La Part du fils, Jean-Luc Coatalem

La Part du fils, Jean-Luc Coatalem, Stock

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Résumé

Longtemps, je ne sus quasiment rien de Paol hormis ces quelques bribes arrachées.
« Sous le régime de Vichy, une lettre de dénonciation aura suffi. Début septembre 1943, Paol, un ex-officier colonial, est arrêté par la Gestapo dans un village du Finistère. Motif : “inconnu”. Il sera conduit à la prison de Brest, incarcéré avec les “terroristes”, interrogé. Puis ce sera l’engrenage des camps nazis, en France et en Allemagne. Rien ne pourra l’en faire revenir. Un silence pèsera longtemps sur la famille. Dans ce pays de vents et de landes, on ne parle pas du malheur. Des années après, j’irai, moi, à la recherche de cet homme qui fut mon grand-père. Comme à sa rencontre. Et ce que je ne trouverai pas, de la bouche des derniers témoins ou dans les registres des archives, je l’inventerai. Pour qu’il revive. »  J.-L.C.

 

La presse

Avec la liberté du romancier, Coatalem mène l’enquête sur la disparition de son grand-père, mort en déportation pendant la dernière guerre.

Longtemps, l’écrivain et journaliste Jean-Luc Coatalem a marqué une préférence pour les « histoires exotiques, les personnages et les décors tropicaux ». En écrivant également sur Gauguin ou Victor Segalen, il a suivi des artistes « dévorés par l’inconnu ». Or, plus près de lui, se dressait l’ombre d’un grand-père, Paol, une figure tutélaire dont sa famille ne parlait jamais, installant comme un vide, une absence gênante, un mystère. En septembre 1943, sous le régime de Vichy, Paol, ancien officier colonial installé dans un petit village du Finistère, est arrêté par la Gestapo. C’est une lettre anonyme de dénonciation qui a tout déclenché. Le déporté ne connaîtra jamais son petit-fils, qui tente dans La Part du fils de recoudre le fil brisé, en partant à sa recherche, plus d’un demi-siècle après.

Plongeant dans une enquête minutieuse, l’auteur du Gouverneur d’Antipodia ne néglige rien. Ni les archives régionales ni les dossiers poussiéreux et les informations oubliées. Il se rendra partout, dans les bibliothèques et les prisons, les zones de transit et les camps de concentration de Buchen­wald-Dora. Jusqu’à Bergen-Belsen où Paol est mort, à 49 ans. Cependant, La Part du fils n’est pas un document biographique, mais une œuvre littéraire dans laquelle le romancier prend des libertés pour mieux se tenir auprès d’un homme dont il ignorait tout. Il se l’approprie, avec le respect et l’outrecuidance du créateur, parvenant ainsi à faire de cette histoire personnelle un livre universel sur le silence familial et le deuil empêché.

En terminant ce texte après des années d’atermoiements, son obsession de la reconstitution historique cède la place à une mélancolie d’enfant. « Longtemps, écrit-il, je ne sus quasiment rien de lui, hormis ces quelques bribes arrachées, ces miettes. » L’album photo est désormais complet, mais il fallut près de trente ans d’écriture et de publications diverses pour que Jean-Luc Coatalem puisse y insérer enfin le cliché manquant. La littérature sert aussi à ça.

Christine Ferniot Télérama

« J’ai pris cent fois mon train à la gare de Brest, et cent fois les mêmes images me sont revenues », écrit Jean-Luc Coatalem dans ce nouveau livre captivant, qui tient du récit dans sa démarche et du roman dans son souffle. « Sur les flancs du wagon, des mains tambourinent en signe de protestation, mais ce bruit qui aurait voulu enfler comme le tonnerre, saturer le train, se propager, se répandre dans les rues, couler sur les boulevards, le port, ce bruit d’alerte, de peur et de désespoir, s’il avait pu donner des remords aux cheminots, n’empêchera pas que le convoi parte à l’heure, qu’il file sur Landerneau, Rennes et Paris, que son « chargement » rejoigne la gare Montparnasse, le camp de Compiègne où les hommes seront fichés et numérotés. »

À ce silence familial, Jean-Luc Coatalem a opposé une enquête dont le tâtonnement et l’absolu bouleversent. « Ce que nous ne savions pas me hantait, moi, et ce qui était tu, effacé ou presque, m’ordonnait encore. » Elle le mènera des archives départementales à des interlocuteurs inattendus, et jusqu’aux camps de Dora et Bergen-Belsen, où mourut Paol. Les lecteurs familiers de l’œuvre de Coatalem mesureront combien son inclination vers la littérature et ses héros fascinants, vers les latitudes lointaines littérairement arpentées (1), a aussi partie liée avec ce grand-père inconnu.

Quelle est-elle, cette « part du fils » ? Le joug d’un « petit garçon au chagrin vissé à l’intérieur », à qui l’on arracha son père ? La mésentente de Pierre avec son frère aîné Ronan ? Elle est peut-être celle du fils d’après : le tribut que l’auteur de ce livre tourne vers son ascendance, vers un silence et une histoire devenus siens.

Car le cœur de ce livre très fort, dynamique, émouvant, retenu, livre de deuil paradoxalement plein de vie, est peut-être là : dans ce qui se joue de violemment intime et pudique entre le narrateur et son père Pierre, le fils orphelin, ce père qu’il fallait, comme son père à lui, pouvoir enfin délivrer.

Sabine Audrerie, La Croix

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