Picasso du primitivisme au cubisme, Picasso et le portrait..

Picasso du primitivisme au cubisme, Picasso et le portrait..

I. L’expérience primitiviste .

Les demoiselles d’Avignon, œuvre fondatrice du XXe siècle.

 

Exposé d’Adrien Renard, Fantine Gallon et Paula Waret HK A/L, (HK-AL) :

diaporama : https://docs.google.com/presentation/d/1bhCAiA5t5CJ6HPrJ_DtjjiDhqjhwJqDw/edit?usp=sharing&ouid=108252197341295390394&rtpof=true&sd=true

Notes : https://docs.google.com/document/d/1S_30wA1l4WviNj37CzjUFbCYxPFIiYAH/edit?usp=sharing&ouid=108252197341295390394&rtpof=true&sd=true

 L’exposé de Jeanne Nebois, Adèle Bugaut et Zélie Keller (HK-AL, 2017-2018.

Le texte :

https://docs.google.com/document/d/1m7OPgURgNwdEDtNufYNOwuwKNCpPVKM7lWqOrH2k62Q/edit?usp=sharing

Diaporama : https://docs.google.com/presentation/d/1JXZP2DDW4mLUBsRwqct8I9GN0dg97YZswsrszNDlDb8/edit?usp=sharing

Œuvres de Picasso dans les années 1900-1910 :

https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Picasso_artworks_1901%E2%80%9310#1903

picasso_demoiselles d'avignon

Paris, Juin-Jullet 1907. huile sur toile (243.9 x 233.7 cm), New York, MOMA.

1. Vers l.e primitivisme.

Picasso s’installe définitivement à Paris en 1904 après quelques allers-retours. Il vit très humblement à Montmartre et vend très peu. (expo chez Ambroise Vollard marchand qui soutient les fauves).

Vivant dans la misère, la période bleue est remplie de tristesse, de femmes abandonnées, de mendiants.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/8/8b/Pablo_Picasso%2C_1903%2C_Desemparats_%28Maternit%C3%A9%2C_M%C3%A8re_et_enfant_au_fichu%2C_Motherhood%29%2C_pastel_on_paper%2C_47.5_x_41_cm%2C_Museu_Picasso%2C_Barcelona.jpg

Pablo Picasso, 1903, Desemparats (Maternité, Mère et enfant au fichu), pastel sur papier, 47.5 x 41 cm, Museu Picasso, Barcelona

Mais ces thématiques mélancoliques persistent dans la période rose même s’il les transpose dans le monde du cirque, des forains, des saltimbanques  :

Mère et enfant 1905 (Stuttgart), dessins et gravures d’acrobates.

Pablo. Picasso, « Mère et enfant, (Saltimbanques) », (1905), Gouache sur toile,- 90x71cm, Staatsgalerie Stuttgart.

Apollinaire dit de lui « Cet Espagnol nous meurtrit comme un froid bref ».

Il expose à la galerie Serrurier où il fait connaissance de Gertrude Stein et de son frère Léo, grands collectionneurs américains qui ont déjà acheté La femme au chapeau de Matisse au Salon de 1905.

Le Salon de Gertrude Stein en 1907

Il est bientôt logé près de l’atelier des fauves Matisse, Derain, pas loin du Bateau-Lavoir et participe aux dîners entre artistes sans participer au « scandale fauve ».

Le Bateau-Lavoir en 1946.

La description de l’atelier de Picasso faite par Fernande Olivier (Picasso et ses amis, Stock, Paris, 1933, p. 26) donne une idée du décor général.

Le Bateau lavoir était ne sordide masure (les ateliers donnaient à l’arrière) qui a abrité de très grands peintres Braque, Modigliani, le poète Apollinaire :

Picasso devant le bateau-Lavoir vers 1906 – 1907.

« Un sommier sur quatre pieds dans un coin. Un petit poêle de fonte rouillé supportant une cuvette en terre jaune servait de toilette ; une serviette, un bout de savon étaient posés sur une table de bois blanc à côté. Dans une autre coin, une pauvre petite malle peinte en noir faisait un siège peu confortable. Une chaise en paille, des chevalets, des toiles de toutes dimensions, des tubes de couleurs éparpillés à terre, des pinceaux, des récipients à essence, une cuvette pour l’eau-forte, pas de rideaux… »

Trouvé dans « Picasso et ses amis », Stock, Paris 1933 p. 26, description de la chambre de Picasso au Bateau Lavoir (nom inventé par Max Jacob) à Montmartre (1904 -1909)

Burgess Gelett Frank (1866-1951) journaliste et écrivain américain, Pablo Picasso dans l’atelier du Bateau-Lavoir vers 1908. Paris, musée Picasso

Édifice d’origine incertaine, appartenant à un mécanicien-serrurier en 1867 et racheté en 1889 par un maître d’ouvrage du nom de Thibouville. Celui-ci fait appel à l’architecte Paul Vasseur pour le transformer en ateliers d’artistes. Le Bateau-lavoir garde le souvenir des nombreux artistes qui y séjournent au début du 20e siècle, faisant de ce lieu un « laboratoire de l’Art » : Pablo Picasso, Georges Braque, Juan Gris, Modigliani, Maurice Denis, Constantin Brancusi.

Bâtis en bois, les ateliers, vétustes et fragiles, disparaissent dans un incendie en mai 1970. Un nouveau bâtiment est construit à l’emplacement du Bateau-lavoir en 1978 (…) A l’arrière, l’immeuble réalisé par la Ville de Paris, comporte 25 ateliers d’artistes. Voir autres photos et dessins anciens sur le site de la RMN .

Dans ces années 1905-1906, Picasso  peint « Deux adolescents » (Washington),

« Le Harem » de Gosol : parodie érotique du bain turc d’Ingres (Cleveland) ; c’est le thème des femmes nues enfermées et livrées au désir masculin.

Voir les oeuvres de l’année 1906 ici. (malheureusement non localisées)

2. L’histoire des Demoiselles d’Avignon : Picasso et le primitivisme.

-> En Juin 1907, Picasso visite le musée du Trocadéro, pour lui « seconde initiation ».

L’étude des masques africains lui apprit « ce que la peinture était vraiment », il trouva dans ces masques « une logique et une pureté que les Européens n’avaient jamais atteintes ». Ce qui le motiva à placer les masques sur les deux visages des demoiselles d’Avignon.
C’est une confrontation entre « ibérisme » et « africanisme », les masques africains que Picasso contempla était en vérité vieux que de quelques années. Le masque représente présence et absence, cache la personne et présente une autre personne. Picasso fait porter à l’art un masque ancien. Un art ethnique transfiguré dans la peinture moderne. Il développe ainsi l’idée de rituel, de réinvention de soi en tant qu’artiste.

Puis il se consacre au nu féminin comme Cézanne (Baigneuses).

Mais cette fois ses nus s’éloignent des nus « néo-classiques » et des nus aux lignes harmonieuses de Matisse (Bonheur de vivre) Au chromatisme fauve il préfère les tons ocre, bistres gris. Il s’oppose à la figure aux lignes sinueuses au profit de figures au volumes marqués, aux arrêtes nasales saillantes, au modelé marqué des seins et des ventres.

Le titre initial : « Le bordel philosophique », plus connu sous le nom « Les demoiselles d’Avignon ».

Étude d’ensemble a sept personnages cinq demoiselles, l’étudiant en médecine et marin mars – juillet 1907, Paris 1907 crayon noir papier 19x24cm Musee Picasso Paris. Carnet 9,

Autre étude plus aboutie celle du Kunstmuseum de Bâle, mars avril 1907, crayon et pastel sur papier 48x63cm).

Dans la première version, il s’agit d’un salon de maison close où attendent cinq filles et un marin assis et où entre un personnage tenant à la main un crâne. La fable est claire : le bordel est philosophique car cette question est posée : lieu de plaisir ou lieu de mort ?

Vingt œuvres et presque 700 croquis ont été nécessaires à Picasso pour aboutir à la toile finale. Les premiers essais sont plus proches du « Nu sur fond rouge ».

Nu assis et nu debout Paris 1906, fusain sur papier, 61 x 47 cm Philadelphia Museum of Art.

Il fonctionne par séries comme « la femme assise », les « deux nus », la « femme se coiffant » et pratique une géométrisation croissante du corps :

Femme nue assise les jambes croisées Paris 1906 huile toile 151 x 100 cm Narodni Galerie Prague.

un cylindre pour le buste (Femme assise les jambes croisées ci-dessus),

des demi – sphères pour les seins,

des courbes régulières et des angles comme dans Nu les bras croisés (de dos ou face).

Nu de dos aux bras levés étude pour les Demoiselles.                                                                                   Paris été 1907 huile fusain sur papier 134 x 86 cm Musee Picasso Paris.

Nu de face les bras levés étude Demoiselles printemps 1907,  gouache fusain crayon papier marouflé toile 131x75cm Musee Picasso Paris.

C’est une rupture radicale avec l’homme de Vitruve :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/22/Da_Vinci_Vitruve_Luc_Viatour.jpg/565px-Da_Vinci_Vitruve_Luc_Viatour.jpg

Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, Plume, encre et lavis sur papier, 34x26cm, vers 1460, Gallerie dell’Accademia de Venise.

Nu assis Paris hiver 1906-07, huile sur toile 121 x 93 cm Musée Picasso Paris.

Mais les figures deviennent de plus en plus anguleuses et géométriques au début de 1907. Les visages se simplifient, les nez deviennent des triangles, les yeux en ovales noires… Il ajoute des stries de part et d’autres de l’arrête nasale pour accentuer l’effet de volume, les orbites se creusent de plus en plus profondément.

Étude après étude Picasso rend la rupture de plus en plus radicale en ajoutant des sortes de hachures vertes et et rouges de type cézanien. Les hommes et la mort disparaissent (le spectateur « voyeur » les remplace-t-il ?) la violence de la déformation remplace la violence humaine.

Dans son état final en juillet 1907 la toile réunit trois sortes de figures :

– au centre deux  figures gracieuses dans le premier style d’inspiration ingresque :

– à gauche une figure intermédiaire :

– à droite deux figures déformées complétement et portant des masques africains :

Voici un résumé des pages du Hans Belting (Le chef d’œuvre invisible) consacrées aux Demoiselles d’Avignon. Vous y trouverez une analyse éclairante du tableau : Hans-Belting-Demoiselles(clic)

Les expérimentations autour de la figure du nu féminin aboutissent aux Trois femmes de Saint Petersbourg. Ici les trois figures sont bien identiques, sortes de déesses totémiques.

Picasso, Trois Femmes, 1908, huile sur toile, 200×185 cm. Ermitage, Saint-Pétersbourg.

II. Primitivisme (ou plutôt archaïsme)  et portrait.

Le bon exposé de Lara Fichter (HK et K Chartes 2011 – 2013) :

Diaporama : https://drive.google.com/file/d/0ByMLcNsCNGb5emZyNTZ3Ym03bXM/view?usp=sharing

TEXTE : https://drive.google.com/file/d/0ByMLcNsCNGb5dC1DLWhfWVh4bXc/view?usp=sharing

De Fontdevila (le visage se transforme en masque)  à Gertrude Stein (il est masque) et à Vollard (portrait cubiste).

Portraits du nonagénaire Jospeh Fontdevila.

Portrait de Josep Fontdevila, Gòsol, été 1906, 45 x 40 cm, MOMA New York.

Il commence à transformer les visages en masques et à réduire les corps à leur volume en brisant les harmonies et les proportions idéales classiques. Mais ce « primitivisme » doit tout autant à l’ambiance, aux formes qu’il découvre au village Gosol : le « mouchoir sur la tête » des femmes, le visage osseux de Joseph Fontdevila. Ce personnage, un contrebandier devenu aubergiste à Gosol (deux chambres), et modèle de Picasso.

C’est sur son visage qu’il expérimente les déformations qui aboutiront, grâce à la confrontation avec les têtes ibériques, aux « masques » des deux Demoiselles de droite et non pas les masques africains. Contrairement à ce qu’on dit souvent, ce ne sont pas les découvertes de l’art archaïque qui ont suscité le changement de son style mais le fait qu’il ait décidé de changer l’a poussé à s’intéresser à ces œuvres anciennes.

Buste de Josep Fontdevila, Gòsol – Paris 1906, bronze 17 x 23 x 12cm. Hirschorn Museum Washington.

Josep Fontdevila, Gòsol été 1906, gouache et aquarelle, sur papier 50 x 35 cm. Coll. privée

Pablo Picasso (1881-1973) “Visage-masque de Josep Fondevila“ Gósol, printemps-été 1906 Roseau et encre de Chine sur papier (Paris, Musée national Picasso-Paris)

De retour à Paris il achève le portrait de Gertrude Stein. (Metropolitan Museum of Modern Art, New York) :

Pablo Picasso (1881–1973), portrait de Gertrude Stein, 1905-06, huile sur toile,  (100 x 81.3cm), MOMA, New York.

-> Schématisation et simplification des trait, une des grandes caractéristiques de la peinture et de la sculpture modernes naissantes.

Peignant ses modèles en général de mémoire, Picasso revient à une approche plus traditionnelle, car il ne renonce jamais au réalisme, tout en inventant ou en réinventant les types de portraits que nous connaissons au XXe siècle, abstrait, classique, expressionniste, surréel.  Dans sa pratique, il peut à la fois multiplier les poses pour un portrait de type abstrait (p. ex. le visage « masque » de Gertrude Stein ou le portrait cubiste de Daniel Henri Kahnweiler (1910, Art Institut of Chicago, voir plus loin dans le III) et réaliser de mémoire un portrait très réaliste.
Picasso exploite toutes les ressources du langage figuratif (réalisations de divers types, variation très riche des attitudes, des expressions du modèle mais aussi de l’image qu’il s’en fait à différents moments ou de ses sentiments pour lui afin de varier au maximum.

Le portrait est certainement le genre qui aurait dû le plus souffrir de la tendance à l’abstraction dans l’art moderne par rapport au paysage ou à la nature morte dont public et critiques ont mieux accepté la modernisation depuis les impressionnistes jusqu’au futurisme. Mais les portraits fauves ont soulevé de vives critiques provoquant le mépris et l’exaspération. Cependant, du début à la fin du XXe siècle le portrait a connu un second souffle quand les autres genres majeurs comme la peinture d’histoire disparaissaient presque complètement.
Comme à la Renaissance et au temps du baroque, les peintres du XXe siècle ont su redéfinir l’art du portrait.

Leurs illustres prédécesseurs insistaient davantage sur la ressemblance mais les artistes de la fin du XIXe abandonnent déjà la représentation naturaliste aux photographes. Plus intéressés par la subjectivité du modèle, ils se tournent vers une exploitation psychologique et poétique du sujet portraituré mais aussi vers la subjectivité du peintre qui choisit de rendre plus explicites les composantes picturales. Picasso et Matisse ont été les portraitistes modernes les plus prolixes avec une prépondérance tout de même à Picasso qui a poussé plus loin l’exploration de la figure précise et de ses représentations.

Quels problèmes esthétiques et historiques pose la question de Picasso portraitiste ? (d’après catalogue de l’exposition)

L’image humaine occupe une place centrale dans l’œuvre de Picasso. L’exposition se donne comme objectif de rendre compte de cette composante de l’œuvre de Picasso en opérant un certain nombre de choix : mettre en avant les personnes dont il n’existe qu’un tout petit  nombre de portraits, celles qui inversement ont beaucoup compté dans sa vie et dont il existe un nombre important de représentation et d’une grande diversité. Il s’agit de mettre en lumière les capacités d’invention de Picasso dans ce genre. Le parti pris a été de ne pas faire appel à l’œuvre sculptée.

Les réflexions de William Rubin.

Il se fonde sur l’enseignement du grand historien de l’art américain  http://fr.wikipedia.org/wiki/Meyer_Schapiro Meyer Schapiro. (1982 Style, Artiste et Société, trad. Blaise Allan et. a. Paris: Editions Gallimard, 1982) qui emploie pour la première fois le terme « transformation ». Jusqu’au début du XXe siècle, on estimait que la raison d’être du portrait consistait à faire connaître et reconnaître l’apparence physique du modèle (mais aussi les « mouvements de l’âme », c’est à dire son caractère psychologique).

Picasso redéfinit le portrait en transcrivant les « réactions personnelles de l’artiste face à son modèle », de sorte que l’image au départ objective devienne totalement subjective. La notion même d’identité et de ressemblance est mise en cause par les recompositions et les mutations successives de la figure parfois jusqu’à sa dissolution.

 

III. Le cubisme : jusqu’où aller dans la disparition de l’imitation des formes ?

L’expérience du cubisme est une rupture majeure sans avoir cependant le caractère radical que possède l’art abstrait.

Dès 1901 / Expo Van Gogh à Paris (Derain dit « C’est une grande figure de notre époque »). Les peintres de 20 à 25 ans se réclament des exclus du XIXe : Van Gogh, Gauguin, Cézanne. En 1905 le 3e salon d’automne au Grand Palais, un premier choc de modernité s’exprime dans la jeune génération dite des « avant-gardes ».  Le président de la République Émile Loubet refuse d’inaugurer le salon. « Il contient des œuvres « inacceptables ». (salle VII) Le critique Louis Vauxcelles dit « c’est la cage aux fauves » On parle de « brosses en délire »…

 1. Réagir pour retrouver les volumes géométriques de Cézanne.

Sa démarche n’est pas de supprimer la représentation du réel mais de la transformer. Dans un contexte de remise en cause de « l’instantané impressionniste » la tendance était déjà à la simplification : Seurat, Cézanne. Le débat esthétique chez les modernes porte sur le conflit entre volume et simplification.

Pour obtenir du volume il faut jouer sur l’ombre et la lumière. Mais la simplification, le  » style affiche » d’un Toulouse Lautrec p. ex, produisait un effet de platitude excessive, une absence de profondeur. Un Bonnard mettait l’accent sur les formes mais négligeait le volume. Il se heurtait au problème de la Renaissance avec l’apparition de la perspective : concilier le rendu de la réalité et un dessin clair des contours.

In fine, le motif finissait par l’emporter sur le modelé. Selon cette démarche la beauté de la couleur pure, comme dans les vitraux ou dans les enluminures du MA, libérée des ombres devait resplendir. Les harmonies « barbares » (celles que critiquait Vasari) l’emportent désormais sur l’harmonie « géométrique » de la perspective héritée de la Renaissance.

Chez Matisse (1869-1954), le schéma décoratif dans lequel s’inscrivent les figures ou le paysage prime sur le réalisme de la représentation, la mimésis.

La desserte rouge (Harmonie en rouge), Henri Matisse , 1908 , Huile sur toile, 180 X 200 cm, Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage.

Figure et paysage vu par la fenêtre sont soumis à la conception décorative. Contraste entre une apparence de simplicité enfantine et un raffinement extrême.

C’est à partir de la rétrospective de 1906, que Cézanne sortira tout le monde des impasses lors de la grande exposition qui lui est consacrée à Paris. Pablo Picasso (1881-1973), peintre espagnol, fils d’un professeur de dessin, sera impressionné par cette exposition. Arrivé à Paris à 19 ans comme enfant prodige de l’École des Beaux Arts de Barcelone. Il peint des tableaux expressionnistes (cirque, vagabonds…) avant de se mettre à l’étude des arts primitifs et peut-être de Gauguin et de Matisse.

2. La démarche cubiste analytique.

Les oeuvres du MOMA peuvent vous faire suivre la métamorphose de l’art de Picasso : http://www.moma.org/collection/artist.php?artist_id=4609

Comment est-il arrivé au cubisme ? En partant de formes géométriques selon les conseils de Cézanne : comment construire une figure simplifiée avec des aplats de couleur sans sacrifier au volume ? Cézanne lui dit dans une lettre de « voir la nature en termes géométriques » : des formes élémentaires : cubes, cônes, cylindres…). Le peintre ne doit jamais perdre de vue ces formes élémentaires lorsqu’il compose son tableau.

A quoi consiste vraiment la démarche cubiste ?


Exemple : Nature Morte au violon et aux raisins 1912, huile sur toile, 50x61cm, New York, MOMA.

refus de représenter les choses telles qu’elles se présentent à notre vue. C’est un mirage. Refus aussi de représenter un instantané, un moment passager impressionniste.

comme Cézanne, il faut composer, donc construire, un tableau solide, durable et non pas copier la nature.

– pensons à un violon : il n’apparaît pas à notre esprit identique à ce qu’il est devant nos yeux. Nous concevons ses différents aspects simultanément. Notre représentation du violon est un mélange d’aspects tangibles ou plus imprécis. C’est donc un réel recomposé et non pas copié que le peintre imagine avant de peindre l’objet ici violon :

Volute et cheville latéralement

ouïes vues de face pour ne pas disparaître

la courbe de l’éclisse est très prononcée

archet et cordes (deux fois représentées une fois de face une fois vers la volute) flottent dans l’espace

Malgré la dislocation de l’objet il y cohérence et lisibilité. Cette méthode ne peut cependant être appliquée qu’à des objets qui nous sont familiers pour qu’on puisse identifier les différents éléments : violons, guitares, bouteilles, parfois une figure humaine.

Comment comprendre cette démarche ?

Il ne s’agit bien sûr pas de dire que l’artiste représente un violon tel qu’il est fait. Ni non plus d’une devinette même si c’est une invitation au jeu des suggestions. Les cubistes représentent la profondeur sur la toile mais en gardant le principe des aplats. Ils font le contraire des fauves car ils sacrifient la couleur au profit d’un jeu de cache – cache avec le modelé des formes.

Picasso a toujours joué avec les méthodes et ne s’est jamais enfermé dans un  style : voir visage tête réaliste, tête cubiste où tout est suggéré. Il disait « je ne cherche pas je trouve ». Ce n’est pas un peintre qui expérimente (au sens qu’il cherche à découvrir quelque chose)  mais qui invente par des essais successifs en poussant de plus en plus loin sa démarche, jusqu’aux limites de l’abstrait.

Pour lui, et c’est un des éléments majeurs de la modernité, la forme est première, le sujet second. Il pousse encore plus loin la démarche de Cézanne qui consiste à trouver des solutions à des problèmes formels et non pas à peindre un sujet. De même que les impressionnistes avaient rompu avec la peinture d’intérêt littéraire pour imprimer sur leurs toiles les effets de la lumière sur des objets, des monuments, des figures ou des paysages.

Comment Picasso applique-t-il les déformations cubistes dans le portrait ?

Émiettement de la figure, émiettement de l’espace, toute ressemblance, toute cohérence visuelle sont anéanties.

Quand Picasso peint le fameux portrait d’Ambroise Vollard (printemps 1910, huile sur toile, 92x65cm, Moscou Musée Pouchkine) et celui de Daniel-Henri Kahnweiler (automne hiver 1910, huile sur toile, 100x73cm, Chicago The Art Institute of Chicago) que reste-t-il du portrait de Vollard peint par Cézanne en 1899 ?

Picasso, Portrait d’Ambroise Vollard Paris 1910 huile toile 92 x 65 cm Musée Pouchkine Moscou.


Paul Cézanne (1839-1906) Portrait d’Ambroise Vollard 1899, huile sur toile 101 x 81 cm. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.

Portrait d’Ambroise Vollard par Brassaï. 1933.

La physionomie est reconnaissable avec ses yeux fermés – renommé pour sa faculté d’endormissement maladive (narcolepsie) – la narine gauche d’un nez épaté – il avait des ascendants noirs. La géométrie se développe abondamment : angles aigus, obtus, triangles, quadrilatères, arcs. La forme d’ensemble se perd car le buste, le costume se fondent dans l’espace global (si ce n’est un ton plus clair qui semble définir une chemise), leurs limites disparaissent, sauf la tête, le visage dont la couleur ocre tranche sur le fond gris et la distingue nettement de cet espace saturé de volumes (dans lequel on peut cependant deviner deux objets : une bouteille à gauche et un livre à droite).

Portrait Daniel-Henri Kahnweiler. Paris automne hiver 1910 huile toile 100 x 73 cm Chicago Art Institute.

Photographie e Kahnweiler :

Kahnweiler chez lui en 1908.

Deux exigences du portrait disparaissent : la ressemblance, que Matisse, Gauguin ou Cézanne n’ont pas sacrifiée, ne tient plus qu’à des indices épars. L’autre élément transgressé est le contour qui disparaît aussi, les volumes glissant les uns dans les autres. Picasso semble tester ici les limites de la transgression de traditions et des goûts. Dans le portrait de Kahnweiler il pousse plus loin encore la dissolution de la figure dans l’espace, la différenciation chromatique ne se fait pas, le visage étant aussi dans les tons bistre clair et gris. Les courbes de la chevelure bien peignée, un trapèze comme emplacement des yeux et de la bouche, deux mains croisées se repèrent sur une surface accidentée, creusée par des ombres sur la quelle certains ont reconnu une bouteille ou la coiffe d’une sculpture canaque achetée par Picasso et visible sur la photo de Picasso au Bateau-Lavoir.

Pour approfondir : Exposition Picasso et le portrait. Paris, Galeries nationales du Grand Palais,1996-1997. Réflexions sur Picasso et le portrait, William Rubin, ancien directeur du Département des peintures et sculptures du Museum of Modern Art (MOMA) de New York. :

https://goo.gl/photos/KTFUQbwWDusNd8Es7

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