Des définitions à la problématisation

Bien souvent une des difficultés rencontrée lors de la rédaction de l’introduction par

les élèves réside dans l’articulation entre les définitions et la formulation du problème

philosophique. 

 

1 – La définition des termes dans l’introduction consiste le plus souvent à partir d’une

définition générale qui serait celle du sens commun et que l’on va remettre en cause

au cours du développement.

2 – Pour que la définition permette de dégager le problème philosophique, il faut

distinguer la notion centrale du sujet et la partie du sujet qui qualifie de la notion

centrale. Or il s’agit de montrer dans quelle catégorie plus générale se situe cette

qualification de la notion et à quelle autre catégorie générale, elle s’oppose.

3- Il s’agit de montrer comment la définition de la notion centrale lui permettrait

en apparence de rentrer dans l’une ou l’autre de ces deux catégories générales opposées

et que c’est bien là que réside le problème.

4 – Il s’agit alors de formuler le problème sous forme interrogative à partir de

l’opposition entre ces deux catégories générales.

 

Exemple 1: Le bonheur consiste-t-il dans la recherche du plaisir ?

– Le plaisir: sensation physiologique agréable. Le plaisir provient donc des sens.

Or l’être humain ne semble pas être qu’un être doué de sensibilité comme les autres

animaux, il a également la capacité de raisonner.

– Le bonheur est pour sa part un sentiment de plénitude qui constituerait le but idéal

de toute vie humaine.

Par conséquent, le sujet pose le problème suivant:

– Le bonheur  pour un être humain consiste-t-il uniquement dans des sensations

agréables ou implique-t-il également de faire intervenir le raisonnement ?

 

Exemple 2: Les échanges économiques doivent-ils prendre en compte la morale ?

– La morale désigne un ensemble de règles qui rendent possibles la vie sociale

car elles nous conduisent à agir en tenant compte d’autrui. Par conséquent, la morale

semble s’opposer à l’action égoïste orientée uniquement vers l’intérêt individuel.

– L’économie a pour finalité première d’assurer les besoins vitaux des êtres humains,

donc leur intérêt.

– Néanmoins, la notion d’échange implique une relation avec autrui.

– Le sujet pose donc le problème suivant: Les échanges économiques doivent-ils tenir

compte d’impératifs altruistes ou sont-ils uniquement régis par l’intérêt égoïste ?

 

Exemple 3: L’art est-il une illusion ?

– Une illusion est ce qui nous trompe sur la réalité. L’illusion s’oppose donc à la réalité

et semble donc nous éloigner de la vérité.

– Or l’art en tant que représentation peut apparaître comme pouvant à la fois nous

exprimer la réalité, mais également comme n’étant qu’une copie de la réalité.

– Le sujet pose donc le problème suivant: L’art n’est-il qu’une représentation illusoire

de la réalité ou au contraire constitue-t-il un moyen d’accéder à une vérité

sur la réalité ?

 

 

Trois conceptualisations des notions du programme de terminale

Conceptualisation de notions de philosophie des programmes de terminale générale (serie ES et S) à partir des trois positions philosophiques de base:

 

1) Relativisme sensualiste:

Matière sensible -> intuition sensible

 

2) Rationalisme matérialiste:

Matière mécanique -> rationalité immanente

 

3) Idéalisme:

Esprit -> intuition intellectuelle

 

Notions Relativisme sensualiste Rationalisme matérialiste Idéalisme
Raison: capacité à produire des raisonnements logiques. Règles issues de l’utilité pratique Rationalité immanente à la matière Règles qui organise l’esprit humain
Réel: ce qui existe Pas de réel au-delà de l’apparence sensible (des phénomènes) Le réel se réduit à la matière Réel spirituel en plus du réel matériel
Vérité: ce qui correspond à la réalité Vérité relative = opinion Vérité = cohérence Vérité = évidence, certitude
Démonstration: (au sens strict) déduction qui permet d’établir une vérité par le raisonnement Montrer, c’est démontrer Démonstration = cohérence logique Démonstration = intuition et cohérence logique
Matière: (sens commun): substance qui est perceptible par les sens.  Ce qui apparaît aux sens Ce qui est étudié par la science Peut-être en définitif immatériel (idéalisme absolu)
Esprit: substance immatérielle caractérisée par l’intentionnalité (capacité à déterminer des finalités)  L’esprit est le produit de l’expérience sensible. Réductible à la matière Principe immatériel.
Vivant: (par opposition à la matière interte) le vivant se caractérise par des propriétés spécifiques telles que l’auto-organisation ou la reproduction.  Principe spécifique de mouvement capable d’auto-organisation Réductible à un mécanisme Principe spirituel organisé selon une finalité
Interprétation: activité qui consiste à établir le sens d’une action ou d’un discours.  Produit de la projection des normes d’un vivant sur son milieu L’interprétation s’oppose à la méthode des sciences de la nature qui repose sur l’explication.

Expliquer: établir le fait antérieur (la cause) qui a produit un fait donné.

Comprendre le sens par intuition intellectuelle
Nature: a) tout ce qui existe b) ce qui s’oppose à la culture Ensemble de ce qui existe en constant changement Ensemble de ce qui existe régit par des lois rationnelles Tout ce qui n’est pas la culture et qui est progressivement humanisé
Culture: a) (sens large) ensemble des pratiques humaines b) (sens restreint) la culture générale, c’est à dire les productions intellectuelles Diversité des cultures selon les sociétés. Ensemble des faits spécifiquement humains organisés selon des lois rationnelles Produit de l’esprit humain.

La culture générale = les productions intellectuelles que devrait connaitre tout être humain cultivé.

Histoire: a) récit fictif b) devenir de l’humanité c) science qui étudie le passé de l’humanité Processus continu se déroulant sans rationalité, livré au hasard. Processus rationnel qui peut être expliqué Processus organisé selon une finalité ou impliquant des actions orientées selon un sens.
Travail: (sens commun) activité pénible, emploi qui sert à gagner de l’argent en vue de satisfaire des besoins primaires et secondaires.  Activité pénible servant à satisfaire les besoins humains

Loisir: temps de divertissement

Processus par lequel l’être humain transforme la nature et se transforme Loisir: activités de l’esprit par lesquelles l’être humain se réalise en tant qu’être spirituel
Technique: mise en oeuvre efficace de moyens en vue de réaliser une fin.  Produit d’une activité empirique par laquelle les être humain fabrique des outils en vue de satisfaire ses besoins. Produit des applications de la science moderne (techno-science) Produit d’une activité humaine qui suppose l’esprit car elle est organisée selon une finalité
Religion (etymo: religaré, relier): ensemble de croyances et d’institution sociales liées à ces croyances Opinions relative. Illusion correspondant à un besoin empirique Réalité objective ayant une fonction de cohésion sociale

ou

Illusion masquant des rapports d’exploitation économiques

Produit d’un sentiment intellectuel: la foi
Art: activité qui a pour finalité la création d’oeuvres esthétiques (qui valorise la forme).  – Se confond avec l’artisanat: activité l’utile.- Objet d’un plaisir sensible

-Illusion sensible exaltant la vie et rendant plus supportable le tragique de l’existence

– Produit de l’imagination

Activité qui produit du beau selon des règles objectives – Activité qui idéalise la réalité.- Activité désintéressée- Objet d’un jugement intersubjectif

– Suppose une inspiration d’origine transcendante

 

 

Langage: capacité à utiliser une langue. 

Langue: système de signes

– Concepts qui découpent arbitirairement la réalité (conventions)- Instrument de communication – Médiation qui constitue la condition de possibilité réfèrer à la réalité – Concepts qui découpent arbitrairement la pensée intuitive

ou

Processus qui suppose la pensée (les animaux n’ont donc pas de langage)

Politique (polis, la cité): ce qui est relatif aux affaires de la cité Techniques visant à la prise du pouvoir et à sa conservation Science du gouvernement Action orientée vers l’établissement de la justice
société: a) association d’individus b) communauté qui dépasse les individus association d’individus en vue de la réalisation d’un intérêt. Forme naturelle d’organisation des êtres humains mettant en oeuvre selon des règles rationnelles (ethnologie) Forme d’organisation collective proprement humaine.
Echanges: relation de réciprocité entre deux ou plusieurs personnes Conventions réciproques visant à la satisfaction des besoins (Contrat économique, marché) Relation en apparence égalitaire qui masque un rapport de domination Action réciproque créant une obligation morale
Etat: forme d’organisation politique et administrative hiérarchisée et centralisée chargée d’organisée la société Peut apparaître comme brimant les intérêts immédiats des individus Rapport de domination Réalité transcendante à la société pouvant en apparaître comme l’intelligence coordinatrice

ou

Produit d’un contrat supposant des volontés autonomes

Droit: ensemble de règles devant régir les sociétés humaines Coutumes Règle de droit d’une société donnée: droit positif Droit naturel
Justice: a) idéal moral qui norme le droit positif (le droit naturel) b) ensemble des institutions judiciaires (tribunaux) Idéal relatif à chaque société Norme produit par une société donnée dans des conditions données Idéal absolu vers lequel doit tendre l’organisation de la société et que doit faire appliquer l’Etat
Sujet: ce qui dit « je » et qui serait au principe des pensées et des actions individuelles.  Sujet sensible Sujet matériel (mécanique) Sujet intelligible (esprit)
Conscience (avec savoir): état de veille.

Deux champs de la conscience:

Conscience psychologique: conscience de la réalité. 

Conscience morale: conscience du bien et du mal

Conscience sensible: conscience caractérisée par une perception sensible de soi et du monde extérieur (existe également chez les animaux) Réductible à la matière Principe spirituel

Conscience réflexive: retour dont est capable l’être humain sur sa propre existence et l’existence du monde extérieur.

Inconscient: a) absence de conscience b) ce qui n’est pas conscient c) (au sens de Freud) partie du psychisme qui résiste à la conscience Force vitale qui traverse tous les êtres vivants Hypothèse scientifique Incompatible avec la notion de conscience
Désir: tendance qui nous pousse ou orientée vers une fin  Désigne le besoin chez les êtres humains Besoins culturels. Défini comme un état de manque insatiable orienté vers une finalité
Autrui: a) l’autre moi-même, le semblable b) celui qui est différent de moi Apparaît comme différent Semblable du point de vue de sa nature physique Semblable en tant que personne spirituelle
Morale (au sens strict): ensemble de règles universelles ayant pour finalité d’établir le devoir relatif à la réalisation du bien vis à vis d’autrui.  Règles de vie relatives à chaque individu (éthique)

Règles de vie propres à chaque sociétés (les moeurs)

Règles établies par la raison Règle établit par un sentiment intellectuel intuitif
Liberté: absence de contrainte Faire ce qui nous plaît. Agir en cherchant son plaisir. Processus par lequel un individu apprend à se gouverner par la raison Libre arbitre = liberté absolue de la volonté
Devoir: ensemble de règles qui soumettent l’individu à un impératif auquel il doit obéir Règles que doivent respecter les individus relatives chaque sociétés (devoirs sociaux: moraux, juridiques, civiques…) Règle de vie établie par la raison

ou norme qui ne peut être établie qu’à partir de la nature

(néanmoins cela pose le problème du passage de l’être au devoir-être: problèmes pour tirer le devoir des faits naturels)

Sentiment absolu établi par l’intuition intellectuelle
Bonheur: idéal de plénitude à la fois physique et moral Plaisir sensible Règle de vie établie par la raison

ou Idéal de l’imagination et non de la raison

Extase mystique (béatitude)

 

Définir, problématiser, argumenter

(Exemple de sujet :La morale a-t-elle sa place dans les échanges économiques ?)

 

 

1)      Définir :

 

Pour produire la définition d’un terme, il est possible de procéder en effectuant des distinctions internes et externes :

 

a) Les distinctions externes consistent à définir une notion en la distinguant d’autres termes qui lui sont proches.

 

Exemple : la morale et le droit : les deux nous disent ce que nous devons faire, nous imposent des obligations, mais la morale n’implique pas de sanctions juridiques. Si sanction il y a, elle est informelle.

 

Pour vérifier la validité de la définition, il est possible de la vérifier à partir d’exemples ou des phrases de la vie courantes:

« Ce qu’il a fait, ce n’est pas bien, ce n’est pas moral ».

 

Définition : La morale peut être définit comme un ensemble de règles qui nous devons suivre pour bien agir et éviter le mal.

 

b) Les distinctions internes : elles consistent à établir au sein d’une même notion des différences de sens :

 

Exemple : Les échanges

 

–         Ainsi, s’il y a des échanges économiques, c’est qu’il y a des échanges qui ne sont pas économiques. Si l’on veut définir la notion d’échange dans toute son extension, il faut alors essayer de déterminer quels sont ces différents types d’échanges :

 

– Echanges économiques : – échanges de biens matériels

– échanges de services

qui peuvent être monétaires ou non-monétaires (troc).

 

– Echanges non-économiques : échanges pour lesquels il n’est pas possible de déterminer un équivalent monétaire. On peut supposer qu’un échange non-économique, c’est un échange qui ne peut pas être évalué par un équivalent monétaire.

 

Pour vérifier, la validité des définitions, il est possible de chercher s’il y a des contre-exemples qui les invalident ou qui demandent à les modifier.

 

2) Problématiser et conceptualiser:

 

Le problème philosophique peut être analysé comme le produit d’une différence de conceptualisation d’une même notion.

 

Les échanges économiques:

 

Soit

= ils accordent une place à la morale

= cad aux règles qui déterminent le bien et le mal

= à l’altruisme

 

Soit:

= il n’accordent pas de place à la morale

= ils ne visent que l’enrichissement personnel

= ils sont régis par l’égoïsme

 

Deux concepts de l’échange économique :

 

-L’échange économique est-il uniquement un échange régie par la recherche de l’intérêt personnel

Ou

-L’échange économique est-il un échange dans lequel il rentre ou il devrait rentrer en compte des considérations morales altruistes.

 

3) Dégager les enjeux: 

 

Les enjeux peuvent être énoncés sous la forme d’ une aporie (impasse) à partir des conséquences de chaque thèses:

– Si la morale n’a pas sa place dans les échanges économiques, alors les échanges économiques pourraient être injustes et ne servir qu’à enrichir certains.

– Au contraire, si la morale a sa place dans les échanges économiques, alors les échanges économiques seraient soumis au souci de ne pas nuire à autrui, mais au risque de ne plus pouvoir assurer efficacement les besoins de la société.

Il est possible d’énoncer l’aporie entre deux enjeux opposés sous la forme d’un dilemme:

Doit-on se soucier avant tout de justice sociale ou d’efficacité économique ?

4)      Etablir les limites des deux thèses et construire un plan

 

a)      Les limites :

 

–         La recherche de l’intérêt personnel pourrait conduire à un individualisme qui détruirait la société.

 

–         La morale dans les échanges économiques pourrait conduire à une inefficacité économique qui finirait par ne plus permettre de subvenir aux besoins économiques de la société

 

La troisième partie du devoir conduit donc à tenter de dépasser ce problème : la solidarité sociale peut-elle être conciliable avec la satisfaction des besoins matériels d’une société ?

 

b)      Construire un plan : 

 

I-     La recherche de l’intérêt égoïste nuit à la vie sociale

II-     La moralisation économique peut mettre en péril la réalisation de la satisfaction des besoins matériels nécessaires à la survie.

III-     La conciliation entre l’impératif de solidarité et de satisfaction des besoins matériels.

 

Des auteurs ont proposé des solutions diverses à ce problème déterminant ainsi des courants idéologiques divergeant : Adam Smith et la main invisible, Durkheim et l’Etat rudistributeur…

 

5) Argumenter :

 

Chaque partie défend une thèse et entre chaque partie, il doit y avoir une transition qui effectue le passage d’une partie à l’autre. Cette transition est construite sur les bases de la limite de chaque thèse.

 

Les parties comprennent des paragraphes dont la construction obéit généralement au schéma suivant :

–         Idée directrice (thèse)

–         Argument

Exemple

Idée conclusive

 

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