La banlieue de Dakar, un espace nouvellement convoité.

L’achèvement de la nouvelle de l’autoroute reliant la capitale sénégalaise au tout proche arrière-pays (voir lien) est-elle en passe de modifier la rupture sociale majeure entre Dakar et sa banlieue?

Il est certes des données structurelles majeures qui ne sont pas prêtes de s’effacer -à l’image de Pikine ou Guiedawaye concentrant misère et précarité- mais on ne saurait ignorer pour autant la multiplication des lotissements viabilisés en périphérie d’agglomération qui traduit l’intérêt des investisseurs et l’attraction des classes moyennes.

Une banlieue comme terre de conquête des classes moyennes, voilà qui pourrait remettre en cause un schéma classique d’une ville africaine assimilant la périphérie à la pauvreté.

 

Attardons-nous sur une affiche qui couvre la ville de Dakar en ce mois d’octobre 2013.

Affiche publicitaire à Dakar, oct 2013

Affiche publicitaire à Dakar, oct 2013

– Il faut relever d’emblée son caractère inédit : c’est probablement  la première fois que l’on voit dans Dakar un argument de vente relatif au temps de parcours. Il y a peu, sortir de la ville était synonyme de congestion, de calvaire et de temps de transport infini. Désormais, grâce à l’autoroute, on peut raisonnablement envisager d’habiter en banlieue tout en travaillant à Dakar.

– L’autre information apparente concerne l’attraction du prix d’achat. A près de 15 000 euros la villa, le rêve de devenir propriétaire peut enfin devenir accessible pour qui possède quelques économies et un revenu régulier au delà de la moyenne nationale. Le pouvoir attractif de ce prix d’entrée de gamme doit être mesuré en fonction de la cherté de l’habitat dans Dakar qui a littéralement explosé durant ces deux dernières décennies (voir lien).

– Par ailleurs,  n’oublions pas le message visuel qui met ici en valeur l’importance du logement neuf et moderne. Sans être misérable, le logement à l’intérieur de la capitale, rarement rénové, est souvent vétuste et mal équipé. L’attrait de la banlieue, ici comme ailleurs, c’est donc aussi de pouvoir offrir à sa famille le confort dans un  intérieur plus vaste et plus moderne.

– Remarquons la présence d’un garage au premier plan, signe à la fois de la réussite sociale que symbolise l’automobile, de l’agrément de pouvoir échapper au problème de stationnement en ville et de la dépendance à un unique mode de transport pour les déplacements quotidiens.

(l’indice de détail relatif au « kit solaire offert » doit être compris dans un contexte de cherté de l’électricité. Il s’agit en réalité d’un complément qui ne se substitue pas à un approvisionnement par voie ordinaire)

Cette affiche nécessite bien sûr une certaine distance critique qu’impose notamment le regard du géographe.

– Observons qu’hormis l’indication de temps de parcours, le message écrit comme visuel est totalement « déterritorialisé ». « A moins de 30 min », oui mais où?

L’information trouvée par ailleurs situe le lieu comme suit (manœuvrer le zoom – pour localiser l’endroit à l’échelle de l’agglomération)

 

On peut être surpris de constater le relatif éloignement du site vis à vis de l’autoroute d’une part et de Dakar d’autre part. On prend conscience à cette occasion que l’appellation « Dakar » est au fond très évasive. S’il s’agit du quartier du Plateau au fond de la péninsule qui concentre la plupart des activités et emplois, convenons que l’indication de temps est sujette à beaucoup d’aléas.

– Remarquons aussi qu’au delà de la villa toute neuve, aucun aperçu n’est donné sur l’environnement immédiat, le cadre paysager. Or qui parcourt ces zones périphériques pleines de nouveaux lotissements ne peut que témoigner d’horizons de désolation où s’accumule le parpaing sans aucun souci d’aménagement. L’intérieur offre plus de confort, certes, mais au détriment d’un cadre de vie sans âme, presque inhumain.

Progressivement « poussée vers la sortie » de Dakar en raison de la cherté des loyers, une partie de la classe moyenne consent ainsi à de gros sacrifices pour investir de nouvelles périphéries en voie d’urbanisation. Elle y gagne l’accès à la propriété, un supplément de confort mais risque en contre partie de perdre beaucoup en qualité de vie, par la contrainte de la distance, l’affaiblissement du lien social et la médiocrité paysagère.

 

Lien utile : le site du promoteur immobilier « Teylium », à l’initiative de la cité Akys.

Les 3 programmes proposés renvoient à une gamme sociale bien hiérarchisée correspondant à des types de localisation :

– « le water front », produit d’hyper luxe en bordure de littoral,  sur la « corniche », vitrine de Dakar

– les « villas horizons »  dans Dakar en bordure d’une grande artère ; à 150 000 euros la villa, l’upper middle class est ici visée

– La »cité des Akys », objet du présent article, en banlieue périphérique. A 15000 euros l’entrée de gamme cible ici la « lower middle class »

 

 

 

 

 

3 réflexions sur « La banlieue de Dakar, un espace nouvellement convoité. »

  1. Je ne crois pas que vouloir habiter hors de Dakar constitue un sacrifice .
    J’y vois l’opportunité, pour ceux qui décident de se loger hors de la ville, de pouvoir bénéficier de plus d’espace et d pouvoir aménager son intérieur sans soucis d’ espace.
    Il faut noter que les terrains se vendent très chers et donc il est difficile d’ acquérir plus de 150 m2 . On remarque le plus souvent qu’ avec 150 m de superficie pour un appartement ou une villa de 3 chambres, salon,cuisine, les pièces sont petites .
    On a tendance donc a construire des 2 chambres, salon cuisine pour gagner en espace !
    Mais cela convient- il a la famille moderne et traditionnelle ?
    On dit Dakar la belle capitale ??? Je crois qu’ elle n’existe plus.
    Avec ses eaux usées jusqu’à en centre ville a la place de l’ indépendance , les gens qui font leurs besoins a la nuit tombée et qui dorment dans la rue, qui vivent dans la rue, les marchands ambulants, les retaurants « ambulants » les déchets qu’ on jette partout, je me demande qu’est ce la banlieue a a envier a la ville ???

    • Je suis a Paris je voulais savoir les logement y a combien de pièces et y un peut de terrain pour même faire du jardinage y a pas beaucoup d explication

  2. C’est avec plaisir j’ai lu votre analyse/contribution concernant ce nouveau phénoméne d’urbanisation hors de dakar vendue par de « grands » promoteurs.
    je suis d’accord avec vous sur tous les points, notamment le cadre de vie sans âmes, presque inhumain. Ils sont entrain de vendre des dortoirs mais pas un cadre de vie. Et le terme logement social est banalisé avec des maisons qui avec les taxes finiront à 17 à 20 millions minimum;

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *