• Présentations de Pascale et questions 

 

 

Présentation de Pascale :

  • Public : 19-64 ans, originaires du monde entier, niveau de formation de base ( 5ème à bac+5). Mélange d’âges, de cultures, d’appartenances religieuses dans les groupes.
  • Groupe : une dizaine de personnes.
  • Origines sociales :  classes ouvrières et classes moyennes. 
  • Objectifs : acquisition de la langue française et, au-delà de la compétence linguistique, la recherche d’emploi.

 

Entrer dans ce centre c’est aussi vivre des situations de racisme, classisme, validisme, âgisme (surtout vécu par les jeunes), sexisme.

 

Est-ce que la compétence linguistique est la seule chose qui empêche l’accès à l’emploi ? Toutes les personnes présentes à ces ateliers ont une problématique de positionnement social. 

La spécificité du (RAM ?) c’est le tournant biographique (pays ou famille quittée, handicap, maladie). 

La problématique est de savoir comme agir en tant que formateur•rice face aux questionnements des personnes  : mention du handicap, etc.

La  maîtrise des compétences sociales n’est pas suffisante pour dépasser les freins à l’emploi

 

Au niveau pédagogique, une approche frerienne a été mobilisée pendant 3 mois dans et hors la formation (formel et informel) en se servant du français pour faire travailler ces personnes sur leurs parcours et la conscientisation de leur position sociale (Comment le problème est structuré ? Comment la société est structurée ?)

 

Les personnes intériorisent un schéma de ce que la société leur renvoie. Il y a une sorte de fatalisme qui engendre des difficultés à poser le problème. La pédagogie critique permet ainsi de mobiliser des collectifs pour en dégager un pouvoir d’agir.  Cependant il s’agit d’une approche clandestine, qui, si elle était révélée, risquerait d’être taxée d’anti-entreprise.

 

Pôle Emploi ne se soucie que de la question des compétences validées en termes de français et de retour à l’emploi, alors qu’un autre CR est également fait pour la structure sur les évolutions de la personne. Il faut environ deux ans d’accompagnement pour que la personne 

 

Questions posées à Pascale :

 

 

  • Au regard de la tranche d’âge : quelle est la pédagogie utilisée ?

 

L’approche est individualisée, les groupes de 10 / 12 permettent un travail différencié proposé à chacun pour converger vers des objectifs communs.

 

 

  • Après 3 mois, les résultats sont-ils  satisfaisants ?

 

En matière de conjugaison, les résultats sont effectivement positifs. Sur la pédagogie critique, des documents ont été ouverts aux stagiaires, pour qu’ils puissent comprendre le pourquoi du comment  de cette démarche.

 

 

  • Concernant les plus jeunes 19 ans pourquoi sont-ils accueillis ici non pas au lycée ?

 

Ces jeunes ont souvent des parcours de déscolarisation. 

 

 

  • Comment t’es tu retrouvée à informer la direction de la pratique ?

 

Après un coup de foudre pédagogique et un militantisme retrouvé avec une collègue, il a fallu donner les clés à la direction sur la manœuvre et la façon dont on associait commande formelle et militance. Tant que les résultats sont présents, la direction laisse faire

 

 

  • Comment vivais-tu le fait de travailler clandestinement au niveau de la charge mentale ?

 

Au début, c’était difficile car seulement deux collègues ont fonctionné comme ça puis d’autres collègues sont arrivés et ils ont pu en parler avec la direction. 

 

  • Qu’entends-tu par conscientisation ? 

Je pense au cas d’une jeune femme qui décide de lâcher son foulard, à côté une jeune femme qui décide de le garde. Ici se produit une prise de conscience de ce que le foulard représente pour chacune. La conscientisation ne s’arrête pas à soi, elle inclus et implique l’Autre. 

 

 

  • Est-ce que vous avez été amenées  à faire de l’accompagnement administratif ou alors de l’accompagnement juridique ? À faire du « plus » par rapport à vos missions de formation ?

 

Nous avons fait beaucoup d’accompagnement juridique ou administratif et de l’orientation vers des dispositifs de droit commun quand c’était nécessaire.

 

 

  • Agissez-vous aussi sur l’environnement social des personnes ?

 

Je pense à une personne migrante qui a rejoint un collectif d’accueil de migrant, des femmes qui mettent doucement un pied hors du domicile et comprennent que leur place n’est pas qu’à la maison. Il faut y aller avec beaucoup de délicatesse et l’on voit ainsi ces personnes évoluer avec le temps.

 

 

  • Théories critiques du travail : approches marxistes et féministes

 

 

Reprise d’Irène liée à une question d’une participante sur le fait de savoir si c’est le fait de travailler ou d’être utile socialement qui est le plus important: 

 

Les théories critiques font apparaître deux courants d’approche :

 

  • Le premier : issu de Marx, jusqu’à la psychodynamique du travail de Dejours 

pose la centralité du travail. Le travail c’est plus que l’emploi c’est quelque chose par lequel l’individu va se réaliser. C’est aussi un concept critique (par exemple chez les sociologues féministes matérialistes le travail, c’est aussi le travail domestique) qui permet d’analyser des phénomènes tels que l’exploitation ou la division du travail : le travail exploité, le travail aliéné etc…

 

  • Le deuxième courant affirme que le travail est historiquement daté, qu’il est ancré dans le capitalisme. Le travail est lié à l’exploitation capitaliste

 

Le problème est que renoncer au concept de travail revient à se priver d’un instrument critique pour observer d’autres formes de travail que le travail capitaliste, par exemple : le travail domestique. 

 

La question du travail n’est pas seulement résolue par la question de l’activité. Voir la théorie des sphères de reconnaissance sociale chez Axel Honneth

 

Le revenu garanti doit être distingué du salaire socialisé. Le risque c’est d’accepter que les conditions de travail des personnes n’ont pas besoin d’être améliorées 

 

Le salaire socialisé est lié aux cotisations sociales patronales (B. Friot). Le modèle du revenu garanti = différents  modèles néolibéraux à d’extrême gauche. Il peut être financé par les impots (donc tout le monde)

 

Le travail reproductif et le travail domestique doivent être distingués, du travail productif dans le système capitaliste. 

Sylvia Federicci accepte l’idée de division sexuée du travail . Elle ne le remet pas en cause. Elle a défendu que la solution pour l’inégalité des tâches domestiques c’est de donner un salaire aux femmes pour réaliser les tâches. Elle s’oppose au projet de partager les tâches domestiques

 

Cela se retrouve concernant l’emploi: “Travailler moins pour travailler tous” ou “Partage des richesses, partage du temps de travail”,  contre le revenu garanti. En outre, le revenu garanti peut être compatible avec des inégalités de revenus importantes entre ceux qui touchent un revenu garanti minimum et ceux qui travaillent. Mais ce n’est pas l’objet du séminaire.

 

Dans le féminisme matérialiste l’approche de Sylvia Federicci n’est pas acceptable. Elle est une féministe marxiste. Cela veut dire qu’elle considère que le patriarcat est lié nécessairement au capitalisme. 

 

Il faut bien distinguer le travail et l’emploi. Il existe par exemple le travail domestique. La société sans Etat de Pierre Clastres:  les femmes font la cueillette et les hommes chassent, comme si les deux activités sont équivalentes alors que les hommes ont les armes donc où est l’équivalence ?

ou est-ce qu’on considère au contraire que dans la société, les hommes et les femmes peuvent avoir les mêmes activités ?

  • Voir l’entretien suivant de Federicci:

“Pour revenir à ton livre, tu affirmes qu’au Moyen Âge la division du travail n’impliquait pas nécessairement l’oppression des femmes…” – 

https://lavoiedujaguar.net/Entretien-avec-Silvia-Federici-La )

 

Mais tout ceci nous éloigne du séminaire. On va reprendre la thématique du séminaire: 

 

 

  • Les objectifs de professionnalisation du séminaire 

 

 

Parmi les 21 personnes présentes, 8 envisagent une évolution pro ou une reconversion du fait des études. 

 

Ce séminaire existentiel a des objectifs de professionnalisation. Ce séminaire n’est pas  seulement théorique ( philosophique et sociologique), il revendique une approche pratique pour développer des champs de professionnalisation = 

  • travail indépendant ou travail salarié.
  • relation individuelle ou relation avec des groupes

 

Dans le cas d’une activité professionnelle comme indépendant :

  • On peut avoir des activités basées sur une relation individuelle comme la consultation existentielle, sur le modèle de la consultation philosophique.
  • On peut avoir les activités de formation collective. Il peut s’agit de la formation en éthique professionnelle ou de l’analyse de pratiques professionnelles par exemple.

 

Dans le travail salarié, cela peut passer par de l’accompagnement individualisé ou de l’action communautaire. 

 

Dans le cas de la relation individuelle, l’approche de ce séminaire doit être distinguée d’autres approches avec lesquelles elle peut être confondue.

 

Ce n’est pas du coaching (qui est tourné vers l’idée de rendre la personne plus  performante) ni de la psychothérapie (dans la psychothérapie, ce qui définit une personne c’est son psychisme). Par exemple dans le cas de la psychanalyse, ce qui permet de me connaître, c’est une structure inconsciente: conflit entre le ça et le surmoi.

 

Irène propose aux étudiant•es de ne pas hésiter à prendre contact pour avoir une réflexion sur leur projet professionnel si on pense que cela à un lien avec les approches existentielles. Elle lance un appel aux volontaires pour mai et juin car personne ne s’est proposé pour l’instant. 

 

 

  • Le sujet selon Sartre 

 

Du côté de Sartre, la liberté c’est ce néant qui est au cœur de l’homme. Chez Sartre il n’y a pas d’intériorité, ce qui nous caractérise c’est notre projet, c’est-à-dire notre capacité à nous projeter à l’extérieur de nous et vers le futur. Ce qui me définit c’est ce que je réalise.

Chez Sartre il n’y a pas de prédispositions, pas de qualité en puissance à l’intérieur de moi. “Pour l’existentialisme il n’y a pas d’amour autre que celui qui se construit …” . Doctrine radicale dans le sens où ce qu’il dit c’est que l’être humain est absolument libre et sans excuse. Il récuse l’idée de potentiel. 

 

Sartre a une théorie de la psychanalyse existentielle où il recherche le projet originel : mais ce n’est pas cette perspective qui sera développé dans le cadre de ce séminaire. 

 

Extrait de L’existentialisme est un humanisme :

 

“La doctrine que je vous présente est justement à l’opposé du quiétisme, puisqu’elle déclare -. il n’y a de réalité que dans l’action; elle va plus loin d’ailleurs, puisqu’elle ajoute -. l’homme n’est rien d’autre que son projet, il n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est donc rien d’autre que l’ensemble de ses actes, rien d’autre que sa vie. D’après ceci, nous pouvons comprendre pourquoi notre doctrine fait horreur à un certain nombre de gens. Car souvent ils n’ont qu’une seule manière de supporter leur misère, c’est de penser:  » Les circonstances ont été contre moi, je valais beaucoup mieux que ce que j’ai été; bien sûr, je n’ai pas eu de grand amour, ou de grande amitié mais c’est parce que je n’ai pas rencontré un homme ou une femme qui en fussent dignes, je n’ai pas écrit de très bons livres, c’est parce que je n’ai pas eu de loisirs pour le faire; je n’ai pas eu d’enfants à qui me dévouer, c’est parce que je n’ai pas trouvé l’homme avec lequel j’aurais pu faire ma vie. Sont restées donc, chez moi, inemployées et entièrement viables, une foule de dispositions, d’inclinations, de possibilités qui me donnent une valeur que la simple série de mes actes ne permet pas d’inférer.  » Or, en réalité, pour l’existentialiste, il n’y a pas d’amour autre que celui qui se construit, il n’y a pas de possibilité d’amour autre que celle qui se manifeste dans un amour; il n’y a pas de génie autre que celui qui s’exprime dans des oeuvres d’art : le génie de Proust c’est la totalité des oeuvres de Proust; le génie de Racine c’est la série de ses tragédies, en dehors de cela il n’y a rien; pourquoi attribuer à Racine la possibilité d’écrire une nouvelle tragédie, puisque précisément il ne l’a pas écrite? Un homme s’engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n’y a rien. Évidemment, cette pensée peut paraître dure à quelqu’un qui n’a pas réussi sa vie. Mais d’autre part, elle dispose les gens à comprendre que seule compte la réalité, que les rêves, les attentes, les espoirs permettent seulement de définir un homme comme rêve déçu, comme espoirs avortés, comme attentes inutiles; c’est-à-dire que ça les définit en négatif et non en positif; cependant quand on dit  » tu n’es rien d’autre que ta vie « , cela n’implique pas que l’artiste sera jugé uniquement d’après ses oeuvres d’art; mille autres choses contribuent également à le définir. Ce que nous voulons dire, c’est qu’un homme n’est rien d’autre qu’une série d’entreprises, qu’il est la somme, l’organisation, l’ensemble des relations qui constituent ces entreprises. Dans ces conditions, ce qu’on nous reproche là, ça n’est pas au fond notre pessimisme, mais une dureté optimiste.”

 

La limite de la thèse de Sartre est la prise en compte des conditions sociales qui n’ont supposément pas de poids, puisque nous sommes toujours absolument libres. Dans la suite de son œuvre, il essaie de nuancer mais on du mal parfois à saisir sa position. 

 

 

  • La critique foucaldienne et sartrienne de la psychothérapie 

 

On oppose habituellement Sartre à Foucault. Néanmoins tous les deux ont pour points communs d’être critiques de la psychothérapie (en particulier freudienne).

Foucault, dans La volonté de savoir, analyse les pratiques issues du christianisme comme la confession, basée sur l’aveu, qui vise à ce que la personne révèle ce qu’elle a au fond d’elle. 

 

Il situe la psychanalyse dans cette lignée là. Foucault se méfie beaucoup de la tendance à vouloir analyser et connaître la personne, c’est une manière d’avoir un pouvoir sur elle, de vouloir la transformer, la modifier, en la connaissant on va pouvoir agir sur elle. 

 

Ce qui est intéressant chez Sartre c’est que s’il n’y a rien à analyser. S’il n’y a rien derrière mes actes alors il ne saurait y avoir un moi qui préexiste à mes actes que l’on pourrait vouloir analyser et modifier.

L’analyse est une tentative de définir la personne surtout quand on a une certaine autorité sociale. Il y a un risque d’enfermer la personne dans une interprétation, un diagnostic etc.

 

 

  • La psychologie existentielle et la liberté

 

 

La psychologie existentielle est un courant qui reconnaît la liberté de l’être humain, ce qui est différent de la psychanalyse dans laquelle Freud parle de l’inconscient comme d’un destin. 

 

Alors qu’Irvin Yalom consacre dans Thérapie existentielle, une place importante au débat entre Freud et le psychanalyste Otto Rank sur la question de la liberté. Il admet un problème avec la psychanalyse : comment peut-on poser l’idée que le but de la psychanalyse est d’amener la personne à faire des choix libres, alors que la psychanalyste est une théorie déterministe. (NB: Yalom admet pourtant davantage la psychanalyse que le psychologue existentiel Viktor Frankl )

 

Cette question est aussi présente dans la sociologie. Par exemple, la sociologie marxiste est déterministe. A partir du moment où on pense que les choses sont liées à une causalité c’est qu’on est dans du déterminisme.

 

Certains psychothérapeutes partent de l’idée qu’il faut responsabiliser les patients. Yalom donne un exemple d’un psychothérapeute qui a pour patient une personne qui s’est faite agressée dans la rue. Il renvoie la personne à ce qu’elle a fait : à savoir que c’est bien elle qui s’est rendue dans cette rue où elle s’est fait agresser. Elle est bien à l’origine de ses actes même si elle ne savait pas qu’elle allait se faire agresser dans la rue.

 

 

  • Les différentes conceptions de la liberté 

 

 

La conception juridique : le droit suppose une conception de la liberté en tant que libre arbitre. On ne condamne pas une personne si elle n’a pas conscience de ses actes. On considère qu’elle n’est pas responsable (ex; personne aliénée).

Alors que les conceptions scientifiques déterministes présupposent que le libre arbitre n’existe pas, que tout est organisé selon des causes.

 

La conception de la liberté chez Spinoza : Spinoza propose une conception de la liberté qui consiste à dire qu’être libre c’est accepter la nécessité (le déterminisme). Être responsable de ses actes, c’est être la cause de ses actes. Il n’y a pas besoin dans ce cas d’être conscient pour être libre. Dans la vision déterminisme, être libre c’est être la cause de ses actes.

 

La conception de la liberté chez Sartre pour Sartre, la liberté est liée à la conscience. Dans l’existentialisme, être libre, c’est la possibilité de faire des choix conscients.

Le problème de cette conception (partagée par Sartre et Yalom) est la prise en compte du on a du mal à prendre en compte le poids des conditions sociales. Selon cette approche, les personnes sont aussi libres quelque soit leurs conditions sociales.

 

 

  • La théorie de la double conscience chez P. Freire 

 

 

Il y a une théorie de la double conscience chez P. Freire. Il y a deux consciences à l’intérieur de la même personne:

  • L’une est fabriquée par les rapports sociaux de pouvoir (introjection de l’oppresseur à l’interieur de la personne) Une conscience inauthentique qui se crée à l’intérieur de la personne.
  • Une autre conscience est un pouvoir d’agir. Cette conscience est plus proche de celle de Sartre à une différence près : chez Sartre la conscience est individuelle alors que chez Freire elle est relationnelle, on la retrouve dans des pratiques dialogiques (cf. Buber et Jaspers). Parler chez Paulo Freire est une action (acte de langage). 

 

 

  • Travail social et psychothérapie : l’exemple du Canada

 

 

Au Québec, il existe une séparation entre la psychothérapie et le travail social. Cette distinction est légitime et cohérente par rapport à la def internationale du travail social :

 

“Le Travail social est une pratique professionnelle et une discipline. Il promeut le changement et le développement social, la cohésion sociale, le pouvoir d’agir et la libération des personnes. Les principes de justice sociale, de droit de la personne, de responsabilité sociale collective et de respect des diversités, sont au cœur du travail social. Étayé par les théories du travail social, des sciences sociales, des sciences humaines et des connaissances autochtones, le travail social encourage les personnes et les structures à relever les défis de la vie et agit pour améliorer le bien-être de tous.”

 

Cette définition est tournée vers le social : “changement social”, “développement social”, etc. 

Un traitement psychothérapeutique vise une action psychologique afin d’atteindre des changements significatifs de la personne dans son intériorité. Du point de vue de Sartre ou de la conscience authentique de Freire, il n’existe rien de tel qu’un soi constitué dans l’individu que l’on pourrait modifier. Car le soi authentique n’existe que dans des actes pour ces auteurs.

Chez Freire on peut agir sur la conscience inauthentique, c’est-à-dire les rapports sociaux de pouvoir qui ont été intériorisé.

 

Ainsi, le travail social s’effectue selon une approche non pas tournée vers le psychisme de la personne mais la relation entre la personne et son environnement.

En France, on ne peut avoir de titre de psychothérapeute si l’on n’est pas psychologue. Par contre on peut avoir des pratiques psychothérapeutiques ce qui est impossible au Canada (définition, moyen et finalité y sont clairement définis).

 

Lien entre travail social et psychanalyse aux états unis dans les années 30:

  • Marie Richmond qui développe l’accompagnement personnalisé est à l’origine de l’introduction de la psychanalyse dans le travail social.
  • Elle s’oppose à Jane Addams qui se situait dans la philosophie pragmatisme. Jane Addams pensait  qu’il fallait agir sur la société, action proche des syndicats (ou du community organizing de S. Alinsky). Selon cette conception, le travail social ne devrait pas viser à analyser la personne, mais à déconstruire les rapports sociaux intériorisés. L’approche du travail social ne vise donc pas à analyser la personne en tant que telle mais à analyser ce qui à l’intérieur de moi relève des rapports sociaux de pouvoir et va me bloquer pour agir.

 

Par ex : une femme qui dit “je sais que je devrais quitter mon mari je n’arrive pas à le faire”. 

  • Pour Freud, il y a un désir masochiste inconscient qui explique sa passivité. 
  • Pour Freire, c’est introjection de rapports sociaux de pouvoirs, l’idée de quelquechose qui ne vient pas d’elle,  mais qui vient des rapports sociaux de pouvoir et qui est à l’intérieur d’elle. Il s’agit d’essayer d’agir sur cette partie là qui inhibe le pouvoir d’agir.

 

Ce n’est pas l’existence du social en nous qui est problématique. Mes pensées se déroulent sous la forme d’un dialogue intérieur qui s’est constitué sur le modèle de la parole et du dialogue avec autrui. Le dialogue relève de la relation sociale. Ce qui est problématique c’est l’intériorisation des rapports sociaux de pouvoir.

 

Si le psychologique consiste à dire que la personne est ce qu’elle est car elle a des caractéristiques de la personnalité qui sont dysfonctionnantes alors Irène n’est pas d’accord avec cette thèse là qu’il faudrait avoir une intervention psychologique en travail social.

 

L’approche qui est défendue par Irène c’est qu’on ne peut rien dire de la personne. Moi je suis incapable de me connaitre intéreurement véritablement (= par l’introspection) et je ne peux pas connaitre intérieurement l’autre (par exemple par la psychanalyse). Ce que je connais ce sont les actes, je me connais par mes réalisations (thèse que l’on trouve au sujet du travail comme prise de conscience de soi chez Hegel ou chez Marx).

 

Freire : on peut seulement analyser ce qui n’est pas la personne en elle, ce n’est pas son esprit : introjection des rapports de pouvoirs à l’intérieur de soi.  Il ne s’agit pas d’expliquer le social par des tendances psychologiques. Le problème de la psychologie, c’est  qu’elle a pour objet d’analyser la personne et non pas le social.

 

La psychothérapie suppose une relation du type: “Je suis ok. Mais toi, tu n’es pas ok. Je vais te rendre ok” (pour reprendre les positions de vie de l’analyse transactionnelle)

 

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’inconscient car le social en nous on en a pas forcément conscience.

 

Est-ce que lorsqu’on a affaire à des personnes qui ont des problèmes sociaux on a besoin d’une approche psychologique ? Ca voudrait dire que la personne qui a un problème social, on trouve la cause de ses problèmes dans le psychologique de la personne alors que peut-être l’objectif c’est l’aider à comprendre ce qui en elle n’est pas elle (à savoir les rapports sociaux de pouvoir intériorisés). Cela peut être aussi de l’aider à comprendre les systèmes d’emprise sociaux qui l’empêche d’agir. Le problème se trouve dans les rapports sociaux de pouvoir, pas dans une déficience de la personnalité.

A l’opposé de ce que pense Irene : un livre qui évoque la souffrance au travail et part du postulat qu’il faut parler des problèmes de famille et pas du travail, car ce serait là que se pose la source du problème dans les relations familiales. Là encore, il s’agit d’une approche qui est tournée vers le relationnel, mais pas vers l’analyse des rapports sociaux de pouvoir.

 

Exemple d’une chaîne YouTube de formation au Canada : concernant celle sur l’accompagnement individuel on voit qu’elle n’est pas réalisée par une personne formée à l’intervention féministe mais les autres sont bien construites 

 

Voir également sur le travail social, cette video sur l’approche anti-oppressive où la travailleuse sociale critique la tendance à culpabiliser et responsabiliser les personnes de leurs problèmes sociaux:

https://www.youtube.com/watch?v=RzcUp5llgxw 

 

Remarque de Pascale concernant le groupe : le•la formateur•ice s’appuie sur les ressources du groupe pour apporter des réponses et les membres entre eux s’aident et c’est aussi là qu’elles gagnent en pouvoir d’agir. 

 

 

  • Distinction entre psychosociologie, psychologie sociale, etc. 

 

Question : en L3 on a un cours sur la microsociologie et parfois, on parle des psychosociologues, mais quelles sont les limites entre ces définitions ?

 

  • La psychologie sociale est une discipline basée sur des expérimentations ex Milgram. C’est de la psychologie expérimentale de groupe

 

  • La psychosociologie désigne souvent des approches relevant de la socianalyse : analyse psychanalytique des institutions et des groupes. 

 

  • La sociologie : c’est l’étude de la société. Il y a deux grandes perspectives :
  • la sociologie explicative (ou déterministe). Elle se veut objective
  • la sociologie compréhensive (qui s’intéresse au sens donné par les personnes, à leur vécu subjectif). Elle s’intéresse à la subjectivité.

 

  • L’analyse institutionnelle croise la dynamique des groupes et la psychanalyse. Elle est tournée avant tout vers l’étude des groupes et des institutions. (auteurs de référence : Lapassade, Lourau, Hess…)

 

  • L’approche socio-existentielle critique croise la sociologie des rapports sociaux de pouvoir (étude du sexisme / racisme / classisme / validisme…) et la philosophie/psychologie existentielle. Elle peut être appliquée à l’échelle de l’individu, des groupes, des institutions ou encore de la société dans son ensemble. (Auteurs de référence: Beauvoir, Fanon, Freire)

 

 

  • Souffrance intrapsychique et P. Freire

 

 

Question : peut-il y avoir une souffrance intrapsychique pour Freire ?

 

Il faut déjà voir ce dont l’on parle. Les troubles mentaux (ex: psychotiques) relèvent d’éléments neurobiologiques. Ce n’est pas l’objet de ce séminaire.

D’un autre côté, il y a la détresse psychologique réactionnelle qui relève des événements de vie et des déterminants sociaux. 

 

Dans la perspective de Freire, on peut dire que la souffrance psychique (dans le cas de la détresse psychique réactionnelle) est le fait que la capacité d’agir se trouve inhibée. La souffrance éprouvée car j’ai une contrainte en moi qui vient de l’extérieur et qui m’empêche d’agir. Il y a un conflit entre la conscience inauthentique et la conscience authentique.

Elle va apparaître à un moment où la conscience se manifeste par des pensées (qui relèvent d’un dialogue intérieur) ou des discours, mais qu’elle ne peut pas les réaliser dans l’action. La personne se trouve dans une situation d’incohérence pratique. 

 

Pour Paulo Freire : importance de la cohérence entre ce que je dis, ce que je pense et ce que je fais. Souvent on cherche du côté psychologique car ces trois axes ne sont pas en adéquation. Donc on va analyser le psychisme comme si c’était là qu’était la vérité du sujet. 

Alors que le plus important n’est pas de savoir ce que la personne pense au fond d’elle mais de mettre en lien ce qu’elle dit et ce qu’elle fait. Un moyen de connaître les personnes, bcp plus pertinent que de savoir ce qu’elles pensent, est de voir ce qu’elles font. P. Freire parle de cohérence, Rogers parle de congruence.  Mais chez Rogers, il n’y a pas de projet éthico-politique contrairement à Freire qui défend une certaine vision de la justice sociale.

 

L’approche socio-existentielle consiste à ne pas se tourner vers l’analyse de la personnalité supposée de la personne, mais vers l’analyse des rapports sociaux dans la personne. C’est aussi une approche qui aide à pouvoir se projeter dans le futur, à donner du sens à sa vie. Elle vise en effet le développement du pouvoir d’agir.

 

Les psychanalystes actuels critiquent beaucoup le narcissisme. Mais ils ne font pas mieux que le développement personnel car leur approche aussi est tournée sur soi-même, contrairement à Freire qui amène à se tourner vers les autres et à aller vers le changement social. 

 

Le psychologue existentiel V. Frankl affirme que le psychothérapeute ne devrait pas amener la personne à parler d’elle, mais à se tourner vers le futur et les autres.

 

 

  • Travail social et addictologie 

 

 

Témoignage d’une étudiante : travail auprès des personnes de la rue, comportement de stigmates que la rue a provoqués. On est quand même payé•es (en tant que travailleurs•euses social•es) pour corriger des comportements et permettre une réadaptation à la société. En même temps, les outils sont uniquement tournés vers la personne. (+ évocation des sujets liés à l’addiction)  

 

Irène : je n’insisterai pas sûr ces problèmes d’addictologie qui nécessitent une prise en charge particulière, comme les psychotraumatismes ou les problèmes psychotiques.

L’addiction agit sur des dimensions biologiques, qui ne sont pas sociologiques, et se traitent avec des spécialistes de l’addictologie. Il y a des raisons sociales à l’addiction mais l’addiction en elle-même suppose un traitement spécifique.

En matière de travail social on peut essayer de réfléchir à ce qu’est un travail social différent, par exemple l’accès aux droits est primordial au Canada. Sur les questions de la pauvreté on sait qu’une partie des personnes ne demandent pas à ouvrir leurs droits. Au Canada l’approche ne se fait pas dans une logique d’assistanat mais de mobilisation collective où les personnes vont aussi développer leur pouvoir d’agir selon un fonctionnement proche du syndicalisme.