dire que depuis l’an dernier, il est en décrochage scolaire et a développé des troubles alimentaires. A son retour en classe, je m’excuse, exprime mon besoin, la nécessité pour moi de savoir où il est, j’en suis encore responsable. La situation s’apaise et le cours redémarre.

Pour finir I a 19 ans, je ne l’ai jamais vue en classe, uniquement en TD en distanciel et par mail, la veille de son premier TD en présentiel, elle m’a écrit à 23h45, elle vient d’avoir une crise d’angoisse en apprenant que sa mère a un cancer du sein, elle est seule dans son studio d’étudiante et a préféré se rendre aux urgences psychiatriques seule, elle a eu peur de ce qu’elle ressentait et de faire une bêtise… Je n’ai pas eu d’autres solutions que d’être dans une empathie virtuelle tout au long du semestre.

Des histoires comme ça, j’en ai choisi 4, mais j’aurais pu en écrire un nombre incroyable. Elles concernent mes élèves que j’aime, oui, je le dis, que j’aime, je ne sais pas faire autrement, ils  me touchent, ils ont entre 11 et 22 ans maintenant avec les vacations que j’ai l’occasion de réaliser et pour tous, je suis parfaitement consciente qu’il s’agit d’une histoire de gestion d’émotions, la colère, la peur, la tristesse, la joie parfois, je suis aussi parfaitement consciente de mon incompétence dans certaines situations. On se sent démuni et désarmé parce qu’accueillir les émotions de nos élèves nécessitent de savoir gérer les nôtres. Pendant très longtemps, je  fuyais les moments où les élèves avaient envie de s’épancher et de raconter leur vie parce que je pleurais tout le temps. Maintenant j’ai arrêté de chercher à me blinder, je pleure avec eux. Alors je suis intimement convaincue que pour que notre société du début du XXIème siècle aille mieux (oui l’heure est grave et je suis grandiloquente)  nous n’avons plus le choix, en tant qu’enseignant nous devons savoir percevoir ces émotions, les recevoir et les accompagner. Comme pour de nombreuses réflexions qui nous animent, Colette et moi, nous avons saisi l’ampleur du problème, nous sommes en formation, en auto- formation parce que notre institution ne nous propose absolument rien ou si peu, parce qu’il y a bien quelques directions, formations qui s’y mettent mais c’est loin d’être généralisé, alors on vous propose quelques outils bricolés, glanés par ci par là tout ce mois-ci.

 

Chronique pédagogique – Le conseil coopératif

Dans notre dernier article, Aude évoquait la formation à l’oral, à la prise de parole dont ses grands élèves sont demandeurs.

Depuis que j’ai lu avec avidité le livre Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée, un livre de Guillaume Caron, Laurent Fillion, Céline Scy et Yasmine Vasseur, je ne jure que par le conseil coopératif en vie de classe et il me semble que c’est un excellent moyen de former à la prise de parole en assemblée, une prise de parole qui respecte à la fois les principes démocratiques et les compétences psycho-émotionnelles essentielles pour avancer ensemble.

Il s’agit d’organiser un moment propice à l’échange autour des sujets qui fondent la vie d’une classe .

Pour encadrer ce moment, un.e président.e dirige la séance, un distributeur ou une distributrice de parole gère les prises de parole, un.e gardien.ne du temps répartit le temps accordé aux différents ordres du jour et un.e gardien.n.e du calme fait de la médiation si nécessaire.

Chaque conseil est divisé en 3 grands moment :

1. Les remerciements et félicitations.

2. Les ordres du jour

3. Les propositions de solution.

Ce sont les élèves seul.e.s qui font conseil, l’enseignant.e peut participer mais doit respecter les mêmes règles de prise de parole que les autres participant.e.s. Il faut donc accepter de descendre de son piédestal, s’asseoir parmi les élèves, lever la main, attendre qu’on vous interroge et accepter que votre proposition ne soit pas retenue par l’assemblée ! Un exercice inhabituel mais tellement passionnant !

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Vendredi, mes élèves de 6e E ont organisé notre deuxième conseil coopératif : Noé était président, Naya gardienne du calme, Lucien gardien du temps et Auguste distributeur de parole. On a commencé par les remerciements. C’est vraiment mon moment préféré. Ces espaces de gratitude sont si rares dans notre société que c’est un véritable délice de les entendre se remercier. « Je voudrais remercier Auguste d’avoir écouté nos demandes au dernier conseil coopératif, j’ai remarqué qu’il ne poussait plus dans le rang » ou encore « je remercie Nina et Audrey d’être là pour moi quand ça va mal ». Quant à moi j’ai remercié Prunille d’avoir accepté d’aller en accompagnement pédagogique une heure de plus par semaine alors que je sais que le travail personnel est une vraie souffrance pour elle.

On est ensuite passé aux ordres du jour. Une boîte est posée au fond de la salle A09 et les élèves peuvent y déposer leurs demandes au fil des 15 jours qui séparent nos séances de vie de classe. Au début, les élèves ont eu un peu de mal à se passer de moi, ils me jetaient des coups d’œil, attendant sans doute mon approbation. C’est vrai que certains ordres du jour sont surprenants : « Pourrait-on organiser des cours sur l’amour ? » ou encore  » J’ai un problème avec Arthur. Signé : Arthur. » Mais peu à peu, ils ont pris de l’assurance. Il faut dire que notre président de séance était d’un calme incroyable et a su cadrer la parole avec beaucoup d’efficacité et de sérénité. J’ai appris beaucoup en l’observant. La séance a eu du mal à se terminer parce qu’en 15 jours, de nombreux ordres du jour s’étaient accumulés dans la boîte verte du fond de la salle. Mais les élèves ont essayé de trouver des solutions à tous les problèmes soulevés. Il en reste encore une poignée qui seront abordés dans 15 jours.

J’aime particulièrement ces moments car les élèves y respectent plus que jamais le tour de parole. Il semblerait qu’à ce moment là, ils expérimentent le prix de la parole de l’autre, comme s’ils pressentaient qu’elle pouvait changer quelque chose, cette précieuse parole. Changer ce qui se joue entre eux, changer ce qu’on peut vivre au collège et les changer eux-mêmes. Ce sont de tout petits pas, certes, mais qui gagneraient à être généralisés au moins une fois par semaine. C’est ainsi qu’on apprend à faire corps, me semble-t-il. En se parlant. En s’écoutant.

On a une devise au collège depuis la rentrée, une initiative que nous devons à une cheffe d’établissement incroyable. Notre devise c’est « Croire en soi, réussir ensemble ». Il me semble que c’est exactement ce que nous enseigne le conseil coopératif.

 

 

 

 

Mettre de la philosophie dans sa pratique pédagogique

Suite à nos échanges autour de la philosophie des deux dernières semaines, nous vous invitons aujourd’hui à découvrir les supports que nous aimons tout particulièrement proposés à nos enfants ou à nos élèves pour glisser un peu de réflexion métaphysique dans nos pratiques pédagogiques !

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Pour les tout-petits

Les P’tits philosophes de Sophie Furlaud et Jean-Charles Pettier, Dorothée de Monfreid et Soledad Bravi.

J’ai découvert les ateliers de philosophie en maternelle avec un superbe film documentaire de Pierre Barougier et Jean-Pierre Pozzi joliment intitulé Ce n’est qu’un début. On y suit une enseignante de maternelle,Pascaline Dogliani, à la Mée-sur-Seine dans une ZEP de Seine-et-Marne qui met en place des ateliers philosophiques avec ses élèves. Et c’est vraiment une expérience étonnante, vivifiante et motivante que de voir ces tout petits aborder des questions existentielles avec la naïveté, le sérieux et la curiosité caractéristiques de la petite enfance.

L’enseignante travaille notamment à partir de livres et surtout à partir de la rubrique de Pomme d’api intitulée « Les p’tits philosophes » dont les aventures ont été regroupées dans un bel album qui porte le même nom. On suit à travers différents scénarii un groupe de 4 amis-animaux : Chonchon, Mina, Plume et Raoul, qui se posent les grandes questions universelles au hasard de leur vie quotidienne. Noël est l’occasion de se demander « qu’est-ce qu’un cadeau ? », une promenade à la montagne invite à se demander « pourquoi faut-il faire des efforts ? », faire du vélo sans roulettes est l’occasion de se demander « qu’est-ce que grandir ? »…

En écoutant les dialogues naïfs de nos 4 petits amis-animaux,  ce livre nous invite à avoir une véritable démarche de questionnement qui permet d’aborder avec son enfant une certaine forme de spiritualité qu’on réserve encore trop d’habitude aux « grands ». La formation de l’esprit critique, l’apprentissage du débat, de l’écoute de l’autre commence dès que l’enfant entre dans le langage et qu’il peut mettre des mots sur ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il pense. En s’interrogeant avec Chonchon, Plume, Mina et Raoul, c’est une aventure passionnante engageant toute la famille qui commence : l’enfant est accompagné dans ses questions par ses parents et les parents se fabriquent un nouveau regard sur le monde face à des questions qu’ils n’osaient parfois plus se poser.

Prendre le temps ENSEMBLE de s’interroger sur la vie, l’humain, le monde est une aventure de tous les instants que ce petit livre nous invite à partager. Alors tout devient prétexte à philosopher !

Et, franchement, la vie est vraiment plus rigolote quand elle est bousculée par des questions d’enfant !

Alors :

1) Non seulement ce livre est l’occasion de s’interroger sur le monde

2) mais c’est aussi le moyen de formuler avec son enfant des réponses aux questions qui le turlupinent

3) et surtout c’est l’occasion de discuter ensemble, de partager un vrai dialogue un peu en dehors du temps et du quotidien !

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Pour les plus grands

Les Goûters philo, une collection de Brigitte Labbé aux éditions Milan.

J’ai découvert cette collection, il y a fort longtemps puisque c’était lorsque j’étais animatrice en Centre de vacances et de loisirs nous avions pris le livre au mot et deux fois par semaine à l’ombre des platanes sous la chaleur écrasante de l’été nous lisions un petit livre aux enfants âgés de 8 à 12 ans puis nous débattions avec notre goûter  des sujets traités : la mort, l’amour, le travail. C’est probablement l’un de mes meilleurs souvenirs de pédagogies quand j’y repense. Rien n’était préparé, pas d’objectifs notionnels à atteindre, pas de compétences travaillées, juste le plaisir d’échanger avec des petits d’hommes sur des questions universelles.

Mes filles les ont aussi beaucoup utilisés à peu près dans les mêmes conditions à l’école en CM1 CM2.

Donc on vous le conseille pour

1/ Échanger entre générations : adultes, enfants, personnes âgées. Il permet malgré tout un échange en grand groupe (10-12 personnes) avec un bâton de parole par exemple

2/ Commencer l’apprentissage de l’argumentation en relançant la discussion sur les propos tenus dans le livre puis ceux des intervenants au débat

3/ Pour débattre partout, le format poche est quand même idéal à mettre dans le sac à dos lors d’une randonnée, dans la cour de recréation, dans la forêt, sur la plage.

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Pour les ados

Dans cette rubrique, j’évoquerais plutôt des podcasts. J’avais essayé l’an dernier en vie de classe mais il faudrait instaurer un rituel, une fois par période pour que les élèves prennent l’habitude. Les élèves avaient écouté le podcast et pris quelques notes dessus pour ensuite discuter. C’était un peu compliqué parce qu’en grandissant, les adolescents se sentent parfois moins libres de s’exprimer, ils ont peur du regard des autres.

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Celui de Marie Robert a un format idéal de 30 minutes maximum pour ce genre d’expériences

https://www.philosophyissexy.fr/

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On ne serait pas professeur sans évoquer les chemins de la philosophie même si là ça me parait plus ardu et nécessite un temps d’appropriation beaucoup plus important par les adolescents. Il nécessite tout de même d’avoir quelques notions pour se sentir à l’aise avec ce support. Il est à envisager plutôt comme complément d’informations, un travail de documentation afin d’avoir des arguments sur un sujet sur lequel on sera amené à débattre en classe par exemple. En ce qui me concerne je pense à des épisodes sur la notion de démocratie, le racisme ou encore le terrorisme.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie?p=7

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On aime les podcast parce que c’est gratuit et facile d’accès : les archives sont nombreuses et on peut les archiver sur un padlet par exemple. C’est un format que l’élève peut écouter partout, je ne suis pas fan mais puisqu’ils ont leur téléphone greffé à leurs mains et leurs écouteurs sans fil tout le temps dans les oreilles, autant qu’ils aient de la connaissance diffusée dans leur corps. 😉

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Des jeux à tout âge

Je n’ai jamais testé mais j’ai bien envie d’acquérir le jeu « Dis ta vie »

Le jeu permet aux adolescents de répondre à des questions pas forcément philosophiques comme « Quel est ton rêve le plus fou? »,  « Quel est ton meilleur souvenir de vacances ? » etc.  Un jeu qui peut libérer la parole et permettre à certains, parfois en difficulté sur des sujets qui leur semblent justement trop philosophiques, de prendre la parole et de l’assurance à l’oral.

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« Un brin de jasette » a été notre premier jeu pour discuter à la maison : à travers plus de 250 questions, enfants et parents apprennent à parler de soi, à faire parler de soi, à discuter de ses peurs, de ses désirs, et ce quel que soit son âge. Un de nos jeux favoris pendant les repas.  Il semble ne plus être édité mais on le trouve encore sur les sites d’occasion ou en vide-greniers.

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Les éditions Minus proposent elles aussi une kyrielle de jeux pour lancer le débat, ouvrir la parole, faire fuser les conversations. A là maison, on a testé le kit de discussion « A table » qui alterne des sujets de discussion et des gages pour échapper aux sujets qui dérangent.

Plus récemment, j’ai reçu pour mon anniversaire le jeu « Dilemmes absurdes » qui invitent à débattre à partir de sujets originaux, parfois absurdes mais toujours très riches.

Plusieurs autres titres sont disponibles à découvrir sur le site de cet éditeur hors du commun.

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Voici quelques ressources parfaitement incomplètes mais en  cours de construction. Il est important pour nous de permettre dans tous les cas d’établir une relation de confiance où l’élève va pouvoir débattre, argumenter, converser sans jugement.

Frédéric Lenoir, qui est un des spécialistes de la pratique de la philosophie à l’école en France,  rappelle qu’il est nécessaire d’établir un cadre précis et des rituels pour instaurer cette prise de parole confiante.

Il rappelle aussi l’importance de cette pratique dès le plus jeune âge pour permettre le développement de la créativité, de l’argumentation, de l’esprit critique mais aussi de la tolérance et de la communication non violente.

Pour découvrir ce philosophe, on vous conseille l’épisode n° 1 du podcast Innovation en éducation « La philo et la méditation à l’école, ça marche ».

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Lors de mon cours sur la démocratie en première, nous évoquions le grand débat qui a eu lieu suite à la crise des gilets jaunes et aux réunions mises en place dans le cadre d’une démocratie participative. Certains élèves, à juste titre, évoquaient leur probable incapacité à prendre part à ce genre de réunion parce qu’ils ne sentent pas suffisamment former et expert dans cet exercice pour y participer. Voilà tout est dit, je pense, dans cette réflexion d’élèves du haut de leur 16-17 ans :  ils attendent d’apprendre  à débattre, ils sont prêts, il n’y a plus qu’à se doter des bons outils.

Le Voyage de Pénélope : lecture croisée.

Aujourd’hui, on vous propose une lecture croisée sur le voyage de Pénélope dont je vous avais livré ma chronique la semaine dernière. mais cette fois-ci Colette se joint à moi pour partager ces réflexions sur cet ouvrage.

J’ai donc posé quelques questions à Colette sur sa lecture et sur les questions que le livre avait soulevé chez moi, j’en ai profité pour répondre à quelques unes de ces réflexions aussi.

On vous souhaite une bonne lecture et des minutes de découvertes philosophiques.

1/ J’ai découvert Marie Robert pendant le confinement avec ses billets philosophiques sur instagram et toi, comment l’as tu découverte? Qu’est ce que tu aimes chez cette autrice?

 

C: J’ai envie de rire en lisant cette question ! C’est toi qui m’as fait découvrir Marie Robert et son compte Instagram « pilosophy is sexy » au cours d’une de nos conversations virtuelles ! Ce que j’aime dans ses mini-chroniques sur ce réseau social, c’est qu’elle a su le détourner de sa fonction première qui est de montrer l’instant. Sur son compte, ce n’est pas l’image qui importe mais les mots. C’est bien joué, je trouve, de réussir à donner à penser philosophiquement sur un réseau qui invite tellement au superficiel. Et puis elle réussit à mettre la réflexion philosophique à la portée de toutes et tous, au gré du quotidien et des expériences humaines. On n’est pas dans la transcendance, on est dans l’immanence !

 

2/ En tant que grande lectrice, qu’as tu pensé de l’histoire de ce livre? Du schéma narratif ? Des personnages principaux et secondaires de ce roman?

 

C: Je n’ai pas vraiment adhéré au personnage principal, une Pénélope que j’ai trouvée artificielle, manichéenne. Je n’ai pas non plus adhéré au rythme de la narration que j’ai trouvé irréaliste : les évènements s’enchaînent à un rythme soutenu, Pénélope passe de la dépression à l’euphorie en quelques mois, elle voyage de pays en pays sans problème, elle guérit de sa dépression en un claquement de doigts, tous les problèmes rencontrés (et pas des moindres : chômage, rupture) sont résolus en quelques pages. J’avoue, je n’y ai pas cru, je n’ai pas pu m’identifier à ce personnage et on sait ô combien l’identification est une étape essentielle en littérature.  Malgré tout, les personnages de ce roman sont des personnages attachants et positifs mais sans la profondeur que j’aime à explorer dans les récits réalistes. Mais ce roman a vraiment quelque chose d’original, grâce aux immersions qu’il nous propose dans des univers de philosophes jusque là complètement inconnus pour moi. Les pages dédiées à Averroès, Christine de Pisan, Machiavel ou Spinoza sont de belles invitations à se plonger dans leurs écrits !

 

3/ Comme je l’ai dit dans ma chronique, ce livre m’a beaucoup questionné ? A-t-il soulevé chez toi autant de questionnements? Si oui lesquels ?

 

C: Sans doute ma lecture a-t-elle été influencée par ta chronique littéraire que j’avais lue avant de commencer ce roman. Par conséquent, je savais d’avance les interrogations que ce livre avait soulever chez toi mais je pense que je n’ai pas été aussi sensible que toi à certaines thématiques comme celle du voyage et de l’aventure. Je dirai que la principale question que ce livre a soulevé chez moi c’est : mais pourquoi ne mettons-nous pas plus de philosophie dans nos vies, dans nos rapports aux autres et à nous-mêmes ? En effet, je suis certaine que le questionnement philosophique est une compétence essentielle pour affronter et faire partie du monde contemporain, tel qu’il est, particulièrement imparfait, incertain et inquiétant.

 

4/ Maintenant permets moi de t’embarquer dans mes questionnements : quelle place a la philosophie dans ta vie personnelle et dans ta vie professionnelle?

 

C: Je n’ai pas adoré la philosophie dans mes études, pourtant en section littéraire, c’était une matière fondamentale mais que je n’ai pu découvrir qu’en terminale… Un peu court pour se faire une idée juste de ce qu’est la philosophie. Surtout que c’était une discipline que nous n’abordions qu’à travers une ribambelle de concepts qui allaient un peu à contre courant de ce que l’expérience nous avait appris. La liberté, que j’avais enfin l’impression de toucher du doigt, avec la philosophie devenait quelque chose de compliqué. Pas de coup de foudre, donc !

C’est en devenant mère, que j’ai redécouvert la philosophie grâce à un magasine pour enfants, Pomme d’Api, dans lequel tous les mois, on retrouvait Les P’tits philosophes de Dorothée de Monfreid. Et là, enfin, on se posait de vraies et belles questions qui bousculent et donnent du grain à moudre en soi même : qu’est-ce que la mort ? Pourquoi faut-il faire des efforts ? Qu’est-ce qu’un ami ? Avec mes enfants, tout-petits à ce moment là, ce fut l’occasion de débats, d’échanges, de confrontation d’idées. Des moments particulièrement précieux.

Et puis j’ai vu Ce n’est qu’un début de Jean-Pierre Pozzi, un documentaire qui nous donne à voir une initiation au débat philosophique en maternelle. On y suit une enseignante de maternelle, Pascaline Dogliani, à la Mée-sur-Seine dans une ZEP de Seine-et-Marne qui met en place des ateliers philosophiques avec ses élèves. Et c’est vraiment une expérience étonnante, vivifiante et motivante que de voir ces tout-petits aborder des questions existentielles avec la naïveté, le sérieux et la curiosité caractéristiques de la petite enfance.

 

A: Jusqu’à présent, il y avait très peu de place pour la philosophie dans ma vie. Comme toi, je n’ai pas du tout accrochée à ces cours lors de mon année de terminale. Après pendant mes études, à plusieurs reprises je m’étais fait la réflexion que ça me manquait dans le cadre de cours d’histoire politique, de géopolitique ou de géographie des représentations.

Dans ma vie de jeune animatrice en colonie de vacances, j’ai découvert la collection des gouters philo chez Milan jeunesse dont on parlera la semaine prochaine et j’ai trouvé ça super chouette d’avoir un petit bouquin rapide à lire qui peut servir de supports à des discussions pourtant essentiels avec les enfants !

Il n’y a que très peu de temps, que je considère qu’il est nécessaire d’initier les enfants à la philosophie ou aux réflexions philosophiques bien avant la terminale.

Je dirai donc qu’actuellement, j’aimerais dans un premier temps, approfondir mes connaissances dans cette discipline pour mieux m’en servir et mieux la transmettre, voire faire des projets autour de l’éloquence par exemple !

 

4bis? Quel rapport as-tu au voyage, à la quête de sens à travers le voyage, la fuite même? Penses- tu que cela puisse être une solution?

 

C: Vaste question ! Le voyage me fait peur… Je suis persuadée que l’aventure est au coin de la rue, dans les mots d’un livre ou entre les murs de ma salle de classe, alors le voyage ne m’a jamais fait rêver. Par contre, je vis avec quelqu’un qui adore voyager, qui ne se projette que dans les escapades prévues pendant les vacances et qui aurait adoré vivre à l’étranger. Nous avons du faire des compromis mutuellement et grâce à lui, j’ai découvert la joie de la découverte d’autres horizons. Mais ce n’est pas une chose facile pour moi, je ne suis pas à l’aise à l’étranger. Sans doute parce que je ne parle aucune langue étrangère correctement. Fuir pour moi n’est pas une solution mais ménager des temps d’évasion (on en reparlera peut-être dans un autre article) me semble salvateur étant donné nos modes de vies occidentaux modernes où la routine pourrait très vite nous submerger, nous momifier. La vie c’est le mouvement, non ?

 

A: En ce qui me concerne pour le moment l’absence de voyage ou le très peu de voyage que j’effectue est l’un des plus grands regrets dans ma vie. C’est d’ailleurs quand j’y pense quelque chose qui peut me mettre en colère ou me rendre triste. Quand je fais la liste de tous les lieux que j’aimerais découvrir par moi-même et que je ne peux pas par manque de temps, d’argent, de personne avec qui y aller. Je suis sur le point de me dire que je vais finir par voyager seul même si cette option me terrorise encore un peu ! C’est une envie qui est considérée dans mon entourage   comme très égoïste parce que je ne passerai du coup pas de temps avec certains membres de ma famille, certaines personnes y compris très proches cherchent toujours à me décourager : pas assez d’argent, pas assez de temps pour des travaux, pas assez de temps en famille. Finalement,  plus ça va plus je me dis que si, on a tout ça ! C’est juste que je dois changer l’ordre des priorités, il faut juste que j’accepte de ne plus céder et de ne plus culpabiliser.

Pourquoi j’attache autant d’importance au voyage. Justement parce que je pense que c’est une ouverture culturelle indispensable, à la fois qui t’ouvre à la rencontre et tu sais combien j’aime la rencontre avec l’autre au sens très large du terme, les individus, la nourriture, les lieux,  la culture, les contes, mais aussi à la réflexion, le voyage te mets dans une position d’insécurité qui te pousse à demander de l’aide, à être observateur, à réfléchir à ton rapport à l’autre….

En revanche, je ne partirais, probablement jamais pour fuir une situation ou pour changer de vie, je suis aussi profondément attachée au dicton quand on ne s’est pas où on va, on s’est toujours d’où l’on vient et j’aime cette idée des lieux refuges. Moi qui ai déménagé 7 fois dans ma vie, j’ai besoin de savoir qu’il y a des lieux qui seront toujours pour moi un point de départ ou un retour aux sources ! ce sont d’ailleurs des lieux où je n’ai jamais habité.

 

4 ter? Qu’est ce que le bonheur selon toi, trop vaste question sans doute? Je dirai plus tôt qu’est-ce que réussir sa vie selon toi? Comment penses-tu accompagner ce questionnement avec tes enfants et avec tes élèves ?

 

C: Question particulièrement difficile en effet… Réussir sa vie selon moi, c’est explorer au mieux ce que l’on est, aussi bien en tant que corps qu’en tant qu’esprit. Explorer dans le sens de faire l’effort constant de fouiller, de chercher, d’interroger, et de savourer ce qu’on trouve, même si c’est décevant par rapport à nos fantasmes, rêves, attentes. Apprendre à aimer ce qu’on va trouver au bout de nos recherches. Se mettre à l’épreuve.

 

Je ne sais pas comment j’accompagne ce questionnement avec mes enfants ou mes élèves. En prenant le temps d’écouter peut-être. De faire attention à leurs besoins et d’essayer de leur montrer comment dire ses besoins sans honte, sans fard. L’utilisation du message clair en classe est un outil qui m’y aide et que j’utilise aussi en famille dès que possible. Tu sais à quel point la lecture du livre de Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) a été une révélation pour moi. Je pense qu’accompagner les enfants à cerner ce qui les nourrit est essentiel pour vivre une vie épanouie.

 

A: Je t’ai posé cette question, parce que dans mon sketchnote de rentrée, j’avais mis une case projet et un élève a répondu être heureux tout simplement, alors que je n’avais même pas pensé à cette réponse et que moi aussi je me suis souvent dit et même encore j’associe trop souvent le bonheur à des projets, des carrières, des évolutions, des avancées, des changements, bref à du mouvement. Même si de plus en plus, je me rends compte que le bonheur se niche dans des toutes petites situations, là tout le temps, un livre avec un thé, un morceau de musique qu’on aime bien, une promenade, le chaleur du soleil sur son épaule,…Donc pour moi réussir sa vie c’est justement avoir la capacité de se dire, là ici et maintenant je suis bien, je me sens bien avec les bonnes personnes, le bon travail,… je me lève et je sais que quoiqu’il arrive je vais être contente de ma journée.

Justement j’essaie de leur enseigner ça qu’il faut savoir profiter de ce que nous offre la vie, et qu’il faut savoir se saisir de tout y compris du pain noir.

De plus en plus j’ai à cœur de leur dire que rien n’est déterminant dans la vie, les choix qu’ils font sont importants mais ce n’est pas déterminant, je leur dis aussi de mettre de côté les injonctions, les « quand dira-t-on ? » et le regard des autres. La vie est trop courte et peut s’arrêter brutalement donc il faut savoir profiter de ce que l’on a et faire ce que l’on a envie et ce pourquoi on a l’intuition que ça va nous faire du bien  et arrêter de s’imposer des personnes, des actions qui nous agacent!

 

 

5/ Enfin j’ai évoqué la pratique de la philosophie à l’école, qu’en penses tu ? En quoi cela sera nécessaire voire indispensable?

 

C: Comme je l’ai dit plus haut, je pense que faire de la philosophie dès le plus jeune âge, dès le début de la parole, avec des enfants de petite, moyenne et grande section, soignerait bien des maux de notre école et de notre société. Savoir interroger qui l’on est en tant qu’humain, faisant partie d’une espèce, permettrait de remettre très tôt l’individu à sa juste place, notamment au milieu des autres humains, mais aussi au cœur de la nature et de l’univers. La philosophie, si elle faisait partie de nos vies quotidiennes, permettrait de relativiser un certain nombre de problèmes, qui n’en sont que parce que nous y plaquons un discours social sclérosant…

 

A: Si je t’ai posé la question c’est parce que je pense qu’il faut vraiment initier dès le plus jeunes âge les enfants et nos élèves à réfléchir, dire ce qu’ils ressentent, interroger le bien, le mal, la douleur, l’amour, l’amitié, la passion, le travail, notre rapport à la nature,….notre quotidien universel à tous. Il faut être « sages » avant d’être vieux c’est à ce prix-là que notre société va entrer en transition ! c’est hyper idéologique de ma part mais je pense qu’il faut savoir s’interroger sur ce que nous vivons en permanence. Ce matin on me demandait de m’inscrire à des ateliers de réflexion sur l’évaluation et il y en avait un intitulé comment être juste dans notre travail d’évaluation ? J’ai trouvé que c’était très philosophique comme question et très intéressant de prendre le temps de discuter de ça ensemble entre professionnel de l’évaluation. Pourtant je n’ai pas fait ce choix parce que je savais que la réaction de certains collègues et le manque d’accompagnement que l’on aurait sur cette question me rendrait triste d’assister finalement à un atelier qui va s’avérer stérile.

 

6/ Comme je sais que tu le pratiques comment tu t’y prends?

 

C: Comme je le disais à la question 4, après avoir vu Ce n’est qu’un début, comme toujours, quand je suis inspirée par une pratique pédagogique, je l’ai tenté avec mes élèves. Alors avec mes 6e Fynn, en 2015, on a organisé sur le temps de Vie de classe, des petits déjeuners philosophiques : je lisais un album, nous cherchions ensemble une problématique suscitée par l’album et les élèves débattaient ensemble pour proposer des réponses à cette problématique. Les élèves apportaient des crêpes, des brioches, des cookies, des jus de fruits. C’était un moment hors du temps et particulièrement riche. J’ai réitéré l’expérience en partenariat avec la CDC de la commune à laquelle est rattaché le collège. Une intervenant est venue pour mener des débats philosophiques en classe. Depuis, j’essaie d’en organiser au moins un au cours d’une séquence de littérature.

 

7/ Quelle est la réaction des élèves?

 

C: Ce sont des heures incroyables ! D’un seul coup, ils prennent une toute autre dimension : des êtres pensants à part entière. Ils s’interrogent, proposent des réponses, s’écoutent VRAIMENT pour tisser du lien entre leurs différentes visions des choses. Ils n’ont pas encore les concepts, mais ils ont l’expérience et finalement c’est le plus important. Comme tout se passe à l’oral, les plus en difficulté dans le système scolaire français qui base presque tout sur l’écrit, trouvent leur place. Et leurs débats sont toujours constructifs…

 

8/ Je te laisse cette citation à méditer.

«  Pénélope tu n’es pas ici par hasard. Tu veux vivre quelque chose, ton cœur brûle, ta tête t’assaille de réflexions mais tu refuses de plonger. […] Tu sais chaque individu a un rôle à jouer. Chaque personne peut utiliser la force de son esprit pour devenir acteur de son existence et du monde qui l’entoure »

Quel est ton point de vue là-dessus ?

 

C: J’en suis entièrement convaincue : dans le microcosme humain, chaque être compte et aura de l’influence sur les autres rouages qui composent notre humanité. Après, il nous faut aussi relativiser : à l’échelle cosmique, nous ne sommes que d’infimes « poussières d’étoiles », pour reprendre l’expression d’un astrophysicien cher à mon cœur, Hubert Reeves, qui m’a fait beaucoup réfléchir jeune adulte quand je l’ai découvert. Sciences et philosophie ont tellement de points communs. J’espère qu’on aura l’occasion d’en reparler !

 

A: Je pense que nous avons une destinée dans laquelle nous avons un rôle à jouer mais les hasards n’en sont pas toujours. J’écoute actuellement beaucoup de podcasts qui évoque la question de l’intuition, je pense qu’on se crée des situations qui correspondent à nos besoins. Surtout oui nous sommes acteurs de nos propres vies, plus que celle des autres d’ailleurs, on fait un métier dans lequel on sait très bien que tu peux tendre la main et la personne en face ne peut malheureusement jamais la saisir. C’est très personnel mais je comprends de moins en moins et ne supportent plus les personnes qui rejettent la faute sur toi, ou les autres, qui évoquent toujours les contraintes avant les possibilités, qui ne se donnent pas les moyens de devenir effectivement acteur de leur vie ! Justement nous sommes que de passages, des poussières d’étoiles alors en gros pour moi il vaut mieux être et vivre en âme et conscience. Comme on dit il vaut mieux vivre avec des remords qu’avec des regrets !

 

Le Voyage de Pénélope, une odyssée de la pensée, Marie Robert.

J’aime chez Marie Robert @philosophyissexy sa capacité à parler du sens de nos vies en collant à l’actualité, à nos besoins, avec des mots simples. Elle a ce sixième sens qu’est l’intuition, celui de deviner ce que les gens ont besoin de lire pour entamer la journée. Je vous invite d’ailleurs à aller la découvrir sur ces différents réseaux sociaux : https://www.philosophyissexy.fr/

Alors quand son livre est sorti en début d’hiver, j’étais très attirée par sa lecture, il faisait partie de ma booklist. Il a fallu un petit cadeau et le début de l’été pour me plonger quelques jours dans l’Odyssée de Pénélope. Quelle audace de se dire : « et tiens si Pénélope arrêter d’attendre Ulysse ». Je triche un peu, ce n’est pas vraiment cette histoire que Marie Robert nous raconte. Mais j’aime assez l’idée et je me dis que si j’avais un peu plus de talent et de patience pour écrire, c’est probablement ce que je ferai.

Marie Robert nous invite donc à suivre le cheminement de Pénélope qui vient de quitter Victor son compagnon rencontré en Terminale. Il a tout du gendre idéal, il est architecte, il plaît à ses parents. Quant à elle, elle a 30 ans, elle fait des études de droits sans trop savoir pourquoi, elle a un travail auquel elle ne trouve aucun sens, elle se pose des milliers de questions et vit une vie étriquée « parfaite au premiers abords : un travail, un compagnon, des amis, une famille mais des milliers de questions en sourdine qui l’empêche de vivre en grand,  puis un jour, elle se lève avec des grains de sable sur ses pieds et décide de tout « foutre en l’air », de tout remettre en cause, de tout quitter et de partir à Ithaque à la rencontre de Pénélope celle de l’Odyssée. A partir de là, bien évidemment, elle n’arrive pas à Ithaque mais bien plus loin grâce aux rencontres de la vie qui lui font parcourir l’Europe des philosophes de l’Antiquité au XVIIIème siècle.

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Que m’apporte la lecture de ce livre ? Des questionnements plus que jamais ! Est-ce dû à l’âge – le milieu de vie approchant… ? A ce changement de vie qui m’attend et à la peur mêlée à l’excitation qu’il me donne, au fait qu’il correspondait à ma dernière étape dans mes projections au long cours ?

D’abord je suis toujours admirative de ces personnes qui peuvent tout larguer pour partir à l’aventure, je me suis toujours demandée si j’en étais capable et c’est très philosophique justement mais je suis pour le moment de ceux qui pensent que pour vivre heureux il faut vivre prudemment. Aurais-je un jour des regrets moi aussi de ne pas avoir tenté la grande aventure ? D’accepter de me laisser porter par la vie, les rencontres, le hasard, le destin ?

Ensuite, au pouvoir de la rencontre, j’aime cette idée que nos vies sont intimement liées les unes aux autres et que parfois les rencontres que vous pensez éphémères, hasardeuses, professionnelles,… deviennent des rencontres fondatrices qu’elles soient très courtes comme la rencontre de Pénélope avec la DJ Jeanne dans le train qui la mène d’Amsterdam à Berlin ou plus longue et qui, pour vous ne savez quelle raison,  s’arrêtent. Je sais désormais qu’il faut savoir les saisir, j’aime la magie de la rencontre et je reconnais dans ma vie que j’ai rencontré des personnes parfois que j’ai fréquentées très peu de temps mais qui m’ont apporté bien plus que ce que je pensais. Je pense à ce poète des temps modernes qui faisait écrire des maximes sur des feuilles des platanes à l’encre de Chine à des enfants en colonie de vacances en Touraine. J’avais 20 ans et la trouille au ventre de ne pas réussir mes études, de ne jamais rencontrer mon âme sœur, de ne pas avoir d’amis qui m’accompagneraient jusqu’au bout de la vie. Il m’a offert un conte au creux de l’oreille à la belle étoile qui parlait du poète Antonio Machado parce que je lisais la nuit tard quand les enfants étaient tous endormis L’alchimiste de Paulo Coelho. Tous ces textes avaient un point commun la quête de sens  : qu’est-ce qu’on cherche dans vie ? Je ne lui ai jamais dit mais « Merci, le sens de la vie n’est pas le but mais le chemin. »

Mais revenons-en à ma question : est-ce que j’arrive à bien entretenir ces rencontres, est-ce que je leur rends la pareille ? Est que ces rencontres me servent autant à moi qu’à elles ? Et je m’interroge sur ma capacité à communiquer ce que je ressens mais aussi à écouter, à saisir les messages. Suis-je moi-même une belle rencontre ?

Troisième questionnement : qu’est-ce qu’être heureux ? A quel moment on a réussi sa vie ? Vous savez le fameux épisode de la rolex à 50 ans, ces injonctions de la société, un mari ou une femme des enfants avant 35 ans, une situation stable être propriétaire,… Injonctions qui, même si aujourd’hui tout le monde reconnaît que ça ne tient pas à ça, sont malgré tout persistantes dans nos inconscients collectifs.

Quelle place pour la philosophie dans ma vie et même dans nos vies ? Pour la plupart d’entre nous, nous en faisons 4*36H en Terminale puis après plus rien. Avec la crise sanitaire, depuis un an et demi je me suis souvent interrogée sur la place des sciences humaines dans notre société : est ce que si on accordait plus de place à la réflexion, à la philosophie, aux sciences sociales, à l’histoire, la géographie, l’anthropologie, la sociologie, la littérature, les sciences politiques, est ce qu’on aurait géré cette crise autrement individuellement et collectivement ?

Enfin parce qu’en tant qu’enseignante, elle me fait me demander si on ne peut pas en faire avant de la philosophie ? Comment ? à quelle hauteur ? Avec quelle légitimité, vous savez quand on n’a pas un capes de philosophie a priori on ne peut pas enseigner cette discipline et cette question renvoie aux limites de notre projet éducatif pour la société du XXIème siècle, le cloisonnement des matières, le manque d’heure, les choix que nous devons faire.

Alors voilà vous l’aurez sans doute compris cette lecture m’a un peu retourné non par l’histoire car des voyages qui servent à découvrir le sens de la vie, il y en a des milliers mais parce que Marie Robert a bien cette capacité à nous parler de tout ça avec des mots simples, à transmettre cette passion pour la philosophie avec beaucoup de simplicité, elle a dépoussiéré la philosophie.

Je m’en vais d’ailleurs de ce pas lire sa newsletter qui m’attend dans ma boîte mail – délice du café du dimanche après-midi avant la sieste. Et puis je vais commander ses deux autres ouvrages dans ma librairie préférée !

Ils sont très grands!

Pour cette première brève pédagogique, j’avais besoin de poser des mots sur ma première rentrée au lycée. Cette mutation était liée à une volonté de changer de lieu de vie et non à un besoin d’évoluer professionnellement. J’aimais le collège, je ne dis pas qu’un jour, je n’y reviendrai pas et je pense que j’avais encore une marge de progression. Quand j’ai appris la nouvelle d’ailleurs, mes sentiments étaient partagés parce que justement j’avais le sentiment que je n’avais pas exploré toutes les possibilités que pouvaient m’offrir le collège.

Alors me voilà au lycée, professeure principale d’une classe de première avec des groupes de Première et de Terminale en tronc commun et un groupe en spécialité. Oui parce qu’avec la réforme du lycée, nous n’avons plus des classes mais des groupes avec des élèves qui ne se connaissent que très peu au final et du coup il n’y a pas forcément la dynamique d’une Classe justement. Tiens un premier changement !

Petit à petit, je pose mes marques, ils ne se rangent jamais et certains s’assoient dans la salle avant même que je n’arrive. Personnellement j’aime bien accueillir mes élèves, je ne suis pas attachée au rang quasi militaire mais j’aime ce moment où ils passent la porte un à un pour que je leur dise bonjour, or au lycée, vous pouvez ne jamais avoir ce moment, alors depuis 15 jours inlassablement je leur demande d’éteindre leur téléphone dans le couloir, je leur demande de se ranger parce que j’ai à cœur de dire bonjour à chacun de mes élèves personnellement.

Autre nouveauté, la moitié de mes élèves sont espagnols, je n’ai donc pas d’élève à l’aise à l’oral, le cours d’histoire géographie et encore plus d’EMC est difficile pour eux parce qu’ils n’ont pas tout le prérequis des cours du collège qui en font des élèves presque formatés, c’est un peu bête mais ils posent un regard presque exotique sur la révolution française ou les principes et valeurs républicains.

J’ai des élèves qui sont autonomes et qui travaillent à la maison pour une grande majorité d’entre eux. Ils prennent des notes, assument leur personnalité, leurs looks vestimentaires, leurs réflexions et leur façon de penser naissante,…. Je pourrai décliner mes découvertes sur mon public lycéen encore sur quelques lignes,…

Pourquoi passer un peu de temps sur ces anecdotes ? parce que cette rentrée avec des très grands n’est faite que de petits moments comme ça où il faut s’apprivoiser, apprendre à se connaître, s’adapter, accommoder avec les élèves mais aussi les collègues, les contraintes, le lieu… pour que dans quelques années, tout soit fluide, pour que je puisse d’ici quelques temps déployer tout mon art au sens artisan du terme, pédagogique.

Oui parce que dans le même temps, les problématiques comme les moments de miracles pédagogiques sont les mêmes qu’ailleurs. Comment leur donner confiance en eux ? Comment susciter de l’ambition ? Comment leur montrer qu’un ailleurs est possible pour apprécier d’autant plus le retour ici dans quelques années, voire décennies au bord de la mer. Comment gérer l’hétérogénéité ? Comment les faire progresser ? Comment différencier ? Comment harmoniser les pratiques pédagogiques ? Comment travailler en équipe ? Quels projets monter ? ….

Cette rentrée avec des très grands me permet effectivement de constater que nos élèves d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient, sont les adultes de demain, mais aussi les enfants d’aujourd’hui avec deux ans de vie masqués, un rapport aux autres chamboulé,…. et nous nous devons ou plutôt je me dois d’être à la hauteur de cette idée, je me dois de les accompagner pour qu’ils deviennent la meilleure version d’eux-mêmes. Ces pierres précieuses que l’on façonne nous les enseignants exigent un travail d’orfèvre, j’en suis plus que jamais convaincue.

Aude

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