A la rescousse ! Wegener, Jules Verne et Glück, tous réunis ! (à propos de la commission Pochard)

Voilà, la commission Pochard a rendu son verdict ! Qui n’en est pas un ; c’est un livre vert [2]d’audit sur le métier d’enseignant et de recommandations, peut-être destiné à caler l’armoire normande de quelque bureau ministériel ? Mais, enfin, on a pu évoquer publiquement les conditions du métier, quelques évolutions possibles et mêmes souhaitables ; les auditions ont été larges (et on peut les voir et entendre sur le site de l’éducation, c’est passionnant[3]) ; le rapport écrit fait la part belle aux études anciennes, mises en perspective.

Les propositions sont très acceptables, quoiqu’en disent certains, et elles demandent à être entendues, discutées, relayées et étudiées. Au moins pour trois raisons que je voudrais avec vous développer ici en invoquant à notre renfort trois autres experts pour le moins…inattendus. : ce sont nos amis Wegener, Jules Verne et Glück. Ils nous aideront à faire le point sur ce qu’il faut retenir de ce rapport.

Wegener[4] au renfort des enseignants

Il y a encore peu de temps, à l’échelle humaine, et encore moins à l’échelle architectonique, nous partagions tous l’évidence que la terre était comme une « pomme plissée », où les sommets trouvaient leur origine dans le manque d’eau des matériaux. Il a fallu une sorte de révélateur comme cet Allemand, Wegener, en 1915, à la convergence de plusieurs sciences, pour construire la théorie de la tectonique des plaques.

Science déductive, intuition faite d’observations et de récurrences, plus tard prouvée scientifiquement, la géo-morphologie proposait une « construction du monde » suivant une dynamique bien différente, dont l’énergie est à puiser dans la convection du magma et la mobilité des plaques. Tout y est en mouvement.

Telle la faille de San Andreas, en Californie, en décrochement, à la jonction des plaques tectoniques du Pacifique et de l’Amérique, tous, nous savons que San Francisco et Los Angeles disparaîtront en peu de jours en cas de secousse forte dite de rattrapage : c’est-à-dire d’une autre façon que moins cela bouge, plus cela va bouger ; les tensions et pressions retenues seront d’autant plus fortes qu’elles ont été contenues. L’arc doit se détendre.

Que dirait alors Wegener de notre organisation humaine, sociale et professionnelle de l’Education, et de notre statut professionnel, celui de l’enseignant, statut de 1950, mais d’un modèle généré encore plus ancien ? Alors que tout, juste à côté, y est dynamique. Et quels sont les faisceaux qui montrent que notre profession, notre « monde » est bien relié aux autres qui connaissent de façon plus ouverte des évolutions moins saccadées et plus sereines.

Est-il bien raisonnable, viable, et même sérieux de penser que seuls les enseignants, français évidemment, seront « sauvés des eaux » de nos civilisations occidentales post-modernes. Ce n’est plus Wegener qu’il nous alors invoquer, mais bien saint Augustin, assiégé par les Avars dans sa Ville fortifiée d’Hippone. L’Ecole doit-elle être cette forteresse du Savoir, hermétique à tout ce que le Monde risque et promet dans un même mouvement ? Quel message d’avenir adressons-nous à nos élèves ?

Wegener nous a donc appris que pour comprendre le monde, il nous faut changer sans doute de représentation du monde, et que l’étude du terrain nous apprend plus que le savoir livresque et sclérosé enseigné dans l’université d’alors. Alors, allons sur le « terrain », avec Jules Vernes.

« Voyage au Centre de l’Enseignement », Jules Verne à la rescousse

Enquête archéologique sur les terrains de l’innovation et de l’expérimentation

Jules Verne nous a fait participer activement et de manière stimulante à un Voyage au Centre de la Terre[5] ; peut-être vous souvenez-vous qu’un professeur se mettait en devoir de décoder une énigme runique ; pour cela, il lui fallut partir en aventures pour résoudre des problèmes « éruptifs » tels que nous pouvons encore les connaître dans notre propre monde ; et dans ce parcours, parfois initiatique, parfois intérieur, découvrir des minerais, des trésors, des civilisations perdues ; parvenir enfin à sortir des entrailles de la Terre vers la belle Italie, paradis perdu.

L’enquête de terrain, l’accompagnement des équipes, l’analyse des dispositifs, l’évaluation partagée des expérimentations, sont des sources prometteuses pour détecter l’actualité du métier, plus sans doute, les lignes de force qui travaillent la profession. Car, tous ces collègues, tous niveaux confondus, toutes disciplines mêlées, (et cela répondra au prétendu argument de la spécificité intrinsèque d’un élément), préfigurent encore de façon « souterraine » les grands traits de l’Ecole moderne, comme une convection magmatique, à la manière de Wegener, eh oui !

Dans une courte synthèse, quelles sont les caractéristiques éprouvées, décodées, vécues par les enseignants engagés dans l’innovation et l’expérimentation pédagogique ? : tout d’abord, le cadre du métier n’est plus la classe, mais bien l’établissement : le travail s’affirme comme une organisation plus collective, régulée et ouverte, avec des prises de responsabilités qui décentre le professionnel de la stricte activité d’enseignant-transmetteur. Il y a des machines pour cela !

Ensuite, l’organisation, les contenus, les dispositifs sont au diapason de l’élève ; cela a des incidences très fortes sur le temps de présence et sur les modalités de servir du prof. L’action emporte une dimension de réorganisation des espaces, des temps et des rythmes scolaires ; les tice dans ce domaine n’y sont pas pour rien.

Enfin, les équipes ont entamé, sans vraiment le savoir, mais c’est bien cela un processus, une véritable mue : en acceptant quelques dilemmes ingérables au niveau personnel (le désordre, la toute puissance, l’autorité par exemple), les personnels ont développé une coopération professionnelle qui les rend plus forts, comme ils ont pu le faire avec leurs élèves. Des questions délicates comme le rapport au pouvoir, souvent soupçonné d’autoritaire, ou le libéralisme des positions, sont progressivement éloignées par l’ouverture des pratiques, des classes… et des esprits.

Ainsi, Jules Verne nous en avait averti, plonger au cœur de la Terre nous fait plonger au cœur de nous-mêmes. Les leçons du terrain nous disent que c’est bien une identité professionnelle qui est en pleine mutation. A ce titre, nous pouvons comprendre les résistances, inerties et secousses provoquées.

Orphée dans d’autres temps épiques est descendu dans les entrailles de la Terre pour retrouver son Eurydice. Allons ensemble à sa quête.

« J’ai perdu mon Eurydice[6] » : l’actualisation du « programme » enseignant en Europe, et l’exception française

Glück nous a servi un très bel air, mais Eurydice pour nous, en éducation, sera moins belle que celle délaissée aux Enfers. Eurydice,[7] le réseau d’information sur l’éducation en Europe, a publié en juin 2003 un important document sur la profession enseignante en Europe. Bien des aspects sont analysés, dont les tâches statutairement requises (p.54) .Ah, on retrouve les Lois de 1950.

L’enquête trans-nationale a permis de distinguer six domaines complémentaires à l’acte d’enseigner : supervision d’élèves entre ou après le cours, remplacement de collègues, soutien des futurs enseignants ou entrants ; seule est retenue les tâches d’évaluation des élèves (notations, conseil de classe, contacts avec les parents d’élèves).

La France présente un profil en la matière particulier en Europe. Quasiment aucune des tâches complémentaires au cours n’y est prescrite :

Le travail en équipe, note le rapport, est promu par des formations offertes aux enseignants.

La construction européenne se fera-t-elle aussi par l’harmonisation des statuts du métier d’enseignant et l’enrichissement de son rôle, particulièrement en matière de travail collectif ?

Ce qui caractérise ainsi l’exception française, c’est que le cadre de la prescription a été maintenu, là où il a évolué plus souplement, plus réactivement, plus ouvertement partout ailleurs, même si les situations sont diverses. Nous pouvons défendre une certaine spécificité à la française, mais nous serions coupables de rester aveugles à ce que nos élèves doivent faire, et par conséquent, à ce que nous devons faire pour qu’ils fassent….

Soyons attentifs à cinq points, et relions-les sans attendre !

Ainsi, réveillons Orphée, revenons à la Lumière, comme à la fin du roman picaresque de Jules Verne, accueillons la complexité du métier et la modernité de notre profession, dans une intelligence de la prescription faite nouvellement en janvier 2007[8] (dix compétences du métier) en insistant sur quelques points d’inflexion, non tant des textes que des pratiques, dont Perrenoud disait qu’elles constituent cette révolution du 3ème type, la plus efficace car la plus durable, mais la moins évidente.

Voici donc cinq points d’inflexion du métier pour les vingt prochaines années, à construire dès la formation initiale et à organiser dans les services déconcentrés

n Une mobilité nécessaire : c’est bien une question de management qui vaut pour tous les cadres, et non pour les enseignants ? La mobilité est source de fertilisation croisée, de décalage formatif et de santé mentale et intellectuelle ; non pas forcément, dans les mêmes termes que les personnels militaires, mais sur des rythmes plus formatifs, tels que 7 ans par exemple, c’est-à-dire le cycle de « vie » des connaissances et savoirs professionnels. La mobilité peut être certes géographique, mais aussi, dans une même aire, de niveau, de degré, de discipline, d’équipes. Bref, un peu de souplesse organisée éviterait bien des situations enkystées et problématiques non pour les enseignants que pour les élèves eux-mêmes !

n Une prise en compte des compétences et du parcours de formation : obligation, responsabilité, variété, continuité, ouverture – la mobilité serait bien facilitée par la valorisation des étapes, expériences et savoirs dégagées ; le parcours professionnel est un parcours de formation tout au long de la vie. Alors que la VAE agit dans tous les autres corps de métier, rien n’existe encore dans l’enseignement. Rien n’est fait pour que les personnels s’impliquent à évoluer, à bouger, à capitaliser. Là aussi, peu de choses suffirait à déclencher beaucoup. Le regard porté sur les compétences, l’attention des cadres portée à la formation continue, l’accompagnement à l’évaluation seraient des facteurs producteurs de performances à la mesure de la richesse du tissu humain de la profession. Mais qui le sait ?

n Un travail d’équipe, valorisé et supporté : injonction totalement paradoxale que le voir inscrit partout dans les textes et jamais appliqué dans la formation initiale et continue ! La performance individuelle, et toute discipline, prime tout autre aspect relégué à des abysses très secondaires ; là encore, peu de choses suffiraient à inverser le processus ; organiser des groupes de travail en formation, évaluer la performance collective au concours, favoriser explicitement les équipes dans l’emploi du temps et les services, tout cela ne tient pas des textes institutionnels, mais bien des pratiques, et derrière elles, des valeurs en jeu. Actuellement, on joue au tennis sur un terrain de football ! Qui gagne, à votre avis ?

n Un temps professionnel enrichi et intéressant pour l’élève et pour l’enseignant : l’Ecole n’a pas encore fait sa révolution en restant figée à l’ère tayloriste et ultra-libérale de la décomposition du temps et de l’émiettement des savoirs. Ce type d’organisation valables pour une petite partie des élèves n’est pas pertinente pour tous les élèves ; c’est bien en observation les lycées professionnels qui réussissent comme aussi les structures pour décrocheurs que l’on voit se transformer l’organisation du temps scolaire : longues plages de travail, activités menées à bien, travail d’équipe, évaluations différées et validantes, capitalisation des savoirs. Tous les acteurs de ce système ont à gagner pour une réflexion qui ne peut se faire que … localement. Aniko Husti l’a bien montré dans les expérimentations sur le « temps mobile ». Penser global, agir local !

n Une évaluation régulière et partagée : dans nos académies, dans certaines disciplines, il se trouve des enseignants qui n’ont pas vu un inspecteur dans leur classe depuis … 25 ans. Comment régulent-ils alors leurs pratiques pour survivre ? Après tout, ils vivent même très bien en ayant construit pas à pas des systèmes de dérivation et d’approfondissement professionnel ; ce qui était impensable ou difficile encore il y a quelques années, s’avère tout à fait réaliste à présent : la vie des disciplines, en listes de diffusion, sites en réseau, associations professionnelles, permet, si l’on y prend garde, un processus de formation continuée et d’actualisation de ses pratiques tout à fait remarquable. Ce qui manque certes, c’est la régularité et la proximité du conseil pédagogique, tel que l’on trouve dans le premier degré, très efficace et bienveillant. Ces approches plus collectives, plus professionnelles, plus partagées dans l’analyse que dans la prescription sont bien plus pertinentes et porteuses d’évolution que la pure inspection individuelle. Un entretien bien mené et ritualisé avec son chef d’établissement construit chacun de deux acteurs, plus sûrement que son absence totale et surréaliste dans notre contexte professionnel actuel. Pour filer la métaphore sportive, on joue au football avec un gardien de but « en aveugle ».

n Des possibilités de bifurcation et de seconde carrière : ceux qui ont des proches, conjoints, mais aussi grands enfants le mesurent : mobilité, souplesse, variété, diversité, changement, adaptation, sont des caractéristiques professionnelles qui touchent tous les domaines ; c’est vrai pour nos classes au quotidien Et les enseignants seraient encore une fois les seuls à ne pas connaître d’évolution professionnelle. La profession peut être vécue comme une impasse, faute de pouvoir identifier et faire reconnaître les compétences rares qu’elle peut développer chez ceux qui l’ont « habité ». De la même façon qu’il est intéressant que des personnels arrivent à l’enseignement en milieu de carrière, de même, certains devraient plus facilement partir pour le bien de tous, et de la société ! Des initiatives tels que l’association Aidoprofs[9] sont à faire connaître assurément auprès des collègues.

NOTA BENE : Le jeu de cet exercice sur la commission Pochard nous a forcé à tenter une analyse plus sectorielle. Cependant. « on n’a pas raison tout seul ! » ; on ne peut inviter au changement des pratiques sans penser « systémique », en envisageant l’accroissement de responsabilité de l’établissement, l’évolution nécessaire de l’accompagnement, la formation des cadres par exemple. Réforme de troisième type, vous dis-je.


[2] http://www.education.gouv.fr/cid20894/remise-du-rapport-sur-la-redefinition-du-metier-d-enseignant.html

[3] Je vous propose une liste forcément sélective et subjective, mais c’est un bon commencement:

François Perret, Doyen de l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) , Hervé Hamon, Jean-Marc Monteil , Jacques Lesourne, Philippe Meirieu, Claude Thélot , Jean-Pierre Obin. Il nous faut juste … un peu de temps pour regarder, écouter, méditer . http://winmedia.axime.com/MENESR/education.gouv.fr/actu/2007_11_perret.mpeg

[4] Alfred Wegener est un astronome et météorologue allemand, principalement connu pour sa théorie de la dérive des continents publiée en 1915.

[5] Voyage au centre de la Terre est un roman de science-fiction, écrit en 1864 par Jules Verne. Ayant découvert un manuscrit runique ancien, un savant, son neveu et leur guide entreprennent un voyage vers le centre de la Terre en y entrant par un volcan islandais éteint. Comme à l’habitude de Jules Verne, le roman est un habile mélange de données scientifiques, d’extrapolations osées et d’aventure. L’introduction du roman reflète l’engouement d’alors pour une science jeune, la cryptologie. La suite enchaîne une description de l’Islande de la fin du XIXème siècle, puis une vaste introduction à deux autres sciences en plein essor, la paléontologie et la géologie. L’intégrale du roman peut être écouté en mp3 sur http://www.litteratureaudio.com/index.php/2007/07/17/jules-verne-voyage-au-centre-de-la-terre/ . On complétera utilement l’hommage par l’analyse des dimensions de l’espace et du temps dans le roman proposée par Lionel Dupuy http://pagesperso-orange.fr/jules-verne/CIEH2.htm .

[6] Extrait d’un air d’ Orphée et Eurydice, Tragédie-opéra en trois actes de Christoph Willibald Gluck, Livret français de Pierre-Louis Moline d’après le livret italien de Ranieri de’ Calzabigi, 1774

[7] Sur http://www.eurydice.org/Documents/KeyTopics3/fr/FrameSet3.htm

[8] Ce texte a permis de donner le cadre et les références du « Cahier des charges de la formation initiale », paru au Bulletin officiel le1er janvier 2007. Vous pouvez le retrouver dans son intégralité sur la page www.education.gouv.fr/bo/2007/1/MENS0603181A.htm

– agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable ; – maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer ; – maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale ; – concevoir et mettre en oeuvre son enseignement ; – organiser le travail de la classe ; – prendre en compte la diversité des élèves ; – évaluer les élèves ; – maîtriser les technologies de l’information et de la communication ; – travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ; – se former et innover.

[9] http://www1.planeteafrique.com/AideAuxProfs/index.asp?affiche=Accueil.asp

Les « gros mots » de la formation en éducation

A l’issue d’un parcours formatif de quelques mois et de quatre jours en présence, un groupe de formateurs du 1er degré, rassemblant directeurs/trices d’écoles, des IMF et des conseillers pédagogiques à Paris, fait son plein de « gros mots » ; Dominique Cantillon s’est chargé de relever tous ces concepts qui, évoqués ou reconnus lors de nos échanges, travaillent les représentations et nos pratiques. Un petit tour lexicographique, historique ou culturelle nous permet d’enraciner des mots qui, s’ils paraissent « nouveaux » dans le domaine de la formation, s’ancrent bien dans notre patrimoine culturel et tout professionnel.

Andragogie :

Science et pratique de l’aide éducative à l’apprentissage, pour les adultes, hommes et femmes.

Didact. (surtout au Canada)

Blasonner :

– 1. Peindre (les armoiries) avec les couleurs, les figures… qui conviennent.

– 2. Décrire, expliquer (les armoiries) selon les règles du blason.

-II. Fig.

– 1. Vx. Dépeindre, célébrer par un blason (II.).

– 2. Mod. et littér. (Iron.). Railler, se moquer de.

Blason (1505, «éloge»). Littér. Poésie décrivant de manière détaillée, sur le mode de l’éloge ou de la satire, les caractères et qualités (d’un être ou d’un objet). Le Blason du sourcil, de Maurice Scève. Les blasons du corps féminin. Célébrer sa dame en un blason. Le blason, genre littéraire très en vogue au XVIe siècle.

Compétence :

1. (1596). Dr. Aptitude reconnue légalement à une autorité publique de faire tel ou tel acte dans des conditions déterminées. – Attribution, autorité, pouvoir, qualité. La compétence d’un préfet, d’un maire, d’un recteur d’Académie. Étendue, domaine d’une compétence. – Ressort. être de la compétence de qqn.

– 2. (1690). Cour. Connaissance approfondie, habileté reconnue qui confère le droit de juger ou de décider en certaines matières. – Art, capacité, qualité, science. Faire appel aux grandes compétences d’un homme

– 3. Ling. (angl. competence, Chomsky). Système fondé par les règles (- Grammaire, 2.) et les éléments auxquels ces règles s’appliquent (lexique), intégré par l’usager d’une langue naturelle et qui lui permet de former un nombre indéfini de phrases «grammaticales» dans cette langue et de comprendre des phrases jamais entendues. La compétence est une virtualité dont l’actualisation (par la parole ou l’écriture) constitue la «performance». Acquérir la compétence d’une langue. – Compétence lexicale. – Par ext. Compétence culturelle, idéologique, etc. : maîtrise des systèmes de référence sociaux (par un individu).

Congruence :

1. Vx ou littér. Fait de convenir, d’être adapté.

2. (1771). Math. Égalité de figures géométriques (dites congruentes).

– 3. (1845). Math. Caractère de deux nombres congrus.).

Expert :

-I. Adj. (V. 1355). Qui a acquis par l’expérience, par la pratique, une grande habileté.

-II. N. m. – 2. [a] (Mil. XVIIIe). Dr. Personne choisie pour ses connaissances techniques et chargée de faire, en vue de la solution d’un procès, des examens, constatations ou appréciations de fait.

[b] Appos. (V. 1970). Inform. Anglic. Système expert : programme d’intelligence artificielle fondé sur des raisonnements heuristiques, à partir d’un grand nombre de connaissances fournies par des spécialistes sur un domaine limité.

Impact :

– 1. Rare (sauf dans point d’impact). POINT D’IMPACT : collision, heurt; endroit où le projectile vient frapper, et, par ext., trace qu’il laisse. Relever les points d’impact du tir d’une batterie.

– 2. (V. 1965). Fig. Effet d’une action forte, brutale. L’impact de la nouvelle a été terrible. Effet, influence (emploi critiqué). «L’impact de la recherche sur le développement économique» (le Monde, 31 déc. 1968). L’impact de la publicité, de la propagande. Impact psychologique, technique. Avoir de l’impact, un impact. Force d’impact. Psychol. Impact d’un test psychologique, ce qu’il révèle.

Ingénierie :

– Techn., didact. Étude globale d’un projet industriel sous tous ses aspects (techniques, économiques, financiers, sociaux), coordonnant les études particulières des spécialistes. Un directeur de recherche et d’ingénierie.

Par ext., sc. Discipline d’applications scientifiques correspondant à un domaine de connaissance en science pure.

Isomorphisme :

1. Chim. Propriété que possèdent deux ou plusieurs corps de constitution chimique analogue d’avoir des formes cristallines voisines.

2. (1960; isomorphie, 1948). Math. Morphisme dont l’application est bijective.

3. (XXe). Ling. Relation entre deux langues qui ont les mêmes structures, ou entre deux structures sémantiques d’ordre différent présentant des relations combinatoires identiques.

– 4. Didact. Relation entre deux structures isomorphes, dans quelque domaine que ce soit.

Négocier :

1. Vieilli. Faire du négoce, du commerce.

2. Agir auprès de qqn en faveur d’un tiers (- Intervenir); mener une négociation.

II. V. tr.

1. Établir, régler (un accord) entre deux parties.

2. Transmettre à un tiers (un effet de commerce, une valeur mobilière).

– 3. (1927; calqué de l’angl. to negociate a curve). Sport autom. Négocier un virage, manœuvrer de manière à bien le prendre, à grande vitesse.

Posture :

1. Didact. Attitude particulière du corps (- Attitude, maintien, position). Cour. Attitude peu naturelle, ou position inattendue, choquante, indécente. – Contenance. Posture comique, immodeste, obscène.

– 2. Fig. (Vieilli ou littér.). Situation d’une personne (par rapport à l’opinion). – Condition, position, situation (vieilli ou littér.). – Surtout en loc. : dans une posture (vx); en posture (mod.).

Q-sort :

La technique du Q. Sort – technique de Tri (Sort) Qualitatif (Q.) – a été proposée par W. STEPHENSON, statisticien américain, en tant que nouvel instrument de recueil d’informations permettant de récolter, plus finement que les questionnaires ou les échelles d’attitudes, des appréciations subjectives et des réflexions personnelles.

TROIS OBJECTIFS POSSIBLES
La caractéristique principale du Q Sort en tant que technique est de pouvoir s’adapter – après quelques modifications – à une large variété de situations et d’objectifs.

1) OBJECTIF D’ENQUETE : elle permet, dans ce premier usage, de recueillir, dans des conditions supérieures de fiabilité, des positions subjectives qui émanent d’une véritable réflexion personnelle et ce, dans des conditions particulièrement favorables à la libre expression. Les réponses individuelles obtenues peuvent ensuite être traitées selon des méthodes statistiques classiques.

Il s’agit, dans cette perspective, de proposer à des individus pris isolément ou réunis en groupe, de classer -de façon exhaustive ou partielle – l’ensemble des items du Q. Sort. Ce classement s’effectue généralement selon une échelle qui va de l’adhésion la plus forte au rejet le plus catégorique.

2) OBJECTIF DE FORMATION : dans le cadre d’une formation, le Q. Sort peut avoir une double fonction : d’une part, il permet de saisir, à un moment donné, une image des représentations présentes au sein d’un groupe ; d’autre part, il mobilise la réflexion et entraîne progressivement des modifications dans ces représentations.

Deux modalités d’utilisation sont envisageables dans ce cas:

– on peut demander à chaque participant de choisir, par exemple, deux affirmations avec lesquelles il se sent totalement en accord et deux autres qu’il rejette fortement; puis, en une seconde phase, faire un tour de table au cours duquel chacun présente aux autres ses choix personnels ainsi que les arguments qui les étayent.

– il est également possible d’inviter à un travail en sous-groupes ayant pour objectif l’harmonisation des points de vue, la description des accords et des désaccords ou la formulation d’une proposition qui serait consensuelle.

3) OBJECTIF D’ACTION : Le Q.Sort est un instrument de diversification des points de vue ou des angles d’attaque d’un problème, d’une situation ou d’une notion. Il peut, par conséquent, être tout à fait utile dans le cadre de réunions à visée de confrontation d’idées, de résolution de problèmes ou même d’évaluation de l’action.

La réunion, au lieu de s’engluer dans d’éternelles guerres de tranchée entre les partisans d’une approche et les défenseurs de l’approche antagoniste, pourra alors prendre appui sur un inventaire composite des positions de chacun et éviter ainsi les bipolarisations stériles.

Régulation

1. Vieilli. Action de régler, de mettre au point un appareil.

2. Fait d’agir sur un système complexe et d’en coordonner les actions en vue d’obtenir un fonctionnement correct et régulier; processus par lequel un mécanisme ou un organisme se maintient dans un certain équilibre, conserve un régime déterminé ou modifie son fonctionnement de manière à s’adapter aux circonstances.

3. Fait de régler, de rendre conforme à une norme, à des régularités.

– 4. Embryol. Caractère que présentent les premières cellules de l’embryon de réparer, dans une certaine mesure, les lacunes qui auraient dû résulter de l’absence de certaines d’entre elles.

Ressource :

1. «Espérance ou moyen de se rétablir, quand on a fait une perte» (Furetière, 1690); ce qui peut améliorer une situation fâcheuse.

2. (Fin XVIe). Moyens pécuniaires, moyens matériels d’existence*.

3. (XVIIe). [a] Plur. Forces psychiques, possibilités d’action qui peuvent être mises en oeuvre, le cas échéant. [b] Loc. Techn. (Au sing.). «Ce cheval a de la ressource» (Littré), il est encore capable d’un effort après une course, une fatigue.

4. (Fin XVIIIe). Au plur. Moyens matériels (hommes, réserves d’énergie, etc.) dont dispose ou peut disposer une collectivité.

– 5. (1920). Techn. (Au sing.). Évolution d’un avion lorsque la force centrifuge reste constamment dans son plan de symétrie; sa faculté de reprendre de l’altitude par cette évolution.

Sérendipité :

Bien souvent la sérendipité est donnée comme synonyme de la chance, de fortuité, de coïncidence ou de hasard. La sérendipité est aussi l’œuvre de l’action humaine. Dans son approche moderne, et particulièrement dans les laboratoires, la notion de hasard a complètement disparu dans l’attribution des caractéristiques de la sérendipité, remplacée par la sérendipité expérimentale ou procédure d’essais et erreurs.

André Tricot, spécialiste de psychologie cognitive, met en avant « la prise de conscience du besoin d’information ». Il s’interroge sur les conditions et les facteurs qui poussent au besoin d’information. Pour que le processus de sérendipité se mette en place, il est nécessaire que l’acteur humain ait des connaissances préalables (méta-connaissances) et qu’il ressente une insatisfaction cognitive, c’est-à-dire qu’il doute sur le choix de sa décision. A. Fergusson, dans un article paru dans la revue Forbes en 1999, se réjouit de l’avancée des technologies, dont internet, fournissant de plus en plus d’informations. Toutefois, il met en garde sur les choix que tout individu doit réaliser. Le problème n’est pas tant ce que l’on cherche ou ce que l’on trouve mais la façon ou les chemins qui nous mènent à cette découverte. La recherche par sérendipité nous permet de prendre conscience des itinéraires pas nécessairement linéaires pour trouver une solution.

Systémique :

1. Adj. Qui se rapporte à un système dans son ensemble ou qui l’affecte.

2. Relatif à la circulation sanguine générale.

– 3. N. f. La systémique : technique des systèmes complexes.

La chaise en pédagogie et en formation, mythe ou réalités ?

On a pu évoquer à propos de pratiques routinière de l’enseignant la « pédagogie de la chaise », pour qualifier un style de conduite de classe, sans déplacement, sans présence directe auprès des élèves, dans une situation où tout passe par l’oralité d’un message descendant.

La chaise, c’est le pouvoir !

De fait, l’inspiration statique de l’enseignement vient de loin ! Sans être un Deux ex machina, l’enseignant puise une partie de son imaginaire professionnel dans un enseignement « ex cathedra », ainsi l’on peut qualifier le cours magistral, de « magister », celui du maître.

La chaise renvoie à des pratiques symboliques de la monstration du pouvoir historiquement et socialement situé. Le trône de l’Empereur auguste, celui que l’Occident connaît sous le vocable de « trône de Charlemagne » à Aix la Chapelle, est à l’emplacement stratégique entre Terre et Ciel, véritable médiation du pouvoir théocratique.

Chaque église cathédrale, dans chaque cité médiévale, de notre Occident chrétien, dispose en son chœur de la cathèdre de l’évêque : de ce lieu de pouvoir, il y rendait la justice et prodiguait le message de la foi. Les mosquées de l’Espagne musulmane connaissent l’équivalent.

Il est aisé de comprendre que les enseignements, prodigués alors sous l’égide ecclésiastique, s’inspirèrent directement de ce modèle d’exercice : l’Université médiévale nous livre quelques enluminures où le maître « professe » , c’est-à-dire qu’il porte la Parole, la Connaissance à ses élèves.

Cette hiérarchie matérielle et toute symbolique se retrouva dans la vie civile et domestique, ainsi que le restitue la « chambre » médiévale recréée au Musée des arts décoratifs à Paris, où l’on voit la cathédre, le banc et le tabouret. L’objet situe son « propriétaire » et lui confère un rang, même dans la vie familiale.

La chaise, un concept philosophique de la formation

Souvent encore une pratique dominante, surtout dans les degrés élevés de la pyramide de formation ou dans les situations de conférence.
Effectuée par un cerveau « vierge » et toujours disponible, l’acquisition d’un savoir est le résultat direct d’une transmission. Dans l’enseignement, c’est la routinière présentation des données, illustrées ou non.

Cette pédagogie « magistrale », « frontale » suppose une relation linéaire et directe entre un émetteur  » (enseignant, journaliste), détenteur d’un savoir et un récepteur (élève ou grand public) qui mémorise successivement des messages.

La pédagogie du cours magistral prend appui sur les travaux du philosophe anglais John LOCKE (Essai sur l’entendement humain, 1693): il présente l’idée révolutionnaire pour l’époque que nos images, nos pensées sont le fruit de notre seule expérience. Contrairement aux rationalistes, qui ne jurent que par la croyance en une raison innée, le cerveau est pour lui une tabula rasa, c’est à dire un « tableau vierge » ou une pièce sans meubles. Le rôle du maître est d’exposer clairement, de montrer avec conviction, éventuellement de répéter.

La chaise, modèle unique de dispension du savoir

Ce modèle a obtenu un quasi-monopole à l’école, à l’université et dans toutes les formes de médiation. Il est vrai que cette conception de l’apprendre peut être très efficace…

Cependant, le résultat de son emploi s’avère féroce: le message n’est entendu que s’il est attendu ! En d’autres termes, l’apprenant et le médiateur doivent se poser le même type de question, avoir le même cadre de référence (vocabulaire compris) et une façon identique de raisonner.

Encore faut-il qu’ils aient en plus le même projet et qu’ils donnent le même sens aux choses. Quand tous ces ingrédients sont réunis, un exposé, une présentation est le meilleur moyen de faire passer le maximum d’informations dans le minimum de temps.

Une invitation à la diversification des chaises

Nous vivons une mutation d’âge, un sociologue écrit que nous sommes passés de l’ère quaternaire à l’ère quinternaire. Je symbolise ce changement d’une autre manière, symbolique qui se rapporte à la nature des relations entre un décideur et l’ensemble des autres personnes d’une entreprise. Nous passons d’une époque dominée par les modèles des empires des mers, ce que Fernand Braudel a appelé «l’ère thalassocratique», à une époque «aérocratique». Les États qui possédaient une marine, dominaient le monde ; les empires coloniaux étaient d’abord des puissances maritimes.

L’expansion du 19ème siècle a vu les usages maritimes s’inclure, consciemment ou inconsciemment, dans le fonctionnement de l’organisation sociale. C’est-à-dire, un seul maître à bord, ses décisions sont immédiatement exécutées par une foule d’interprètes, il n’y a pas de communication réciproque. Le maniement de la lunette, du porte-voix, du sextant est réservé, par conséquent c’est une direction sans retour possible, sans feed-back. Ce modèle s’est déplacé dans le système taylorien, la division entre ceux qui savent et décident, et entre ceux qui exécutent, nombreux, séparés et surveillés.

C’est le rêve panoptique de Bentham : une surveillance constante de chacun, par la vue, le sens de l’ouïe étant délaissé, l’oreille ne sert qu’à entendre l’ordre et non à écouter. Ce modèle a construit la fin du 19ème siècle et très largement le 20ème siècle, et c’est ce modèle qui demeure dominant, avec les résultats qu’on lui connaît. (…)

Warren Benis, compagnon de Kurt Lewin dans la création de la dynamique de groupe, disait que nous sommes entrés dans l’époque de la succession accélérée des systèmes sociaux temporaires. Il faut le vivre, ce qui suppose des enseignants qui ne soient pas ritualisés, rigides, compassés ; ce qui suppose des structures de travail autres que celles des cours en amphithéâtre, ou des travaux dirigés. Les chefs d’entreprise nous demandent, et ils ont raison, de préparer des individus qui s’adaptent aux changements incessants.

Mais, cette souplesse évolutive, cette rapidité n’est pas constituée chez les jeunes, ils sont très «popotes», conditionnés par les manières de travailler, et les routines qui s’établissent. Pour vivre cette époque de changements accélérés, il faut de l’activité, du dynamisme, de la joie d’être, d’apprendre, d’enseigner…

La chaise, un concept pour un atelier créatif

A l’occasion d’une formation de formateurs du 1er degré (directeurs d’école, conseillers pédagogiques, IMF) à Paris en février 2008, nous avons pu bénéficier de l’accueil et de l’encadrement expert du service pédagogique du Musée des arts décoratifs (107, rue de Rivoli).

Consacré à la diversification des pratiques de formation, le temps de travail a été enrichi d’abord par une visite très sélective des collections du musée sur le thème de la « chaise » : un parcours étonnant qui par un objet du quotidien, somme toute fonctionnelle, a pu faire entrer dans l’histoire, mais aussi dans les techniques et dans les usages sociaux, politiques et artistiques, les personnels.

Nous avons testé l’atelier créatif où il s’est agi de partir de quatre matériaux de base pour retrouver le concept de « chaise ». Fil de fer, planche de mousse expansée, plastique semi-rigide et papier ont tourné dans les mains de nos formateurs.

Les résultats sont tout à fait étonnants…. De diversité, de créativité et d’invention, mais aussi de ratages prolifiques.

Ou comment partir d’un contenu conceptuel et complexe, et enrichi de quelques connaissances éclairantes sur les types et usages, l’on s’essaie à la transposition et à l’expérimentation.

Il a été tout aussi intéressant d’échanger avec la responsable du service, Isabelle Grassart, sur sa recherche de dispositifs et solutions efficaces pour faciliter l’accès à la connaissance des publics scolaires, enseignants et élèves, tous niveaux confondus.

Elle nous a parlé somme toute de pédagogies nécessairement diversifiées, mais aussi de différenciation, de transposition didactique et de conduite de projet. Notre métier en un résumé très inattendu et fertile en réflexions sur soi.

Expérimenter, un concept et des pratiques ailleurs que « chez nous »

Il nous a paru intéressant, voire parfois ressourçant, d’aller consulter ailleurs que dans notre monde éducatif francophone ce que pouvait recouvrir le mot « expérimenter ». Pratique sociale, sens caché, démarche scientifique. Découvrons ces différentes acceptions et ne retenons ensemble que les différents éléments qui peuvent nous éclairer dans notre réflexion comme pour nos pratiques enseignantes.


« Il est évident pourtant que, comme l’observation, l’expérimentation plonge ses racines dans des conduites très anciennement présentes dans l’espèce humaine, sans lesquelles nombre d’acquis décisifs de l’évolution culturelle seraient impensables. L’émergence et le développement des techniques artisanales supposent une exploration expérimentale du réel. C’est dans l’artisanat, dans les progrès de la technologie empirique que les historiens de la science repèrent aujourd’hui les origines de la méthode expérimentale comme instrument de choix de la vérification scientifique. Elle n’est pas issue du discours philosophique, savant, mais est venue le féconder de l’extérieur. Le discours savant s’en était tenu à l’observation raisonnée – avec des succès remarquables tels que les connaissances astronomiques des civilisations anciennes – avec le risque de laisser aller les spéculations verbales sans les soumettre sans cesse à l’épreuve de la réalité, en se satisfaisant de leur cohérence logique.

Or il ne suffit pas qu’un discours soit logique pour être en accord avec le réel qu’il prétend cerner. Une confiance excessive dans les vertus du verbe, confiance qui remonte peut-être aux pratiques magiques – nommer c’est posséder, ou dominer -, a fait longtemps obstacle au contrôle expérimental, qui implique que l’on tourne le dos au discours, pour agir sur les choses et le mettre par là en question. La valorisation du raisonnement verbal se trouvait encore accentuée par la soumission à l’autorité des maîtres du passé, sans égard pour les démentis que les faits pourraient infliger à leur façon de voir.

On connaît l’anecdote de cette assemblée de moines savants qui s’interrogèrent un jour sur le nombre de dents du cheval. Ils répartirent l’examen des sources les plus prestigieuses, qui se plongeant dans Aristote, qui dans Platon, qui dans saint Augustin, qui dans l’Ecriture sainte. Toutes ces recherches furent vaines, ils n’y trouvèrent pas de réponse à leur question, et la proclamèrent donc insoluble. Aucun d’eux ne songea à aller aux écuries, à ouvrir la bouche d’un cheval et à y compter les dents. L’histoire est caricaturale, et un peu injuste sans doute pour ses héros, mais elle illustre bien une attitude qui a entravé le recours à l’expérimentation. »

http://www.yrub.com/psycho/methexperimentation.htm, ATRIUM, les méthodes en psychologie


Pour les forces armées canadiennes, comment organiser innovation et expérimentation

un processus itératif de rassemblement, de développement et d’exploration de concepts pour dégager et recommander les meilleures solutions à valeur ajoutée en vue d’effectuer des changements en DOEMLP (doctrine, organisation, entraînement, matériel, leadership et personnel) nécessaires à l’accomplissement d’un progrès significatif dans les futures capacités opérationnelles interforces.

http://www.journal.forces.gc.ca/frgraph/Vol1/no2/pdf/63-70_f.pdf, revue militaire canadienne, été 2000


L’expérimentation, un nouveau mode de création législative
Vanessa Perrocheau L’expérimentation sanitaire et sociale (collectif) Revue Française des Affaires Sociales , 2000, 54 (1), pp. 1-163

Si a priori, la méthode expérimentale s’oppose en tout point avec notre conception traditionnelle de la loi, nous assistons pourtant aujourd’hui à l’introduction de cette méthode au sein de notre processus de création législative par le biais des lois expérimentales. La spécificité de ces lois à l’essai dérogeant au droit commun réside en deux caractéristiques : il s’agit d’une législation d’application limitée d’un point de vue temporel et/ou sectoriel, une évaluation de leurs résultats est prévue ab initio. Le recours à l’expérimentation législative n’est pas anodin. Susceptibles de porter atteinte au principe d’égalité de tous devant la loi, les lois expérimentales font l’objet d’un encadrement jurisprudentiel. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État tout en admettant la validité des lois expérimentales partielles temporaires, si tant est qu’elles respectent certaines conditions strictes, semblent s’opposer à la mise en vigueur de lois à l’essai partielles non assorties d’une durée limitée. Nonobstant cet encadrement, des dérives dans l’utilisation de ce type de loi restent possibles. Ainsi, il n’est pas rare que les résultats de l’évaluation ne soient pas pris en compte par le législateur. En outre, l’expérimentation est parfois détournée de sa finalité, le législateur n’ayant aucune réelle volonté expérimentale. Néanmoins, utilisée à bon escient, l’expérimentation législative peut être un moyen d’aboutir à la promulgation de lois plus pérennes puisque mieux adaptées à leur objet.


L’expérimentation dans le domaine social et sanitaire. De Claude Bernard à Raymond Soubie
Claude Huriet L’expérimentation sanitaire et sociale (collectif) Revue Française des Affaires Sociales , 2000, 54 (1), pp. 1-163

L’idée de l’expérimentation dans les domaines médical et social est « dans l’air » depuis près de quinze ans ; les textes législatifs – non seulement l’autorisent – mais y incitent, et pourtant le bilan que l’on peut établir est plutôt mince. C’est d’autant plus regrettable que, sous peine d’être une démarche purement « statique », le développement de l’évaluation gagnerait à s’appuyer sur des expériences diverses, « dynamique », et par là même, enrichissantes puisqu’elles permettraient de définir des voies ou des organisations nouvelles en limitant le risque de déboires ou d’échecs. Pourquoi l’expérimentation ne connaît-elle pas le succès attendu ? Un premier élément majeur tient à la culture française de sacralisation de la loi et à sa portée uniformatrice. Cette tradition française a aussi pour corollaire une faiblesse de l’évaluation. D’autres facteurs expliquent en outre la frilosité de la démarche expérimentale : la complexité des textes qui autorisent celle-ci, l’organisation très hiérarchisée de ce secteur, le manque d’une « culture » et d’une méthodologie de la recherche expérimentale sont aussi autant de freins à l’innovation. Il importe que le « droit à l’expérimentation » soit davantage encouragé, si l’on souhaite véritablement en faire un des moyens du changement dans notre système sanitaire et social.


En quoi consiste l’expérimentation française ?

Limiteur s’Adaptant à la VItessse Autorisée http://www.projet-lavia.com/

Si ce dispositif doit un jour se généraliser en France et en Europe, cela ne se fera pas à l’improviste et non sans en avoir fait, auparavant, une évaluation exhaustive.

Au-delà des choix techniques qui pourront toujours évoluer au fur et à mesure des progrès techniques, c’est l’ergonomie du système, son acceptabilité par les conducteurs et son influence sur les comportements de conduite qui constituent les principales préoccupations.

Seule une expérimentation d’une ampleur significative mettant les conducteurs en situation réelle permettra d’obtenir des résultats pertinents. Les chercheurs ont donc conçu un plan d’expérimentation faisant appel à des conducteurs volontaires.


Lier la théorie à l’expérience, c’est, en premier lieu, lier la science au monde des phénomènes, et réciproquement penser le monde comme totalité des phénomènes apparaissant à une subjectivité corporelle. Il faut bien noter qu’il s’agit d’une promotion radicale du monde sensible, qui accède à la dignité du statut d’objet connaissable, alors même qu’il nous est donné par l’expérience vécue comme mouvant, relatif à nous, multiforme. Constituer le monde des phénomènes comme seul objet d’une connaissance possible revient d’abord à poser derrière le vécu de la sensation l’objectivité d’un fait qu’on élève au statut de donnée observable dans la mesure où il est reproductible, donc accessible à d’autres — par un mouvement de résorption du perçu, qui pose sous la couche de l’expérience sensible empirique un réel transcendant l’expérience singulière. Le rapport entre vécu et fait, expérience et expérimentation, nous le montrerons, devra être pensé comme dialectisation de l’expérience elle-même. Cela revient du même coup à liquider la coupure antique entre contingence sublunaire et phénomènes célestes : en braquant sa lunette vers la Lune, Galilée ramène la totalité du monde au donné observable.

L’expérimentation ne procède pas de l’induction, dans la mesure où celle-ci généralise l’expérience empirique comme vécu. Elle ne prolonge pas l’expérience sensible, mais produit une expérience théorique.

L’expérience, comme observation immédiate, ne nous apprend rien. La naissance de l’expérimentation se constitue contre l’expérience immédiate. Le fait n’est pas donné, il est construit (Bachelard), il n’est pas donné empiriquement, mais construit théoriquement.

Ce que montre la capacité expérimentale d’une science, c’est la capacité non seulement de transformer une théorie en hypothèse, mais surtout de passer de l’hypothèse à la réalité presque tangible par le biais de l’expérimentation : l’activité scientifique produit du concret.

Certes, l’expérimentation de la science classique permet de modéliser des faits prédictibles et reproductibles dont les mesures confirment les attentes de la théorie. Sans doute, l’argument de Popper selon lequel l’expérimentation est une falsification, non une vérification semble éloigner un instant la question troublante de la nature de la réponse que nous offre l’expérimentation.

L’expérimentation devient une technique rationnelle de production de la preuve.

http://www.cerphi.net/lec/exp.htm


La psychologie cognitive est une science expérimentale qui privilégie l’observation contrôlée du comportement humain dans le but de construire des modèles du fonctionnement cognitif. Elle procède donc, comme toute discipline expérimentale, par un cycle récurrent « Modèle -> Hypothèses -> Expérimentation… ». Les modèles de la psychologie cognitive ont donc comme principal fondement l’expérimentation et sont essentiellement des modèles de dépendance entre variables expérimentales. Nous appellerons par la suite ces modèles des « modèles pour comprendre ».

http://tecfa.unige.ch/tecfa/publicat/mendel-papers/ste.html


On peut dire que l’on expérimente quand on contrôle une hypothèse en comparant ses conséquences prévisibles à des observations spécialement recueillies pour ça. L’expérimentateur sait, ou plutôt prévoit que, en modifiant une certaine condition de l’observation (= variable indépendante) il pourra constater telle autre modification dans le résultat de l’observation (= variable dépendante)

http://tecfa.unige.ch/tecfa/publicat/mendel-papers/ste.html