De l’intérêt d’amener ses élèves au cinéma – Le témoignage d’Aude.

Dans le cadre de notre mois thématique consacré à l’intérêt d’organiser des sorties culturelles pour nos élèves, nous vous livrons aujourd’hui les réponses d’Aude concernant les séances dédiées au cinéma.

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Colette. – Dans quel(s) cadre(s) amènes tu tes élèves au cinéma ?

Aude.-  J’amène mes élèves au cinéma parfois dans le cadre de « collège au cinéma », de festivals comme le festival du film d’histoire de Pessac ou le festival des jeunes réalisateurs de Saint jean de Luz et je n’inscris mes classes que si j’y vois une application pédagogique après la séance qui concerne le contenu, l’histoire du film, le contexte évoqué plus que pour l’analyse filmique ou le travail de critique cinématographique. Je laisse cette dimension, avec laquelle je ne suis pas à l’aise, à mes collègues d’arts plastiques, de lettres ou de philosophie. Je manque souvent de vocabulaire et de techniques pour l’analyse à proprement parlé même si je trouve cela passionnant. Je me sens même parfois handicapée dans ce domaine.

Colette. – Quels sont tes objectifs quand tu organises une sortie au cinéma ? Vises-tu seulement des compétences disciplinaires ou mises-tu aussi sur d’autres compétences (psycho-sociales ou émotionnelles par exemple) ?

Aude. – Jusqu’à présent, et comme je l’ai dit dans la question 1, j’ai besoin, parce que je n’étais pas à l’aise avec ça, d’avoir une porte d’entrée historique, géographique, sociale ou civique. J’ai un rapport au cinéma très particulier :  j’aime l’ambiance des salles feutrées où j’allais quasiment une fois par semaine avec mes parents étant enfant, adolescente et même étudiante, j’aime y pleurer, y rire à gorge déployée, découvrir la délicatesse des émotions de mes compagnons de séance. J’aime beaucoup l’idée de pleurer ensemble et l’image m’a toujours permis d’éprouver certaines émotions plus facilement qu’avec un livre. Cette mise à nu qu’offre la salle de cinéma me rend toujours un peu gauche quand les larmes ou la stupeur, ou la peur (les doigts plantés dans le bras de mon mari durant tout le visionnage de Dunkerque...) ou la tristesse m’envahissent. J’espère encore, mais de moins en moins, que les élèves n’ont pas perçu tous les sentiments qui ont pu me traverser d’ailleurs, même si je me laisse de plus en plus aller même en leur présence. Il est donc pour moi très compliqué de travailler les compétences socio-émotionnelles à partir de séance avec mes élèves même si je ne doute pas que les films choisis évoquent chez eux des sentiments, des avis, mais je les leur demande très rarement lors du retour de la séance.

Bref je m’égare ! Donc pour répondre à tes questions, l’objectif reste avant tout disciplinaire même si je reconnais que parfois c’est un peu tiré par les cheveux. je me souviens du visionnage de Phantom boy où j’avais préparé un questionnaire sur les droits des enfants, le traitement de la ville dans le dessin animé, sur l’espace vécu d’un enfant malade (lien avec la ville de l’inclusion des handicapés) alors que les élèves ne voulaient me parler que de cet enfant malade, de la capacité de résilience… Aujourd’hui, je le traiterais proprement bien différemment.

 

 

Colette. – Qu’est-ce que ce genre de support- le film –  apporte à l’enseignement de ta matière ?

Aude. – Du concret. Je pense notamment à des films mémorielles sur le génocide juif ou sur la première guerre mondiale ou encore sur des espaces lointains. Par exemple, j’aime beaucoup travailler Himalaya, l’enfance d’un chef pour les espaces à fortes contraintes. D’abord parce que le film est esthétiquement magnifique puis on voit bien que même aujourd’hui, dans certains lieux l’homme ne peut pas s’affranchir de la contrainte climatique ou de relief.

Ensuite une ouverture sur l’ailleurs, une meilleure compréhension du monde et enfin un regard critique. Là aussi je pense à des films comme Good Morning Vietnam réalisé en 1987 où on évoque les pacifistes américains, la contre culture, la place de cette guerre dans la mémoire américaine, la difficulté d’en parler 15 ans après aux Etats-Unis…

Colette. – Ferais-tu une différence entre ce qu’apporte la fiction et le documentaire ?

 Aude. – Dans ma discipline, plus que jamais. On utilise les deux, et j’aime beaucoup d’ailleurs évoquer le traitement de l’évènement ou du lieu à travers le documentaire et leur montrer que même là le réalisateur fait des choix et qu’il faut avoir un esprit critique sur l’image. J’ai tendance à travailler l’esprit critique bien plus sur un documentaire que sur une fiction. Je pense notamment aux documentaires Home de Yann Arthus Bertrand, sublime, qu’on a beaucoup utilisé en géographie mais qui a une empreinte carbone importante. J’aime bien aussi utilisé les documentaires Apocalypses et les comparer aux images de l’I.N.A non recolorisées afin de voir que les mêmes images n’ont pas forcément le même traitement documentaire.

La fiction permet souvent de rentrer dans un sujet de manière moins dramatique parce que justement l’élève espère que ce ne soit pas vrai ou exagéré et ensuite on compare à des témoignages ayant une portée historique.

Colette. – Peux-tu nous raconter ta dernière sortie cinéma ?

Aude. – Je suis allée voir Les meilleures au cinéma. Ce film raconte l’histoire d’une jeune fille qui découvre son homosexualité et sa première histoire d’amour homosexuelle dans une banlieue parisienne. La réalisatrice était présente et j’ai trouvé le débat bien plus intéressant que le film en lui même. Les élèves étaient très touchés parce que le traitement du film était à leur portée, c’était un sujet par lequel ils se sentaient concernés : le coming out, l’influence des réseaux sociaux,… Ils ont aussi étaient très attentifs au traitement artistique du film et je ne m’y attendais pas du tout. J’ai été très émue parce que c’était ma première sortie au cinéma au lycée et j’ai trouvé justement qu’il y avait de la part des élèves une plus grande expression de ce qu’ils avaient ressenti lors de la projection du film.

Colette. – Quelles notions as-tu pu travailler avec tes élèves grâce à cette sortie ?

Le film m’a permis de travailler le repli sur soi et la nécessité de l’interconnaissance dans la consolidation des liens sociaux au sein de la société française, dans le cadre du programme d’E.M.C de première. Lors des deux séances de retour sur le film on a évoqué à la fois la question des LGBT+ mais aussi de la vie dans les quartiers défavorisés des grandes villes qui leur est complètement inconnu depuis la côte basque.

Colette. – As-tu adopté une démarche pédagogique particulière à cette occasion ? Si oui laquelle ?

J’avais demandé aux élève de faire la critique du film avec l’analyse filmique, ce qu’ils avait aimé pas aimé et pourquoi conseilleraient-ils le film à un camarade. Ensuite en classe, ils ont du répondre à des questions sur le fond qui portaient sur le quartier (une description de paysage), les personnages ou les lieux du films qui évoquent l’état, la cohésion sociale à la française (la MJC, l’école, le travail…) des questions sur la place des réseaux sociaux dans leur vie d’adolescents et le rôle que peut avoir leur utilisation dans une démarche de repli sur soi. On a ensuite débattu sur les décisions que le personnage principal avait pu prendre pour ensuite arriver à l’idée de la nécessité de respecter les différences, de développer l’interconnaissance et nous finissons ce cycle par la réalisation de brochures de sensibilisations sur des causes ou des groupes de personnes qui peuvent connaître un repli sur soi ! Des thèmes ont émergés comme les LGBT, mais aussi les personnes âgées, les SDF, les enfants battus…Je récupère d’ailleurs les brochures vendredi !

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