Capitalisme woke et dimension matérielle des rapports sociaux :

Si la droite conservatrice développe une critique du « wokisme », on assiste également à l’émergence d’un « capitalisme woke » qui instrumentalise les revendications d’émancipation des minorités ou les revendications écologiques à des fins mercantiles : greenwashing, pinkwashing…

Ce genre de situation se produit d’autant plus aisément quand les revendications des groupes socialement minorisés ne s’appuient plus sur une analyse des inégalités sociales matérielles en moyenne : les femmes sont moins payées que les hommes, les personnes racisées que les personnes d’origine européennes, les personnes en situation de handicap que les personnes valides… Les personnes de classes populaires sont confrontés à des phénomènes de planché collant par manque de capital social.

Il y a un entre soit des dominants qui sont le plus souvent des hommes blancs hétérosexuels issus de classes sociales supérieures. Pour bénéficier de ce capital social, il vaut mieux venir des même milieux sociaux, avoir habités dans les mêmes zones résidentielles, avoir fréquenté les mêmes écoles, avoir les mêmes pratiques culturelles, les mêmes mœurs (religieuses, familiales…)

Avec la question du capitalisme woke, on voit que ce qu’instrumentalise le capitalisme pour gagner de l’argent, ce n’est pas seulement des désirs, mais également des aspirations à la justice sociale.

Désir pulsionnel/angoisse existentielle :

On peut opposer deux types d’interprétation relativement au lien entre affect et capitalisme :

– L’explication par le désir pulsionnel :

Lordon, dans Capitalisme, désir et servitude : met en avant comment le capitalisme instrumentalise le désir à travers la management.

Freud a mis en avant le fond pulsionnel de l’être humain. La société par la répression des pulsions étant sensée produire une limite qui empêche les pulsions de détruire le social.

Certains auteurs se sont appuyés sur la théorie freudienne pour appuyer l’idée d’un capitalisme pulsionnel qui s’adresse aux pulsions inconscientes soit par la consommation, soit dans le fonctionnement même de l’entreprise (voir par exemple Alain Deneault, L’économie psychique).

– L’interprétation par l’angoisse existentielle :

Ce type d’interprétation met en avant non pas l’illimitation du désir, mais au contraire la conscience de la finitude à travers la mort.

Dans ce cas, le capitalisme instrumentalise l’angoisse générée par la conscience de la finitude à travers le divertissement ou encore par exemple le management par le sens, l’accumulation de produit qui viennent combler le vide existentiel (voir : Arnsperger, Critique de l’existence capitaliste).

Le deux analyses se distingue en ceci que la première mais l’accent sur l’illimitation du désir alors que la deuxième mais l’accent sur la conscience de la finitude. L’un insiste sur la puissance, l’autre sur la fragilité.

Génération Z et la question du sens du travail :

Le néolibéralisme est toujours prêt à instrumentaliser les aspirations légitimes des personnes pour en faire un vecteur de rentabilité économique. Après la dénonciation par Gaeber des bullshits jobs, les manageurs cherchent à développer le sens du travail en s’appuyant sur un management existentiel. Il s’agit de donner l’impression de répondre aux aspirations des personnes sans changer les conditions matérielles de personnes.

Dans le même genre d’idée, il est possible de penser à la question de « chief hapiness officer » (responsable du bonheur).

Le problème de fond tient au fait que les organisations de travail ont comme objectif de générer toujours plus de profit et non pas de permettre aux personnes de vivre une vie qui a du sens.

La recherche de sens chez la génération Z se traduit plutôt par le fait que les personnes fuient ce type d’entreprise pour aller rejoindre des associations – qui souvent paient moins -, mais qui affichent un projet qui a du sens. Néanmoins, la difficulté tient au fait que dans ces structures également les conditions de travail dignes ne sont pas toujours respectées.

Hyperactivité :

Le problème de l’hyperactivité ne doit pas être en soi chercher dans le sujet. L’hyperactivité n’a pas le même sens lorsqu’il s’agit d’une passion personnelle, d’une activité bénévole, d’une activité salariée d’intérêt général ou d’une activité salariée à but lucratif.

Le problème de l’hyperactivité, c’est quand le sujet hyperactif se trouve au prise avec une organisation de travail qui exploite son énergie, qui la pompe jusqu’à le vider, qui le vampirise… pour ensuite le laisser sur le bord du chemin, et ensuite exploiter de nouveau d’autres personnes.

Limites :

La recherche de l’efficacité et de la performance sont du côté de l’illimité, l’éthique est du côté de l’auto-limitation.

Le capitalisme impose une recherche d’efficience illimité : toujours plus de croissance, toujours plus de productivité ect… Or cette recherche du « toujours plus » se heurte au fait que l’être humain n’est pas toujours améliorable et augmentable contrairement à l’idéologie utlra-libérale et capitaliste des transhumaniste. L’éthique implique au contraire une recherche d’auto-limitation.

Technocapitalisme et rapports sociaux :

Le technocapitalisme se caractérise par un processus de réification appelé qualifiable de nécrophile. Il s’agit d’un processus qui traiter toute réalité vivante, y compris les êtres humains comme des choses.

Mais le technocapitalisme est traversé également de rapports sociaux qui divisent et opposent les groupes sociaux entre eux : les femmes/les hommes, les capitalistes/travailleurs/ses, les racisés/les blancs, les valides/les personnes handicapées…

Les mouvements sociaux de transformation du technocapitalisme impliquent la mise en œuvre d’une politique de l’allié-e capable de dépasser les divisions sociales afin de remettre en question le système techno-capitaliste.

Triangle social: opprimé, oppresseur, allié-e:

Berne a théorisé le triangle sauveur, victime et agresseur. Sur ce modèle, il est possible de penser un triangle sauveur, victime et agresseur. Si l’on analyse les situations sociologiques, il est possible de remarquer que la plupart d’entre nous sommes positionnés selon les rapports sociaux soit comme opprimés, soit comme oppresseur. Se pose alors la question lorsqu’on est oppresseur, de passer du statut d’oppresseur à celui d’allié. Que doit faire une personne en situation d’oppression sociale dans une situation donnée pour pouvoir se positionner comme allié-e ?