Voyage à Genève

Quelle que soit la structure de formation, existante comme l’IUFM ou à créer, le débat porte bien sur l’efficacité du dispositif de formation, et bien sur les pratiques mises en oeuvre.

A cet égard, un petit livre passé inaperçu en 1999, quand les Mafpen disparaissaient et que les IUFM se trouvaient chargées d’une formation continue: la formation continue des enseignants est-elle utile ?,
MM. CAUTERMAN, L.DEMAILLY, S.SULLYS, N. BLIEZ-SULLEROT, coll. Education et formation, PUF, 1999
(CR sur le site DIVERSIFIER): trois facteurs apparaissent comme déterminants

1- L’effet –établissement, particulier sous deux aspects : la direction pédagogique et incitatrice du chef d’établissement, et la présence d’un travail collectif.
2-La démarche formative de type interactif-réflexif de formateurs-médiateurs
3-L’épistémologie du stagiaire, mêlant parcours professionnel, image de soi et son rapport au savoir professionnel.

Il y a de l’intérêt à prendre appui sur des réflexions approfondies et des pratiques déjà expérimentées. A GENEVE, l’école et les formateurs d’après PERRENOUD
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1999/1999_15.html

Quelques extraits sur les compétences nécessaires du formateur d’enseignant

le formateur aura intérêt à maîtriser tout ou partie des dispositifs suivants :
§ La pratique réflexive.
§ L’analyse des pratiques en groupe.
§ L’observation mutuelle.
§ Le questionnement et l’écoute des usagers.
§ L’écriture clinique.
§ La vidéoformation
§ L’entretien d’explicitation.
§ L’histoire de vie.
§ La simulation et les jeux de rôle.
§ L’expérimentation et l’expérience

(…)
La question de la formation d’enseignants masque un autre dilemme tout aussi important qui peut expliquer les querelles présentes dans la presse entre anciens et modernes; celle de la définition des compétences de l’enseignant.
A ce titre, il me semble qu’à côté de la trés récente et encore mal connue tentative de la DESCO datée du 1er janvier 2007 , il est intéressant de travailler sur la famille de 10 compétences listées par le même Perrenoud
http://agora.unige.ch/ctie/educateur/perrint.htm

1. Organiser et animer des situations d’apprentissage 2. Gérer la progression des apprentissages 3. Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation 4. Impliquer les élèves dans leur apprentissage et leur travail 5. Travailler en équipe 6. Participer à la gestion de l’école 7. Informer et impliquer les parents 8. Se servir des technologies nouvelles 9. Affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession 10. Gérer sa propre formation continue

ET AU QUEBEC
Un autre aspect du débat est la question de la formation en présentiel; il s’agit de penser la formation dans des développements alternatifs au simple mode traditionnel du cours au stagiaire, pour toutes sortes de raisons. L’internet s’y prête aussi (e-learning) en liaison avec un suivi plus individualisé. Une bonne expérience est mise en ligne par l’université de Québec: il ne s’agit pas à proprement parler de cours, mais bien de situations de formation qui invite l’étudiant, comme l’enseignant en situation, à la réflexion sur sa propre pratique et à la confrontation.
Un dispositif assez complet à analyser pour distinguer les savoirs à enseigner et les « savoirs pour enseigner ».
http://web2.uqat.uquebec.ca/forpro/plan_site.htm

Otium versus neg-otium : ou l’innovation dans le temps scolaire estival ?

La très récente décision de reconsidérer l’horaire de formation des élèves dans le premier degré (1), ou encore les travaux bien engagés par des équipes, pas assez nombreuses, sur le réaménagement du temps scolaires (2), le succès reconnu depuis de l’organisation tripartite au collège CLISTHENE à Bordeaux (3), des initiatives déjà très développées au niveau du lycée général, comme celle du lycée Sainte-Marie-du-Port aux Sables d’Olonne (4), tout ceci forme un faisceau suffisant pour illustrer que le temps devient (enfin) une variable de l’organisation pédagogique, comme d’autres plus classiques.

Le temps « bloqué » de notre organisation scolaire

Ces équipes ont encore besoin parfois de se mettre sous « couvert » de l’autorisation de l’article 34 de la loi de 2005 ; mais elles savent qu’en considérant le temps global avec une autre optique que celle utilisée, elles envisagent des améliorations conséquentes à tous points de vue : celui des résultats des élèves, celui de la vie dans l’établissement, celui de la vie professionnelle des enseignants ; ces équipes font le constat qu’on ne peut faire évoluer sa pratique de manière conséquente sans à un moment reconsidérer le cadre de l’organisation (espaces et temps scolaires) ; sinon, à vouloir maintenir et conserver, on arrive à des phénomènes de saturation des activités, des temps de travail.. et des esprits.

Notre temps moderne s’inscrit dans une rupture forte par rapport au temps de l’Histoire occidentale tel qu’il a pu être décompté ; les heures de 55 minutes de notre école, les 24 heures qui subdivisent notre journée de travail et qui permettent de compter le temps dû et le temps personnel sont finalement d’invention récente, à l’aune de notre civilisation.

Le Temps est une donnée sans doute biologique, mais sa lecture est historiquement datée, et socialement située. Deux exemples, loin de la « chose scolaire » (quoique), peuvent utilement nous éclairer, par transposition.

Les temps longs de la journée médiévale

Faut-il rappeler que pendant des siècles, les « heures » étaient d’abord scandées au rythme des neuf heures de la « laus perennis », qui couraient dans chaque centre monastique, de ce réseau qui constellait l’Europe chrétienne, au son des volées des cloches.

C’est assez tardivement que les heures de la ville s’imposèrent en contre-pouvoir, dans un « manifeste » architectural notamment des villes marchandes du Nord (les beffrois) ; l’heure de la bourgeoisie, plus comptable, subdivisa en unités plus petites un temps de longue durée ; avec des effets durables sur l’intensité du travail et l’apparition de la notion de productivité, et en contre-partie, un émiettement des tâches.

Notre rythme scolaire en est directement l’héritier. Ainsi, serait-il intéressant pour nos élèves comme pour nous-mêmes de revenir à un décompte à unités plus longues, sur une durée pourtant égale au total, qui permettent aux jeunes d’avoir un espace-temps plus propice à un travail plus approfondi et plus personnel, à la manière de la « maceratio » de nos clercs d’antan ?

La bipartition du temps de la latinité

Et si nous osions remonter encore plus loin dans notre temps occidental, nous observerions le temps antique, plus précisément le mode de vie des aristocrates de la latinité classique et tardive. Il était organisé en deux espaces-temps distincts mais complémentaires : un mode urbain et un mode rural, alternés et dédiés à des types d’activités. Le latin dispose d’un mot pour chacun d’eux : l’OTIUM, qu’on traduit trop mal par « loisirs », était réservé à un temps personnel, d’études, d’écriture et de vie domestique, dans la « pars agraria » des riches villa rurales.

Par opposition termes à termes, ce qui n’est pas l’Otium, le NEG-OTIUM, qui donna plus tard le terme de « négoce » (c’est dire…), concernait les temps de l’activité sociale et professionnelle, des rapports à autrui, dans la Cité.

Il est donc surprenant de constater que le temps de l’OTIUM était donc premier et essentiel aux lettrés, à parité avec les activités inscrites socialement, et pas forcément valorisées. La richesse est celle de la propriété certes, mais aussi celle de l’Esprit, et du temps consacré à son propre développement personnel.

En sommes-nous si loin, près de deux millénaires plus tard ? Ce début de vacances scolaires nous permet de faire juste ce devoir de mémoire, en inventaire des formes d’organisation temporelle, pour inviter à l’innovation, plus tard, pour l’évolution de notre Ecole.

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(1) à savoir supprimer les deux heures du samedi matin et les réengager au titre de l’accompagnement éducatif, dans des plages péri-scolaires, variables selon les écoles, à destination d’élèves aux besoins repérés

(2) les écoles dites ATS à Paris, depuis les années 1986 qu’on retrouve en partie dans les écoles « article 34 », voir http://innovalo.scola.ac-paris.fr , mais aussi les expérimentations nombreuses, parfois tombées dans l’oubli (mais pourquoi donc ?), compilées dans les travaux menés à l’INRP par Aniko Husti (,Le temps mobile, INRP, 1985 et La dynamique du temps scolaire, Hachette Education, 1999), notamment. Les différentes expérimentations menées en ce temps dans des centaines d’établissements sur tout le territoire ont permis d’envisager qu’à moyens horaires égaux (on dit DHG, dotation horaire globale), les solutions alternatives en organisation sont nombreuses, pourvu que et enseignants et direction, ensemble, accordent leurs objectifs. La relative complexité technique engage la compétence partagée ; et il s’agit bien ici d’un besoin de formation, peu satisfait malencontreusement ou encore jusqu’ici.

Voir notamment les trois vidéos d’Aniko HUSTI, extraits d’un travail INRP,sur http://francois.muller.free.fr/diversifier/ rubrique « temps »

Nous pourrions retenir quelques pistes intéressantes en matière d’organisation du travail :

n Annualiser les disciplines à faible horaire (enseignements artistiques)

n Proposer des temps forts chaque semaine ou trimestre, ou des semaines thématiques, sur la base de deux emplois du temps, un classique, un autre plus adapté pour ce projet d’immersion, d’intensification, de bains

n Organiser deux rentrées, une en septembre, une autre en février, avec des organisations horaire complémentaires, voire des groupements différents d’élèves, pour répondre aux dangers des doublements prévisibles.

n Traiter différemment la fin d’année, qui part trop souvent en quenouille, compte tenu de la désorganisation des examens pour certains niveaux.

n Organiser des temps choisis pendant la pause méridienne

n Organiser les élèves en équipes diverses et selon des rôles complémentaires

n Réserver 10% de l’horaire global à des modules transversaux ou interdisciplinaires

(3) Sur Clisthène, voir http://clisthene.net.free.fr/ , sinon leur rubrique mensuelle dans les Cahiers pédagogiques.

(4) Les séances de cours ont été ramenées à 45 minutes ou à un multiple de 45 minutes pour les enseignants qui le souhaitaient. Des intercours de 5 minutes ont été créés pour les déplacements des élèves et enseignants.

Les enseignants doivent donc pour chaque cours de 45 minutes restituer devant élèves 10 minutes dans le cadre de ce que nous avons intitulé SCM (Séance à Choix Multiple). Ces SCM ont une durée de 45 minutes. Le temps à restituer par chaque enseignant est comptabilisé sur l’ensemble de l’année scolaire puis divisé en séance de 45 minutes.

Ces SCM ont été placées dans l’emploi du temps des élèves à la fin de chaque journée de la semaine.

Les élèves peuvent accéder aux SCM une semaine sur deux. L’autre semaine concentre les activités d’ouverture et les temps que les enseignants et surveillants consacrent aux élèves pour les aider à définir leurs choix de SCM.

L’ensemble du dispositif SCM est géré par un logiciel qui a été créé par un enseignant. Il permet aux élèves de s’inscrire aux SCM via Internet. Les parents peuvent également avoir un regard sur les propositions du lycée et sur les choix faits par leur jeune.