Il est de notoriété publique que le vocabulaire de nos élèves est pauvre… De plus en plus, diront certains. J’ai lu il y a quelques années, dans un rapport de mission sur l’acquisition du vocabulaire à l’école élémentaire, que « lorsque les mots précis manquent aux élèves, c’est le sens qu’ils tentent de donner au monde qui s’obscurcit… Certains enfants utilisent leur langue dans une sorte de brouillard sémantique. »

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Pourquoi centrer l’attention sur le vocabulaire ?

Des spécialistes de la question ont constaté une forte corrélation entre la connaissance du vocabulaire et les résultats scolaires : plus un élève connaît de vocabulaire, plus son niveau de compréhension en lecture est élevé, et plus son niveau de réussite scolaire l’est aussi… Est-ce un scoop ? Il semble évident qu’un déficit important de vocabulaire rend l’apprentissage difficile, ne serait-ce que par le manque de compréhension.

Récemment, un élève de seconde m’a appelé lors d’un devoir pour me demander ce que voulait dire « justifiez votre réponse » !! Un autre m’a demandé ce que voulait dire « argumenter ». Ainsi, parmi les verbes d’action que nous utilisons régulièrement pour formuler des consignes dans nos devoirs et fiches d’activités, certains ne sont pas clairement connus ou compris des élèves. Ce problème sémantique gêne forcément le travail qu’ils accomplissent, au risque de les évaluer maladroitement, de façon injuste, alors que leur faible taux de réussite à la question posée dépend plus du vocabulaire que de leur maîtrise du problème qui leur est posé : une simple explication complémentaire suffit parfois à leur mettre le pied à l’étrier, et l’on est alors surpris de constater que la démarche de raisonnement mise en œuvre pour proposer une réponse est tout à fait pertinente et maîtrisée. Ainsi, l’élève qui me demandait ce que voulait dire le mot « argumenter » a été beaucoup plus à l’aise quand je lui ai expliqué en quelques mots, visiblement plus accessibles pour lui, ce que cela signifiait : « donne des preuves, des faits qui illustrent ce que tu as écrit »… « Illustrer » lui était perceptible, alors qu’ « argumenter » ne l’était pas du tout.

À force d’utiliser des verbes d’action pour formuler des consignes, j’ai fini par en cibler certains qui sont systématiquement compris, alors que d’autres font partie du « brouillard sémantique » évoqué précédemment : ainsi, « annoter », « citer », « comparer », « décrire », « identifier », « résumer »…. « conclure » (peut-être parce que ce mot marque la fin du calvaire !) sont compris par tous les élèves, alors que des verbes comme « commenter », « déduire », « établir », « interpréter » le sont de façon plus difficile…

La deuxième partie de cette réflexion me ramène à mon statut de prof de sciences, ensemble de disciplines qui n’ont pas la réputation de simplifier la vie des élèves. Il existe dans l’ensemble de nos disciplines scientifiques une foule de mots plus ou moins synonymes, conservés au fil des époques, l’histoire des sciences étant jalonnée de découvertes, de remises en causes, de validation d’hypothèses qui ont conservé des termes parfois désuets ou ayant une signification confuse.

Ainsi en géologie de nombreuses roches portent des noms issus de leur observation alors qu’on ne connaissait pas les conditions de leur formation : la roche du manteau terrestre s’appelle la péridotite. Elle représente l’une des roches les plus importantes quantitativement, le manteau terrestre étant l’enveloppe la plus volumineuse, mais de nombreux noms que l’on trouve encore dans des manuels correspondent à cette roche souvent altérée par les processus de transformation qu’elle a subi au cours de son histoire (serpentinite par ex.), ce qui rend la mémorisation difficile. Ainsi, il serait mieux de parler uniquement de péridotite altérée, plutôt que de laisser à leur disposition ce vocabulaire très vaste qui instaure beaucoup de confusion dans leur esprit… Quand ils seront étudiants, ils auront plus de recul pour découvrir toute cette diversité.

Dernièrement, dans un autre domaine, j’ai dû re-mobiliser chez des élèves de Terminale des notions d’oxydo-réduction pour expliquer le mécanisme de la photosynthèse, et force est de constater que dans ce domaine, comme dans bien d’autres, la complexité du vocabulaire ne simplifie pas la compréhension de ces notions par les élèves. Ainsi, un composé qui perd des électrons s’oxyde. Lors de la photosynthèse, l’eau, sous l’effet de la lumière en perd et libère du dioxygène gazeux : elle s’oxyde donc. La molécule d’eau qui s’oxyde est appelée un réducteur… Ouf c’est complexe, mais cela le devient encore plus pour la mémoire d’un élève quand on lui explique que les électrons cédés par l’eau sont captés par une molécule présente dans la cellule qui, elle, s’appelle « oxydant ». La réaction au cours de laquelle cet oxydant capte les électrons s’appelle une… réduction.

Résumons :
L’eau (réducteur) ? dioxygène + électrons + protons          réaction d’oxydation de l’eau
L’accepteur (oxydant) + électrons + protons ? accepteur réduit                réaction de réduction

Avouons quand même que tout cela est complexe pour nos élèves qui découvrent les mécanismes scientifiques, souvent pour la première fois. Cela doit nous inciter à limiter ce vocabulaire au minimum nécessaire à la compréhension, sans pour autant remettre en cause la rigueur des explications.

Une réponse

  1. Article intéressant, mais je suis en désaccord avec la conclusion.
    A mon avis, cela doit plutôt vous inciter à enseigner le vocabulaire avant d’aller dans les explications. Avoir pris comme acquises les connaissances linguistiques des élèves était visiblement une erreur.

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