Film: La fille inconnue

( Réalisateurs : Les Frères Dardennes, 2016)

Résumé : « Jenny (Adèle Haenel), jeune médecin généraliste, se sent coupable de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte peu de temps après. Apprenant par la police que rien ne permet de l’identifier, Jenny n’a plus qu’un seul but : trouver le nom de la jeune fille pour qu’elle ne soit pas enterrée anonymement, qu’elle ne disparaisse pas comme si elle n’avait jamais existé. »

Jenny a un projet professionnel : elle est devenue médecin. Lorsqu’un soir, après l’heure d’ouverture, une personne frappe à la porte, elle n’ouvre pas. Elle a fait un choix tragique, sans le savoir.

Elle n’est pas en tort sur le strict plan de la déontologique. Mais elle éprouve de la culpabilité. C’est que le projet existentiel déborde le projet professionnel. Un médecin a vocation à sauver des vies.

La culpabilité existentielle naît ici de la responsabilité du choix et de la conséquence de ce choix qui vient heurter le projet existentiel d’être médecin et de sauver des vies. Si Jenny n’avait pas été médecin et qu’elle avait été tout simplement chez elle, elle aurait pu éprouver de la culpabilité de ne pas avoir ouvert sa porte à une femme en détresse.

Mais le choix d’un personnage médecin met ici en jeu la culpabilité à travers un projet existentiel qui s’incarne dans un projet professionnel.

Une autre question se pose: le fait que Jenny soit une femme est-il indifférent dans cette situation à son sentiment de culpabilité ? Ne s’est-elle pas identifiée, après coup, à la détresse de cette autre femme dans la mesure où étant une femme elle-même, elle peut se vivre intérieurement comme étant potentiellement une proie des violences sexistes ? Ou au contraire, le fait que cette autre femme soit noire, a-t-elle empêchée l’identification ?

Mais cette culpabilité est également sociale. La fille inconnue est une personne noire, sans doute une migrante, et c’est pour cela que nul ne semble se soucier de retrouver son nom.

Le tragique tient à l’irrémédiabilité. La mort est un évènement irrémédiable. Le passé ne peut plus être changé d’où les remords. Il n’est plus possible de réparer à l’identique.

Jenny traverse une crise existentielle. Néanmoins, face à la culpabilité et aux remords d’un mauvais choix, elle ne reste pas passive et assume les conséquences de son inaction en décidant de poser un acte de réparation. Elle cherche donc à savoir qui était cette fille pour lui donner une sépulture.

Cependant, la bifurcation existentielle est plus profonde encore. Elle renonce à une promotion socio-professionnelle et continue sa carrière comme médecin généraliste dans un quartier déshérité. Le projet existentiel se traduit dès lors dans un engagement social qui transcende le projet individuel.