La « Chinafrique » s’affiche au Sénégal

Contexte : lire l’article du Monde daté du 22/7/2018  « Xi Jinping en visite, 1ère étape d’une tournée africaine »

Extraits : La visite de Xi Jinping est la deuxième d’un dirigeant chinois dans ce pays après celle de Hu Jintao en février 2009. La Chine est le deuxième partenaire commercial du Sénégal, derrière la France, avec un volume d’échanges de deux milliards de dollars en 2016, incluant des projets d’infrastructure…Les deux dirigeants ont signé dix accords dans des domaines liés à la justice, la coopération économique et technique, les infrastructures, la valorisation du capital humain et l’aviation civile. …La hausse des importations des matériaux de construction provenant de la Chine est due à la présence des entreprises chinoises au Sénégal pour l’exécution des chantiers de l’Etat. De nombreuses infrastructures au Sénégal, dont des stades, des routes et autoroutes, un hôpital, un Grand-théâtre, une arène nationale de lutte et un musée des civilisations noires, ont été construites par la Chine.

Photographies prises en août 2018

 

Constats et enjeux

Les domaines d’activité

  • Les infrastructures (ponts, routes, autoroutes) :

dans un pays  en pleine modernisation depuis une dizaine d’années, la Chine entend concurrencer la France en particulier dans la constitution du réseau autoroutier. L’entreprise Eiffage a réalisé la première autoroute à péage reliant Dakar à banlieue (2013) prolongée par des liaisons entre la capitale et le nouvel aéroport (2017) ainsi que deux villes moyennes (Thies et Mbour) qui constituent avec Dakar un triangle majeur dans le projet de développement régional. La Chine se positionne donc pour compléter le réseau en construisant la 1ere autoroute qui ne concernerait pas directement Dakar.

  • L’énergie

Il s’agit d’un domaine particulièrement sensible dans un pays qui a connu il y a peu de graves crises de pénurie d’électricité (cf émeutes de 2011)

1er pollueur de la planète, la Chine entend ici se construire une image de champion du développement durable à travers les énergies propres et renouvelables (barrages hydroélectriques, centrales solaires)

Les lieux affichés mettent en avant un modèle de réalisation (probablement) chinois sur l’affiche des panneaux solaires et un projet de grand barrage chez le voisin Guinéen qui signe une politique de développement à l’échelle régionale.

 

Les slogans

Observons d’emblée la présence systématique de l’écriture chinoise telle un signe fort d’identité immédiatement reconnaissable.

Par ailleurs, les termes choisis forment des devises à trois éléments qui doivent être interprétés comme une alternative à l’aide française, souvent qualifiée de dominatrice et néo colonialiste. Plus qu’un partenaire, la Chine vient « en amie ».

La « coopération mutuellement bénéfique« , le « gagnant gagnant » s’inscrivent dans un registre de relation sud-sud aux ambitions égalitaires qui imposent une nécessaire distance critique.

 

Les acteurs

Sur chacune des affiches, la Chine est représentée par des agences de coopération internationales présentes au Sénégal.

Les noms de « Crestone », « Henan » , « 3 Gorges Corporation » donnent ainsi des pistes de d’investigation via notamment les sites officiels de ces agences.

Ainsi, sur le site de Senegal Henan Chine, on peut lire la présentation suivante :

« La Société Henan Chine est entrée au Sénégal par le biais de la Coopération Bilatérale entre la Chine et le Sénégal à la fin des années 70. Et ce fut pour la construction du Stade de l’Amitié  baptisé Stade Léopold Sédar Senghor d’une capacité de plus de 60.000 places et le plus grand Stade en Afrique de l’Ouest. A la fin des travaux, encouragé par les amis Sénégalais satisfaits par la qualité de l’ouvrage, le siège situé à Henan décida d’ouvrir une Agence au Sénégal pour participer à l’œuvre de développement national au même titre que les autres sociétés étrangères notamment françaises. »

L’ancienneté de la réalisation rappelle que la Chinafrique s’inscrit dans une continuité historique de plusieurs décennies. L’ambition de concurrencer la France dans sa propre sphère d’influence est ici clairement mentionnée. Avoir signé une construction chinoise du nom de L S Senghor est à ce titre hautement symbolique.