Février 2007
Soleiman
Malaga, Andalousie
Espagne
A Jamal,
Mon cher frère,
Espoir J’espère de tout cœur qu’il n’est pas trop tard et que tu pourras lire ma lettre, car je t’apporte de bonnes nouvelles ainsi que de l’argent. Après un long et difficile voyage, j’ai réussi : je suis en Europe, Jamal ! J’ai trouvé un travail et me suis installé en Espagne depuis peu.
Espoir Mon parcours a été bien plus compliqué que prévu : en effet après être arrivé en Libye, j’étais dans un camion à destination d’Al-Zuwarah mais les hommes du camion se sont arrêtés au milieu de nulle part, ont fait descendre les voyageurs et les ont frappés. Ils ont aussi pris notre argent, puis nous ont abandonnés. J’ai cru que c’était fini et que je devrais retourner chez moi plus pauvre encore qu’auparavant.
Espoir A ce moment, j’ai rencontré Boubakar : un ami boiteux généreux, honnête et sincère. Il a payé ma place pour Ghardaïa : là-bas, il m’est arrivé quelque chose d’ extraordinaire ! Je marchais quand j’ai vu un homme qui attendait. Et alors j’ai su. Je ne saurais l’expliquer mais j’ai deviné que c’était une ombre de Massambalo, le dieu des immigrés. Alors, je lui ai offert ton collier de perles vertes, il m’a porté chance. C’est en pensant à cela, à mon ami Boubakar et à toi que j’ai continué ma route et gardé espoir d’atteindre enfin un jour l’Europe.

Espoir Boubakar et moi nous sommes donc rendus à Oujda, au Maroc, et nous avons rejoint un groupe de clandestins qui, comme nous, voulaient rejoindre l’Europe. Mais des policiers sont arrivés en ville, et nous avons décidé de passer la frontière entre le Maroc et Ceuta le plus vite possible pour enfin être libres, et ne plus craindre les matraques des policiers. Une nuit, nous sommes passés à l’acte : nous avons d’abord attendu des heures sans bouger, puis dès que nous avons entendu le signal, nous avons couru. Cinq cents hommes dévalaient la colline. En arrivant à la barrière, je mis mon échelle contre les barbelés. Je grimpai le plus vite possible, sans craindre les policiers qui tiraient. Mais Boubakar était coincé, alors je suis retourné l’aider. 
Espoir Mais ce n’est pas tellement lui que j’ai sauvé : c’est moi. J’aurai été un misérable de passer et de l’abandonner. Je n’aurais pas mérité de passer la frontière. De plus, Boubakar m’a sauvé : après avoir franchi la première barrière je me croyais en enfer : les assaillants arriv aient toujours plus nombreux ; nous étions entassés entre les deux grilles, sans pouvoir aller nulle part. Les policiers espagnols frappaient tout le monde, on ne pouvait plus s’échapper. La foule se piétinait. J’ai cru q ue j’allais mourir. Mais j’ai vu un trou où l’on pouvait passer. Très difficilement, mais on pouvait. Boubakar est passé, mais quand ce fut mon tour, des policiers voulurent se poster devant le trou. Ils me frappèrent ; mais furent bousculés par la foule. Alors Boubakar me prit les poignets et me tira de toutes ses forces. Grâce à lui, je suis passé.
Espoir Tu pourras conter ce récit chez nous, et j’espère que tu seras fier de pouvoir dire: « Voilà l’histoire de mon frère, il est passé de l’autre côté des frontières. »
Espoir Je pense à toi, mon frère.
Soleiman
Source images : 1 & 2