Aujourd’hui, l’éducation populaire, se situant dans la continuité de Paulo Freire, intègre les recherches actuelles concernant les sciences sociales critiques. Cet appui de l’éducation populaire conscientisante sur les sciences sociales critiques est ce qui la distingue d’une simple idéologie politique. Comme on l’a vu en introduction, pour être un ou une éducatrice populaire (ou pédagogue critique), il est nécessaire d’avoir une formation minimum concernant des savoirs théoriques issus des sciences sociales. C’est pourquoi il est important de revenir sur un ensemble de termes de vocabulaire liés aux sciences sociales critiques et aux luttes pour la justice sociale.

1.1. Relations sociales et rapports sociaux

Cette distinction a été introduite par la sociologue Danièle Kergoat. Les relations sociales désignent les relations entre personnes. Les rapports sociaux sont des tensions autour d’un enjeu – qui pour Kergoat est le travail – qui construisent deux groupes sociaux antagoniques. Par exemple : statistiquement, les femmes assurent plus de temps de travail ménager que les hommes. Il s’agit d’un rapport social. Mais, il arrive que dans certains couples, l’homme assume plus de temps de tâches ménagères. C’est une relation sociale.

1.2. Une discrimination systémique ou structurelle

La notion de discrimination et de violence systémique désigne une réalité sociale qui est mesurable à un niveau statistique. Par exemple, on peut dire que les femmes sont davantage victimes statistiquement de violences que les hommes : violences conjugales, sexuelles ect… Il s’agit donc d’un problème social systémique. La notion de discrimination systémique a été intégrée dans le droit au Canada, mais pas en France, où elle est seulement une notion des sciences sociales.

Pour compléter : Video pédagogique sur la discrimination systémique (source : RTBF)

https://www.youtube.com/watch?v=b3c30UGfGP4&t=6s

1.3. Une discrimination institutionnelle : Il s’agit d’une discrimination qui est produite par le simple fonctionnement d’une institution (par exemple : l’école, la prison, l’hôpital, une entreprise ect…) sans qu’il y ait de textes juridiques qui incitent à la discrimination. Cette discrimination n’est pas intentionnelle, mais elle peut se mesurer de manière statistique. Cette notion est une notion sociologique qui n’est pas reconnu dans le droit français. On trouve néanmoins une certaine proximité avec la notion de « discrimination indirecte » en droit qui est une mesure qui produit un effet discriminatoire, sans que cela soit nécessairement intentionnel.

1.4. L’analyse matérialiste

L’approche matérialiste est commune à plusieurs courants en sciences sociales (comme les approches marxiennes ou le féministe matérialiste). L’analyse matérialiste renvoie l’étude des problèmes sociaux systémiques à des explications économiques en particulier liées à la division sociale du travail.

1.5. L’intersectionnalité :

La notion d’intersectionnalité a été introduite à la fin des années 1980 par la juriste africaine-américaine Kimberlé Crenshaw. Il s’agit d’une approche en droit qui s’intéresse au cas des personnes qui subissent des discriminations multiples : sexe, classe, race… Crenshaw pour sa part avait étudié le cas de femmes noires ouvrières. La notion d’intersectionnalité est aussi actuellement utilisé en sociologie pour analyser les trajectoires sociales des personnes en fonction de leur positions sociales : sexe, classe sociale, ethno-racisation…

Le conseil de l’Europe reprend la notion d’intersectionnalité dans le droit de la non-discrimination. Il la définit de la manière suivante : «  lorsqu’une personne est victime de discrimination pour deux ou plusieurs motifs, qui agissent simultanément et interagissent d’une manière inséparable, produisant des formes distinctes et spécifiques de discrimination. » (URL : https://www.coe.int/fr/web/gender-matters/intersectionality-and-multiple-discrimination )

Pour compléter : video pédagogique sur l’intersectionnalité (source : Université du Quebec)

https://youtu.be/LY_39mLmqDw

1.6. Le constructivisme social

En sciences sociales, le genre (ou sexe social) ou encore la race ne sont pas considérés comme des réalités biologiques, mais comme des constructions historico-sociales. Par exemple, dans le cas du handicap, le modèle social du handicap considère non pas le handicap avant tout du point de vue biologique, mais s’intéresse aux conditions sociales qui conduisent à une situation de handicap comme par exemple le manque d’accessibilité.

1.7. Le privilège social

Le privilège social est une notion issue de la chercheuse états-unienne Peggy Mc Intosch. Le privilège social désigne un avantage social que possède une personne du simple fait de sa position sociale sans qu’elle en est nécessairement conscience. Il peut y avoir un privilège de classe sociale, de sexe, ou racial. L’intersectionnalité étudie les personnes en les situant relativement aux différentes oppressions ou privilèges sociaux qui les caractérisent. Une oppression sociale peut prendre plusieurs formes : discriminations sociales, violences sociales, inégalités sociales, exploitation économique, réification (ou chosification), stigmatisation, invisibilisation, mépris social ect…

Pour compléter : Video « Le privilège blanc existe-t-il vraiment ? » (Source : France culture) –

https://youtu.be/H9iX2XCYLBI

1.8. La positionnalité sociale

Le paradigme féministe matérialiste de l’intersectionnalité ne raisonne pas en termes d’identités. La notion d’identité renvoie à une réalité qui serait naturelle et qui ne pourrait pas être déconstruite ou transformée. Il s’agit dans l’approche féministe matérialiste d’étudier des positionnalités sociales. Cela veut dire d’étudier les personnes relativement à leurs trajectoires sociales combinées entre elles : trajectoires de classes sociales, trajectoire de genre (trajectoires amoureuses, transition de genre…), trajectoires de migration… Ainsi, la sociologie de l’intersectionnalité montre qu’un frère ou une sœur n’ont pas la même trajectoire sociale par exemple.