La commémoration du centenaire de la première guerre mondiale et le cas Pétain

Une excellente accroche potentielle pour les élèves de TS sur une composition concernant mémoire &histoire de la seconde guerre mondiale .

Une réflexion d’H. Rousso sur le rôle du politique et de l’historien, impeccable pour une accroche.

Comment les présidents précédents avaient-ils géré le « cas Pétain »?

Une polémique qui démontre l’impact du travail des historiens sur le régime de Vichy dans l’opinion publique :

Après la Grande Guerre, Philippe Pétain est un héros qui hésite entre sa tranquillité et la chose publique. Général en chef de l’armée française dans les années 1920, reçu à l’Académie française en 1931, il est ministre dans le gouvernement de Gaston Doumergue, en 1934. A près de 80 ans, il est le dernier grand chef militaire du premier conflit mondial : Ferdinand Foch et Joseph Joffre sont décédés, le premier en 1929, le second en 1931.

l’extrême droite, une campagne commence à se développer autour de son nom : « C’est Pétain qu’il nous faut ! » L’héritage césarien, le mythe de l’homme providentiel jouent à plein dans le climat de crise politique, marquée par l’antiparlementarisme, et de crise économique et sociale qui caractérise la fin des années 1930.

Pétain y est de moins en moins insensible. En novembre 1938, il fait presque un discours de politique intérieure, glorifié par Charles Maurras, le chef de l’Action française, mouvement royaliste et antisémite : « Nous avons oublié l’effort pour la jouissance, l’union devant le danger pour le bien-être. » Ce sont, déjà, avec deux années d’avance, ses mots de 1940 (…)En août 1945, Pétain est condamné à mort pour « intelligence avec l’ennemi » et à l’indignité nationale. La peine de mort sera finalement commuée en raison de son grand âge, mais on ne peut pas faire plus infamant. L’opinion française est cependant divisée. Dès octobre 1944, l’un des premiers sondages IFOP révélait que près de 60 % des Français étaient opposés à ce que le maréchal soit condamné.

Sous l’Occupation, déjà, beaucoup de Français ont cru sincèrement en une alliance tacite entre Charles de Gaulle et Philippe Pétain. C’est un vieux mythe. Dès la fin des années 1940, un résistant proche de l’extrême droite royaliste, le colonel Rémy, le formalise dans les termes que l’on connaît depuis : il y avait De Gaulle, « l’épée », et Pétain, « le bouclier ».

En 1954, le premier historien de Vichy, Robert Aron, reprend la théorie à son compte. D’un point de vue historique, rien n’est plus faux. Mais c’est ce que beaucoup de Français des années 1940 et 1950 avaient envie de croire. (..)En 1966, le général de Gaulle peut se permettre de dissocier les deux Pétain, celui de Verdun et celui de Vichy. Cela ne choque pas l’opinion car l’ampleur des crimes antisémites de Vichy et du rôle personnel de Pétain dans la politique de collaboration n’a pas encore été révélée par des historiens comme Robert Paxton et Marc Ferro, et ne provoque pas l’émotion qu’elle va peu à peu commencer à susciter (…)

A partir du 11 novembre 1987, le président François Mitterrand décide de faire de ce qui n’était auparavant qu’un geste occasionnel un véritable rituel : chaque année, pendant six ans, une gerbe est déposée sur la tombe de Pétain. La dernière fois, en 1992, cela tourne mal. Serge Klarsfeld est sur place avec ses militants et des étudiants juifs de France. Que Mitterrand, qui refuse de reconnaître la responsabilité de l’Etat français dans la rafle du Vél’ d’Hiv, honore ainsi le maréchal Pétain est jugé insupportable.C’est un véritable tournant. En 1993, Mitterrand doit renoncer à son dépôt de gerbe annuel. Et, depuis, les présidents de la République se sont tenus à cette position : le chef de l’Etat ne peut pas honorer le vainqueur de Verdun qui a mis son prestige au service de la collaboration avec l’Allemagne nazie

Jusque dans les années 1980, une majorité des Français interrogés sur Pétain, 1940, Vichy, la collaboration, avaient de lui une opinion plutôt favorable, « qui avait fait de son mieux »,« s’était trompé de bonne foi », jugeait-on.

Depuis les années 1990, chaque sondage a montré une dégradation de son image, très nette dans les plus récentes enquêtes. Le président Macron n’a pas pris la mesure de ce que, justement, de nos jours, il y a un large consensus négatif dans l’opinion publique sur Pétain.

Par son action entre 1940 et 1944, sa volonté d’inscrire la France dans une Europe hitlérienne et totalitaire, par la livraison de 25 000 juifs apatrides à l’été 1942, qu’il a recouverte de son autorité en considérant qu’elle était « juste », Pétain s’est déshonoré. Il est indigne d’une célébration nationale. Notre mémoire collective rejoint ainsi aujourd’hui le verdict de 1945.

Interview de l’historien Laurent Joly, par Allan Kaval . Publié le 08 novembre 2018, Le Monde

Pétain est-il vraiment le vainqueur de Verdun? Où sommes-nous encore victime du mythe construit dans l’après-guerre ?

L’historien Jean-Yves Le Naour rappelle sur Europe 1 que le militaire n’a pas exactement été le héros de Verdun que l’Histoire a retenu. EUROPE1 10 nov 2018

« Il y a un maréchal Pétain qui a été un des acteurs et des grands soldats de 14-18, et ça vous ne pouvez pas l’effacer, et donc j’ai simplement dit : ‘on n’efface pas l’histoire, on n’est pas les procureurs de l’histoire' », s’est justifié jeudi le chef de l’Etat. Mais pour l’historien Jean-Yves Le Naour, « il y a des mythes autour de Pétain », à commencer par celui sur son rôle dans la victoire de la bataille de Verdun. « Les historiens sont beaucoup plus divisés là-dessus »,(…)

Selon le spécialiste de la Première Guerre mondiale, si un telle importance a été accordée au fil des années au maréchal Pétain, c’est notamment pour éclipser Robert Nivelle. « Pétain a commencé à commander à Verdun du 25 février au 1er mai. Ensuite, c’est Nivelle qui a commandé du 1er au mois de décembre. C’est à cause de l’échec du Chemin des Dames en 1917 – où il y a 100.000 pertes absolument pour rien, en quelques jours – qu’on ne se souvient plus de ce qu’a fait Nivelle à Verdun. Il a reconquis toutes les positions que les Allemands avaient conquises entre janvier et juin. C’est lui, en décembre 1916, qui est considéré comme le vainqueur de Verdun, et non pas Pétain. C’est pour cela que, quand Joffre est viré de son poste de commandant en chef des armées françaises, il est remplacé par Nivelle, et non pas par Pétain », rappelle Jean-Yves Le Naour.

Le maréchal Joffre avait d’ailleurs écrit : « Je tiens à affirmer que le vrai vainqueur de Verdun fut Nivelle. »

Pour Jean-Yves Le Naour, la polémique autour de l’hommage rendu à Pétain n’aurait pas dû exister… pour une raison simple. « Pétain a dirigé l’armée française de 1917 à 1918. Evidemment, c’est un grand officier, un grand soldat. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est qu’il a été condamné pour haute trahison, frappé d’indignité nationale, et on lui a retiré son titre de maréchal. Sur le plan juridique, il n’est plus maréchal », souligne le spécialité de la Grande guerre.

Pour ne pas oublier que le 11 novembre, c’est surtout la fin des tueries .

https://www.lefigaro.fr/fig-data/tombes-champ-honneur/

 

 

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