Avr 8 2014

Epiphane Dunod, un jurassien pionnier dans la lutte contre l’esclavage des Noirs

 

Né en 1644 à Moirans-en-Montagne dans le Jura, Épiphane Dunod rentre au couvent de Vesoul en Haute Saône en 1665 dans l’ordre des capucins. Au cours de l’année 1678, il arrive à la Martinique ; il passe dans l’île de Grenade en 1679 ; après qu’ait couru à tort le bruit de sa mort, il parvient à la Nouvelle Andalousie (actuel Vénézuela), dans la province de Cumana. Il exerce là-bas son ministère pendant quelques mois.

Si son passage dans les îles l’avait déjà marqué profondément dans l’observation qu’il avait faite du sort réservé aux esclaves, son séjour en Nouvelle Andalousie ne va que renforcer ses convictions et le pousser à s’élever contre l’injustice du système esclavagiste.

 

En tant que Français, il est soupçonné rapidement d’être un espion au service du roi ; il entre en conflit avec le gouverneur qui le fait arrêter brutalement. Réduit aux fers en 1680, il est envoyé à la Havane en juillet 1681, d’où il doit être renvoyé en Espagne.

Autorisé à prêcher et à confesser, Épiphane Dunod fait la rencontre de Francisco José de la Jaca, prêtre en mission dans la paroisse de San Cristoval : ce dernier s’insurge contre l’esclavage dans ses prêches, en le déclarant illégitime. Francisco José de la Jaca est rapidement poursuivi par le gouverneur. Épiphane suit ce dernier et les deux hommes se réfugient à l’ermitage du Saint Christ Del Potosi, à une lieue de la ville, où ils continuent de prêcher que les esclaves sont libres.

Ils sont expulsés de leur ermitage en novembre 1681 ; refusant l’autorité du vicaire général, ils sont poursuivis par le procureur ecclésiastique. Le 13 janvier 1682, leurs cellules sont fouillées, leurs papiers confisqués : parmi ces papiers se trouve le traité d’Épiphane sur la liberté des nègres esclaves.

Réquisitoire virulent contre l’esclavage, le traité d’Épiphane Dunod démonte un à un les arguments des moralistes en s’appuyant sur des ouvrages de théologie morale. La conclusion du traité est sans appel : l’esclavage est contraire au droit naturel, au droit divin positif et au droit des gens ; si les maîtres refusent d’affranchir leurs esclaves, ils se condamnent eux-mêmes à la damnation éternelle. Il est en outre impératif que les esclaves soient dédommagés du tort qu’ils ont subi.

Dès le lendemain, les deux hommes sont emprisonnés dans une cellule du couvent et privés de dire la messe. Luttant juridiquement contre leur détention, les deux hommes ne peuvent pas assister à leur procès.

Embarqués le mois suivant sur deux galions différents, les deux hommes arrivent à Cadix, en Espagne, en octobre 1682. Ils sont alors libérés et envoyés au couvent de Séville avec interdiction de retourner aux Indes.

En 1683, ils sont convoqués et entendus à Madrid ; leur doctrine est jugée dangereuse pour l’ordre dans les colonies. Leur relégation en Espagne est fixée à six mois. Francisco José de la Jaca et Épiphane Dunod se rendent à Rome pour défendre leur cause. Leur affaire traîne en longueur et finit par être oubliée.