Ah, il y a des jours où j’aimerais être bloggeuse professionnelle, consacrer mon temps à vous proposer des pistes et des jeux et ne pas avoir à m’occuper de tout le reste (qui me passionne aussi, en général, sauf en ce qui concerne les questions administratives…)
Je vole du temps au temps pour répondre à Camilo, qui m’écrit pour demander mon avis à propos de jeux sur le passé simple: « Je voudrais proposer un jeu à mes étudiants pour l’abord du passé simple. Malheureusement, je ne trouve pas un jeu adapté pour ce temps verbal. […] Pourriez-vous me donner quelques pistes? »

J’inscris d’emblée cette problématique dans celle, plus générale, des temps de la narration, dans la mesure où aborder le passé simple implique travailler sur ses formes mais aussi et surtout sur son sens, qui ne s’éclaire que vis-à-vis des autres temps de la narration (je ne parle pas des « temps du passé » tout court dans la mesure où le présent et le futur servent eux aussi à raconter, en introduisant des nuances de sens.)
Bien sûr, le passé simple est généralement abordé à des niveaux avancés, car il est peu employé à l’oral et dans les écrits de la vie courante, et on le rencontre principalement en littérature. Or, avez-vous pensé que les jeunes enfants francophones sont confrontés au passé simple dès leur plus jeune âge, avec les contes et légendes? Il faudrait écrire tout un article sur la question, mais je vais essayer de faire bref et me concentrer sur la dimension ludique.
D’abord, il est indispensable de clarifier si nécessaire pour soi-même en tant que prof les formes et les valeurs du passé simple. Alors que la plupart des sites mentionnent l’opposition PS/Imparfait (proche de celle PC/Imparfait), peu précisent l’opposition PS/PC. Même si elle est un peu technique, j’aime bien l’explication fournie sur un site pour finnophones (http://research.jyu.fi/grfle/409.html), qui indique:
« Le passé simple s’utilise comme temps de la narration dans l’énonciation de récit (par opposition à discours […] ), en dehors de la situation de deixis. On pourrait dire en quelque sorte que le passé simple est le temps de la narration «?artificielle?», car il se rattache toujours à une narration qui se pose comme narration, qui se dit comme narration (roman, récit journalistique ou historique, etc.), qui ne fait plus partie du système du présent, mais d’une ligne de narration virtuelle. Le passé simple est le temps du non-déictique, c’est un passé qui se place à un niveau temporel indéfini par rapport au «?je ici et maintenant?» du locuteur (cf. l’ancien nom de «?passé indéfini?»). C’est typiquement le passé de la narration écrite romanesque ou du récit historique. En français moderne, le passé simple s’utilise exclusivement à l’écrit […]). »
Mon conseil est donc d’inscrire le travail autour du passé simple dans une séquence consacrée à la « narration narrative » (conte, récit historique…). Pour des étudiants non littéraires, les contes et légendes traditionnels peuvent être un bon filon, dans la mesure où il s’agit de textes courts, souvent attrayants et humoristiques, et qui trouveront probablement écho dans les traditions narratives locales. Je pense par exemple aux histoires de Djeha (tapez « histoires de Djeha » sur votre moteur de recherche préféré, vous en trouverez des centaines), mais il y en a des milliers à exploiter. (L’image plus haut illustre l’une des histoires de Djeha que j’aime: http://journaldunkorrigan.free.fr/blog/index.php/2006/09/30/108-djeha-hoja-nasreddin-son-fils-et-lane)
Pour systématiser la conjugaison ou les valeurs des temps, il est possible par exemple, après avoir lu ou écouté diverses histories courtes, d’inventer une histoire collective à trous: l’animateur mène le récit, s’arrête à des moments clés, recueille les propositions, choisit celle qui fait avancer le mieux son histoire et attribue un point à l’équipe qui a avancé cette proposition. Par exemple « Il était une fois, dans un royaume très lointain, un roi. Un roi riche et puissant, admiré et craint, qui pourtant, n’était pas heureux. En effet, il [?] (il n’avait pas d’enfants/il se sentait vieux et fatigué/il cachait un chagrin dans son coeur/il était avare et méfiant/il… » Furieux, il [?] puis il [?]. Son meilleur ami et conseiller lui [?] etc. » L’équipe ayant remporté le plus de points gagne.
Il y a aussi tous les jeux de cartes basés sur un principe narratif, dont le plus célèbre, Il était une fois: http://www.trictrac.net/jeu-de-societe/il-etait-une-fois-/infos
Puis il y a le jeu du mot intrus, dont je propose une version destinée aux ados, Bobos d’ados, dans mes propres ressources pour la classe; il faudrait prévoir des canevas différents, axés sur le conte ou la légende, ou encore sur le récit historique.
Ou encore le récit arborescent, dont vous avez un exemple ici: http://www.ac-grenoble.fr/lirecrire/spip.php?article37
Des stagiaires ont élaboré une fiche sur « le conte éclaté »: http://lewebpedagogique.com/jeulangue/files/2011/01/FRConteEclate.pdf
Il y a encore de multiples pistes à explorer, mais je m’en tiendrai là pour l’instant, d’autant plus que dans pas longtemps je devrais vous annoncer la mise en ligne d’une plateforme pour travailler autour de la thétrâlisation de contes et légendes du Québec…