Délibération du Comité d’éthique éducative, XXIIe siècle

Président : – Nous avons cette fois un projet à examiné qui nous est proposé par le secteur Recherche scientifique et développement économique :

Cas : Le projet consiste à proposer aux établissements scolaires un nouveau diagnostique préventif du « trouble oppositionnel avec provocation » (TOP) et du trouble des conduites. Il serait ensuite demandé aux élèves, avec l’accord de leur parents, de se soumettre à un traitement qui conditionnerait la poursuite de la scolarisation. Les élèves seraient ainsi soumis à une obligation de soin qui prévoit une thérapie cognitivo-comportementale dispensée par une Intelligence artificielle (IA) et un traitement chimique. Nous préconisons en outre pour les jeunes ayant des « trouble des conduites » (qui sont plus graves que le TOP) un séjours préventif en psychiatrie.

Militant* du mouvement anti-oppression (A-O) : – Nous voulons rappeler notre opposition à ces diagnostiques. Il nous semble en effet comporter des biais sociaux. Statistiquement, nous constatons des différences dans la répartition sociale du diagnostique entre filles et garçons, entre classes sociales.

Spécialiste Recherche et développement : – Soit, mais s’il y avait juste une question de biais social, tous les enfants de tel ou tel milieu social devraient être diagnostiqués avec ces trouble. Cela montre bien qu’il y a des facteurs individuels et que c’est sur eux qu’il faut agir.

A-O : – Là encore, nous contestons cette objection qui es trop souvent utilisée pour nier le facteur social. Nous ne pensons pas que les comportements de ces jeunes soient liés à leurs gênes ou à leur personnalité intrinsèque. Il faut tenir compte à notre avis des évènements de vie qui peuvent avoir eu un impact sur leur comportement : évènements de vie critique, évènements de vie potentiellement traumatique. Vous savez que les travaux sur les déterminants sociaux de la santé mentale mettent en avant des facteurs tels que le mal-logement, la situation de migration.. ou autres. Il s’agit plutôt d’axer la prévention sur les conditions sociales. Les comportements socialement négatifs ne sont pour nous que l’intériorisation par le sujet de comportements sociaux auxquels ils ont pu être confrontés ou dont ils ont pu être témoins.

RD : – Même si on admet vos analyses. On ne voit pas comment vous intervenez au niveau de la prise en charge individuelle de la personne.

A-O : – Nous préconisons une prise en charge qui ne soit pas orientée sur l’action sur la personnalité du sujet, mais sur l’intervention sur le milieux et qui favorise les capacités des familles à agir sur la situation dans laquelle elles se trouvent. Même, pour les enfants, il est possible de mettre en place des programmes qui les aident à agir sur les situations auxquels ils sont confrontés, mais cela suppose aussi qu’ils puissent trouver des interloctueurices susceptible de répondre à leurs demandes d’aide.

Défenseur des droits humains (DH) : – Pour notre part, nous sommes sceptiques sur l’idée d’une traitement préventif de comportements sociaux. Déjà, c’est un principe du droit que l’on ne peut être sanctionné que pour des crimes que l’on a déjà commis. Or vous prévoyez de conditionner l’accès à la scolarisation à un traitement préventif. Nous considérons problématique d’assimiler comme vous sembler le faire traitement médical et sanction pénale. Par ailleurs, l’idée même de sanction préventive induit l’idée d’une nature inéluctable. Cela signifie que le diagnostique signifierait que nécessairement la personne va commettre ses actes. Or ce qui est curieux c’est que vous puissiez effectuer préventivement un tel diagnostique avant même la réalisation de toutes conduites criminelles. Je rappelle qu’il y a eu un précédent semblable qui avait soulevé au début du XXIe siècle un tollé avec une pétition visant à s’opposer à ce projet. A l’époque, il était question que l’INSERM élabore et diffuse un test qui visait à identifier les enfants de moins de 3 ans susceptibles de présenter des troubles du comportement.

Représentante des métiers de la relation à autrui (ME) : – Je voudrai pour ma part faire valoir notre opposition au fait de confier la psychothérapie à des IA. Pour nous, il ne peut pas s’agir d’activités professionnelles qui peuvent être l’objet d’une automatisation. Nous mettons en avant que la psychothérapie ne repose pas avant tout sur des techniques standardisées, mais sur la capacité à créer une alliance thérapeutique avec la personne suivie. Par ailleurs, nous préconisons également que les traitements psychothérapeutiques soient privilégiés lorsque c’est possible par rapport aux traitements chimiques dont il est difficile de mesurer les effets secondaires à long termes sur des enfants aussi jeunes.

Président* : – Ce qui est certain, c’est que notre collègue de la défense des droits humains a raison de rappeler le précédent de la tentative de détection préventive des troubles de conduite des enfants de moins de 3 ans. Cela n’était pas du tout passé auprès de l’opinion publique.

NB: Comme il a été souligné au cours de la délibération, ce cas qui est présenté comme science-fictionnel est en réalité proche d’un précédent qui a concerné la détection préventif des troubles du comportement chez les enfants de moins de 3 ans.