Une équipe qui apprend, ce sont des élèves qui réussissent !

Hombre del Fuego por Jose Clemente Orozco
Creative Commons License photo credit: nullboyA l’occasion de la « réforme pour un nouveau lycée », mais aussi dans la continuité d’une politique volontariste sur l’expérimentation pédagogique, au moins depuis 2005, si ce n’est  en remontant jusqu’aux années 2000 (Innovation au centre du système et CNIRS au niveau national, mais qui s’en souvient ?), les mots et les concepts « roulent »  et rencontrent, plus souvent que d’habitude, résistances ou ironie,  ce à tous les niveaux.

Nous – un « nous » trés collectif- entretenons un rapport trés ambigü à ce qu’on appelle par ailleurs « innovation »; est-il possible de « prescrire » d’expérimenter ?

L’innovation peut masquer la transformation de l’établissement.

Le mot innovation est un mot piège. Comme le dirait Le Boterf[1] c’est un attracteur étrange, attracteur, car synonyme de dynamisme, de nouveauté, de recherches mais aussi répulsif par la peur qu’il provoque, chez des enseignants et chez les parents vite inquiets de l’avenir de leurs enfants. Chacun d’entre nous cultive un rapport relativement ambigu à l’innovation, c’est-à-dire au savoir, au pouvoir (de soi, sur soi, des autres…), à sa propre histoire aussi.

D’autre part c’est un concept qui intéresse plus les chercheurs[2], que les acteurs de terrain. Car, plus pragmatiquement  un chef d’établissement ou des professeurs interrogés sur ce qu’ils font d’innovant tenteront des réponses parfois surprenantes. Notre question ne porte pas sur «  est-ce qu’on est innovant »,  car c’est focaliser sur ce qui brille, en prenant le risque d’assombrir tout le reste ; alors que l’approche de l’établissement apprenant, c’est justement s’intéresser à ce qui éclaire, notamment les processus d’évolution des pratiques et la conduite du changement dans un système ou sous-système.

Une urgence, pourquoi ?

Une première raison réside dans les changements de cadre, très importants,  demandés aux enseignants comme l’approche par les compétences, ou encore la différenciation pour traiter l’hétérogénéité, problème  encore irrésolu. Tout ceci, engendre chez les professeurs le sentiment que leur identité professionnelle est mise à mal. La succession saccadée, de plus en plus rapide, de changements profonds, peut donner des sentiments de déprofessionnalisation et de décrochage ; d’une certaine façon, les « résistances » des enseignants n’illustrent pas le conservatisme soit disant atavique de la profession, mais bien l’attachement à un certain nombre de valeurs pas forcément conscientes.

Alors donner la possibilité à ses personnels de décoder ses pratiques ensemble, de faire l’analyse experte et collective, parfois contradictoire des lieux et des évolutions ressenties, se (re)construire quelques compétences que jamais un concours ou un statut n’a donné, c’est leur permettre d’accéder à la prise de décision relative à l’organisation de leurs travaux,  en élargissant la dimension de la sa classe à celle de l’établissement : dans ces conditions, le collectif protège les individus et évite le burn out[3]. La gestion des ressources humaines devient un facteur essentiel  d’apprentissage du collectif en construisant patiemment des habitudes de travail collaboratif. Il y a bien une dimension « développement durable » dans l’approche permise de l’établissement apprenant.

Enfin, il nous faut prendre la mesure de la réduction de la formation initiale : le métier va s’apprendre sur le terrain. L’établissement devient explicitement responsable de la formation professionnelle. Donc le chef d’établissement va devoir coordonner une politique de formation,  en misant sur la variété requise dans ses formes (individuelle, stages, intra) pour accueillir mais aussi rendre plus efficaces les personnels. Le terme même de formation serait à requestionner ; on évoque plutôt le concept plus combinatoire de « développement professionnel ».

Concrètement comment s’y prendre ?

Efficacité n’est pas un vain mot, si le premier travail est de conduire une analyse patiente et élargie portant sur les facteurs  « de fabrication » de la performance scolaire (groupements, pratiques, supports, évaluation, postures, accompagnement etc…)

A ce titre, l’établissement ne peut être seul à tout réinventer ; son accompagnement par le niveau supérieur (formation, consultants internes ou externes, inspection) sera déterminant, non tant dans sa fonction de contrôle et d’ordonnancement que d’analyse méthodique et de conseil stratégique. Sacrée révolution pour notre culture institutionnelle. Pour cela, il faut d’abord établir une relation de confiance, cela nécessite du temps. Nos amis anglo-saxons emploient à cet escient le terme « d’ami critique. »

L’enjeu est d’aider les équipes à affuter leur regard pour ajuster les pratiques. Cela nécessite de travailler à petits pas, renforcer la compétence individuelle pas contre les autres mais avec les autres et ainsi de  renforcer parallèlement la compétence collective. C’est donc d’un accompagnement, étalé dans le temps, dont il s’agit, d’un regard extérieur capable d’éclairer sur le sens qu’ils donnent à leur métier, sur ce   pressenti qui n’est pas forcément conceptualisé, en pointant les cadres de référence,  qui se modifient alors.

Nous sommes loin ici de la formation ponctuelle et individuelle. Sans la rejeter,  elle doit s’articuler avec une analyse fine et partagée qu’ils font de leurs pratiques, sur ce que la consultation des élèves leur apprennent, sur les paradoxes qu’ils tentent de gérer, sur les opportunités qui s’offrent à eux, comment et pourquoi ils s’en saisissent.

D’autres leviers sont possibles, par exemple, le voyage pédagogique qui permet de voir ce qui se fait ailleurs, mais aussi le travail inter-catégoriel et les vrais partenariats qui garantissent des travaux toujours plus aboutis.

Loin d’être une mode, c’est une nouvelle gouvernance de la direction d’établissement, pour des effets constatés, un établissement qui apprend, ce sont des élèves qui réussissent !


[1] En référence à l’ouvrage De la compétence : essai sur un attracteur étrange, Les Editions d’Organisation, 1994.

[2] Voir les travaux de Françoise Cros qui donne une définition du concept d’innovation

[3] Terme employé pour désigner l’épuisement professionnel, issu de différents facteurs : stress, excès de travail,  pressions, changements ressentis comme injustes ou inaccessibles, climat délétère…

L’enseignant serait-il un « pompier » en milieu hostile ?

Ce dimanche était l’occasion d’une grande démonstration ensoleillé sur l’esplanade des Invalides et le pont Alexandre III des forces humaines et matérielles mobilisées dans le cadre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile. Opération grand public et de communication pour des personnels et des missions souvent peu connues des usagers. On les apprécie uniquement en temps de crise, de catastrophe naturelle (inondations par exemple) ou accident majeur (feu sous tunnel).

Je me suis particulièrement arrêté devant un superbe engin, comme les enfants en rèvent: un camion de pompier tout rouge, rutilant et sur-armé, dotant la brigade d’Alsace (Colmar, Saint-Louis).  Pour la première fois, ce camion « nouveau concept » donnait à voir ses entrailles: sa conception est directement issu des expériences croisées des feux sous tunnel connus depuis quelques années. Les failles des systèmes de sécurité, le sous-équipement des brigades et l’impréparation des équipes avaient posé de nombreux problèmes d’efficacité, notamment lors de l’incendie du tunnel du Mont-Blanc et plus récemment du tunnel du Fréjus.

C’est donc la confrontation directe aprés ces expériences entre les différents métiers qui a permis à un groupe de terrains, aidés en cela par des spécialistes et ingénieurs de concevoir ce nouveau véhicule. Il a la particularité de pouvoir se mouvoir en « milieu hostile », sans oxygène, sans aucune visibilité, avec rapidité et efficacité pour intervenir au mieux sur site.

Une rapide photo nous permet de saisir la variété nécessaire des instruments et outils requis pour soutenir l’action humaine. Le camion est une immense « boite à outils » à la disposition des équipes.

C’est un véritable travail d’équipe où les membres sont solidaires, et chacun à leur poste; leur formation est continuée; avec de nombreux exercices de simulation, quand bien même les statuts diffèrent, entre cadres professionnels et volontaires. Sur le terrain, pas de différence.

Et en classe ?

Nous pourrions alors nous amuser au jeu méthodologique de transposition (ou JMT) en se reportant à notre domaine de l’éducation et de la formation.

La classe est un contexte trés spécifique,

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tout se passe en simultanéité, en immédiateté, en multidimensionnalité, en imprédictibilité !Les interactions verbales, non verbales, fusent; ce peut être à la fois fascinant et dangereux, comme le feu.

Il devient important pour tout enseignant de savoir et de pouvoir compter sur un équipement et une ingénierie suffisamment riche et variée, sur une solidarité professionnelle qui l’assurent, au sens propre du terme, dans son exercice.

Au risque sinon de se brûler, les Anglais, et les sociologues du travail, disent « burn out »: c’est à dire que le professionnel brûle alors ses ressources, et s’épuise. En quelques six symptômes typiques de « burn out »:

  • Irritabilité et méfiance envers autrui.
  • Absence d’idées nouvelles pendant plus de six mois.
  • Manque d’énergie physique et/ou émotionnelle.
  • Sentiment d’isolement et de manque de soutien.
  • Forte aspiration à s’échapper de sa situation professionnelle actuelle.
  • Tendance à se justifier par un excès d’activité, en privilégiant l’aspect quantitatif plutôt que qualitatif.
  • Source: Centre Américain de Maîtrise du Stress

L’enseignant, comme son collègue le pompier, est un professionnel qui sait s’exposer pour rendre un service important à la Personne comme à la Nation, et donner un « trésor » en formation.  Les pompiers sont des figures de notre patrimoine national. Et les enseignants ?