Cours de philosophie – Troisième partie

III- SUJET, LIBERTE et MORALE

 

 

 

Le sujet, considéré comme étant au principe de ses actes, constitue le fondement de la philosophie idéaliste moderne. Or c’est cette conception du sujet comme conscience capable d’auto-déterminer librement ses actes et qui constituerait la condition de possibilité de la morale qui est ici interrogé. Cette conception a constitué en particulier la base philosophique sur laquelle à travers le christianisme s’est construit la théorie de la responsabilité dans notre système juridique. Peut-on penser le sujet comme un esprit conscient capable d’être cause libre de ses actes ? Si la conscience immédiate ne permet pas de fonder la rationalité du sujet, peut-il néanmoins accéder à une capacité à agir rationnellement ?

 

Ch.I- Le sujet: conscience, désir et inconscient

 

La notion de sujet désigne étymologiquement ce qui est jeté sous. Ce serait donc une chose, une substance, qui agirait au principe de nos actes. Cependant, lorsque l’on parle d’un sujet de droits, la notion est ambivalente: c’est à la fois celui qui a des droits et celui qui est soumis au droit. Lorsque l’on parle d’un sujet en politique: il désigne celui qui est soumis à un pouvoir. Ainsi, le sujet est-il ce qui est au principe des actes ou est-il constitué en sujet par la société ?

 

1- L’hypothèse sensualiste: le sujet empirique

 

Si l’on part de l’hypothèse sensualiste, le sujet apparaît comme le produit de la réceptivité sensible. Sa personnalité est le produit de ce qu’il a acquis par la réceptivité des sens. Il est le produit de l’ensemble des perceptions empiriques qu’il a vécu. Sa personnalité est également liée aux perceptions sensibles qui proviennent de son corps: sensation de faim, de froid… Celles-ci vont déterminer des besoins. Mais la sensation de manque liée au besoin ne semble pas avoir de limite: ainsi même quand j’ai déjà mangé, je peux ressentir le besoin de manger encore. Il n’y a pas dans une telle hypothèse de distinction réelle entre besoins et désirs. Ce qui est alors déterminant, c’est la sensation de plaisir que j’éprouve et qui distingue l’état de manque et de souffrance, le besoin, de l’état de satisfaction. Néanmoins, il semble que si je n’utilise que ce critère pour guider mon existence, à savoir la sensation de plaisir, je risque de me trouver enchaîner à une recherche de plaisir sans fin.

Néanmoins, il est possible de se demander si en usant de la rationalité, en plus de la sensibilité, il n’est pas possible de distinguer entre les désirs : il pourrait alors être possible de limiter les désirs aux besoins naturels et nécessaires.

 

Texte d’Epicure, Lettre à ménécée:

 

Il est bon de limiter ses désirs à ceux qui sont necessaires pour la santé du corps et la tranquilité de l’âme. 


Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires et les autres naturels seulement. Parmi les désirs nécessaires, les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour la tranquillité du corps, les autres pour la vie même. Et en effet une théorie non erronée des désirs doit rapporter tout choix et toute aversion à la santé du corps et à l’ataraxie de l’âme, puisque c’est là la perfection même de la vie heureuse. Car nous faisons tout afin d’éviter la douleur physique et le trouble de l’âme. Lorsqu’une fois nous y avons réussi, toute l’agitation de l’âme tombe, l’être vivant n’ayant plus à s’acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher autre chose pour parfaire le bien-être de l’âme et celui du corps. Nous n’avons en effet besoin du plaisir que quand, par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur ; et quand nous n’éprouvons pas de douleur nous n’avons plus besoin du plaisir.

 

Transition: Néanmoins, chez l’être humain est-il possible de distinguer ainsi entre besoins naturels et désirs sociaux ? L’être humain n’est-il pas un être de culture et si c’est le cas, est-ce que cela ne tient pas justement au fait qu’il ne soit pas un sujet empirique, mais que ce qui constitue son identité réel, c’est d’être un être spirituel doté d’un corps ?

 

2- L’hypothèse idéaliste: Le sujet comme esprit et son rapport au corps.

 

Dans le cadre de l’hypothèse idéaliste, ce qui constitue le sujet, c’est d’être un esprit, c’est sa pensée consciente. Le sujet désigne la réalité qui décide de ses actes consciemment. Si le sujet devient le fondement à la fois de la connaissance et de l’action, c’est qu’il est le premier principe dont je ne pourrais pas douter. La conscience est ce par quoi j’ai une connaissance de moi-même, du monde extérieur et des fins morales. La conscience humaine n’est pas seulement conscience immédiate, elle est conscience réfléchie: j’ai conscience que je suis conscient.

Le désir ne peut être une réalité naturelle. De manière générale, il n’y a pas pour l’être humain de besoin naturel, car toute sensation fait l’objet d’une représentation de la conscience. Si le désir est manque, ce n’est pas parce qu’il est un besoin physique. Si le désir est manque, c’est parce qu’il est une fin visée par une conscience. La conscience est intentionnelle: toute conscience est conscience de quelque chose.

L’inconscient, c’est du mécanisme non conscient. J’ai un corps, et ayant un corps, celui-ci a un mécanisme qui agit sur mon esprit. Mais ce n’est pas mon corps qui désir. Le désir peut être lié à un effet de mon corps sur mon esprit, mais tout désir suppose l’intervention d’une conscience. C’est pourquoi dans cette conception, le sujet est en définitif responsable de ses désirs. Il peut par sa volonté les contrôler puisque ses désirs relèvent d’un choix conscient.

 

Texte de Descartes, Discours de la méthode, – IV Partie:

 

L’identité du sujet ne réside pas dans son corps, mais consiste dans son esprit. 


Plus, examinant avec attention ce que j’étais, et voyant que je pouvais feindre que je n’avais aucun corps, et qu’il n’y avait aucun monde, ni aucun lieu où je fusse ; mais que je ne pouvais pas feindre, pour cela, que je n’étais point ; et qu’au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j’étais ; au lieu que, si j’eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j’avais jamais imaginé, eût été vrai, je n’avais aucune raison de croire que j’eusse été : je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu’elle est plus aisée à connaître que lui, et qu’encore qu’il ne fût point, elle ne laisserait pas d’être tout ce qu’elle est. Après cela, je considérai en général ce qui est requis à une proposition pour être vraie et certaine ; car, puisque je venais d’en trouver une que je savais être telle, je pensai que je devais aussi savoir en quoi consiste cette certitude. Et ayant remarqué qu’il n’y a rien du tout en ceci : je pense, donc je suis, qui m’assure que je dis la vérité, sinon que je vois trèsclairement que, pour penser, il faut être : je jugeai que je pouvais prendre pour règle générale, que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement, sont toutes vraies ; mais qu’il y a seulement quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement. 

 

Transition: Cependant cette maîtrise du sujet conscient sur ses pensées n’est-elle pas une illusion ? Cette conception d’un sujet au principe des actes n’est-elle pas une illusion ?

 

3- L’hypothèse sensualiste vitaliste: le sujet comme effet d’un désir vital 

 

L’hypothèse sensualiste, propose une interprétation naturaliste du sujet, mais elle implique la passivité de celui-ci, or comment est-il possible de rendre le caractère actif du sujet empirique, sa spontanéité qui ne semble pas résulter d’un simple mécanisme, sans faire intervenir l’hypothèse de l’esprit ? C’est ce dont rend compte l’hypothèse de la force vitale. Les actions de l’individu ne seraient pas le produit d’un sujet métaphysique, mais d’une force vitale ou de forces vitales communes à tous les êtres vivants et qui se caractérisent par leurs tendances à croître. La conscience ne serait alors que le processus émergeant de cette force vitale.

De fait, le caractère stable et fixe du sujet – sa permanence -, son caractère personnel, son unité, ne serait l’effet que d’un processus social assuré par le langage. Le sujet est une fonction grammaticale. Mais cette fonction n’est pas a priori, elle est produit par la structure grammaticale de certaines langues.

Le caractère actif de l’individu n’est pas lié à un manque, il n’est pas mu par le fait qu’il cherche à satisfaire un besoin. La force vitale, le désir, déborde le besoin. Elle est affirmation d’une vie qui ne tend pas seulement à se conserver, mais à croître. Elle est productrice de ses propres valeurs immanentes: celles qui assurent la survie de l’individu et sa croissance. Le modèle du vivant est ici la plante qui semble animée par une force de croissance qui peut aller par exemple jusqu’à soulever le goudron des chaussées.

La conscience morale est le produit de la vie sociale qui impose au fort de ne pas dominer le faible. La vie sociale organise la survie de l’organisme social. La survie de l’organisme social n’est possible que dans la mesure où la croissance de la puissance de certaine de ses cellules est limitée. Mais la vie, en tant que tel, ne se soucie pas de la morale, elle n’est mue que par une force interne de croissance.

 

Texte de Nietzsche, Par delà le bien et le mal, §.17:

 

La conscience que nous avons d’être des sujets est construite par le langage.


Pour ce qui est de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait que ces esprits superstitieux ne reconnaissent pas volontiers à savoir qu’une pensée se présente quand  » elle  » veut, et non pas quand  » je  » veux; de sorte que c’est falsifier la réalité que de dire : le sujet  » je  » est la condition du  » prédicat  » pense. Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit justement l’antique et fameux  » je « , voilà, pour nous exprimer avec modération, une simple hypothèse, une assertion, et en tout cas pas une  » certitude immédiate « . En définitive, ce  » quelque chose pense  » affirme déjà trop; ce  » quelque chose  » contient déjà une interprétation du processus et n’appartient pas au processus lui-même. En cette matière, nous raisonnons d’après la routine grammaticale :  » Penser est une action, toute action suppose un sujet qui l’accomplit, par conséquent…  » C’est en se conformant à peu près au même schéma que l’atomisme ancien s’efforça de rattacher à  » l’énergie  » qui agit une particule de matière qu’elle tenait pour son siège et son origine, l’atome. Des esprits plus rigoureux nous ont enfin appris à nous passer de ce reliquat de matière, et peut-être un jour les logiciens s’habitueront-ils eux aussi à se passer de ce  » quelque chose « , auquel s’est réduit le respectable  » je  » du passé.

 

Transition:  Néanmoins, est-il possible à l’individu de se réapproprier en tant que sujet rationnel la maîtrise de ses actions, c’est-à-dire son autonomie – et n’être plus les simples effets soit de forces biologiques – les pulsions-, soit de l’organisation sociale dans laquelle il vit ?

 

4- L’hypothèse matérialiste rationaliste: Le sujet rationnel comme effet d’un processus

 

Si l’on part de l’hypothèse sensualiste vitaliste, le sujet apparaît comme l’effet d’un double processus. D’une part, il est le produit de forces biologiques – que la psychanalyse appellerait  pulsions. D’autre part, il est l’effet d’expériences qui se sont gravées dans son esprit, mais dont il n’a pas nécessairement gardé une trace consciente. Ainsi, l’apprentissage social conduit à la mise en place de processus de refoulement et au conflit entre des injonctions issues de la culture et qui constituent la conscience morale du sujet, – la psychanalyse parlerait ici de surmoi – et des forces pulsionnelles – le ça de la psychanalyse. La personnalité du sujet ( son « moi » en psychanalyse) apparaîtrait alors comme le produit du conflit entre le ça et le surmoi. Les désirs exprimés par le moi ne sont pas entièrement conscients dans la mesure où le moi ne se limite pas à la conscience. Mais ils ne sont pas uniquement de simples besoins naturels, dans la mesure où la société contribue à faire naître des désirs.

La rationalité apparaît comme l’effet de la sublimation de désirs liés à la pression sociale et au principe de réalité. Néanmoins, si les règles de rationalité sont le produit d’une sublimation, elles sont orientées également vers une connaissance de la réalité. Ainsi, elles sont ce qui permet à l’individu d’acquérir une connaissance de ces conflits et de pouvoir agir dessus et ainsi de mettre en place un processus par lequel le moi acquiert une maîtrise de lui même par la rationalité.

 

Texte de Freud, Nouvelles conférences de psychanalyse:

 

Le moi est le produit du conflit entre les pulsions biologiques, les règles morales sociales, entre la recherche du plaisir et la réalité.


Un adage nous déconseille de servir deux maîtres à la fois. Pour le pauvre moi la chose est bien pire, il a à servir trois maîtres sévères et s’efforce de mettre de l’harmonie dans leurs exigences. Celles-ci sont toujours contradictoires et il paraît souvent impossible de les concilier ; rien d’étonnant dès lors à ce que souvent le moi échoue dans sa mission. Les trois despotes sont le monde extérieur, le surmoi et le ça. Quand on observe les efforts que tente le moi pour se montrer équitable envers les trois à la fois, ou plutôt pour leur obéir, on ne regrette plus d’avoir personnifié le moi, de lui avoir donné une existence propre. Il se sent comprimé de trois côtés, menacé de trois périls différents auxquels il réagit, en cas de détresse, par la production d’angoisse. Tirant son origine des expériences de la perception, il est destiné à représenter les exigences du monde extérieur, mais il tient cependant à rester le fidèle serviteur du ça, à demeurer avec lui sur le pied d’une bonne entente, à être considéré par lui comme un objet et à s’attirer sa libido. En assurant le contact entre le ça et la réalité, il se voit souvent contraint de revêtir de rationalisations préconscientes les ordres inconscients donnés par le ça, d’apaiser les conflits du ça avec la réalité et, faisant preuve de fausseté diplomatique, de paraître tenir compte de la réalité, même quand le ça demeure inflexible et intraitable. D’autre part, le surmoi sévère ne le perd pas de vue et, indifférent aux difficultés opposées par le ça et le monde extérieur, lui impose les règles déterminées de son comportement. S’il vient à désobéir au surmoi, il en est puni par de pénibles sentiments d’infériorité et de culpabilité. Le moi ainsi pressé par le ça, opprimé par le surmoi, repoussé par la réalité, lutte pour accomplir sa tâche économique, rétablir l’harmonie entre les diverses forces et influences qui agissent en et sur lui : nous comprenons ainsi pourquoi nous sommes souvent forcés de nous écrier : « Ah, la vie n’est pas facile ! »

 

Remarques pragmatistes: Il serait sans doutes erroné de faire de la psychanalyse une vérité scientifique reposant sur un fondement objectif définitif. Elle propose néanmoins une hypothèse qui peut s’avérer heuristique. Plusieurs éléments peuvent paraître intéressants: le fait d’analyser le psychisme humain comme le produit d’une tension entre des forces biologiques, des expériences sociales et l’expérience de la réalité. Le fait également de ne pas faire de la rationalité un ensemble de règles a priori, mais le produit d’un processus de sublimation lié au principe de réalité et à la société. Ce qui est intéressant également, c’est la tentative rationaliste qu’elle propose d’un processus de construction d’une autonomie plus grande du sujet.

D’un point de vue pragmatiste, le caractère d’hypothèse n’est pas un obstacle, car ce qui importe ce sont les effets pratiques: les effets pratiques de la cure psychanalytique. Or c’est sur ce point où l’on peut émettre des réserves. Néanmoins, la démarche proposée par Freud, celle d’une production d’autonomie du sujet par la construction d’un savoir rationnel reste un objectif valable. En revanche, d’un point de vue pragmatiste, c’est sans doute dans l’action et dans une expérimentation que le sujet peut engager cette démarche de connaissance rationnelle et non par un simple discours (talking cure).

 

Transition: A travers la place qu’occupe la société dans la constitution du moi, par l’intermédiaire du surmoi, Freud pose la question de la place d’autrui dans la constitution de l’identité du sujet.

 

 

Ch. II- La place d’autrui dans la constitution du sujet:

 

Autrui comme médiation entre moi et moi-même. De l’immédiateté de la subjectivité à la rationalité imposée par la présence d’autrui.

 

Autrui peut apparaître comme le différent: dans son apparence sensible et dans sa personnalité, autrui m’apparaît comme différent et singulier. Pourtant la science, la génétique, met en avant au-delà de cette apparente diversité une unité du genre humain. Dans la conception idéaliste, c’est en tant qu’être spirituel, qu’à la fois autrui serait radicalement différent de moi par sa subjectivité, mais également identique à moi par la raison.

Néanmoins, on se limitera ici à rappeler comment autrui, comme la rationalité, peut apparaître comme l’élément de la constitution d’une médiation entre la conscience immédiate et la conscience réfléchie que le sujet a de lui-même. Cette donnée anthropologique que constitue le fait que l’être humain soit un être social intervient à différents niveaux. Elle a des implications sur l’ensemble des champs philosophiques. Ainsi, le rapport à autrui, apparaît comme une dimension de la constitution du sujet tant au niveau psychologique – les rapports familiaux et avec les proches – qu’au niveau sociologique – la socialisation propre à chaque société donnée. La discussion et le consensus peuvent apparaître comme des critères dans la recherche de la connaissance. De fait dans ce cas, la rationalité n’apparaît plus comme a priori, mais comme le produit de la discussion et des arguments qu’échanges les individus entre eux. La rationalité peut alors être vue comme le produit de l’exigence que me fait l’existence d’autrui de sortir de ma conscience immédiate et de devoir justifier mes positions devant autrui. Cette exigence apparaît comme une des dimensions de  la prise de décision politique démocratique: ma position politique devient légitime si elle entraîne le consentement d’autrui .  Ainsi, autrui n’apparaît plus comme un obstacle ou une limite à ma liberté, mais comme la condition de possibilité même de ma liberté. Ce qui se trouve ainsi posé, c’est alors la question de la relation à autrui: celle d’un rapport fondamentalement égoïste ou possiblement altruiste, celui d’un rapport fondamentalement conflictuel ou possiblement coopératif. Autrui peut ainsi devenir l’objet de mon désir, mais le fait qu’autrui ne soit pas simplement une chose, qu’il soit également un sujet, conduit également à interroger la question du désir que je peux éprouver pour autrui sur un plan moral. A travers le désir d’être reconnu par autrui, ce qui est posé, c’est le fait de savoir si l’être humain n’a pas de désir plus profond que le désir pour autrui, ou  si en définitif ce n’est pas soi-même, de manière narcissique, que l’on désire.

La notion d’autrui est comme on le voit transversale, car le fait pour une philosophie de prendre en compte ou non autrui comme élément de constitution du sujet, a un impact sur l’ensemble des dimensions de cette philosophie. Ainsi, la catégorie d’autrui constitue une notion qui introduit une médiation qui s’oppose à une philosophie du sujet qui s’appuierait sur un pur subjectivisme et sur une immédiateté à soi-même.

 

Texte de Axel Honneth, Le désir de reconnaissance par autrui:

 

Le désir des individus d’être reconnus par les autres est une tendance profonde des êtres humains. Il permet d’analyser les actions humaines tant au niveau psychologique que social. 


Pour en saisir la nouveauté, il faut partir du modèle utilitariste encore dominant dans les sciences sociales. Ce modèle considère la société comme une collection d’individus motivés par le calcul rationnel de leurs intérêts et la volonté de se faire une place au soleil. Du coup, il est incapable de rendre raison de ces conflits qui naissent d’attentes morales insatisfaites et que je place au coeur même du social. En m’appuyant sur le jeune Hegel, mais aussi sur les acquis de la psychologie sociale (de George Herbert Mead à Donald Winnicott), je propose de comprendre les confrontations sociales sur le modèle d’une « lutte pour la reconnaissance ». Cela suppose que la réalisation de soi comme personne dépende très étroitement de cette reconnaissance mutuelle. C’est pourquoi je distingue trois sphères de reconnaissance, auxquelles correspondent trois types de relations à soi. La première est la sphère de l’amour qui touche aux liens affectifs unissant une personne à un groupe restreint. Seule la solidité et la réciprocité de ces liens confèrent à l’individu cette confiance en soi sans laquelle il ne pourra participer avec assurance à la vie publique. La deuxième sphère est juridico-politique : c’est parce qu’un individu est reconnu comme un sujet universel, porteur de droits et de devoirs, qu’il peut comprendre ses actes comme une manifestation – respectée par tous – de sa propre autonomie. En cela, la reconnaissance juridique se montre indispensable à l’acquisition du respect de soi. Mais ce n’est pas tout. Pour parvenir à établir une relation ininterrompue avec eux-mêmes, les humains doivent encore jouir d’une considération sociale leur permettant de se rapporter positivement à leurs qualités particulières, à leurs capacités concrètes ou à certaines valeurs dérivant de leur identité culturelle. Cette troisième sphère – celle de l’estime sociale – est indispensable à l’acquisition de l’estime de soi, ce qu’on appelle le « sentiment de sa propre valeur ». 

Si l’une de ces trois formes de reconnaissance fait défaut, l’offense sera vécue comme une atteinte menaçant de ruiner l’identité de l’individu tout entier – que cette atteinte porte sur son intégrité physique, juridique ou morale. Il s’ensuit qu’une des questions majeures de notre époque est de savoir quelle forme doit prendre une culture morale et politique soucieuse de conférer aux méprisés et aux exclus la force individuelle d’articuler leurs expériences dans l’espace démocratique au lieu de les mettre en actes dans le cadre de contre-cultures violentes. (Extrait d’entretien, 2006)

 

Ch. III- La liberté

 

Le terme de liberté provient à l’origine du latin liber, qui s’oppose au terme servus. Celui qui est libre, c’est celui qui n’est pas esclave. Ce n’est qu’avec le christianisme qu’apparaît la notion de libre-arbitre comme capacité de la volonté à se déterminer elle-même indépendamment de toutes causes extérieures. Or une telle définition de la liberté n’est-elle pas une illusion ? Qu’est-ce qu’être libre du point de vue de la raison ?

 

1- L’hypothèse sensualiste: liberté et désir

 

Dans un premier sens, être libre semble désigner faire ce que l’on veut. Mais faire ce que l’on veut, c’est ici faire tout ce que l’on désir, faire ce qu’on imagine pouvoir nous apporter du plaisir. Cette première acception de la liberté semble se heurter à une série d’objections.

 

Objections: Si la liberté consiste à faire ce qui me plaît, cela signifie que je suis déterminé à agir par mon corps ? Or mon corps est lui-même pris dans une série causale et donc il n’est pas entièrement libre. En outre, cela signifie que je peux être libre en agissant de manière irrationnelle ? Il pourrait ainsi il y avoir une contradiction entre ce que je peux désirer de manière immédiate et ce que j’ai intérêt à désirer de manière rationnelle.

 

2- L’hypothèse idéaliste: Etre libre, c’est n’être déterminé que par sa volonté

 

Si ce que je veux est déterminé par une cause extérieure à moi alors je ne suis plus libre. Je suis contraint par une cause extérieure à agir. Comment dans ce cas supposer l’existence d’un acte qui soit entièrement libre ? Il faut supposer que la liberté est un pouvoir de vouloir qui soit totalement indépendant de toute causalité extérieure et même de tout motif psychologique. Il faut que je puisse décider de manière indépendante de toute causalité. Cela signifie que l’être humain se distingue des autres êtres par le fait qu’il possède un principe d’ordre spirituel qui ne soit pas soumis au principe de causalité matériel et qui puisse être cause immanente de ses actes c’est-à-dire qui nous permette d’agir en dehors de tout principe de causalité.

La volonté n’est pas déterminée par une cause, elle est orientée par un projet, une fin, que lui fixe la conscience. La capacité de choix que possède la volonté est une capacité immédiate que l’être humain possède dans la mesure où il est en capacité de déterminer ses pensées en fonction de fins, en particuliers morales, et indépendamment de causes. L’être humain est donc d’emblée libre et penser qu’il est déterminé par des causes extérieures, c’est faire preuve de mauvaise foi

 

Texte: Descartes, libre arbitre:

 

Notre volonté est sans limites et donc libre. Néanmoins, la liberté de choisir sans raisons – la liberté d’indifférence – est le plus bas degrés de la liberté. La liberté véritable suppose l’association de la volonté et de l’entendement. 


  Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m’a pas donné un libre arbitre, ou une volonté assez ample et parfaite, puisqu’en effet je l’expérimente si vague et si étendue, qu’elle n’est renfermée dans aucunes bornes. Et ce qui me semble bien remarquable en cet endroit, est que, de toutes les autres choses qui sont en moi, il n’y en a aucune si parfaite et si étendue, que je ne reconnaisse bien qu’elle pourrait être encore plus grande et plus parfaite. Car, par exemple, si je considère la faculté de concevoir qui est en moi, je trouve qu’elle est d’une fort petite étendue, et grandement limitée, et tout ensemble je me représente l’idée d’une autre faculté beaucoup plus ample, et même infinie; et de cela seul que je puis me représenter son idée, je connais sans difficulté qu’elle appartient à la nature de Dieu. En même façon, si j’examine la mémoire, ou l’imagination, ou quelqu’autre puissance, je n’en trouve aucune qui ne soit en moi très petite et bornée, et qui en Dieu ne soit immense et infinie. Il n’y a que la seule volonté, que j’expérimente en moi être si grande, que je ne conçois point l’idée d’aucune autre plus ample et plus étendue : en sorte que c’est elle principalement qui me fait connaître que je porte l’image et la ressemblance de Dieu. Car, encore qu’elle soit incomparablement plus grande dans Dieu, que dans moi, soit à raison de la connaissance et de la puissance, qui s’y trouvant jointes la rendent plus ferme et plus efficace, soit à raison de l’objet, d’autant qu’elle se porte et s’étend infiniment à plus de choses; elle ne me semble pas toutefois plus grande, si je la considère formellement et précisément en elle-même. Car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose, ou ne la faire pas (c’est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir), ou plutôt seulement en ce que, pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l’entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu’aucune force extérieure nous y contraigne. Car, afin que je sois libre, il n’est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l’un ou l’autre des deux contraires ; mais plutôt, d’autant plus que je penche vers l’un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s’y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l’intérieur de ma pensée, d’autant plus librement j’en fais choix et je l’embrasse. Et certes la grâce divine et la connaissance naturelle, bien loin de diminuer ma liberté, l’augmentent plutôt, et la fortifient. De façon que cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance, qu’une perfection dans la volonté ; car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent.

 

Néanmoins, comme le montre le texte ci-dessus de Descartes, la liberté totale du vouloir implique une liberté de choix qui pourrait être irrationnelle, contraire à la connaissance rationnelle ou à la morale. La thèse de la liberté du vouloir pose donc le problème de la conciliation entre la liberté et la raison. Or si on examine rationnellement cette notion de libre-arbitre, est-ce que celle-ci n’est pas une illusion ?

 

3- L’hypothèse rationaliste: La liberté est le produit d’un processus rationnel

 

La thèse rationaliste repose sur le principe de raison suffisante. Toute chose doit avoir une cause. Donc la volonté lorsqu’elle agit est nécessairement déterminée par une cause antérieure. Donc lorsque nous avons l’impression d’agir librement indépendamment de toutes causes physiques ou psychologiques, en réalité, notre action est déterminée par une cause antérieure que nous ignorons. En effet, la thèse selon laquelle la volonté serait extérieure à la causalité est contradictoire puisque la volonté est sensée agir de manière causale sur la réalité matérielle.

L’illusion de l’existence d’un principe spirituel libre qui serait la volonté – c’est-à-dire l’illusion du libre arbitre –  repose à la fois sur une ignorance des causes qui nous détermine et sur l’illusion de la finalité. Nous avons l’illusion que nous pourrions agir par le fait que nos actions seraient orientées selon une finalité dont nous avons conscience. Cette illusion résulte d’une méconnaissance du fonctionnement de la nature.

Etre libre ne consiste donc pas à vouloir en fonction de ce que l’on imagine nous faire plaisir, mais agir conformément à une connaissance rationnelle de la réalité. La liberté ne consiste donc pas à faire ce que l’on veut, mais à faire ce que l’on peut. Celui qui a une connaissance des causes peut agir sur la série causale et la modifier.

 

Texte de Spinoza, Lettre à Shuller:

 

Le sentiment d’une liberté de la volonté est une illusion de la conscience. La vraie liberté ne consiste pas en cela. 


  » J’appelle libre, quant à moi, une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature ; contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir d’une certaine façon déterminée. (…) Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret mais dans une libre nécessité. Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple: une pierre par exemple reçoit d’une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement et, l’impulsion de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. Cette persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce qu’elle est nécessaire, mais parce qu’elle doit être définie par l’impulsion d’une cause extérieure. Et ce qui est vrai de la pierre il faut l’entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu’il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d’une certaine manière déterminée. Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, pense et sache qu’elle fait effort, autant qu’elle peut, pour se mouvoir. Cette pierre assurément, puisqu’elle a conscience de son effort seulement et qu’elle n’est en aucune façon indifférente, croira qu’elle est très libre et qu’elle ne persévère dans son mouvement que parce qu’elle le veut. Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent. Un enfant croit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s’il est poltron, vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu’ensuite, revenu à la sobriété, il aurait voulu taire. De même un délirant, un bavard, et bien d’autres de même farine, croient agir par un libre décret de l’âme et non se laisser contraindre. « 

 

Transition:  Néanmoins dans les actions, est-il possible de déterminer des séries causales comme c’est le cas en physique ? Peut-être est-ce ce possible, mais nous n’en sommes pas capable. Or nous avons besoin de pouvoir agir.

 

4- L’hypothèse pragmatiste: les degrès vraisemblables de liberté 

 

Même si nous ne possédons pas une connaissance en soi des causes des actions, il est possible d’essayer de déterminer des degrés apparents de liberté dans les actions humaines. Celui qui agit sous la menace d’un pistolet est moins libre que celui qui agit sans cette menace. Pourtant, celui qui est menacé d’un pistolet peut refuser cette injonction, mais cette probabilité sera rare.

 

Texte d’Artistote, Le volontaire et l’involontaire:

 

Selon les situations dans lesquels il se trouve, on peut considérer qu’un être humain agit plus ou moins librement ou plus ou moins contraint. 


On admet d’ordinaire qu’un acte est involontaire quand il est fait sous la contrainte, ou par ignorance. Est fait par contrainte tout ce qui a son principe hors de nous, c’est-à-dire un principe dans lequel on ne relève aucun concours de l’agent ou du patient : si, par exemple, on est emporté quelque part, soit par le vent, soit par des gens qui vous tiennent en leur pouvoir.
Mais pour les actes accomplis par crainte de plus grands maux ou pour quelque noble motif (par exemple, si un tyran nous ordonne d’accomplir une action honteuse, alors qu’il tient en son pouvoir nos parents et nos enfants, et qu’en accomplissant cette action nous assurerions leur salut, et en refusant de la faire, leur mort), pour de telles actions la question est débattue de savoir si elles sont volontaires ou involontaires. C’est là encore ce qui se produit dans le cas d’une cargaison que l’on jette par-dessus bord au cours d’une tempête : dans l’absolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il s’agit de son propre salut et de celui de ses compagnons, un homme de sens agit toujours ainsi. De telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires, car elles sont librement choisies au moment où on les accomplit, et la fin de l’action varie avec les circonstances de temps. On doit donc, pour qualifier une action de volontaire ou d’involontaire, se référer au moment où elle s’accomplit. Or ici l’homme agit volontairement, car le principe qui, en de telles actions, meut les parties instrumentales de son corps, réside en lui, et les choses dont le principe est en l’homme même, il dépend de lui de les faire ou de ne pas les faire. Volontaires sont donc les actions de ce genre, quoique dans l’absolu elles soient peut-être involontaires, puisque personne ne choisirait jamais une pareille action en elle-même. […] (Ethique à Nicomaque)

 

Transition: La question de la liberté se pose dans la mesure où elle apparaît comme la condition de possibilité de la morale. La morale pose la question de ce qu’est bien agir. Est-ce que morale et liberté se confondent – être libre se serait agir conformément à la raison – ou est-ce que la morale est ce qui fixe les fins de la liberté humaine ?

 

Ch. III – La morale: le devoir et le bonheur

 

La morale, les mœurs et l’éthique sont étymologiquement des notions synonymes. Néanmoins, on tend à réserver la notion de mœurs aux devoirs sociaux. La notion de morale est plutôt appliquée pour désigner un devoir qui est fixé par la conscience individuelle. L’éthique est utilisée dans des sens différents: devoir dans un domaine particulier, recherche de ce qui est bon pour l’individu, action relative à la situation… Bien souvent, la distinction entre éthique et morale est utilisée dans le sens d’une opposition entre recherche individuelle du bonheur et morale identifiée alors au devoir. L’action humaine doit-elle donc être orientée vers la recherche du bonheur ou celle du devoir ?

 

1- L’hypothèse sensualiste relativiste: la recherche du bonheur comme fin de l’action humaine

 

a- L’hypothèse hédoniste

 

La réponse qui semble la plus immédiate c’est que l’ethique consisterait dans la recherche du bonheur: en effet le bonheur apparaît comme la fin que tout le monde peut désirer. Il semble en outre que tout le monde recherche ce qui lui fait le plaisir. Chacun a donc une conception du plaisir donc du bonheur.

Mais si le bonheur consiste uniquement dans le plaisir, cette position pose plusieurs difficultés.

 

Objections: D’une part, il faudrait que le plaisir ne cesse pas pour être un plaisir véritable, un instant de plaisir ne suffit pas à constituer le bonheur. Mais même si nous parvenions à nous maintenir dans un état de plaisir, la notion de plaisir ne semble pas permettre de distinguer une vie authentiquement humaine d’une vie purement animal. Il serait possible d’avoir du plaisir en passant toute sa vie à manger et à dormir. En outre, si l’on admet que l’être humain est un être social, sa recherche du bonheur pourrait entrer en contradiction avec la recherche du bonheur des autres êtres humains.

 

b- L’hypothèse utilitariste

 

Elle consiste à affirmer que la morale consiste dans le bonheur et que ce bonheur consiste dans le plaisir, mais ce bonheur n’est plus évalué au niveau de l’individu, mais de l’ensemble de la société. En outre, il ne s’agit pas d’un plaisir immédiat, mais d’un plaisir calculé rationnellement de manière à constituer un optimum. Enfin, ce bonheur, au moins dans certaines conception de l’utilitarisme, implique que les plaisirs intellectuels apportent un plaisir de qualité supérieure aux plaisirs physiques. En effet, ceux qui ont connus les plaisirs intellectuels ne retournent pas à des plaisirs inférieurs.

 

Texte de Stuart Mill, L’utilitarisme: Le bonheur et le plaisir

 

Le bonheur réside dans la recherche du plaisir. Mais le plus grand plaisir pour l’être humain qui est un être vivant qui possède des facultés intellectuelles supérieures est celui qui met en oeuvre de telles facultés.  

 

On peut, sans s’écarter le moins du monde du principe d’utilité, reconnaître le fait que certaines espèces de plaisirs sont plus désirables et plus précieuses que d’autres. Alors que dans l’estimation de toutes les autres choses, on tient compte de la qualité aussi bien que de la quantité, il serait absurde d’admettre que dans l’estimation des plaisirs on ne doit tenir compte que de la quantité.[…]

On pourrait me demander : « Qu’entendez-vous par une différence de qualité entre les plaisirs ? Qu’est-ce qui peut rendre un plaisir plus précieux qu’un autre – en tant que plaisir pur et simple – si ce n’est qu’il est plus grand quantitativement ? » Il n’y a qu’une réponse possible. De deux plaisirs, s’il en est un auquel tous ceux ou presque tous ceux qui ont l’expérience de l’un et de l’autre accordent une préférence bien arrêtée, sans y être poussés par un sentiment d’obligation morale, c’est ce plaisir-là qui est le plus désirable. […]

Or, c’est un fait indiscutable que ceux qui ont une égale connaissance des deux genres de vie, qui sont également capables de les apprécier et d’en jouir, donnent résolument une préférence très marquée à celui qui met en œuvre leurs facultés supérieures. Peu de créatures humaines accepteraient d’être changées en animaux inférieurs sur la promesse de la plus large ration de plaisirs de bêtes ; aucun être humain intelligent ne consentirait à être un imbécile, aucun homme instruit à être un ignorant, aucun homme ayant du cœur et une conscience à être égoïste et vil, même s’ils avaient la conviction que l’imbécile, l’ignorant ou le gredin sont, avec leurs lots respectifs, plus complètement satisfaits qu’eux-mêmes avec le leur. […] Un être pourvu de facultés supérieures demande plus pour être heureux, est probablement exposé à souffrir de façon plus aiguë, et offre certainement à la souffrance plus de points vulnérables qu’un être de type inférieur ; mais, en dépit de ces risques, il ne peut jamais souhaiter réellement tomber à un niveau d’existence qu’il sent inférieur. Nous pouvons donner de cette répugnance l’explication qu’il nous plaira ; nous pouvons l’imputer à l’orgueil […] ; nous pouvons l’attribuer à l’amour de la liberté et de l’indépendance personnelle […] ; à l’amour de la puissance, ou à l’amour d’une vie exaltante […] ; mais, si on veut l’appeler de son vrai nom, c’est un sens de la dignité que tous les êtres humains possèdent, sous une forme ou sous une autre, et qui correspond […] au développement de leurs facultés supérieures. Chez ceux qui le possèdent à un haut degré, il apporte au bonheur une contribution si essentielle que, pour eux, rien de ce qui le blesse ne pourrait être plus d’un moment objet de désir.

 

Objection:  Néanmoins, peut-on supposer que tous les êtres humains recherchent le plaisir ? Même s’il recherchent le plaisir, ce plaisir s’avère, au moins en partie, relatif selon les individus. Il est subjectif. Par conséquent, n’est-il pas possible de s’appuyer sur des réalités plus objectives que le plaisir pour déterminer une morale ?

 

2 – L’hypothèse matérialiste rationaliste:

 

L’hypothèse matérialiste rationaliste consiste à s’appuyer sur une connaissance de l’ordre de la nature pour en tirer une morale qui nous permet de déterminer ce qu’est le bonheur. Il s’agit de déterminer une morale naturaliste qui repose sur une connaissance de ce qui est. Le bonheur ne consiste pas à désirer ce qui nous ferait plaisir, mais à rendre ses désirs adéquates à ce que l’on peut. Il s’agit ainsi d’agir conformément à la rationalité de la nature. Il s’agit alors de connaître ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas.

 

Texte d’Epictète, Le manuel:

 

La recherche du bonheur réside dans une connaissance de la rationalité de la réalité. Il s’agit de distinguer entre les désirs qui dépendent de nous et ceux qui n’en dépendent pas. Il s’agit de limiter ses désirs à ce qui dépend de nous. 


1.— Parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d’autres non. De nous, dépendent la pensée, l’impulsion, le désir, l’aversion, bref, tout ce en quoi c’est nous qui agissons ; ne dépendent pas de nous le corps, l’argent, la réputation, les charges publiques, tout ce en quoi ce n’est pas nous qui agissons. 

2.— Ce qui dépend de nous est libre naturellement, ne connaît ni obstacles ni entraves ;  ce qui n’en dépend pas est faible, esclave, exposé aux obstacles et nous est étranger. 

3.— Donc, rappelle-toi que si tu tiens pour libre ce qui est naturellement esclave et pour un bien propre ce qui t’est étranger, tu vivras contrarié, chagriné, tourmenté ;  tu en voudras aux hommes comme aux dieux ;  mais si tu ne juges tien que ce qui l’est vraiment — et tout le reste étranger —, jamais personne ne saura te contraindre ni te barrer la route ;  tu ne t’en prendras à personne, n’accuseras personne, ne feras jamais rien contre ton gré, personne ne pourra te faire de mal et tu n’auras pas d’ennemi puisqu’on ne t’obligera jamais à rien qui pour toi soit mauvais.

4.— A toi donc de rechercher des biens si grands, en gardant à l’esprit que, une fois lancé, il ne faut pas se disperser en oeuvrant chichement et dans toutes les directions, mais te donner tout entier aux objectifs choisis et remettre le reste à plus tard. Mais si, en même temps, tu vises le pouvoir et l’argent, tu risques d’échouer pour t’être attaché à d’autres buts, alors que seul le premier peut assurer liberté et bonheur. 

5.— Donc, dès qu’une image viendra te troubler l’esprit, pense à te dire : « Tu n’es qu’image, et non la réalité dont tu as l’apparence. » Puis, examine-la et soumets-la à l’épreuve des lois qui règlent ta vie :  avant tout, vois si cette réalité dépend de nous ou n’en dépend pas ;  et si elle ne dépend pas de nous, sois prêt à dire : « Cela ne me regarde pas. » 

 

Remarques: Le Stoïcisme, dont Epictète est l’un des représentants, s’appuie sur une physique. La nature est une totalité rationnelle déterminée selon un système de causes et qui posent des fins rationnelles. Il n’y a pas de distinction entre fait et valeurs.  Néanmoins, le texte d’Epictète semble laisser apparaître le problème d’une éthique matérialiste rationaliste. Si tout est déterminé alors il n’est pas possible de changer son comportement et s’il est possible de changer son comportement du fait d’une connaissance des lois de la nature, est-ce que cela ne suppose pas une liberté de l’esprit ?

 

Objection: Néanmoins, une telle conception pose également différents problèmes. En effet, posséder une telle morale suppose de posséder une connaissance de la totalité et de savoir exactement ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Le second problème, c’est que même si on parvient à déterminer un tel état de fait, cela ne le rend pas légitime pour autant. Ainsi, s’il est possible d’agir sur ce qui est par une connaissance des causes, comment déterminer ce qui doit-être. En effet, considérer que la nature nous indique ce qui doit-être, ce serait réintroduire des fins dans la nature.

 

3- L’hypothèse idéaliste: La morale comme détermination de fins absolues

 

a- L’hypothèse idéaliste: l’intuitionisme moral

 

La morale est déterminée par une conscience immédiate, un sentiment moral – qui ne provient pas de la nature et de la sensibilité – , mais qui indique des fins morales transcendantes et absolues. Ce que nous énonce la conscience morale ne peut être source d’erreur.

 

Texte de Rousseau, La conscience morale innée:

 

Nous avons une faculté innée – la conscience morale – de connaître le bien et le mal. C’est sous l’effet de la société que nous  pouvons perdre notre conscience morale. 


« Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe. Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l’étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines. Mais ce n’est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre. S’il parle à tous les cœurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l’entendent ? Eh ! c’est qu’il nous parle la langue de la nature, que tout nous a fait oublier. »

 

Objection:  Néanmoins, il est possible que nous soyons trompé par l’immédiateté de notre conscience morale, dans ce cas n’est-il pas possible de tirer de la raison une règle rationnelle qui serait la règle régissant le fonctionnement de notre conscience morale et qui nous en garantirait l’objectivité ?

 

b- L’hypothèse idéaliste rationaliste: La morale kantienne

 

L’hypothèse idéaliste rationaliste a été fortement marquée dans la période contemporaine par la théorisation kantienne. Pour ce philosophe, la morale ne peut viser le bonheur car celui-ci apparaît comme un idéal de l’imagination: c’est-à-dire qu’il ne peut être possible de déterminer un concept universel, acceptable par tous, de ce qu’est le bonheur.

La connaissance morale ne peut s’appuyer ni sur une physique afin d’éviter ainsi le problème du passage de l’être au devoir-être, ni sur l’utilité sensible car elle est relative. Elle n’est pas non plus relative à un intérêt pragmatique c’est-à-dire lié à l’action.

Dans la conception kantienne, la connaissance morale est fondée sur une règle formelle transcendantale issue de la raison humaine s’appuyant sur la non-contradiction. L’action morale consiste à suivre une règle formelle qui repose sur son caractère universalisable c’est-à-dire non contradictoire. Cette règle permet ainsi d’établir une morale universelle et conduisant chacun  à déterminer facilement quel est son devoir moral.

La moralité de l’action tient dans l’intention morale de l’action qui consiste à agir en étant uniquement déterminé par la règle formelle que constitue la loi morale. L’acte moral consiste à agir uniquement par devoir. L’action morale est à elle-même sa propre fin.

La morale kantienne est donc avant-tout une morale déontologique reposant sur un devoir formel et non sur l’intuition intellectuelle de valeurs substantielles. Néanmoins, il est une valeur; se présentant comme une conséquence de la loi morale, et qui est affirmée comme absolue, c’est la valeur de la personne humaine. En effet, autrui ne doit jamais être traité seulement comme un moyen, mais toujours en même temps comme une fin afin que l’action puisse être considérée comme morale.

 

Texte: Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs:

 

La morale consiste principalement en deux règles: 1) agir de telle manière que tous pourraient agir selon la même règle 2) considérer toujours autrui comme une personne morale et non un simple moyen. 


[Première maxime de la loi morale:]

Il n’y a donc qu’un impératif catégorique, et c’est celui-ci : Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle.

Or, si de ce seul impératif tous les impératifs du devoir peuvent être dérivés comme de leur principe, quoique nous laissions non résolue la question de savoir si ce qu’on appelle le devoir n’est pas en somme un concept vide, nous pourrons cependant tout au moins montrer ce que nous entendons par là et ce que ce concept veut dire.

Puisque l’universalité de la loi d’après laquelle des effets se produisent constitue ce qu’on appelle proprement nature dans le sens le plus général (quant à la forme), c’est-à-dire l’existence des objets en tant qu’elle est déterminée selon des lois universelles, l’impératif universel du devoir pourrait encore être énoncé en ces termes : Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en LOI UNIVERSELLE DE LA NATURE.[…]

 

[Deuxième maxime de la loi morale: ]

Si donc il doit y avoir un principe pratique suprême, et au regard de la volonté humaine un impératif catégorique, il faut qu’il soit tel que, par la représentation de ce qui, étant une fin en soi, est nécessairement une fin pour tout homme, il constitue un principe objectif de la volonté, que par conséquent il puisse servir de loi pratique universelle. Voici le fondement de ce principe : la nature raisonnable existe comme fin en soi. L’homme se représente nécessairement ainsi sa propre existence; c’est donc en ce sens un principe subjectif d’actions humaines. Mais tout autre être raisonnable se présente également ainsi son existence, en conséquence du même principe rationnel qui vaut aussi pour moi; c’est donc en même temps un principe objectif dont doivent pouvoir être déduites, comme d’un principe pratique suprême, toutes les lois de la volonté. L’impératif pratique sera donc celui-ci : Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.

 

Objections: Néanmoins, on a pu objecter à la morale kantienne, le caractère insuffisant pour déterminer l’action morale d’une simple loi formelle. En particulier, certains auteurs ont pu souligner le problème posé par les conflits de devoir dans le cadre d’une situation précise:  ainsi peut apparaître une contradiction entre le caractère universel de la loi morale et la valeur de la personne humaine. Le refus du mensonge par exemple peut entrer en contradiction avec le devoir qui nous est fait de prendre pour fin de nos actions la personne humaine. On pu également objecter à cette conception morale de proposer une règle générale, mais de ne pas permettre la prise en compte de la situation sans laquelle la loi générale peut s’avérer injuste. Pour finir, il a été également souligné par exemple que cette conception morale ne permet pas de prendre en compte dans l’évaluation de l’acte moral ses conséquences pratiques.

 

4- L’hypothèse pragmatiste: la morale comme expérimentation: laphronesis

 

L’hypothèse pragmatiste consiste à considérer que l’action morale ne peut être que relative à une situation car l’action ne saurait être l’objet d’une science universelle, mais incluse toujours une dimension contingente et singulière. De fait, l’action pragmatique relève de la phronesis (prudence): elle ne consiste pas à agir en appliquant une règle apodictique, mais à expérimenter une hypothèse qui est évaluée relativement à ses conséquences pratiques.

Cela d’autant plus que l’action morale pour l’être humain qui est un animal social ne peut être analysée à un niveau individuel, mais seulement dans le cadre d’une politique.

 

Texte d’Aristote, La prudence:

 

La prudence n’est pas une science. Elle est une qualité qui nous permet d’agir de manière utile. Cette utilité ne consiste pas avant tout dans la recherche du plaisir individuel. La prudence nous permet de déterminer ce qui est bon à la fois pour nous en même temps que pour les autres.   

 

Une façon dont nous pourrions appréhender la nature de la prudence, c’est de considérer quelles sont les personnes que nous appelons prudentes. De l’avis général, le propre d’un homme prudent c’est d’être capable de délibérer correctement sur ce qui est bon et avantageux pour lui-même, non pas sur un point partiel (comme par exemple quelles sortes de choses sont favorables à la santé ou à la vigueur du corps), mais d’une façon générale, quelles sortes de choses par exemple conduisent à la vie heureuse. Une preuve, c’est que nous appelons aussi prudents ceux qui le sont en un domaine déterminé, quand ils calculent avec justesse en vue d’atteindre une fin particulière digne de prix, dans des espèces où il n’est pas question d’art ; il en résulte que, en un sens général aussi, sera un homme prudent celui qui est capable de délibérations. Mais on ne délibère jamais sur les choses qui ne peuvent être autres qu’elles ne sont, ni sur celles qu’il nous est impossible d’accomplir ; par conséquent s’il est vrai qu’une science s’accompagne de démonstration, mais que les choses dont les principes peuvent être autres qu’ils ne le sont n’admettent pas de démonstration (car toutes sont également susceptibles d’être autrement qu’elles ne sont), et s’il n’est pas possible de délibérer sur les choses qui existent nécessairement, la prudence ne saurait être ni une science, ni un art : une science, parce que l’objet de l’action peut être autrement qu’il n’est ; un art, parce que le genre de l’action est autre que celui de la production. Reste donc que la prudence est une disposition, accompagnée de règle vraie, capable d’agir dans la sphère de ce qui est bon ou mauvais pour un être humain. Tandis que la production, en effet, a une fin autre qu’elle-même, il n’en saurait être ainsi pour l’action, la bonne pratique étant elle-même sa propre fin. C’est pourquoi nous estimons que Périclès et les gens comme lui sont des hommes prudents en ce qu’ils possèdent la faculté d’apercevoir ce qui est bon pour eux-mêmes et ce qui est bon pour l’homme en général, et tels sont aussi, pensons-nous, les personnes qui s’entendent à l’administration d’une maison ou d’une cité. De là vient aussi le nom par lequel nous désignons la tempérance (sôphrosunè), pour signifier qu’elle conserve la prudence (sôzousa tènphronèsin), et ce qu’elle conserve, c’est le jugement dont nous indiquons la nature : car le plaisir et la douleur ne détruisent pas et ne faussent pas tout jugement quel qu’il soit, par exemple le jugement que le triangle a ou n’a pas ses angles égaux à deux droits, mais seulement les jugements ayant trait à l’action. En effet, les principes de nos actions consistent dans la fin à laquelle tendent nos actes ; mais à l’homme corrompu par l’attrait du plaisir ou la crainte de la douleur, le principe n’apparaît pas immédiatement, et il est incapable de voir en vue de quelle fin et pour quel motif il doit choisir et accomplir tout ce qu’il fait, car le vice est destructif du principe. Par conséquent, la prudence est nécessairement une disposition, accompagnée d’une règle exacte, capable d’agir, dans la sphère des biens humains. (Ethique à Nicomaque) 

 

Conclusion:

 

L’option qui est celle adoptée dans ce cours a été d’aborder la philosophie comme une enquête en examinant la confrontation entre trois hypothèses: sensualiste relativiste, matérialiste rationaliste et idéaliste, et d’en montrer les limites. Ces trois hypothèses permettent de construire une modélisation des principaux débats sur l’ensemble des champs philosophiques. Ainsi, à l’hypothèse sensualiste relativiste dans le domaine gnoséologique correspond un hédonisme dans le domaine pratique. A l’hypothèse matérialiste rationaliste dans le domaine théorique correspond une critique de l’illusion morale dans le domaine pratique. Enfin à l’idéalisme en théorie de la connaissance correspond un idéalisme moral.

L’option qui a orienté la discussion a été celle de savoir comment il était possible de passer d’une opposition de perspectives en débats à l’établissement d’un consensus. L’établissement d’un tel consensus passe par une discussion argumentée qui constitue une tentative de sortir du point de vue subjectif afin de produire une connaissance objective, valable pour tous, c’est-à-dire rationnelle. Cette option suppose de poser l’hypothèse d’une possible adéquation entre le discours rationnel et la réalité. En effet, sans cette adéquation à la réalité, le discours ne peut sortir d’un subjectivisme relativiste.

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