Consultation avec un* éthicien*, XXII e siècle :

Au XXIIe siècle, les problèmes éthiques générés par le progrès des techniques s’est amplifié. Dans de nombreux secteurs professionnels, des consultations en éthiques sont proposées :

Ethicien* (E) : – Bonjour. Je vous écoute.

Professionnel* (P) : – Je viens car je suis confronté* à un dilemme éthique concernant un enfant avec lequel je travaille : Il passe beaucoup de temps avec son robot compagnon au point d’avoir très peu de contact avec les autres enfants.

E : – Que répond-il quand vous lui en faite la remarque ?

P : – Il me dit que c’est son meilleurs ami. C’est un enfant unique comme beaucoup d’enfants actuellement.

E : – Pourquoi cela soulève en vous un dilemme ?

P : – Je comprends que les enfants peuvent préférer passer du temps avec le robot compagnon. Ils sont moins à même d’être victimes de harcèlement ou d’autres désagréments qu’ils peuvent connaître avec les enfants de leur âge. Mais en même temps, je me dis que justement, cela les conduit à ne pas prendre l’habitude d’interagir avec des humains. C’est un problème qui est soulevé par les pédopsychiatre. Les interactions avec les robots sont plus faciles qu’avec les humains : ils sont prévisibles, toujours serviables, jamais agressifs…

E : – Pensez-vous que l’argument selon lequel les enfants ne sont pas victimes harcèlement avec le robot est un bon argument pour éviter les interactions avec les autres enfants ?

P : – A vrai dire, je ne le pense pas. Je me dis que si c’était le cas, alors ce ne serait plus la peine de lutter contre le harcèlement scolaire. Je pense que c’est plutôt aux institutions qui accueillent des enfants de lutter contre les situations de harcèlement, d’agression ou de discriminations.

E : – Pensez-vous qu’en soit cela soit un problème de préférer les interactions avec un robot plutôt qu’un être humain ?

P : – Avant, il y avait des adultes qui préféraient avoir plutôt des interactions avec des animaux. Maintenant, il y a de plus en plus d’adultes qui préfèrent les interactions avec les robots compagnons à celle avec les êtres humains.

E : – Est-ce que vous voyez des arguments qui font que l’on devrait préférer l’interaction avec des êtres humains plutôt qu’avec des robots compagnons.

P : – Les robots n’ont pas le statut de personnes. On ne leur reconnaît pas des droits, ni une dignité comparable aux êtres humains. Il y a des militant-e-s qui pensent qu’aujourd’hui les robots sont devenus des IA fortes et qu’ils devraient être considérés comme des êtres humains.

E : – Que pensez-vous de ce débat ?

P : – Je ne sais pas. Pour l’instant, je n’ai pas d’avis tranché. C’est comme dans le cas des animaux. Les anti-spécistes considèrent que l’on ne doit pas accordé une valeur morale supérieure aux humains par rapport aux animaux. Ils affirment que nous traitons mal les animaux et que nous devrions les traiter avec plus de respects. Je suppose que c’est un peu le même type de débats avec les robots.

E : – Dans ce cas, comme vous faites un comparatif entre les animaux et les robots, est-ce que cela vous paraît souhaitable sur le plan éducatif – je parle ici de l’éducation comme notion philosophique et non psychologique – que les enfants privilégient la compagnie des animaux à celle des êtres humains ?

P : – Cela me rappelle l’histoire de Victor de l’Aveyron1 dont on dit qu’il avait été élevé par les loups. Cela dit par la suite, il n’a jamais appris à parler normalement. Cela semble indiquer que l’être humain a besoin d’être dans un environnement humain pour développé ses facultés.

E : – Vous voulez dire si je comprends bien que l’on ne peut pas devenir un être humain sur une île déserte entouré d’animaux, mais que pour devenir un être humain, il faut vivre entouré d’autres êtres humains avec lesquels on a des interactions.

P : – Oui, c’est cela. Cela dit dans le cas de cet enfant, il a des interactions avec ses parents, ses professeurs, et d’autres adultes. Le problème c’est qu’il préfère la compagnie de son robot compagnon au fait de jouer avec d’autres enfants.

E : – Et selon vous que lui apporterait la compagnie d’autres enfants pour son développement en tant qu’humain que ne lui apporte pas la confrontation avec un robot ?

P : – Justement, la connaissance du fonctionnement de l’esprit humain, du comportement humain. Les êtres humains n’interagissent pas comme les robots.

E : – Mais ne pourrait-on pas préférer alors la compagnie des humains à celle des robots, les qualités des humains à celle des robots ? Je veux dire, par exemple, il y a des êtres humains qui préfèrent la compagnie des animaux à celle des humains, parce que les animaux ne mentent pas et ne trompent pas les humains.

P : – Peut-être que cette capacité qu’à l’être humain à pouvoir mentir est aussi la même capacité qui lui permet d’inventer des fictions. Peut-être que si l’on ne fréquentait que des robots, on perdrait un richesse dans les interactions humaines.

E : – Donc, si je comprends bien ce qui fait que l’on pourrait souhaiter que les enfants ne fréquentent pas des robots, mais aussi d’autres êtres humains de leur âge, c’est que cela leur permet de pouvoir avoir accès à un ensemble plus riche de réactions et d’interactions.

P : – Oui, c’est ce qu’il me semble.

1Voir l’ouvrage L’enfant sauvage (1964) de Lucien Malson.