Figure A : Critique de la vie quotidienne

1. Institution disciplinaire

1.1. L’institution disciplinaire dans son fonctionnement interne.

1.1.1. On croit les institutions disciplinaires en crise ou disparues. Pourtant, la prison ou encore l’hôpital continuent de subsister comme des institutions disciplinaires.

1.2.1. L’institution disciplinaire impose des restrictions de liberté, un contrôle sur les actes des personnes.

1.3.1. L’institution disciplinaire dé-subjectivise les personnes : elles se voient par exemple privées de leurs vêtements habituels.

1.2. L’institution disciplinaire dans sa relation avec les sujets extérieurs.

1.2.1. Même les proches des personnes soumises à l’institution disciplinaire se voient traitées sous les formes de l’habitus disciplinaire : contrôle des mouvements et des déplacements, restriction dans l’accès à l’information.

2. Numérique et bancaire

2.1. Les institutions bancaires contraignent leurs clients à passer le plus possible par les services numériques.

2.2. Lors de l’utilisation des numéros d’appel, le temps d’attente est désormais utilisé pour passer de la publicité.

2.3. Le travail du consommateur est mis en œuvre en réalisant des économies par les services de banque en ligne où une partie des activités autrefois réalisées par des agents bancaires est réalisée désormais par le client.

2.4 . Tout est de plus en plus numérisé, mais les techniques de hacking deviennent de plus en plus performante. Il en résulte un accroissement des contraintes numériques auxquels sont soumis les clients ou les consommateurs.

3. Modes de vie.

3.1. Mark Hunyadi a raison de mettre en avant, dans La tyrannie des modes de vie, la contrainte des modes de vie. C’est à cela que doit s’attacher une critique de la vie quotidienne.

3.2. Un des domaines de la dissidence porte sur la résistance à la tyrannie des modes de vie.

3.3. C’est le rôle des pratiques existentielles de développer des manières d’être qui entrent en résistance avec le mode de vie dominant façonné par le technocapitalisme.

3.4. Ces modes de vie reposent sur la résistance à la domination de la logique de l’agir technique.

Figure B : Subjectivité

1. Existentiel

1.1. La subjectivité peut-être détruite lorsqu’elle ne peut pas parvenir à réaliser son projet existentiel du fait des conditions sociales extérieures.

1.2. Mais elle peut-être aussi s’effondrer lorsque n’ayant jamais eu de projet existentiel propre, mais s’étant toujours soumise à un projet existentiel hétéronome (projet parental, normes sociales…), elle prend conscience de la vacuité de son existence.

1.3. Une question se pose : c’est en quoi la capacité sociale pour les hommes et les femmes à vivre selon un projet existentiel est différent.

1.4. Souvent les femmes qui vivent selon un projet existentiel renoncent à avoir un famille et des enfants (voir par exemple : Lise Meitner)

1.5. A l’inverse les hommes peuvent le plus souvent compter sur l’aide sociale de leurs compagnes pour pouvoir avoir une vie de famille, tout en accomplissant un projet existentiel personnel.

1.6. Bien souvent encore face à la pression sociale, les femmes se sentent contraintes non pas à accomplir un projet existentiel, mais à accomplir le projet social qu’elles pensent attendu d’elles.

1.7. La notion de projet existentiel pose aussi un problème de classe sociale. Il y a un luxe à pouvoir réfléchir et orienter son existence selon un projet existentiel. L’idée même de projet existentiel correspond d’une certaine manière à un concept de classes moyennes et supérieures

1.8. Une autre difficulté tient à la récupération néolibérale de l’idée de projet existentiel à travers le projet professionnel. Cet état de fait participe de l’enrôlement des classes moyennes dans le nouvel esprit du capitalisme.

2. Santé mentale et théorie sociale critique

2.0.1 Erich Fromm avait su voir dans Société saine, société aliéné, un problème important de la théorie sociale, à savoir dans quelle mesure l’organisation sociale provoque des pathologies de la subjectivité.

2.1. Erich Fromm s’inscrit dans un courant plus large de croisement du social et du psychique à savoir le freudo-marxisme avec par W. Reich (Psychologie de masse du facisme) ou encore H. Marcuse (Eros et Civilisation).

2.2. Cette question a été étudiée aussi par exemple par la psychodynamique du travail en ce qui concerne les formes d’organisation du travail.

2.3. Elle a été également posée par la thérapie féministe en ce qui concerne les rapports sociaux de genre : violences sexistes.

2.4. Mais ce qui nous intéresse ici ne sont pas les pathologies biologiques, ou même psychiques au sens du DSM, mais les pathologies existentielles de la subjectivité.

2.5. Il s’agit de savoir dans quelle mesure la subjectivité est atteinte par la réification de l’existence dans le techno-captialisme.

2.6. Dans quelle mesure, elle est atteinte par les rapports sociaux de pouvoir qui structurent la société.

2.7. Sur le plan du racisme, Fanon a posé des bases. Simone de Beauvoir aurait pu constituer également une ressource en ce qui concerne le sexisme pour l’aborder sous l’angle d’une psychologie philosophique existentielle.

2.8. Il est donc possible de considérer que l’organisation sociale peut altérer le psychisme de diverses manières :

– par les rapports sociaux de pouvoir (comme l’indique la thérapie radicale, en particulier la thérapie radicale féministe)

– par l’organisation du travail (comme l’a étudié la psychodynamique du travail)

– par la réification de l’existence – la tyrannie des modes de vie – (ce qu’effleure la psychologie existentielle)

2.9. Les pratiques de résistance subjective ont donc pour objectif d’aider la subjectivité à résister à ces trois types d’aliénation sociale qui la menace.

Tandis que l’articulation entre la psychologie philosophique existentielle et la théorie sociale critique a pour objectif d’analyser la production des formes d’aliénation subjective.

3. La psychologie dominante

3.1. Ce qu’on peut appeler la psychologie dominante constitue l’ensemble des caractéristiques de la psychologie qui indépendamment des courants reproduit des rapports sociaux de domination :

– penser que les problèmes du psychisme sont liés à des conflits intrapsychiques ou à des causes inhérentes à la personne, ignorer la manière dont la psyché est impactée par le social.

– reproduire dans l’analyse des problèmes psychiques des préjugés et stéréotypes discriminatoires.

3.2. La psychologie dominante se caractérise également par une conception qui privilégie le bien-être psychique à la justice. Il vaut mieux laisser commettre l’injustice et préserver en tant que sujet sa santé mentale. La psychologie dominante n’incite pas à la transformation sociale, à la révolte ou même à être un ou une lanceuse d’alerte. Tout au plus s’agit-il d’être un ou une paisible travailleur/travailleuse et de réussir sa vie de famille.

Thérapie dominante Thérapie radicale
Origine du mal-être

de la victime

Origine interne à la personne : liée à sa structure psychique Origine externe : liées aux rapports sociaux de pouvoir
Méthode Analyse du psychisme de la personne afin d’identifier ce qui dysfonctionne. – Prise de conscience du lien entre le mal-être personnel et les rapports sociaux de pouvoir,

– Remise en cause des idées sociales oppressives intériorisées

Objectif : Faire en sorte que la personne se change pour s’adapter à son environnement même si celui-ci est oppressif. – Développer les capacités de la personne à se protéger et à se défendre

– Développer les capacités de la personne à s’engager dans des mouvements de transformations sociales.

4. Psychologie critique existentielle

4.1. On peut appeler « psychologie critique existentielle » une approche philosophique qui s’intéresse à l’articulation entre la psyché humaine, et en particulier les manifestations de l’angoisse existentielle, et les conditions sociales. On peut alors parler d’angoisse socio-existentielle.

4.2. La notion « d’angoisse socio-existentielle » indique que l’angoisse existentielle ne doit pas être appréhendée simplement comme la conséquence d’une condition humaine existentielle ahistorique.

4.3. L’angoisse socio-existentielle prend en compte l’existence de rapports sociaux et les variations de l’angoisse existentielle en fonction de ces rapports sociaux.

4.4. Mais également, l’angoisse socio-existentielle désigne la manière dont l’angoisse peut être modulée, transformée, impactée en fonction des transformations de l’organisation sociale :

– angoisse existentielle, sens de l’existence et centralité du travail dans la société capitaliste.

– angoisse existentielle et société de consommation de masse.

– angoisse existentielle et industries du divertissement

5. Crise d’adaptation

5.1. Lorsque des salariés se sont suicidés sur leur lieu de travail suite à des restructurations professionnelles, les tenants de la psychologie dominante ont eu une explication toute prête : « si les personnes se suicident, c’est qu’elles ont une personnalité rigide présentant des difficultés d’adaptation au changement ».

5.2. Il s’agit bien là d’une réponse qui illustre la psychologie dominante qui n’interroge pas l’injonction à l’adaptation et à la flexibilité propre au néolibéralisme.

5.3. Il y a ici une vision implicite de l’être humain. Celui-ci devrait être en capacité de s’adapter à tout et si une subjectivité n’en est pas capable, c’est bien elle qui a un problème, et non pas le système social.

6. La matière et le sens

6.1. Lorsque la subjectivité s’imbibe d’alcool ou de drogue, elle subie une altération.

6.2. La matière est la condition de production de la subjectivité. Mais la subjectivité ne se réduit pas à la matière.

6.3. Elle est comme les lettres de l’alphabet. Il ne suffit pas de posseder les lettres pour que celles-ci assemblées entre elles produisent du sens. C’est pour cela qu’un robot ne produit que des livres non dotés de sens.

6.4. L’altération de la matière cerebrale est comme un acide qui aurait été jeté sur une page. La page en devient plus difficile à lire, mais ce n’est pas en soi la présence ou non d’acide qui lui donne du sens.

Figure C : Ethique de la critique

1. Les accommodements

1.1. On appellera « accommodements » des pratiques professionnelles qui consistent à prendre une liberté avec les règles déontologiques, non pas pour des raisons éthiques, mais par confort personnel ou recherche d’une efficacité dans l’action.

1.2. L’accommodement peut être valorisé en tant que pratique du travail réel par opposition au travail prescrit.

1.3. Mais l’accommodement peut-être critiqué en tant qu’il constitue souvent une pratique de confort qui peut s’opposer même à l’éthique.

1.4. L’accommodement peut consister dans le silence, dans des petits mensonges et dissimulations qui sont habituelles dans le travail.

1.5. L’accommodement n’est pas orienté nécessairement contre l’employeur, il peut être – et c’est le cas qui nous intéresse ici – orienté vers le public.

1.6. Ainsi des formes de micro-manipulations peuvent être des pratiques professionnelles instituées, observées et apprises sur le tas, constituer un habitus professionnel.

2. Invisibilisation éthique et myopie éthique.

2.1. Marie José Drolet défini l’aveuglement éthique comme « un enjeu éthique non perçu par un individu, voire une collectivité, pour diverses raisons reliées à la sensibilité éthique, la socialisation ou une certaine vision de la normalité »

2.2. Elle défini la myopie éthique comme « situation où un individu impose à son insu ses valeurs et ses croyances à d’autres personnes et communautés parce qu’il présuppose que celles-ci les partagent et devraient le faire »

2.3. Il existe une forme d’invisibilisation éthique qui ressemble à une discriminations indirecte. Elle consiste à effectuer un jugement en apparence neutre vis-à-vis d’une personne sans tenir compte des caractéristiques sociales de la personne.

Par exemple, cela peut être une remarque d’un supérieur hiérarchique sur la manière de parler d’un employé d’origine étrangère de la 2e ou 3e génération. Le supérieur a l’impression de faire une remarque à la personne comme il le ferait à n’importe quelle personne sans se rendre compte que pour cette personne la remarque n’a pas le même sens.

2.4. Il existe une autre forme d’invisibilisation éthique. Un ou une professionnelle émet un jugement sur un usager. Il ou elle pense son jugement parfaitement objectif. Sans qu’elle se rende compte que ce jugement correspond de manière indirecte à des stéréotypes sociaux présents dans la littérature ou le cinéma par exemple.