Visite au MAMCS, muséographie de l’exposition « L’Europe des Esprits ».

Muséographie de l’exposition « L’Europe des Esprits – La fascination de l’occulte »

Lire également : Giordana Charuty, « « L’Europe des esprits ou la fascination de l’occulte, 1750-1950. », 28 mai 2013, http://gradhiva.revues.org/2681

Présentation générale.

Mercredi 1er février 2012, nous avons visité l’exposition en compagnie de Mme Héloïse Conesa, conservateur du MAMCS, qui nous a présenté les différents aspects de l’exposition depuis sa conception jusqu’à la réalisation.

Exposition préparée 2 ans et demi à l’avance, inaugurée en octobre 2011, se termine le 12 février 2012. Plusieurs phases :

–       Conception scientifique avec les commissaires généraux de l’exposition, Serge Fauchereau, historien d’art, et Joëlle Pijaudier-Cabot, directrice des musées de Strasbourg.
Exposition pluridisciplinaire : sciences, arts plastiques, littérature… Sur la question de l’occultisme de 1750 à 1950 (du romantisme au surréalisme)

–       Conception technique : phase plus longue. Acteurs : service financier (budget), scénographe (Benoît Grafteaux & Richard Klein), régisseurs (coordination), équipe technique, service des éditions (élaboration du catalogue de l’exposition), service de des publics (mettre en scène l’exposition pour un public varié, donc différents niveaux de lecture)

–       Après le lancement de l’exposition, communication, presse, programmation culturelle, pour renouveler l’intérêt des visiteurs pour l’exposition après l’inauguration.

Pourquoi l’Europe des Esprits ?

Serge Fauchereau est un spécialiste des avant-gardes : désir de découvrir le rôle des théories occultes dans les arts (littérature et arts plastiques), mais aussi l’aspect plus scientifique de l’occulte, qui est irrationnel et donc lié à la rationalité du monde scientifique.

Pour Joëlle Pijaudier-Cabot, directrice des musées de Strasbourg, désir d’élaborer une exposition transdisciplinaire, avec les musées strasbourgeois  (MAMC, musée zoologique, Cabinet des Estampes et des Dessins, Musée des Beaux-Arts, et une collaboration avec la BNU, et le Jardin des Sciences de l’Université de Strasbourg)

Partie scientifique :

Conception scientifique : rapport entre l’occulte et le monde des sciences, représentation de la tradition ésotérique dans la littérature et les arts plastiques.

A l’entrée de la partie scientifique, le baquet de Mesmer : entrée en matière, fait le lien entre les sciences et le monde occulte : travail de Mesmer sur le magnétisme (tourné en dérision par Méliès dans un film projeté en face du baquet).

Développement de la question des découvertes scientifiques dont on a du mal à s’expliquer le fonctionnement : communautés occultes récupéraient cela pour évoquer l’existence d’autres dimensions… Présence d’œuvres plastiques en rapport avec les sciences. Reproduction d’un salon de médium, avec photographies de matérialisations d’ectoplasmes (étudiées par des scientifiques présents sur la photo).

Grande variété des supports. Objets scientifiques, films, arts plastiques… Permettent de bien montrer la transdisciplinarité du sujet.

Volet littéraire :

Partenariat avec la BNU et le Cabinet des Estampes et des Dessins.

Tradition ésotérique en littérature depuis ses débuts, d’où un non respect des bornes chronologiques et géographique : présence de fragments de livres des morts (Egypte antique).

Conditions de conservation : souhaits du directeur de la BNU : vitrines extrêmement sécurisées, avec cristaux pour empêcher l’humidité et donc les changements de température, et un éclairage tamisé (pas plus de 50 lux pour les estampes) qui ne se déclenche qui quand on s’approche des vitrines, pour garder les livres dans la pénombre le plus possible.

Financement :

Coproduction de l’exposition avec le Zentrum Paul Klee de Berne (où l’exposition déménagera à partir de février, mais pas dans son intégralité faute de place, uniquement la partie Arts Plastiques). Intérêt de la coproduction en termes d’image, mais surtout avantages financiers : le budget de fonctionnement des expositions pour tous les musées de Strasbourg = 500-600 000 € par an. L’exposition l’Europe des Esprits = 1 000 000 € (les deux postes de budget les plus élevés : le transport des œuvres à travers l’Europe, plus de 100 prêteurs, œuvres envoyées dans des caisses sur mesure par avion cargo, accompagnées par un convoyeur et l’assurance des œuvres, extrêmement chère ; également parfois des frais liées au prêt (loan fees), autrement dit des prêts payants. Ou parfois simplement restauration ou nouveau cadre pour les œuvres.)

Partie Arts Plastiques :

Accrochage plus dense, plus de 800 objets sur toute l’exposition, dont 350 dans la partie arts plastiques.

-Sur les deux ans et demi de préparation de l’exposition, envoi de demandes de prêts à différents musées par rapport à la liste d’œuvres élaborée par les commissaires généraux. Une fois le prêt accepté (s’il ne l’est pas, liste de seconds choix), envoi d’une fiche de prêt.

-Scénographie : concevoir un espace cohérent. Choix de la couleur des murs : marron, par rapport au chromatisme récurrent dans les œuvres, mais qui doit les mettre en valeur quand même. Rideaux : cachent tout en permettant de voir, et clin d’œil au fait qu’enfant, on peut s’y cacher pour se déguiser en fantôme.

Pour le choix des scénographes, appel d’offre, appel à concurrence, les candidats présentent des idées respectant les clauses techniques émises par les commissaires.

Présence de petits cabinets, par exemple pour  les caprices de Goya, et des parties avec faux plafond en tissu, pour baisser la lumière. Dans les cabinets, pas de peintures, autres œuvres picturales.

-Affiche de l’exposition : Robin Goodfellow-Puck, de Henry Fuseli. Personnage du Songe d’une Nuit d’Eté de Shakespeare. Iconographiquement inquiétante, créatures fantastiques rappelant un univers féérique qui peut être relié au thème de l’exposition, et Fuseli est un des grands noms de l’exposition, peintre allemand ayant vécu en Angleterre et en Italie, caractère européen.

-Parcours, hiérarchisation des œuvres : question de la revalorisation des œuvres à la mode dans les expositions, appréciée par Serge Fauchereau. Par exemple ?iurlionis, peu connu, côtoie d’autres grandes œuvres. Permet de voir les différentes manières de percevoir l’occultisme dans les arts plastiques, à travers des figures très connues, et d’autres moins. Mais est peut-être un des écueils de l’exposition : exhumer trop de figures peu connues amène le risque d’exposer des œuvres qui n’en valent pas la peine.

-Photographie : place de la photographie difficile à affirmer dans l’histoire des arts mais ici passage obligé, photo spirite au XIXe siècle.

Médiation culturelle :

Audioguide ; cartel (titre, artiste, date, traduction anglaise/allemande, technique, prêteur) ; cartel développé qui présente le travail de l’artiste ; texte de salle (beaucoup d’informations en peu de lignes, le visiteur n’a pas le temps de s’attarder) ; petit journal des expositions… Multiplicité des supports pour la compréhension du parcours pour les visiteurs.

Accrochage de l’exposition :

En 2 semaines, piloté par la coordinatrice des expositions. Les sections sont déterminées, mais il faut choisir la place des œuvres en fonction de rapprochements intéressants, permettre une fluidité du parcours. Accrochage compliqué du fait du nombre élevé d’œuvres.

Par exemple, pour une œuvre de Rodin prêtée par le Musée Rodin de Paris, conception d’une caisse particulière pour le transport parce que fragile (plâtre), puis pour la présentation de la pièce, discussion entre convoyeuse, commissaire, restaurateur, pour décider comment la positionner  dans sa vitrine, élaboration de tasseaux en bois pour la maintenir…

(Voir aussi le dossier de presse de l’exposition : http://www.musees.strasbourg.eu/uploads/documents/presse/Europe%20des%20esprits/DP-EDE-0408visuels_bd.pdf )

 

Compte rendu réalisé par Lara Fichter, Hypokhâgne Chartes 2011-2012.

Mini site :

http://www.musees.strasbourg.eu/sites_expos/europe-des-esprits/fr/

Critique de l’exposition sur le site la Tribune de l’Art :

http://www.latribunedelart.com/l-europe-des-esprits-ou-la-fascination-de-l-occulte-1750-1950-article003314.html

Auteur/autrice : Emmanuel Noussis

Professeur agrégé chargé de l'option Histoire des Arts en CPGE, Lycée Fustel de Coulanges, Strasbourg

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