Témoignages de la grande guerre

Témoignages de la grande guerre

Les témoignages des soldats de la Grande guerre sont de plusieurs natures :

1- Les lettres écrites par les soldats dans les tranchées et envoyées à l’arrière.

Un lien psychologique indispensable avec la famille, un moyen de « tenir » dans la tranchée (l’attente du courrier), malgré les risques d’une rétention d’informations par la censure militaire, dont les auteurs sont parfaitement conscients :

 

« Le 22 février 1915

Ma chère Marie,

Tu ne saurais croire la vaillance et l’héroïsme de nos braves soldats ; quand je dis « vaillance et héroïsme », je n’entends pas parler comme les journaux dans un sens vague et général et prendre ces mots comme un cliché systématique lorsqu’il s’agit de nos troupes […]. Hier, à 14 heures, devait avoir lieu par trois sections de mon régiment l’attaque d’une tranchée allemande pourvue de défenses fantastiques, […]une canonnade intense : assaut à la baïonnette de la tranchée allemande par notre artillerie pour faire filer les Boches. […]C’est très simple sur le papier, mais hélas combien différent dans la réalité ! […]Les hommes tel un château de cartes dégringolent tour à tour ; ils continuent tout de même : quelques-uns arrivent jusqu’aux fils de fer : ils sont trop gros, hélas ! […] Que faire…Avancer ? Impossible ! Reculer ? De même. […]

A la nuit, je vais à B. pour aider mes collègues ; les blessés arrivent peu à peu au nombre de quarante-quatre […]. Aucun blessé ne se plaint de son sort et de l’inutilité de cette attaque au cours de laquelle il a été si affreusement mutilé. Que d’horribles blessures ! […]Que penser (tant pis si la censure arrête ma lettre), je ne cite d’ailleurs pas de noms, que penser de certains chefs qui lancent des hommes sur un obstacle insurmontable, les vouant ainsi à une mort certaine et qui semblent jouer avec eux, comme on joue aux échecs […]. »

Lettre de M.-A. Martin-Laval, médecin auxiliaire au 58e régiment d’infanterie, à sa sœur Marie, in Paroles de poilus, collection Librio, Flammarion, 1998.

 

« Nous avons refusé de monter en ligne, nous n’avons pas voulu marcher, et beaucoup d’autres régiments ont fait comme nous.[…] Ils nous prennent pour des bêtes, nous font marcher comme cela et pas grand-chose à manger, et encore se faire casser la figure pour rien ; on aurait monté à l’attaque, il en serait resté la moitié et on aurait pas avancé pour cela. Peut-être que vous ne recevrez pas ma lettre, ils vont peut-être les ouvrier et celles où on raconte ce qui se passe, ils vont les garder ou les brûler… Moi je m’en moque, j’en ai assez de leur guerre… »
Lettre d’un soldat de la 7e compagnie du 36e régiment d’infanterie conservée au contrôle postal.

 

« 16 août 1916

Nous avons passé trois jours couchés dans les trous d’obus à voir la mort de près, à l’attendre à chaque instant. Et cela, sans la moindre goutte d’eau à boire et dans une horrible puanteur de cadavres. Un obus recouvre les cadavres de terre, un autre les exhume à nouveau. Quand on veut se creuser un abri, on tombe tout de suite sur des morts. Je faisais partie d’un groupe de camarades, et pourtant, la peur au ventre, chacun ne priait que pour soit. »

Karl Fritz, caporal dans l’armée allemande.

 

 

2- Les livres 
Des années après la guerre, d’anciens combattants ont relaté leurs souvenirs de combats dans des livres dont certains ont une grande qualité littéraire. Ils y mélangent des scènes vécues mais reconstituées à une vision très critique du conflit. Si ces œuvres sont de grands témoignages, ils faut prendre en comte leur liberté artistique et leur subjectivité.

En 1929, E.-M. Remarque publia A l’Ouest Rien de nouveau.

« A vrai dire, la baïonnette a perdu de son importance. Il est maintenant de mode chez certains d’aller à l’assaut simplement avec des grenades et une pelle. La pelle bien aiguisée est une arme plus commode et beaucoup plus utile ; non seulement on peut la planter sous le menton de l’adversaire, mais, surtout, on peut assener avec elle des coups très violents ; spécialement si l’on frappe obliquement entre les épaules et le cou, on peut facilement trancher jusqu’à la poitrine. Souvent, la baïonnette reste enfoncée dans la blessure ; il faut d’abord peser fortement contre le ventre de l’ennemi pour la dégager, et pendant ce temps on peut facilement soi-même recevoir un mauvais coup. En outre, il n’est pas rare qu’elle se brise. »

« Ce n’est pas commode de tuer les poux un à un, lorsqu’on en a des centaines. Ces bêtes-là sont assez dures, et les écraser éternellement avec les ongles devient ennuyeux. C’est pourquoi Tjaden a fixé, avec du fil de fer barbelé, le couvercle d’une boîte à cirage au-dessus d’un bout de bougie allumé. Il suffit alors de jeter les poux dans ce petit poêle ; on entend un grésillement et ils sont liquidés. »

« Une attaque au gaz qui vient par surprise emporte une multitude de jeunes recrues. Ils ne se sont même pas rendus compte de ce qui les attendait. Nous trouvons un abri rempli de têtes bleuies et de lèvres noires. Dans un entonnoir, ils ont enlevé trop tôt leurs masques. Ils ne savaient pas que dans les fonds, le gaz reste plus longtemps ; lorsqu’ils ont vu que d’autres soldats au-dessus d’eux étaient sans masque, ils ont enlevé les leurs et avalés encore assez de gaz pour se brûler les poumons. Leur état est désespéré ; des crachements de sang qui les étranglent et des crises d’étouffement les vouent irrémédiablement à la mort. »

 

3- Témoignages oraux 
Il y a enfin les témoignages oraux, fort nombreux ces dernières années à mesure que les derniers poilus disparaissaient. Voici une court entretien de Lazare Ponticelli, dernier soldat français de la Grande guerre mort en février 2008.

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