(avec questionnaires)

La double conscience de la personne opprimée : la personnalité opprimée est une personnalité clivée, dissociée. Elle est en conflit avec elle-même. Elle porte en elle-même deux personnalités :

1) L’introjection de l’oppresseur : la conscience aliénée – la part inauthentique du sujet.

Cette introjection s’effectue par plusieurs procédés :

– l’éducation bancaire : qui considère les apprenants comme des vases à remplir et de ce fait leur apprend la passivité.

– la conquête (qui peut aller de la violence physique à la propagande médiatique)

– la manipulation

– l’invasion culturelle (qui passe par la diffusion de mythes qui faussent le lecture de la réalité sociale)

Ces processus sociaux visent l’adaptation du sujet à la réalité sociale injuste, une domestication.

Les degrés d’aliénation :

– l’aliénation peut être totale (conscience magique) : le sujet n’a pas conscience de son aliénation

– ou partielle (conscience première, conscience révoltée) : le sujet a conscience de l’injustice sociale, mais ne parvient pas à l’analyser correctement et ne parvient pas à transformer sa situation.

Les attitudes peuvent être la soumission ou au contraire une révolte destructrice (comportement d’auto-destruction ou d’agressivité vis-à-vis des autres). Le sujet peut ressentir un mal-être intérieur, mais sans en comprendre la cause. Ce mal-être provient du fait que le sujet ne peut pas se réaliser authentiquement, il se sent aliéné mais sans en comprendre réellement la cause, et sans avoir les moyens de lutter contre son aliénation.

Lorsque l’aliénation est partielle, le sujet est en conflit avec lui-même : il est par exemple révolté (dans les paroles et les actes), mais sa révolte est aveugle et destructrice. Elle n’est pas orientée vers la transformation sociale car le sujet n’a pas une connaissance claire des raisons de son oppression.

Questionnaire  sur le degré d’aliénation :

a) Je me sens bien dans ma vie. Je n’ai pas l’impression de subir personnellement des injustices et pour moi de manière générale je trouve que la société dans laquelle nous vivons n’est pas organisée de manière injuste.

b) Je me sens bien dans ma vie. Je n’ai pas l’impression de subir personnellement des injustices, mais je me sens gênée par l’existence d’injustices sociales.

c) J’ai un sentiment de mal-être dans ma vie, mais je ne comprends pas pourquoi.

d) J’ai un sentiment de mal-être car j’ai l’impression de subir des injustices, mais je me sens incapable d’agir pour changer la situation

e) Je me sens révoltée et en colère par ce qui m’arrive. Il m’arrive de faire preuve d’agressivité envers les autres ou moi-même.

f) Pour moi, les injustices que je vis trouve leur origine dans l’organisation sociale. Mais je ne sais pas comment agir.

g) Pour moi les injustices trouvent leur origine dans la société et actuellement je me suis engagée dans un collectif pour tenter de changer la situation.

h) Je n’ai pas l’impression de subir d’injustices personnellement, mais je me sens touchée et/ou révolté par des injustices que subissent d’autres personnes. Je me suis engagée dans un collectif pour essayer d’agir sur cette situation.

2) L’aliénation du sujet a plusieurs conséquences :

– l’impossibilité ou la difficulté de penser par soi-même (sa conscience est envahi par les mythes de l’oppresseur)

– l’impossibilité d’agir pour transformer sa situation Soit  parce que : a) le sujet n’a pas conscience de l’injustice b) il n’a pas une lecture critique de la réalité c) il pense qu’elle ne peut pas être transformée d) il a le sentiment de ne pas avoir le pouvoir de changer la réalité.

– l’impossibilité de se réaliser soi-même en tant que sujet authentique, l’impossibilité de réaliser son aspiration au plus-être.

Elle produit une conscience fataliste.

Questionnaire  sur le sentiment de pouvoir d’agir :

– a) Pour moi, la société fonctionne bien. Il n’y a pas d’injustices sociales.

– b) J’ai le sentiment de ne pas assez bien comprendre la réalité sociale pour pouvoir donner mon avis et agir.

– c) Je pense qu’on ne peut pas changer les choses. Cela a toujours été comme cela.

– d) Je pense que l’on peut changer les choses si l’on est assez nombreux, mais je me sens trop isolée et incapable d’agir.

– e) Je me suis déjà engagée avec d’autres personnes, mais j’ai l’impression que nous ne sommes pas assez nombreux pour pouvoir changer les choses et qu’en face, il y a trop de résistance. Je me sens découragée.

– f) J’ai l’impression de comprendre suffisamment le fonctionnement de la société pour m’engager et je pense que même s’il est difficile de changer la réalité sociale, c’est possible en s’engageant collectivement. Je ne me sens pas découragé par la difficulté de la tâche.

3) La libération : L’éducation populaire à plusieurs objectifs :

– dévoiler les processus d’emprise mentale (qui vont de la contrainte physique à la manipulation)

– démythifier la réalité et faire apparaître la réalité sociale

– elle est orientée vers l’espoir et est tournée vers l’action de transformation sociale

Elle développe la conscience critique et la praxis.

4) Le sujet authentique : la conscience intentionnelle – elle permet de visée des projets (Sartre) : « je suis ce que je fais » – elle est tournée vers l’action de transformation sociale.

Il s’agit d’un sujet qui est capable d’être sujet de son histoire personnelle et de participer à la transformation sociale de l’histoire collective.

Questionnaire d’authenticité :

a) j’ai l’impression de comprendre ce qui ne va pas dans ma vie ou quand quelque chose ne va pas dans ma vie : oui : tout à fait / assez bien/ pas vraiment/ pas du tout.

b) j’ai l’impression de me réaliser dans ma vie, de pouvoir être moi-même, de vivre une vie qui correspond à mes aspirations profondes – oui : tout à fait / assez bien/ pas vraiment/ pas du tout

c) je me sens capable d’agir au niveau individuel pour changer ma situation quand cela ne va pas – oui : tout à fait/ assez bien/ pas vraiment/ pas du tout.

d) je me sens capable de m’engager collectivement pour essayer de changer ma situation et celles des personnes qui vivent les mêmes problèmes que moi. Oui : tout à fait/ assez bien/ pas vraiment/ pas du tout.