Un sombre atout

Un sombre atout

Une nouvelle aventure de Sherlock Holmes,

écrite en hommage à Conan Doyle.

Sur une idée originale du groupe 1 des 5ème 2, année scolaire 2012-2013

Rédacteurs principaux : Camilia, Inès, Thaïs, Alexandra, Mme Guay

Parmi les enquêtes extraordinaires que mon ami et moi avons résolues, celle qui va suivre m’a particulièrement marqué.

C’était un matin dominical comme un autre. Mme Hudson m’ouvrit la porte d’un air enjoué. Sherlock Holmes lisait le journal, comme à son habitude, sa pipe à la bouche et un petit sourire aux lèvres.

J’eus à peine le temps de m’asseoir que Mme Hudson venait nous prévenir de l’arrivée d’une dame. Cette dernière, fort élégamment vêtue de crêpe noir, semblait exténuée et s’assit face à mon célèbre ami, dès que celui-ci l’y invita. Il la regarda longuement, lui laissant reprendre ses esprits car elle paraissait accablée, ou tout au moins fort troublée.

Mon ami était son dernier recours, nous apprit cette triste veuve avant l’heure. Avant qu’elle eût commencé son récit proprement dit, Holmes lui demanda de confirmer quelques déductions qu’il venait d’effectuer. Avait-elle bien pris le train de 8h06 venant de Yorkshire, comme le laissait entendre l’horaire de son arrivée (10h21) ainsi que le billet qui dépassait de la poche droite de son manteau, légèrement déchirée ? Pouvait-elle confirmer qu’elle connaissait mal la capitale, dans la mesure où elle avait effectué le trajet de la gare jusqu’au 221 Baker Street, en passant par le quartier mal famé de Soho, comme le suggérait le bas de sa robe, moucheté de boue sur son feston ? Pour finir, son deuil récent avait-il un lien avec sa venue ?

Lorsqu’il acheva ses déductions, la dame manqua s’évanouir et accepta un petit verre de Brandy.

Quand son visage blême eut repris quelques couleurs, elle dit s’appeler Meryl Murray et confirma bien entendu le bien-fondé des hypothèses avancées par Holmes. Mon ami l’interrogea alors sur le motif de sa visite.

« – Madame Murray, parlez-nous sans détours de ce qui vous amène..

– Ma vie a basculé il y a trois jours, quand la police m’a appris le décès tragique de mon mari. Il semble qu’il ait succombé à ses blessures, suite à une bagarre de rue. Son assaillant l’a laissé pour mort, impasse Josephine Baker, non loin de Camden. Apparemment, il est tombé violemment et s’est cogné suffisamment fort la tête pour que le coup soit fatal. Il est décédé quelques minutes après que la police l’a trouvé. C’est une habitante de l’impasse, Mrs Barbara Lincoln-Foxy, qui a donné l’alerte. Elle avait aperçu le corps, gisant à l’aplomb de sa fenêtre. La bagarre a probablement eu lieu en fin de soirée, vers minuit et demi.

– Pourquoi, d’après vous, votre époux se serait-il retrouvé dans cette ruelle à une heure si tardive?

-C’est justement la question que je ne cesse de me poser sans arrêt…s’exclama Mrs Murray, au bord des larmes. Ce n’est pas son genre. Depuis deux semaines, il avait un nouveau et deuxième travail qui consistait à être gardien de nuit de la London High Tower. Il quittait chaque jour le domicile à vingt heures et revenait à une heure du matin. Son projet était d’amasser une coquette somme afin d’acheter un cottage à New Castle. J’étais ravie de cette perspective mais c’est vrai que, ces derniers jours, j’avais des doutes sur ces sorties nocturnes…

-Qu’est-ce qui vous a mis la puce à l’oreille madame Murray?

-J’avais l’impression que nos ressources s’amenuisaient alors qu’elles auraient dû s’accroître. Par ailleurs, j’ai appelé cette après midi le standard de la London HighTower : ils m’ont annoncé qu’ils n’avaient engagé personne dernièrement, le gardien de nuit est le même depuis quinze ans.

– Très intéressant. Votre histoire est réellement fascinante, dit mon ami, vous avez pris une sage décision en venant me trouver. Qu’en a conclu la police?

-Ils ont dit que c’était une bagarre qui avait mal tourné, que l’affaire était close et qu’aucun témoin ou indice ne permettait de penser qu’il était possible de donner une suite à cette histoire. J’ai bien senti qu’ils se moquaient éperdument de cette affaire.

– Cela ne m’étonne pas! N’avez-vous aucun autre élément à me divulguer?

-Si, justement, et c’est pourquoi je viens à vous. J’ai trouvé tout à l’heure dans la poche d’une de ses redingotes un reçu de 30 000 livres au nom d’un usurier, un certain OwenWilson. Le voici. »

Mon ami, visiblement très intrigué, s’empara du bout de papier qui était ainsi rédigé:

« 30.000 livres reçues ce 21 janvier 1882 par Mr Murray, de la main de Owen Wilson, contre un lustre de cristal, une bague en or 18 carats, sertie de 2 diamants de 10 carats chacun. « 

« – Fort intéressant, enchaîna Holmes. Madame, retournez chez vous sans crainte. Ce papier me semble être une pièce à conviction fondamentale. J’ai déjà une petite idée.

-Monsieur Holmes, sachez que mon mari avait prétendu amener notre lustre en réparation la semaine dernière. Bien entendu, j’ai vérifié si mes bijoux étaient à leur place…ils n’y étaient point évidemment. Je n’ai plus mes chers bijoux de famille… »

Mrs Murray retint un sanglot et accepta un nouveau verre de Brandy. Sur ces entrefaites, elle s’en alla, le coeur gros.

Mon ami s’abîma alors dans ses réflexions tandis que je récupérais le journal abandonné. J’y lisais quelques annonces matrimoniales bien amusantes à mon goût lorsqu’une annonce attira mon attention.

« -Holmes! Regardez ce que j’ai trouvé! »

Mon ami se pencha sur mon épaule et je vis une lueur d’intérêt dans son regard. Le texte en question était le suivant :

« Usurier de confiance, prête sur gages sur le champ. (Bijoux, oeuvres d’art, objets de valeur…) Taux intéressant, discrétion assurée. Bureau d’échange situé au 15 Trafalgar street. Demander Oliver Walter. »

-Mes félicitations mon cher! Le hasard nous aide!

Cette remarque me parut déplacée puisque c’était bien moi qui venait de faire avancer l’enquête mais je ne montrai pas mon agacement. Je mis de côté mon orgueil et me réjouis de cette découverte probablement fondamentale.

– Courons rue Trafalgar, s’enthousiasma Holmes, qui entreprit de se déguiser à l’aide d’un monocle, d’une barbe postiche et d’une canne à pommeau d’argent.

Une fois arrivés sur place, je restai sur le palier dans la pénombre, faisant le guet, et entendis la conversation se dérouler ainsi.

-Etes vous Mr Walter, l’usurier? s’enquit mon ami.

-Oui, c’est bien moi. En quoi puis-je vous être utile?

-Est-il possible de mettre cette canne en gage?

-Je vois que le pommeau est en argent : je vous prête 400 livres à 15 pour cent. Ceci vaut pour trois mois.

Holmes trouva tout de suite cet homme suspect et quand nous fûmes seuls, il me fit part de ses observations. L’homme avait l’air fuyant et rusé à la fois. Il avait entendu tout au long de la conversation un bruit de fond de machine à impression qui le laissait perplexe… ce bruit étant en général typique des imprimeries. Il soupçonna derechef un trafic de faux-billets! Cette hypothèse fut confirmée dans l’heure par Mr Merryweather, banquier avec qui nous étions restés en relation depuis l’affaire de « L’association des hommes roux ». Il y avait à Londres en ce moment de faux monnayeurs qui sévissaient et restaient introuvables.

Le lendemain, nous demandâmes à la veuve l’autorisation d’inspecter le bureau du défunt.

Nous espérions découvrir pourquoi il avait eu soudainement besoin d’une si grande somme d’argent.

C’était un bureau fort ancien, en acajou. De multiples taches d’encre maculaient ce magnifique meuble comme si son propriétaire écrivait beaucoup. Un des tiroirs du bureau nous résista mais Holmes eut raison de la serrure au bout de quelques minutes. Nous y découvrîmes de multiples rappels de factures impayées et un petit carnet de cuir noir qui nous fit faire une belle avancée.

Sur la première page était collé un AS de pique. Je l’enlevai et nous vîmes au dos inscrite cette phrase « première victoire contre Scott Howard, 4 février 1886 « . Le reste du carnet nous apprit qu’il jouait régulièrement, tous les samedis soirs, au bridge, dans un cercle nommé : »la main d’appel ».

Ainsi Murray avait bel et bien un secret : c’était un joueur de bridge invétéré.

Le nom de Scott Howard était celui qui revenait le plus souvent. Nous cherchâmes son adresse et n’eûmes aucun mal à le retrouver contrairement à l’adresse du cercle qui devait être secrète pour des raisons aisément compréhensibles.

Nous décidâmes de nous rendre chez ce monsieur le lendemain. Il était aux alentours de midi quand nous toquâmes à sa porte. Il habitait une modeste petite maison de ville dont la façade était fort délabrée. Pourtant une avenante gouvernante, d’une quarantaine d’années, nous ouvrit la porte avec le sourire.

« – Monsieur Howard est-il présent?

– Non, monsieur mais il revient dans une poignée de minutes. Vous pouvez l’attendre dans le vestibule. »

Mon ami faisait les cent pas. Quant à moi, je m’installai dans un charmant petit sofa et observai la pièce. J’avisai une magnifique cheminée dont l’âtre était jonché de cendres qui paraîssaient récentes. Un petit morceau d’étoffe semblait avoir échappé à l’embrasement.

« -Quel gâchis de brûler de la baptiste ! m’exclamai-je.

-Mais, mon naïf ami, pourquoi donc notre homme aurait-il eu besoin de se débarrasser de son mouchoir sinon pour faire disparaître une pièce à conviction? dit le détective, insistant sur mon manque de perspicacité. »

Il tira de l’âtre le petit morceau de tissu et l’observa de près. Son visage s’éclaira.

« – Devinez quoi,Watson? D’après vous, quelles sont les initiales brodées sur ce mouchoir?

-S.H?

-Non! c’est mieux que cela! L.M. Donc probablement : Leopold Murray ! Quel bel indice nous tenons-là !

A ce moment-là, la porte s’ouvrit et notre homme entra. Quand il s’aperçut de notre découverte, il blêmit.

Nous le priâmes de nous suivre et l’amenâmes directement à Scotland Yard. Scott Haward avoua assez facilement son forfait. Murray lui devait énormément d’agent depuis quelques semaines déjà et ce soir-là avait encore perdu 200 livres, à rajouter à sa dette. Ils avaient commencé à se disputer dans la ruelle, s’étaient empoigné vivement et Murray avait chancelé et heurté le mur. Il s’en serait sorti avec une gros hématome si un clou rouillé ne saillait pas du mur. Ce clou avait causé sa mort. Howard n’avait jamais eu l’intention de le tuer. Il avait fui ses responsabilités, omis de prévenir la police et entravé son enquête. C’était là son méfait : une bagarre ayant donné la mort sans intention de la donner… A la justice de lui donner un châtiment juste.

Pourquoi avoir conservé le mouchoir du mort ? avait demandé mon ami pendant l’interrogatoire. Il avait voulu avec ce tissu essuyer ses mains qui avaient un peu saigné. Il avait pensé s’en débarrasser chez lui dès que possible…et c’est précisément cela qui l’avait trahi !

Ce fut moi qui prévins Mrs Murray de cette bonne nouvelle. Elle me pria de venir prendre le thé le jour suivant pour nous remercier.

L’affaire était bouclée. J’y avais pris un grand plaisir, m’étais senti à plusieurs reprises nécessaire. Même si mon ami ne m’en fit pas compliment, je sus au fond de moi que j’avais acquis, au fil du temps, des qualités d’enquêteur.