Idée reçue, idée préconçue : le parti pris du bidonville dans le paysage de la ville africaine

On ne niera pas ici que le bidonville demeure une composante majeure de nombreuses villes africaines mais faut-il pour autant exagérer son importance quand celui-ci relève de l’exception?

Référons-nous à la vidéo de la très sérieuse émission pédagogique Galilée, estampillée CNDP (l’émission est datée de 1998 mais une utilisation très récente en est suggérée sur une fiche pédagogique du SiteTV, voir lien). Nous en extrayons une copie d’écran montrant une étude de paysage de la ville de Dakar. (niveau
collège)dakar-paysage-site-tv.JPG

La description de l’image suit un fil conducteur de l’arrière-plan (Gorée, l’île esclavagiste ; le port, le centre ville, la zone résidentielle) au premier plan où « s’étend une zone de
bidonvilles »
.

Notons qu’il n’y a aucune contextualisation spatiale du paysage. Par ailleurs, on ne se pose nullement la question de l’étendue du bidonville. N’est-on pas implicitiment incité à penser que la zone se prolonge hors du cadre de la prise de vue?

Les éléments identifiables permettent une hypothèse de localisation que nous suggérons  à l’aide de Google Earth  (image datée de 1999 au plus près de la date de la photographie.)

 

Télécharger le fichier GE (kmz)

 

Un zoom sur le lieu probable du cliché nous permet d’apprécier l’étendue du « bidonville » montré au premier plan.

– Bidonville situé, 1999

bidonville dakar étendue

 

Bidonville en gros plan, 1999 (l’outil distance de GE nous indique moins de 100m de long et de large)

bidonville-GP.JPG

 

 

Le contraste entre l’effet 1er plan du bidonville dans le paysage et son emprise spatiale plus que modeste au sein de l’agglomération est assez saisissant. Avec un périmètre aussi restreint, peut-on d’ailleurs véritablement parler de bidonville?

Par défaut de contextualisation, il y a bien ici une intention imagière qui s’expose au risque de l’exagération voire d’une représentation imaginaire.

 

Elle s’accompagne par ailleurs de considérations clairement généralisatrices.

Il est question à travers cet exemple de nous faire pénétrer dans une des composantes urbaines majeures de l’Afrique noire, le bidonville et de montrer
les réalités du quotidien des populations miséreuses
(voir lien)

 

Qui plus est, le paysage étudié est censé refléter l’organisation spatiale de Dakar, où les héritages historiques viennent se confronter aux structures urbaines récentes, conséquence de l’afflux sans cesse croissant des populations rurales qui se concentrent dans les bidonvilles, en quête d’activités économiques modestes.

 

Le bidonville de « premier plan » n’est ici en réalité qu’un réduit spatial et ne peut raisonnablement servir de prisme à ces généralisations.

La précarité dans la capitale sénégalaise ne fait certes pas défaut, mais elle n’est pas nécessairement aussi lisible que celles des baraquements et images miséreuses usuelles.

Si l’étude du paysage tient une place privilégiée dans notre enseignement de la géographie, on prendra garde de se défaire  du piège d’une imagerie parfois grossissante et déformante.

 

Voir par ailleurs :

– Lire un paysage d’une ville africaine sans bidonville : l’exemple d’un quartier « Sicap » de Dakar

– Sur l’organisation spatiale de Dakar : Dakar sorti du noyau d’origine : la
phase de développement de l’après-guerre au début des années 80

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