L’éducation populaire historique

L’éducation populaire ne renvoie pas historiquement à une définition précise. Néanmoins, il est possible de considérer que la notion a désigné durant le XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe siècle, un ensemble de pratiques éducatives qui visent à développer chez les classes populaires une vision du monde.

L’éducation populaire renvoie alors principalement à trois courants qui visent à établir chacun une hégémonie culturelle sur les classes populaires : l’église catholique, le républicanisme laïc et le mouvement socialiste.

L’éducation populaire n’est pas exempte d’un projet de contrôle du temps libre des classes ouvrières. Par exemple, le mouvement syndical lutte contre l’alcoolisme et cherche à promouvoir des pratiques culturelles à travers les bourses du travail (ex : engagement syndical, bibliothèque, cours du soir…)

Ce contrôle du temps de loisir avec la diffusion d’une vision du monde se trouve en particulier à l’œuvre dans les organisations de jeunesses.

L’avènement de l’ère de l’animation

L’éducation populaire a été supplantée par l’animation à partir des années 1950 sous l’effet de plusieurs phénomènes.

Les organisations d’éducation populaire reçoivent des subventions et les militants connaissent une professionnalisation qui conduit à une neutralisation progressive de l’éducation populaire.

Le principe de contrôle du temps de loisirs de la jeunesse reste une constante.

Mais, il se développe dans le cadre d’une société où la réduction du temps de travail, qui a été conquis par les luttes sociales, est colonisée par la société de consommation et en particulier les industries du divertissement.

La notion de loisir change de sens. Elle ne désigne plus un temps dédié à l’étude et à l’engagement dans la vie politique, mais un temps dédié au divertissement.

L’animation désigne alors progressivement l’activité professionnelle qui vise à fournir une activité de divertissement (voire sportif) à personnes dont on estime qu’elles ont du temps de loisir qu’il faut occuper pour le contrôler, à savoir principalement les jeunes, mais aussi dans une moindre mesure les personnes âgées.

Les techniques d’animation

L’éducation populaire se voit également réduit à des techniques d’animation dont les différentes formes de « brises glaces » ou autres techniques de ce genre constituent un exemple.

Il s’agit certes de détendre l’atmosphère en début de réunion pour faciliter l’interconnaissance, mais les implicites mis en œuvre de ces pratiques ne sont pas interrogés.

Bien souvent, ces pratiques fonctionnent parce qu’elles reposent sur la soumission des participants à l’autorité de l’animateur (ou formateur) de groupe et sur la base du conformisme de groupe. Les participant-e-s acceptent de se plier à un ordre qui n’a pas de sens, mais qui amène justement à faciliter l’obéissance de groupe à des activités certes divertissantes – voire parfois « infantilisantes » -, mais qui n’ont guère de sens.

L’éducation populaire, des pratiques qui ont du sens.

Que peut désigner l’éducation populaire aujourd’hui ? Elle peut justement consister dans un ensemble de pratiques qui nous amène à réfléchir sur notre vie quotidienne pour agir dessus de manière à la transformer. L’objet de réflexion de l’éducation populaire peut-être les modes de vie ordinaire (ex : le travail, les loisirs, la consommation, l’organisation du temps, de l’espace ect…)

L’éducation populaire repose sur des pratiques qui ont du sens. Ce n’est pas tant la nature des techniques que le sens que l’on met derrière les techniques qui caractérise l’éducation populaire. Les pratiques ne sont pas là juste pour proposer de l’animation, mais elles visent à développer une démarche de prise de conscience critique tournée vers une action collective de transformation sociale.

Par exemple, une activité de « brise glace » comme le groupe d’entretien mutuel, peut déjà être une occasion d’amener une réflexion autour de la critique sociale : « citer une activité que l’on aime bien ou que l’on n’aime pas » par exemple renvoie au fait qu’en réalité nos goûts et nos dégoûts sont construits socialement. Nous pensons qu’ils nous définissent individuellement, alors qu’ils sont collectifs et construits socialement. Dire une réalité que l’on aimerait changer dans sa vie amène à s’intéresser à l’objectif de transformation sociale.

L’objectif de l’éducation populaire est de passer de l’individuel au collectif, du psychologisant au social, du problème vécu individuellement à l’action collective de transformation sociale.