1) Les autres approches :

Il est nécessaire de distinguer le champ de l’accompagnement existentiel d’autres champs professionnels :

– La direction de conscience religieuse : la direction de conscience religieuse propose un accompagnement en lien avec les percepts ou les dogmes d’une religion.

La direction de conscience s’adresse à des personnes qui ont une foi religieuse, mais cela laisse de côté, dans une société largement sécularisée, toutes les personnes qui sont athées ou agnostiques.

– Les psychothérapies : La psychothérapie est un champ qui se veut à l’origine médical. La psychanalyse est présentée par Freud comme une science positive à vocation thérapeutique. Actuellement, dans le domaine scientifique au sens strict, les psychothérapies visent le traitement de troubles mentaux à partir de pratiques thérapeutiques évaluées expérimentalement comme efficaces. Ce sont les thérapies cognitivo-comportementales.

Néanmoins bien souvent, les psychothérapeutes tendent aujourd’hui à développer un accompagnement pour des personnes qui ne souffrent pas de troubles mentaux au sens strict. Cela ne va pas sans poser des problèmes. En effet, cela conduit à psychologiser, voire à pathologiser, des difficultés liées à des épreuves de la vie qui ne ressortent pas en premier lieu du fonctionnement psychique des personnes, mais qui trouvent leur origine dans des épreuves sociales ou existentielles.

A partir de la fin des années 1970, certaines pratiques se développent, en lien avec un marché économique, qui cherche à capter un public – des consommateurs – qui ne relèvent pas au sens strict ni de la psychiatrie (pathologie), ni de la direction de conscience religieuse.

– Les praticiens des nouvelles spiritualités et pratiques alternatives : il s’agit d’un ensemble de personnes qui développent des pratiques alternatives aux religions traditionnelles et aux sciences conventionnelles – en matière de santé physique et mentale.

– Le développement personnel : Dans un premier temps, le développement personnel est issu en particulier de la psychologie humaniste (Rogers, Maslow) : l’objectif est l’accomplissement de soi. Actuellement, la psychologie positive tend à orienter le développement personnel vers la recherche du fonctionnement optimal et du bonheur.

Le coaching : Le coaching est une pratique issue du monde du sport qui a été ensuite incorporé au monde l’entreprise : coaching d’entreprise. Le coaching est basé sur la recherche de performance. « Le coaching, ou accompagnement, est une méthode d’accompagnement personnalisé destinée à améliorer les compétences et la performance d’un individu, d’un groupe ou d’une organisation, grâce à l’amélioration des connaissances, l’optimisation des processus et des méthodes d’organisation et de contrôle. » (Wikipedia, novembre 2021)

Cette orientation des pratiques, à partir des années 1980, a été interprétée par un certain nombre d’auteurs (Lasch, Sennett, Lipovetsky, Erhenberg) comme la marque d’une évolution vers une société plus individualiste et narcissique. L’évolution des troubles psychiques – des névroses vers la dépression et le burn-out – sont alors analysés comme des troubles du narcissisme, conséquence de l’individualisme et de la recherche de performance.

2) L’accompagnement existentiel :

– Le stoïcisme antique : Les religions de l’Antiquité ne jouent pas le rôle de direction de conscience. On trouve en revanche dans les philosophies antiques – Epicurisme, Cynisme, Stoïcisme – des exercices spirituels (ou techniques de soi). En particulier, dans le stoïcisme, ces techniques de soi visent à aider les personnes à faire face aux épreuves de la vie. (Il n’est pas étonnant à cet égard que le philosophe Michel Foucault développe un intérêt pour cette thématique au moment où il est atteint du SIDA).

Néanmoins, ce moment historique se referme avec le christianisme. Le techniques de soi du stoïcisme, comme l’examen de conscience, sont reprises par la direction de conscience chrétienne.

– Le moment existentialiste (1945-1960) : Sartre et Camus entendent proposer une philosophie existentialiste athée qui vise à affronter les épreuves de la vie, en particulier les épreuves existentielles. Néanmoins, Sartre, dans un deuxième temps, est de plus en plus conduit à réfléchir à la manière dont l’existentialisme peut intégrer les épreuves sociales et pas seulement existentielles.

Ce moment existentialiste se referme avec un moment psychanalytique (1960-1980), puis l’avènement des thérapies alternatives et du développement personnel.

– La question de l’accompagnement existentiel aujourd’hui :

Vincent Gaulejac, le fondateur de la sociologie clinique, a mis en lumière la nécessité d’un champ entre le social et psychique, qui ne relève pas de la psychopathologie, mais de l’accompagnement existentiel.

En effet, nombre de problématiques de souffrance que traversent les personnes dans la vie ne relèvent pas de troubles psychiques, mais d’épreuves de vie qui sont des épreuves sociales et existentielles. C’est le cas par exemple de la souffrance au travail qui ne provient pas pour l’essentiel de troubles psychologique des personnes, mais de problèmes d’organisation du travail. Le social provoque des conflits psychiques existentiels qui ne relèvent pas d’un fonctionnement pathologique du sujet.

L’accompagnement existentiel correspond donc à ce champ d’accompagnement de la personne face à des épreuves de vie : violences sociales, épreuves existentielles (maladie, accident)… Bien souvent les épreuves existentielles et les épreuves sociales sont entremêlées. Les épreuves de vie sont vécues par le sujet comme des épreuves existentielles, mais elles relèvent objectivement en grande partie d’épreuves sociales.

Le rôle de l’accompagnement existentiel est tout d’abord de mettre en lumière l’origine externe de la souffrance, et non psychique, et en particulier d’aider à en explorer le fonctionnement social.

Dans un second temps, cet accompagnement peut aider la personne à devenir un sujet, face aux épreuves de vie auxquelles elle est confrontée, en explorant avec elle le sens des possibles.

Sur ce plan, les groupes de relation d’aide, animés par Catherine Tourgette-Turgis, à la fin des années 1980 et début des années 1990, au moment de la lutte contre le SIDA, peut constituer un exemple d’accompagnement existentiel. En effet, le SIDA apparaissait à la fois comme une épreuve existentielle – angoisse de la mort – et une épreuve sociale – discriminations sociales liées à la maladie.

« L’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous » (Sartre, Saint-Genêt, 1952)