Habiter un nouveau quartier chic à Dakar (Almadies) : lecture de paysage.

almadies vue globaleLe quartier des  Almadies (voir
localisation)  est sans conteste  le plus en vogue de
l’agglomération dakaroise. Investi par les classes aisées, ambassades, organisations internationales, il affiche des prix immobiliers vertigineux. C’est le quartier chic
à la mode de la capitale sénégalaise.

 

L’image ci-dessus (février 2010) nous présente un paysage type d’une zone en pleine transformation :

 

les immeubles flambant neufs…

almadies immeuble neufou en voie d’achèvement…

almadies immeuble en voie d'achèvement

…abritent des appartements luxueux à des dimensions souvent  inouïes (300 m2,un minimum!).

 

 

Les murs de parpaings relèvent d’une législation foncière spécifique : une propriété n’est reconnue comme telle que si elle a été cloturée moins d’un an après son acquisition.

alamdies clotures

 

On voit ici l’empreinte d’un manque de gestion collective et planifiée de l’espace. Le quartier en formation résulte pour l’essentiel d’une accumulation anarchique d’initiatives
privées.

 

La partie la plus énigmatique du paysage est celle de l’habitat précaire au 1er plan

alamadies habitat précaire et spontanné

 

Comment trouver un espace occupé de la sorte quand on sait la rareté et le prix des terrains de ce quartier? (voir aussi Ma rue en images (Yoff océan) )

La réponse tiendrait au problème des litiges fonciers, très fréquents au Sénégal. Une installation précaire  est souvent consentie car elle préserve la parcelle d’une opération spéculative à
la hâte et usurpée.

 

Spéculation immobilière, croissance anarchique, litiges fonciers et persistance de contrastes sociaux, tels sont les ingrédients d’un nouveau quartier chic en plein chantier à Dakar.

 

 

Mise à jour : le même paysage un an plus tard, février 2011 (merci à J Munier pour le cliché)

almadies-fevrier-11.jpg

Des constructions achevées, d’autres commencées. Les espaces en réserve se raréfient. Au premier plan, le baraquement s’est agrandi et a été cloturé.

 

actualisation, mai 2012

paysage almadies mai 2011

Lire un paysage d’une ville africaine sans bidonville : l’exemple d’un quartier « Sicap » de Dakar

Paysage de référence (cliché A.Lamotte, 2012)

paysage dieupeul sicap 2012

Localisation :  Afficher le plan

Il est habituel de voir dans les manuels de géographie des paysages de villes d’Afrique avec des bidonvilles. Cette sorte d’imagerie laisse penser qu’il s’agit là d’un élément prédominant et systématique de l’espace urbain africain.

A Dakar pourtant, si l’on excepte les périphéries, le bidonville se limite à quelques endroits rares et confinés.

Mieux encore, plusieurs quartiers héritent encore aujourd’hui d’un aménagement planifié et occupent une place significative au sein de l’agglomération.  On pense en
particulier aux secteurs de la Sicap (Société immobilière du Cap Vert), nom d’un organisme d’Etat, qui a organisé la croissance de la capitale sénégalaise dans les années 1950 et 1960. (Observons à cette occasion une continuité entre la période coloniale finissante et les débuts de l’indépendance)

La photographie ci-dessus montre un paysage assez typique de cette zone aménagée, héritière d’une période vieille d’un demi siècle et actuellement en pleine mutation.

 

1) Inscrire le paysage dans l’espace dakarois

situer-le-paysage-sicap.jpg

Le paysage observé doit  être associé à la fome cônique de la voirie qui structure le coeur de l’agglomération,  témoigne d’un aménagement planifié et confère à la capitale sénégalaise une morphologie spécifique bien identifiable lorsque l’on survole la ville (voir Atterrissage de nuit sur Dakar)

 

2) Interroger les héritages au moyen d’une  vidéo d’époque

Voir lien 

Daté de 1963, un document vidéo de l’INA présente la naissance des quartiers Sicap comme un remède à la pauvreté et un moyen d’éradiquer les bidonvilles alors étendus. (celui qui est mentionné est celui de la Médina plus au sud de la péninsule du cap Vert).

Dans  la séquence minutée 3’30 à 4’00, on entend les commentaires qui suivent :

« Sous l’égide d’une société d’Etat, la Sicap, une banlieue populaire mais moderne s’est créée en même temps que disparaissaient tranche par tranche les taudis de la Médina. Les Africains y sont relogés dans des pavillons agréables à des conditions financières défiant sans doutes toute concurrence,  un loyer mensuel très modeste pour accéder en 10 ans à la propriété.»

Les  images sont éloquentes :

 

a) Sicap vu de haut : habitat pavillonaire et tracé géométrique au premier plan, groupe d’immeubles et formation d’une place centrale (aujourd’hui place de l’OUA dite couramment « du jet d’eau ») en arrière plansicap-ina-a.jpg

 

b) Sicap vu du sol : habitat pavillonnaire standard, voirie aménagée, quartier electrifié 

sicap ina c

 

c) Pavillon Sicap en gros plan :  une maison de banlieue de plainpied « à la française » avec son toit en pente.

sicap-ina-b.jpg

C’est bien cette maison Sicap que l’on retrouve aujourd’hui comme témoin majeur de cette période d’aménagement. Elle fait le lien entre les images d’hier et le paysage d’aujourd’hui.

 

3) Observation du paysage

Faire défiler le curseur en bas de l’image pour lire l’animation

 

On prend ainsi conscience des transformations en cours au sein du quartier Sicap : les maisons d’origine sont encore bien présentes mais se transforment et par endroits laissent place à un habitat collectif de plus en plus prédominant.

 

Ajout en date du 13 juillet 2013. Extrait du site des quartiers Sicap concernant le profil socio professionnel :

Composition socioprofessionnelle

Du fait de transfert de résidents secondaires ou tertiaires, les Sicap Liberté comptent des couches sociales de niveau d’instruction et de revenus forts disparates.Il faut cependant noter qu’elles sont habitées en grande partie de salariés, à majorité fonctionnaires, de hiérarchie moyenne. La plupart sont à la retraite, le taux variant selon un gradient croissant qui va de Liberté 1 à Liberté 6. Ceci s’explique aisément dans la mesure où les logements étaient octroyés à des agents actifs répartis sur une période de 26 ans (1958 à 1974). Ces retraités vivent à coté de veuves, de divorcées, des chômeurs de très longue durée, même si on y dénombre des enseignants de tous les ordres, des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires, des parlementaires, d’anciens gouverneurs, des officiers actifs ou non de l’Armée, de la Police, de la Gendarmerie, de la Douane, des opérateurs économiques évoluant surtout dans l’informel.

 

Idée reçue, idée préconçue : le parti pris du bidonville dans le paysage de la ville africaine

On ne niera pas ici que le bidonville demeure une composante majeure de nombreuses villes africaines mais faut-il pour autant exagérer son importance quand celui-ci relève de l’exception?

Référons-nous à la vidéo de la très sérieuse émission pédagogique Galilée, estampillée CNDP (l’émission est datée de 1998 mais une utilisation très récente en est suggérée sur une fiche pédagogique du SiteTV, voir lien). Nous en extrayons une copie d’écran montrant une étude de paysage de la ville de Dakar. (niveau
collège)dakar-paysage-site-tv.JPG

La description de l’image suit un fil conducteur de l’arrière-plan (Gorée, l’île esclavagiste ; le port, le centre ville, la zone résidentielle) au premier plan où « s’étend une zone de
bidonvilles »
.

Notons qu’il n’y a aucune contextualisation spatiale du paysage. Par ailleurs, on ne se pose nullement la question de l’étendue du bidonville. N’est-on pas implicitiment incité à penser que la zone se prolonge hors du cadre de la prise de vue?

Les éléments identifiables permettent une hypothèse de localisation que nous suggérons  à l’aide de Google Earth  (image datée de 1999 au plus près de la date de la photographie.)

 

Télécharger le fichier GE (kmz)

 

Un zoom sur le lieu probable du cliché nous permet d’apprécier l’étendue du « bidonville » montré au premier plan.

– Bidonville situé, 1999

bidonville dakar étendue

 

Bidonville en gros plan, 1999 (l’outil distance de GE nous indique moins de 100m de long et de large)

bidonville-GP.JPG

 

 

Le contraste entre l’effet 1er plan du bidonville dans le paysage et son emprise spatiale plus que modeste au sein de l’agglomération est assez saisissant. Avec un périmètre aussi restreint, peut-on d’ailleurs véritablement parler de bidonville?

Par défaut de contextualisation, il y a bien ici une intention imagière qui s’expose au risque de l’exagération voire d’une représentation imaginaire.

 

Elle s’accompagne par ailleurs de considérations clairement généralisatrices.

Il est question à travers cet exemple de nous faire pénétrer dans une des composantes urbaines majeures de l’Afrique noire, le bidonville et de montrer
les réalités du quotidien des populations miséreuses
(voir lien)

 

Qui plus est, le paysage étudié est censé refléter l’organisation spatiale de Dakar, où les héritages historiques viennent se confronter aux structures urbaines récentes, conséquence de l’afflux sans cesse croissant des populations rurales qui se concentrent dans les bidonvilles, en quête d’activités économiques modestes.

 

Le bidonville de « premier plan » n’est ici en réalité qu’un réduit spatial et ne peut raisonnablement servir de prisme à ces généralisations.

La précarité dans la capitale sénégalaise ne fait certes pas défaut, mais elle n’est pas nécessairement aussi lisible que celles des baraquements et images miséreuses usuelles.

Si l’étude du paysage tient une place privilégiée dans notre enseignement de la géographie, on prendra garde de se défaire  du piège d’une imagerie parfois grossissante et déformante.

 

Voir par ailleurs :

– Lire un paysage d’une ville africaine sans bidonville : l’exemple d’un quartier « Sicap » de Dakar

– Sur l’organisation spatiale de Dakar : Dakar sorti du noyau d’origine : la
phase de développement de l’après-guerre au début des années 80