L’« amor fati », c’est l’acceptation du destin selon les stoïciens, que l’on retrouve par exemple, chez Nietzsche.

Expérience de pensée :

Imaginons un monde laplacien. Le démon de Laplace serait une intelligence absolument rationnelle et ultra-puissante capable de calculer à partir des données initiales du monde tous les faits qui en découlerait.

Dans ce monde, imaginons qu’il existe un être humain qui a été emprisonné injustement. Or selon le démon de Laplace, cette personne quelque soit ces efforts ne sera jamais libérée. Imaginons que le démon de Laplace apparaisse à cette personne dans sa cellule et lui annonce, que dans un monde parfaitement déterministe, il prévoie qu’elle ne sera jamais libérée.

Ce prisonnier doit-il accepter « son destin » ou est-il légitime qu’il continue à se révolter contre ce sort injuste ?

Discussion :

Un premier point de discussion porte sur la différence entre fatalisme et déterminisme. Les tenants du déterminisme avancent que la personne grâce à la connaissance qu’elle possède des causes, peut modifier l’avenir. Il n’y a donc pas de fatalisme. Néanmoins, l’usage qu’elle fera de ces connaissances est déterminée par sa nature propre ou « complexion ».

Une conception déterministe pourrait ajouter également que le fait même que cette personne se révolte est déterminée par sa nature. Mais justement, les philosophies morales déterministes nous enseignent que le sujet par la connaissance qu’il acquiert du déterminisme apprend à ne plus se révolter contre l’ordre des choses. Ce qui ne veut pas dire qu’il renonce à changer cet ordre, mais seulement si cela est rationnellement possible.

Néanmoins, il peut arriver qu’un sujet se trouve dans une situation où il n’a pas la possibilité de changer l’ordre des choses par la connaissance rationnelle. Imaginons que c’est le cas de ce prisonnier. Est-il légitime pour autant de considérer qu’il doit renoncer à se révolter contre cette situation injuste ?

En réalité, le problème qui est soulevé est le suivant. La connaissance rationnelle du réel doit-elle pour autant nous conduire à accepter subjectivement cette réalité ? Or cela n’a rien de certain.

Épictète établi une distinction entre « ce qui dépend de moi » et « ce qui ne dépend pas de moi ». Ce qui dépend de moi, ce sont mes représentations. La sagesse selon Épictète voudrait alors que ce prisonnier accepte son sort sans se révolter.

L’approche existentialiste, qui est celle de Sartre, consiste à affirmer que le prisonnier peut toujours chercher à s’évader : « Aussi, ne dirons-nous pas qu’un captif est toujours libre de sortir de prison, ce qui serait absurde, ni non plus qu’il est toujours libre de souhaiter l’élargissement, ce qui serait une lapalissade sans portée, mais qu’il est toujours libre de chercher à s’évader (ou à se faire libérer) – c’est-à-dire que, quelle que soit sa condition, il peut pro-jeter son évasion et s’apprendre à lui-même la valeur de son projet par un début d’action ». (L’Etre et le néant)

D’un point de vue strictement déterministe, il pourrait alors avoir tort de tenter cela si ce projet n’est pas rationnel.

Mais on peut se demander, si un sujet ne peut pas considérer qu’il en va de sa dignité, même si l’acte est désespéré et n’a pas de chance d’aboutir, qu’il doit continuer à chercher à s’évader.

De ce fait, pour juger des actes d’une personne, il ne faudrait pas seulement prendre en compte la rationalité de son action, mais également le sens et la valeur que la subjectivité accorde à ses actions.