Le professeur finlandais nous interpelle.

Notre ouverture à l’Europe, à l’heure de la « présidence française de l’Union européenne », mais aussi les comparaisons internationales des systèmes éducatifs nous invitent à déporter notre regard ethno-centré sur l’ailleurs nordique.  La mise en chantier de notre « nouveau lycée » sous l’égide de J.P. de Gaudemard, prend quelques références explicites sur le lycée finlandais.

Il est alors intéressant de s’appuyer sur les notes d’études, parues en un livre chez ESF en 2008, de Paul Robert: « La Finlande, un modèle éducatif pour la France ? ». Ainsi, s’intéresser aux changements structurels, organisationnels, mais aussi sous-tendus par des principes éthiques qui doivent concerner nos enfants et nos élèves, c’est regarder de très prés les compétences des acteurs chargés de les mettre en place.

Ainsi, le professeur finlandais, d’après la faculté de Joensuu, se forme en six domaines, définis de la façon suivante:

Une guide vers l’apprentissage et la croissance personnelle

• il encourage la pensée personnelle de l’élève

•Il fait découvrir ce que c’est qu’apprendre

•Il encourage et évalue l’apprentissage

•Il accepte la responsabilité d’encourager l’apprentissage chez tous les apprenants

Un directeur d’activités d’apprentissage

•Il est responsable de la création d’une atmosphère de sécurité propice au travail

•Il construit des environnements d’apprentissage

•Il encourage différents styles d’apprentissage

Un inspirateur de valeurs

•Il aide les élèves à développer et à clarifier leurs valeurs

•Il encourage la construction par l’apprenant de sa propre vision du monde

•Il met en œuvre une citoyenneté active

•Il comprend l’influence sociétale de son propre travail

Un expert

•Il maîtrise la structure de la connaissance dans son domaine

•Il contrôle la construction du sujet d’étude et le développement des compétences

•Il aide les élèves à construire leurs connaissances et leurs compétences

•Il recherche, développe et évalue leurs activités

•Il s’approprie, communique et développe la culture

Une personne complète

•Il sait mener une conversation avec empathie

•Il encourage et apporte son aide

•Il intègre le concept de l’apprentissage tout au long de la vie

•Il connaît son propre potentiel et ses limites

•Il assume la responsabilité de ses propres sentiments

•Il est conscient de sa propre conception de la nature humaine

Un adulte réceptif et responsable

•Il travaille activement à la réalisation des buts communs de son établissement

•Il favorise la coopération

•Il est un modèle de compétences sociales et de savoir-faire

•Il s’emploie à faire de son établissement une organisation dédié à l’apprentissage (learning organization)

Ces familles de compétences sont à présent à rapprocher du nouveau référentiel des enseignants édité en janvier 2007, à l’occasion du « cahier des charges  » de la formation initiale, mais aussi de l’intégration des IUFM (ou dissolution ?) aux universités, et de la « masterisation » des enseignants en didactique.

Ce texte a permis de donner le cadre et les références du « Cahier des charges de la formation initiale », paru au Bulletin officiel le1er janvier 2007. Vous pouvez le retrouver dans son intégralité sur la page www.education.gouv.fr/bo/2007/1/MENS0603181A.htm

– agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable ;
– maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer ;
– maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale ;
– concevoir et mettre en oeuvre son enseignement ;
– organiser le travail de la classe ;
– prendre en compte la diversité des élèves ;
– évaluer les élèves ;
– maîtriser les technologies de l’information et de la communication ;
– travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ;
– se former et innover.

Ne serait-ce que ces deux évolutions, c’est déjà observer un antagonisme fort, une tension introduite dont on ne connait pas aujourd’hui la résolution. Sera-ce l’occasion de faire évoluer des masters en une professionnalisation de la formation, telle que l’a connu la formation initiale des enseignants d’EPS. Ce serait souhaitable.

Nous ne pouvons que constater des écarts et des creux entre la France et la Finlande, notamment sur l’approche fortement centrée sur l’élève et son développement personnel et social, sur les valeurs engagées. Il ne pourra suffire d’innover en proposant un lycée à la carte, fortement souhaitable en France, sans penser dans le même temps une formation actualisée et problématisée de ses enseignants. Saurons-nous le faire ensemble, et avec la sérennité nécessaire dans tout changement d’importance ?

L’innovation, comme « marqueur » de l’Ecole: la métaphore de Norbert Casteret

D’abord une belle histoire « nationale »: la Garonne est-elle française ? Oui, comment ose-t-on poser la question dans ce début de XXème siècle, au sortir de notre Grande Guerre, au parfum patriotique, teinté déjà de crise démographique, économique et sociale. Assurément. Pascal , raillant, était là pour nous rassurer: Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà. (Pensées V). La Garonne est définitivement française.

Il eut fallu l’obstination d’un homme du piémont, initié à l’art de la spéléologie qu’il fonda en même temps, Norbert CASTERET, pour bouleverser à la fois la vérité, nos représentations, le savoir académique. Comment a-t-il fait tout d’un coup ?

« De 1928 à 1931, menant plusieurs explorations de front, Norbert Casteret se livre à une étude détaillée du massif de la Maladeta, en Espagne, où se trouve, il en est très rapidement convaincu, la vraie source de la Garonne. Durant trois ans d’études et d’explorations dans ce massif, à plus de 2000 mètres d’altitude, seulement pénétrable durant les mois d’été, il étaye ses convictions et finit, dans une démonstration éclatante, à l’aide d’une très puissante expérience de coloration à la fluorescéine, par prouver au monde que c’était bien lui qui avait raison: la Garonne, fleuve français,  trouve sa source en Espagne.  » – En savoir plus: http://pagesperso-orange.fr/g.casteret/index.htm

C’est donc en versant un colorant dans un cours d’eau qui allant, s’engouffrant puis résurgeant, qu’il donna à voir le fonctionnement encore mystérieux du système hydraulique du cours de la Garonne. Ainsi, le colorant se révéla marqueur et preuve scientifique d’une complexité encore incomprise finalement il y a peu. C’était il y a 70 ans.

L’illustre exemple de la fluoresceine peut nous inspirer quelques transpositions dans notre domaine de l’éducation et de la formation. Pourrait-on considérer une « innovation » comme marqueur de notre système éducatif ? Est-ce que par exemple une pratique émergeante (et non résurgeante ?) observée sur site, telle que le débat à visée philosophique, ou encore l’approche « développement durable », agit tel un marqueur qui peut irriguer (ou non) les cours, parcours et détours de nos écoles, établissements, mais aussi formations, inspections et autres…. ? Et faire ainsi, à la manière de Casteret, tomber quelques frontières pensées comme barrières infranchissables il y a peu, comme des constructions de l’esprit et non des réalités vivantes toutes éducatives ?

La spéléologie est décidément une belle pratique, avec toutes les mesures de sécurité qui s’imposent, cela va de soi .

Points d’appui de l’enseignant, un détour métaphorique par l’architecture.

Les points d’appui ? Le point d’appui est nécessaire pour qu’on puisse appuyer sur sa solide consistance un levier dont on veut bénéficier de la force qu’il peut nous apporter pour renforcer notre action. Mais qu’est-ce que cette force ?

Toute pratique professionnelle, responsable, ne s’effectue pas au hasard. Mais elle doit se soutenir, pour réussir notamment  à intéresser des élèves et à soutenir leur intérêt attentif, leur possible « joie de connaître ». Il faut donc rechercher dans les motivations l’attente des élèves, par l’emploi de ressources choisies, des points d’appui de l’action d’enseignement : afin de rendre efficace l’énergie qui est mise en œuvre pour enseigner et former.

En toute activité humaine, au fait,  pourquoi a-t-on besoin de point d’appui et de tant de forces ?

Pour l’enseignant, la réalisation automatique d’un travail intellectuel est complètement abstraite, sans réalités humaines et scientifiques. L’action ne peut être efficace si elle ne prend pas appui sur des ressources imaginatives, des moyens analogiques.

Le principe des points d’appui a nourri les traités d’architectures depuis Vitruve ; les hommes ont constaté recherché les solutions techniques, puis technologiques pour élever plus haut et permettre de libérer un espace encore plus grand.

La technicité a été grande à la période dite gothique, en fait spécifiquement dans l’aire de la France « royale » : le « temps des cathédrales » à la manière de Duby a d’abord été le temps des audaces architecturales au service du pouvoir religieux.

La solution technique adoptée a consisté à reporter à l’extérieur toute l’armature de la construction, à évider en quelque sorte l’espace intérieur, pour en faire une nef renversée inondée de lumière. Pour cela, la multiplication des piliers-contreforts, renforcée par le poids des pinacles a permis par arc-boutant successifs de procéder à des élévations jusqu’alors jamais atteintes.

La maquette de la cathédrale de Notre-Dame de Paris permet de visualiser d’un coup d’œil combien le système piliers-arc-boutant constitue de fait un véritable exo-squelette, rendant solidaire tout l’édifice, en annulant les forces entre elles.
Notre-Dame de Paris / Notre Dame of Paris

Il est tout à fait amusant de rapprocher la cathédrale de la construction voisine sur la rive droite, mais de sept siècles postérieurs : le Centre Pompidou. Pour une vocation par ailleurs similaire, accueillir le plus grand nombre pour y célébrer d’autres cultes, celui de la culture et de l’art contemporain, les architectes ont retenu le principe médiéval de l’exo-squelette, en reportant à l’extérieur l’armature de fer et de verre, sans jamais la masquer… comme à Notre-Dame.

Pour nourrir notre propos, en le transposant à l’espace d’éducation et de formation que constitue la classe, pour l’appliquer au système professeur-groupe d’élèves, c’est donc en multipliant les points d’appui, de fonctions différentes mais complémentaires que l’enseignant peut s’assurer de libérer un espace vaste et clair, une déambulation sans contraintes et une vie durable pour tous.

Centre Beaubourg

Quels sont les arc-boutants, les pinacles que vous offrez à vos élèves de manière que les espaces de pensée soient les plus éclairés, les plus élevés ?

heuristiquement vôtre, un exemple la motivation

extrait de http://www.flickr.com/photos/23523449@N08/2240996789/

Que dit-on quand on dit « motivation »; voici une formalisation graphique en image ou « carte mentale » ou encore « carte heuristique ». C’est un réel travail de co-élaboration entre élèves et enseignant, que l’on peut utiliser avec des choses aussi variées que …. le latin, si, si. Un outil largement utilisé par les « Finlandais », alors.

A voir sur http://heuristiquement.blogspot.com/